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Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans « Squabble Up »

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Dans « Squabble Up », Kendrick Lamar rend hommage au G-Funk et à Nate Dogg à travers un clip truffé de références culturelles et historiques. Découvrez ses messages cachés !

Kendrick Lamar et l’univers de « Squabble Up »

Kendrick Lamar a encore frappé, mais cette fois avec une élégance toute west coast. Squabble Up, son dernier clip, n’est pas juste une œuvre visuelle : c’est un voyage. On n’y trouve pas seulement l’ADN de Compton, mais celui de toute une culture. Entre hommage, références bien senties et vibe authentique, Kendrick montre qu’il connaît son histoire – et surtout, qu’il sait la transmettre.

Au centre de ce voyage, un nom revient : Nate Dogg. Pas besoin de grandes annonces, sa présence plane sur le clip. Une pochette d’album géante, des échos du G-Funk dans l’air, et cette touche indélébile qu’il a laissée sur la musique. Kendrick ne fait pas juste un clin d’œil à Nate, il le positionne comme un pilier, comme une source d’inspiration toujours vivante.

Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"

Dès les premières secondes, le ton est donné. Kendrick nous plante un décor qu’il connaît par cœur : la 105 Freeway, les noms qui s’enchaînent – Central, Wilmington, Long Beach. Ce n’est pas juste un plan pour faire joli, c’est une carte postale sonore de son univers, celui qui l’a façonné. Les quartiers de Compton ne sont pas des arrière-plans, ce sont des personnages à part entière dans l’histoire de Kendrick.

Le choix des couleurs n’est pas anodin non plus. Le dodger blue, omniprésent, n’est pas juste un hommage à l’équipe de baseball de Los Angeles. C’est une couleur qui parle d’appartenance, de fierté locale, mais aussi de la complexité des alliances et des tensions dans la rue. Kendrick joue avec ces symboles, rappelant que son art est ancré dans le réel.

Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"

Là où Kendrick impressionne, c’est dans sa manière d’étendre le récit au-delà de Compton. Avec une scène mettant en avant les fameux scraper bikes, il fait un clin d’œil à la culture hyphy de la Bay Area. Ces vélos customisés, icônes de la scène underground d’Oakland, San Francisco ou Vallejo, rappellent que la côte Ouest est un tout, une mosaïque où chaque région apporte sa pierre à l’édifice.

Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"
Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"

Et puis, il y a cette image recréant la pochette de Power d’Ice-T. Une référence lourde de sens. Ice-T, c’était le gangsta rap à son apogée, la brutalité des mots, la réalité crue des rues. En reprenant cette esthétique, Kendrick dit une chose claire : il est l’héritier de cette époque, mais avec sa propre sensibilité.

Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"
Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"

Mais ce qui frappe dans Squabble Up, c’est l’hommage discret mais puissant à Nate Dogg. La pochette géante de G Funk Classics Vol. 1 & 2 qui trône au centre du clip, ce n’est pas juste de la déco. C’est un rappel que Nate Dogg a changé la donne. Avec sa voix, il a adouci le gangsta rap sans jamais en diluer la force. Il a fait du refrain une arme mélodique, capable de porter un morceau au sommet.

Kendrick sait qu’il marche sur les traces de Nate Dogg. Ce n’est pas juste un hommage nostalgique, c’est une manière de dire que l’esprit de Nate est toujours là, dans chaque note, dans chaque refrain. Pour Kendrick, Nate Dogg n’est pas qu’un souvenir : il est une fondation.

Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"
Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"

Mais ce n’est pas tout. Le clip regorge de détails qui feront sourire les amateurs de hip-hop et de culture noire. Le gamin en orange avec sa casquette Pistons ? Direct sorti de Menace II Society. Les bagues « LOVE » et « HATE » façon Radio Raheem dans Do The Right Thing, mais remixées avec « HOOD » ? C’est Kendrick dans toute sa subtilité, jouant avec des symboles pour parler de loyauté et de lutte intérieure.

Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"
Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"

Et ce n’est pas fini. La piste de danse façon Soul Train, la bannière « JESUS SAVES GANGSTERS TOO!« , et même des échos du Black Moses d’Isaac Hayes. Tout est là pour rappeler que Kendrick n’est pas seulement un artiste de Compton. Il est un conteur, un historien de la culture noire, quelqu’un qui sait que l’art se construit sur ce qui est venu avant.

Kendrick Lamar : Leçon de G-Funk dans "Squabble Up"

Squabble Up, c’est bien plus qu’un clip. C’est un manifeste. Kendrick y montre qu’il est à la fois un élève et un maître, un gardien de l’héritage du hip-hop et un innovateur. Il joue avec les codes, rend hommage à ceux qui ont ouvert la voie, tout en traçant la sienne. Et surtout, il rappelle que la musique, c’est plus qu’un son. C’est une mémoire, une transmission, une manière de rester vivant à travers le temps.

Nate Dogg aurait sûrement souri en voyant ce clip. Parce que là, dans cette ambiance californienne, dans ces refrains qui vibrent encore, son héritage est bien là, porté par un Kendrick au sommet de son art. Le G-Funk n’est pas mort, et avec des artistes comme Kendrick, il ne le sera jamais.

Le G-Funk n’est pas mort, et avec des artistes comme Kendrick, il ne le sera jamais.

Pour aller plus loin dans la compréhension de l’histoire et de l’influence de la culture noire américaine, ne manquez pas « Histoire de l’Amérique Noire : des plantations à la culture rap«  de Pascal Archimede. Un ouvrage passionnant qui éclaire les racines profondes de la musique et de l’art afro-américains.

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Virgil Abloh, l’éternité d’un esprit révolutionnaire

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Virgil Abloh, premier Afro-Américain à diriger une maison de luxe, a révolutionné la mode en fusionnant luxe et streetwear. Découvrez son parcours et son héritage.

Virgil Abloh, l’icône noire du luxe et du streetwear qui a marqué la mode

Virgil Abloh, l’éternité d’un esprit révolutionnaire
Piotr Niepsuj

Le 28 novembre 2021, la mode perdait un innovateur, un créateur, un rêveur : Virgil Abloh. Deux ans après sa disparition, l’impact de son œuvre continue de résonner bien au-delà des podiums et des collaborations prestigieuses. Abloh, fils d’immigrés ghanéens, avait l’étoffe des pionniers. En transcendant les frontières entre le streetwear et le luxe, il a transformé des idées en mouvements culturels. Cet hommage vise à célébrer l’homme et son héritage, avec la conviction que sa vision demeure une source d’inspiration universelle.

Né en 1980 à Rockford, dans l’Illinois, Abloh n’était pas destiné à devenir l’icône de la mode que nous connaissons. Son premier amour était l’architecture, un domaine qu’il a étudié à l’Université de Wisconsin-Madison avant de décrocher un master à l’Illinois Institute of Technology. Mais déjà, Virgil Abloh voyait au-delà des lignes et des angles des bâtiments. Pour lui, la mode, l’art et la musique étaient des langages différents d’un même discours : l’expression de l’identité.

Cette compréhension multidimensionnelle a propulsé Abloh au carrefour des cultures. Pendant son stage chez Fendi, il croise Kanye West, une rencontre qui change le cours de sa vie. Ensemble, ils rêvent de redéfinir la créativité. Abloh devient directeur artistique de Donda, l’agence créative de West, avant de se lancer dans ses propres projets, notamment Pyrex Vision, une première tentative de mode, qui, bien que de courte durée, ouvre la voie à des collaborations stratégiques.

En 2013, Abloh fonde Off-White, une marque pensée comme un espace liminal, entre le noir et le blanc, entre le streetwear et le luxe. Loin de se contenter de produire des vêtements, Abloh injecte dans chaque création une réflexion culturelle, jouant avec des éléments de design industriel, des symboles architecturaux et des références artistiques. Les guillemets, les zips rouges et les messages minimalistes deviennent sa signature, plus qu’un logo, un manifeste.

Mais ce qui distingue réellement Off-White, c’est la capacité d’Abloh à utiliser les collaborations comme catalyseurs. Sa collection avec Nike, intitulée The Ten, redéfinit le sneaker design, transformant des modèles classiques en objets d’art. La rareté de ces paires provoque une frénésie mondiale, établissant Off-White comme un incontournable de la mode contemporaine.

Lorsqu’il est nommé directeur artistique des collections homme chez Louis Vuitton en 2018, Abloh entre dans l’histoire. Il devient le premier Afro-Américain à occuper un tel poste dans une maison de luxe française. Cette nomination est un geste politique en soi, mais Abloh va plus loin : il redéfinit les codes de la maison en intégrant des éléments de la culture urbaine.

Sa première collection pour Louis Vuitton, dévoilée dans les jardins du Palais Royal, est un moment historique. Rihanna, portant un look signé Abloh, illumine les rangs des invités tandis que des artistes comme Kid Cudi et Dev Hynes arpentent le podium. Avec cette collection, Abloh envoie un message clair : le luxe ne doit pas être un club exclusif ; il peut et doit embrasser la diversité.

Abloh n’était pas qu’un designer de vêtements. Il était aussi DJ, artiste et philanthrope. Ses collaborations avec IKEA, Mercedes-Benz, Baccarat ou encore Evian témoignent de son désir de transcender les limites du design. Son exposition Figures of Speech, présentée dans des institutions prestigieuses comme le Museum of Contemporary Art de Chicago, explore son univers créatif, mêlant mode, art et activisme.

DJ prolifique, il jouait dans les clubs les plus branchés du monde, apportant son énergie créative à chaque set. Par ses actions philanthropiques, comme la création du Virgil Abloh « Post-Modern » Scholarship Fund, il a œuvré pour ouvrir les portes de l’industrie de la mode à la nouvelle génération de créateurs noirs.

La disparition d’Abloh des suites d’un cancer rare a laissé un vide immense. Pourtant, son héritage continue d’inspirer. Les collections qu’il a imaginées pour Louis Vuitton restent des références, et Off-White maintient son statut iconique. Mais au-delà des vêtements, c’est son approche, son audace et sa vision qui perdurent.

En repensant la mode comme un espace où l’art, la culture et l’identité se rencontrent, Abloh a ouvert de nouvelles perspectives. Il a prouvé qu’être un outsider pouvait être une force, que les rêves d’un enfant d’immigrés pouvaient redéfinir une industrie tout entière.

Dans une époque où les frontières culturelles et créatives s’estompent, Abloh nous rappelle que l’art, sous toutes ses formes, est un langage universel. Il reste une figure emblématique, un phare pour ceux qui aspirent à repousser les limites, à créer du sens et à construire un monde où chaque voix peut être entendue.

En ce 28 novembre 2024, alors que nous commémorons les deux ans de sa disparition, nous ne pleurons pas seulement la perte d’un créateur exceptionnel. Nous célébrons la vie d’un homme qui, par son travail, a semé des graines de changement dans les cœurs et les esprits.

Virgil Abloh, l’éternité d’un esprit révolutionnaire

Virgil Abloh n’est plus, mais son rêve continue de vivre.

L’innovation en Afrique : Classement 2024 des leaders continentaux

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Le dernier classement mondial place Maurice, le Maroc et l’Afrique du Sud en tête des pays africains faisant le plus preuve d’innovation.

L’innovation en Afrique, un moteur de développement et un levier géopolitique

Le dernier classement de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) sur l’innovation met en lumière un aspect crucial du développement africain. Parmi les 133 pays évalués, dix nations africaines se démarquent, avec Maurice, le Maroc et l’Afrique du Sud en tête. Ce classement illustre non seulement les disparités en matière d’innovation sur le continent, mais aussi le potentiel inexploité de l’Afrique dans ce domaine, au croisement des enjeux géopolitiques, économiques et culturels.

Maurice, leader incontesté de l’Afrique innovante

L’innovation en Afrique : Classement 2024 des leaders continentaux
Université de technologie, Maurice

En 2024, l’île Maurice se classe 55ᵉ au niveau mondial, confirmant sa place de leader africain en matière d’innovation. Avec un score de 30,6, cette petite nation insulaire démontre que la taille géographique ne limite pas la performance économique et technologique. Maurice a su diversifier son économie, investir dans l’éducation de qualité et créer un environnement favorable aux entreprises technologiques et aux startups. Ce modèle repose sur une gouvernance stable et une politique fiscale attrayante qui attirent les investissements étrangers.

Mais Maurice n’est pas seulement un paradis fiscal. Elle s’affirme comme une plateforme stratégique entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, en s’appuyant sur des secteurs comme les technologies financières, la biotechnologie et les énergies renouvelables.

Le Maroc et l’Afrique du Sud : moteurs régionaux

L’innovation en Afrique : Classement 2024 des leaders continentaux
Le secteur technologique sud-africain bénéficie d’une augmentation des investissements de la part des sociétés de capital-investissement (source : HERE Technologies).

En deuxième position africaine et 66ᵉ mondiale, le Maroc renforce son rôle de hub technologique et industriel en Afrique du Nord. Rabat a investi massivement dans l’infrastructure numérique et le développement des énergies renouvelables, notamment à travers des projets comme Noor Ouarzazate, le plus grand complexe solaire au monde. Ce dynamisme illustre la capacité du Maroc à allier innovation et transition énergétique pour renforcer son poids économique régional.

L’Afrique du Sud, troisième au niveau africain, est un acteur clé en Afrique subsaharienne. Avec un score de 28,3, elle conserve une avance grâce à son secteur technologique robuste et ses institutions universitaires de renom. Toutefois, les inégalités sociales et la corruption restent des obstacles majeurs à une croissance plus inclusive.

Les surprises du classement : le Sénégal et le Cap-Vert

L’innovation en Afrique : Classement 2024 des leaders continentaux
Le chantier de la Maison des Nations-Unies à Diamniadio, à une quarantaine de km de Dakar

Le Sénégal (8ᵉ en Afrique) et le Cap-Vert (7ᵉ) se démarquent comme des nations en émergence sur la scène de l’innovation. Le Sénégal mise sur des initiatives telles que le parc technologique de Diamniadio et l’investissement dans l’éducation STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques). En parallèle, le Cap-Vert, malgré des ressources limitées, utilise sa position géographique pour attirer des entreprises axées sur les énergies propres et les technologies marines.

Les défis structurels de l’innovation africaine

Malgré ces succès, le classement OMPI révèle également les limites auxquelles l’Afrique est confrontée en matière d’innovation. L’insuffisance des infrastructures, le manque de financement pour la recherche et le développement (R&D) et les faibles taux de scolarisation dans les domaines techniques freinent le potentiel du continent.

Par ailleurs, la fuite des cerveaux reste une problématique majeure. Beaucoup de talents africains préfèrent s’expatrier vers des pays où les opportunités d’emploi et les infrastructures de recherche sont mieux développées. Cette hémorragie prive le continent de ressources humaines précieuses pour accélérer son développement technologique.

Un levier géopolitique sous-exploité

L’innovation ne se limite pas à la sphère économique. Elle constitue également un levier géopolitique majeur. Les pays africains qui investissent dans des technologies stratégiques, comme les énergies renouvelables, la fintech et les biotechnologies, peuvent accroître leur influence sur la scène internationale. Par exemple, la Tunisie (4ᵉ en Afrique) utilise son potentiel technologique pour renforcer ses liens commerciaux avec l’Europe et les pays du Golfe.

Dans ce contexte, des partenariats Sud-Sud, comme ceux entre le Maroc et l’Afrique de l’Ouest, émergent comme des solutions prometteuses pour partager les ressources et les connaissances en matière d’innovation.

L’innovation africaine à l’ère du changement climatique

Le changement climatique exacerbe les défis structurels de l’Afrique, mais il ouvre également des opportunités pour l’innovation. Les pays africains peuvent tirer parti de leur exposition aux défis climatiques pour développer des technologies adaptées, comme l’agriculture intelligente ou la gestion durable des ressources en eau.

Des initiatives locales, telles que l’utilisation de drones pour surveiller les cultures en Afrique de l’Est ou les technologies de dessalement au Cap-Vert, démontrent que l’innovation peut répondre aux besoins spécifiques du continent tout en renforçant sa résilience.

Une dynamique à consolider

Le classement OMPI 2024 montre que l’Afrique a des îlots de succès en matière d’innovation, mais qu’elle doit surmonter des défis importants pour réaliser son plein potentiel. En investissant dans l’éducation, en favorisant l’inclusion numérique et en créant des cadres législatifs propices à l’innovation, les pays africains peuvent transformer leur potentiel en réalité.

Le chemin est long, mais des nations comme Maurice et le Maroc prouvent que l’innovation peut devenir un pilier central du développement africain. Si le continent parvient à combiner sa jeunesse dynamique, ses ressources naturelles et une vision stratégique, il pourrait devenir une puissance mondiale de l’innovation au XXIᵉ siècle.

Notes et références :

  1. Rapport de l’OMPI – Indice mondial de l’innovation 2024
    Ce classement est publié chaque année par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Il évalue 133 économies sur des critères tels que les infrastructures, la créativité et les résultats de l’innovation.
    ➡️ Site officiel de l’OMPI
  2. Banque mondiale : L’innovation comme moteur de croissance en Afrique
    Analyse des investissements dans la R&D, l’éducation et l’impact de l’innovation sur la croissance économique.
    ➡️ Banque Mondiale – Innovation en Afrique
  3. Maurice : Une économie résiliente et innovante
    Études sur la diversification économique de Maurice, axée sur les technologies financières, les biotechnologies et les énergies renouvelables.
    ➡️ Rapport économique de l’OCDE sur Maurice : OECD
  4. Maroc : Transition énergétique et innovation
    Le Maroc est un leader en Afrique grâce à des projets comme Noor Ouarzazate (complexe solaire) et ses investissements dans les startups.
    ➡️ Agence marocaine de l’énergie solaire
  5. Afrique du Sud : Innovation et inégalités
    Le pays combine un secteur technologique dynamique avec des défis sociaux et économiques.
    ➡️ Rapports économiques et technologiques de The Africa Report : The Africa Report
  6. Sénégal : Diamniadio et le Plan Sénégal Émergent
    Le parc technologique de Diamniadio et les efforts pour renforcer l’éducation STEM illustrent les ambitions du Sénégal en matière d’innovation.
    ➡️ Gouvernement du Sénégal – Plan Sénégal Émergent
  7. Cap-Vert : Un exemple d’innovation dans un petit État insulaire
    Le Cap-Vert exploite sa géographie et ses ressources limitées pour développer les énergies propres et la technologie marine.
    ➡️ Rapports de UNCTAD (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) : UNCTAD
  8. Changement climatique et innovation
    Les innovations climatiques africaines, telles que les solutions d’agriculture intelligente et les technologies de dessalement, montrent comment le continent s’adapte aux défis climatiques.
    ➡️ Rapport du GIEC (IPCC)
  9. Fuite des cerveaux en Afrique
    Rapports de l’Union africaine et de l’UNESCO sur la migration des talents africains et ses impacts sur l’innovation locale.
    ➡️ UNESCO – Fuite des cerveaux
  10. Les défis structurels de l’innovation en Afrique
    Analyses par la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (CEA) sur les infrastructures et le financement de la R&D en Afrique.
    ➡️ CEA – Innovation en Afrique
  11. Startups africaines et capital-risque
    Étude annuelle de Partech Africa sur les investissements dans les startups africaines.
    ➡️ Partech Africa – Rapports
  12. Union africaine : Stratégie pour l’innovation
    La vision 2063 de l’Union africaine inclut un cadre pour le développement de l’innovation sur le continent.
    ➡️ Union africaine
  13. Classement régional et comparaison internationale
    Comparaisons des performances africaines avec celles des autres régions dans le Global Innovation Index.
    ➡️ Rapport complet : Global Innovation Index
  14. Initiatives de coopération Sud-Sud
    Études sur les partenariats régionaux et les échanges de technologies entre pays africains (par exemple, Maroc-Sénégal).
    ➡️ Publications de l’African Development Bank (BAD) : AfDB
  15. Publications académiques
    • Innovation in Africa: Challenges and Opportunities, par Calestous Juma.
    • The Rise of African Tech Ecosystems, par Benjamin Manirakiza.

Le nombre de déplacés internes en Afrique a triplé en 15 ans

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Avec 35 millions de déplacés internes en 2023, l’Afrique fait face à une crise complexe mêlant conflits, violences et catastrophes naturelles.

Les déplacés internes en Afrique, les ombres d’une crise invisible

En 2023, l’Afrique comptait plus de 35 millions de personnes déplacées internes, victimes de conflits, de violences et de catastrophes naturelles. Ces chiffres alarmants, rapportés par le Centre de surveillance des déplacements internes (IDMC), révèlent une crise silencieuse mais dévastatrice. Alors que le continent se prépare à affronter des défis multiples, ces déplacements reflètent les dynamiques complexes d’un monde en mutation, où les lignes entre guerre, climat et survie économique s’entremêlent.

Une explosion silencieuse : le triplement des déplacements en 15 ans

Au cours des quinze dernières années, le nombre de déplacés internes en Afrique a triplé, passant d’environ 12 millions en 2008 à 35 millions en 2023. Ces chiffres, bien que frappants, n’ont pas la même visibilité que ceux des réfugiés traversant les frontières internationales. Pourtant, les déplacés internes — qui restent dans leur pays d’origine — subissent des bouleversements comparables : perte de leurs moyens de subsistance, effondrement des structures familiales et culturelles, vulnérabilité face à l’exploitation.

Les zones les plus touchées incluent la République démocratique du Congo (RDC), l’Éthiopie, le Nigeria, la Somalie et le Soudan. Ces cinq pays concentrent 80 % des déplacés internes en Afrique, chacun confronté à des conflits persistants, des vagues de violence et des catastrophes naturelles amplifiées par le changement climatique.

Conflits et violences : le moteur historique des déplacements

La violence reste la première cause des déplacements internes. En RDC, les affrontements entre groupes armés et les incursions étrangères créent des cycles interminables de destruction et de fuite. Le Kivu, une région de l’est de la RDC, illustre l’ampleur de la crise : familles séparées, enfants soldats enrôlés de force, et communautés entières obligées de fuir leurs villages sous la menace des milices.

Au Nigeria, Boko Haram et les conflits intercommunautaires dans le nord alimentent un flux constant de déplacés. Les violences dans les États de Borno, Adamawa et Yobe, exacerbées par une réponse militaire souvent inefficace, laissent des millions de personnes sans abri ni sécurité.

En Éthiopie, la guerre civile dans la région du Tigré a poussé des millions de personnes à quitter leurs foyers depuis 2020. Les négociations de paix, bien qu’en cours, peinent à apporter une stabilité durable.

Catastrophes naturelles : le climat comme amplificateur

Le changement climatique exacerbe une situation déjà critique. Les inondations, qui représentaient 75 % des déplacements liés aux catastrophes naturelles en 2023, forcent des millions de personnes à quitter leurs foyers chaque année. Les sécheresses, responsables de 11 % des déplacements, ravagent les terres agricoles et aggravent l’insécurité alimentaire.

Dans la Corne de l’Afrique, une sécheresse historique a laissé plus de 20 millions de personnes au bord de la famine, les forçant à migrer vers des zones moins touchées. Ces déplacements ne sont pas simplement des réponses aux conditions climatiques ; ils reflètent un désespoir profond et un besoin urgent de survie.

Un chevauchement de causes : conflits et climat

Les causes des déplacements en Afrique ne sont pas exclusives. Conflits armés et catastrophes naturelles s’entremêlent souvent, formant des crises complexes où les déplacés subissent des vagues successives de bouleversements. En Somalie, par exemple, les attaques des milices Al-Shabaab coïncident souvent avec des inondations dévastatrices, piégeant les populations dans un cycle de fuite et de retour.

Ces chevauchements créent des situations où les déplacés sont bloqués dans des états de vulnérabilité prolongée. Beaucoup ne peuvent jamais retourner dans leurs foyers d’origine, construisant des vies précaires dans des camps ou des communautés d’accueil, elles-mêmes souvent sous pression.

Les conséquences économiques et sociales

Les déplacements internes pèsent lourdement sur les économies locales et nationales. Les déplacés, privés de leurs moyens de subsistance, ne peuvent contribuer économiquement, tandis que les gouvernements doivent allouer des ressources considérables à leur hébergement, leur éducation et leurs soins de santé. Les autorités locales, souvent mal équipées, peinent à gérer ces flux massifs.

Par ailleurs, ces déplacements perturbent les dynamiques sociales. Les communautés d’accueil, bien que souvent généreuses, ressentent la pression de ces arrivées massives. Les tensions peuvent s’intensifier, alimentant de nouveaux conflits. En RDC, les affrontements entre communautés locales et déplacés sont fréquents, exacerbant une situation déjà volatile.

La Convention de Kampala : une solution inexploitée

Adoptée en 2009 par l’Union africaine, la Convention de Kampala est le premier traité juridiquement contraignant au monde consacré à la protection des déplacés internes. Elle établit des normes pour prévenir les déplacements forcés, protéger les droits des déplacés et chercher des solutions durables.

Malgré sa ratification par 34 pays africains, la mise en œuvre reste un défi. Les cadres juridiques existent, mais les moyens financiers et la volonté politique font souvent défaut. La directrice de l’IDMC, Alexandra Bilak, insiste sur la nécessité d’une diplomatie renforcée et de la transformation des conflits pour résoudre cette crise.

Vers une approche intégrée

Pour répondre à cette crise, une approche intégrée est essentielle. Cela implique de traiter les causes profondes des conflits, de renforcer la résilience climatique et d’améliorer les infrastructures sociales et économiques. Les efforts de consolidation de la paix doivent être combinés avec des investissements dans l’agriculture, l’éducation et la santé pour offrir aux déplacés une chance de reconstruire leur vie.

Les partenaires internationaux ont également un rôle clé à jouer. L’aide humanitaire doit être complétée par des initiatives de développement à long terme, garantissant que les populations déplacées ne soient pas oubliées une fois les urgences passées.

Une crise humaine, pas seulement africaine

Les déplacements internes en Afrique ne sont pas un problème isolé. Ils reflètent des dynamiques globales où le changement climatique, les inégalités économiques et les conflits armés se croisent. Cette crise humanitaire exige une attention mondiale, car les solutions locales ne suffiront pas à elles seules.

En mettant en lumière cette réalité complexe, nous reconnaissons non seulement la souffrance de millions de personnes, mais aussi leur courage face à l’adversité. Les déplacés internes africains, bien que souvent invisibles, incarnent une humanité qui refuse de céder à la fatalité.

Notes et références :

  • Rapport de l’IDMC (Internal Displacement Monitoring Centre)
    Source principale des données sur les déplacés internes en Afrique. Le rapport de novembre 2023 analyse les causes principales (conflits, violences et catastrophes naturelles) et propose des solutions.
    ➡️ Site officiel de l’IDMC
  • La Convention de Kampala (2009)
    Premier traité juridiquement contraignant dédié à la protection et à l’assistance des déplacés internes en Afrique. Entrée en vigueur en 2012, elle est ratifiée par 34 pays africains.
    ➡️ Document complet disponible sur le site de l’Union africaine : au.int
  • Chiffres clés des déplacements liés aux catastrophes climatiques
    Rapport annuel sur le climat et les migrations, publié par l’IDMC et la Croix-Rouge, montrant que les inondations et les sécheresses ont multiplié les déplacements en Afrique.
    ➡️ Rapport détaillé : Climate Displacement Data
  • Études sur les conflits en Afrique
    • Human Rights Watch : Analyse des conflits armés en RDC, au Nigeria et dans la Corne de l’Afrique.
    • International Crisis Group : Recommandations pour la résolution des conflits.
      ➡️ HRW | ICG
  • Le changement climatique et les migrations forcées en Afrique
    Rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), montrant les impacts croissants du réchauffement climatique sur les populations vulnérables.
    ➡️ Résumé pour décideurs : GIEC
  • Témoignages de déplacés internes
    Les articles de terrain réalisés par des journalistes indépendants ou des ONG (Médecins Sans Frontières, Amnesty International) offrent une perspective humaine à travers des récits personnels.
    ➡️ MSF | Amnesty
  • Le rôle des institutions internationales
    • HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) : Lien entre réfugiés et déplacés internes.
    • Banque mondiale : Études économiques sur l’impact des déplacements sur les infrastructures et les économies locales.
      ➡️ HCR | Banque Mondiale
  • Données historiques sur les conflits africains
    Les archives de l’ONU et de l’Union africaine documentent les dynamiques de conflits prolongés en RDC, au Soudan et dans la région du Sahel.
  • Publications académiques
    • « Climate Change and Forced Migration in Africa » par Robert McLeman (2015).
    • « The Dynamics of Internal Displacement in Africa » par Erin Mooney (2008).

Tropikal Market 2024, la magie afro-caribéenne s’invite à Paris pour le Black Friday

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Le Tropikal Market 2024 à Paris, une célébration unique des cultures afro-caribéennes. Shopping, gastronomie, musique et découvertes vous attendent du 29 novembre au 1er décembre !

Au cœur de Paris, dans l’élégant quartier du Marais, une effervescence particulière s’empare des rues à l’approche des fêtes de fin d’année. Les 29, 30 novembre et 1er décembre 2024, le Tropikal Market, organisé par AfroZone Market, revient pour une édition exceptionnelle, transformant le 7 rue Bailly en un carrefour des cultures afro-caribéennes. Cet événement gratuit, à la croisée des talents et des traditions, promet une expérience shopping et culturelle inédite, idéale pour célébrer les fêtes sous le signe de la diversité.

Une immersion dans l’univers afro-caribéen

Tropikal Market 2024, la magie afro-caribéenne s’invite à Paris pour le Black Friday

Depuis ses débuts, le Tropikal Market s’est imposé comme un rendez-vous incontournable, offrant bien plus qu’un simple marché. Véritable vitrine des savoir-faire des diasporas africaines et caribéennes, il propose une immersion dans un univers où chaque stand raconte une histoire. Mode, beauté, bien-être, artisanat, gastronomie : les visiteurs y découvrent une sélection soigneusement élaborée, mêlant produits authentiques et innovations contemporaines.

« Le Tropikal Market n’est pas qu’un marché. C’est un lieu de rencontre, de partage, et d’inspiration », explique l’équipe d’AfroZone Market.

Cette année, l’événement coïncide avec le week-end du Black Friday, offrant des opportunités exclusives de shopping avec des promotions irrésistibles sur des produits uniques.

Une ambiance festive et familiale

À l’image de la chaleur des tropiques, l’atmosphère du Tropikal Market est à la fois festive et conviviale. Dès l’entrée, les visiteurs sont accueillis par une programmation riche et variée : animations interactives, musique live, ateliers créatifs pour enfants et adultes. Les créateurs et entrepreneurs présents sur place sont là pour raconter leurs parcours, partager leur passion et offrir une perspective unique sur leurs créations.

Parmi les attractions phares de cette édition, une tombola gratuite avec des lots exceptionnels à remporter, dont un billet d’avion aller-retour pour une destination en Afrique ou aux Antilles, en partenariat avec Billet Discount. Une chance unique de prolonger l’expérience Tropikal au-delà des frontières !

Un voyage culinaire exceptionnel

Les amateurs de gastronomie ne seront pas en reste. L’espace restauration propose un véritable voyage gustatif à travers les saveurs des zones tropicales. Des plats emblématiques comme les accras de morue, le poulet boucané ou les pâtisseries caribéennes côtoient des créations modernes, réinterprétant avec audace les traditions culinaires. Les boissons artisanales, telles que le jus de bissap ou le punch coco, viennent parfaire cette escapade gourmande.

« La cuisine est un langage universel, et au Tropikal Market, nous racontons une histoire à chaque bouchée », confie Patrick, un chef invité.

Une célébration des créateurs

Tropikal Market 2024, la magie afro-caribéenne s’invite à Paris pour le Black Friday

Le Tropikal Market est avant tout une scène ouverte pour les créateurs afro-caribéens. Bijoux, accessoires, vêtements, produits de beauté naturels et bien-être : chaque exposant offre une perspective unique sur son art et ses inspirations. Parmi eux, de jeunes talents côtoient des marques établies, tous unis par une ambition commune : valoriser leurs racines et partager leurs créations avec un public curieux et enthousiaste.

L’événement met également un point d’honneur à offrir des opportunités aux entrepreneurs. Avec des facilités de paiement pour la réservation de stands et des campagnes de communication intensives, le Tropikal Market se positionne comme un levier de visibilité et de croissance pour les marques participantes.

Un événement engagé et inclusif

Dans un monde où les identités culturelles sont souvent diluées, le Tropikal Market se distingue par son engagement à préserver et célébrer les traditions des diasporas afro-caribéennes. Plus qu’un simple marché, c’est un espace de transmission et de dialogue, où les visiteurs de tous horizons sont invités à découvrir, apprendre et s’émerveiller.

L’entrée gratuite reflète cette philosophie d’ouverture. « Nous voulons que chacun puisse vivre cette expérience, sans barrière, car la culture doit être accessible à tous », souligne l’équipe d’organisation.

Pourquoi ne pas manquer cette édition ?

Le Tropikal Market, c’est l’occasion rêvée de découvrir des idées cadeaux originales et chargées de sens, de vivre une ambiance festive et de soutenir des entrepreneurs passionnés. C’est aussi un moment pour renouer avec des traditions, ou en découvrir de nouvelles, dans une atmosphère résolument moderne et accueillante.

Informations pratiques :

Tropikal Market 2024, la magie afro-caribéenne s’invite à Paris pour le Black Friday
  • Dates : 29 novembre – 1er décembre 2024
  • Lieu : 7 rue Bailly, Paris 3e (Métro Arts & Métiers)
  • Horaires : de 10h à 20h
  • Entrée : Gratuite

Pour ceux qui souhaitent prolonger l’expérience, deux éditions par an sont prévues, avec une prochaine rencontre en mai 2025 pour célébrer la fête des mères.

Un rendez-vous à ne pas manquer

Dans un Paris en effervescence, le Tropikal Market 2024 s’impose comme l’un des événements les plus attendus de l’année. Que vous soyez en quête de produits originaux, de saveurs exotiques ou simplement d’un moment de convivialité, ce marché est une invitation à explorer et célébrer la richesse des cultures afro-caribéennes.

Alors, marquez vos calendriers et préparez-vous à vivre un week-end mémorable. Sous les lumières du Marais, le Tropikal Market vous ouvre ses portes pour une célébration où la diversité prend vie, avec une chaleur et une authenticité qui ne manqueront pas de laisser une empreinte durable.

Les Black Seminoles, l’odyssée oubliée des guerriers de la Liberté

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Découvrez l’histoire des Black Seminoles, un groupe afro-indigène méconnu ayant combattu pour la liberté et survécu à l’oppression à travers une odyssée unique.

Dans les méandres de l’histoire américaine, certains récits se sont vus éclipsés par les récits dominants. Parmi eux, celui des Black Seminoles, un groupe de descendants africains et autochtones, demeure une saga méconnue mais essentielle. Leur quête de liberté, leur détermination face à l’oppression et leur combat acharné pour préserver leur indépendance forment une histoire d’une puissance rare, un témoignage des luttes intersectionnelles pour la survie et la dignité.

Naissance d’un refuge

Les Black Seminoles, l’odyssée oubliée des guerriers de la Liberté
Lithographies des événements de la guerre des Semonoles en Floride en 1835. Publiées par T.F. Gray and James of Charleston, S.C., en 1837.

Au tournant du XVIIe siècle, les premiers indices de ce qui deviendrait une communauté Black Seminole émergent dans les marécages de la Floride espagnole. Fuyant les chaînes de la Caroline du Sud et de la Géorgie, des esclaves africains trouvèrent refuge au sein des territoires autochtones de Floride. Les Espagnols, opposés à l’esclavage pratiqué par les colonies britanniques, leur offrirent asile, terre et parfois armes, dans l’espoir qu’ils défendent leurs frontières contre les incursions coloniales.

Ces communautés florissantes, composées de Noirs marrons et d’autochtones séminoles, se forgèrent un mode de vie unique. Leurs villages, souvent isolés dans les marécages imprenables des Everglades, devinrent des bastions d’autonomie. La culture séminole et africaine s’entremêla : les Noirs adoptèrent les vêtements et traditions autochtones, tandis que les Séminoles incorporèrent les rythmes, les récits et l’agriculture africaine à leur propre culture.

L’ombre de l’oppression : Les guerres séminoles

Les Black Seminoles, l’odyssée oubliée des guerriers de la Liberté
John Horse, alias Gopher John, gravure publiée dans Joshua Reed Giddings, The exiles of Florida, or, The crimes committed by our government against the Maroons : who fled from South Carolina and other slave states, seeking protection under Spanish law, Columbus, Ohio : Follett, Foster and Co, 1858. OCLC 3529923

Si la Floride espagnole constituait un refuge pour les Black Seminoles, leur existence attira vite l’attention des puissances esclavagistes voisines. Les plantations de Géorgie et des Carolines, voyant en ces enclaves de liberté une menace à l’ordre esclavagiste, intensifièrent leurs incursions armées. Lorsque l’Espagne céda la Floride aux États-Unis en 1821, la tension culmina.

En 1830, sous l’administration d’Andrew Jackson, l’Indian Removal Act fut adoptée. Cette législation visait à déplacer les tribus autochtones de l’est du Mississippi vers des territoires de l’Ouest. Mais pour les Black Seminoles, cette politique signifiait une menace existentielle : être déportés impliquait un retour à l’esclavage. C’est ainsi qu’éclata la Seconde Guerre séminole (1835-1842), l’un des conflits les plus coûteux de l’histoire des États-Unis avant la guerre du Vietnam.

Aux côtés des Séminoles, les Black Seminoles menèrent une guérilla féroce contre les troupes américaines. Sous la direction de leaders légendaires comme John Horse, ils utilisèrent leur connaissance des marécages pour tendre des embuscades et résister aux forces fédérales. Leur détermination, alimentée par la menace constante de l’asservissement, fit dire au général américain Thomas Jesup :

« Ce n’est pas une guerre contre les Indiens. C’est une guerre contre les Nègres. »

Trahison et exode, le long chemin vers l’Ouest

Les Black Seminoles, l’odyssée oubliée des guerriers de la Liberté
Chef Coacoochee ou Cowacoochee alias Wild Cat

Malgré leur courage, la coalition séminole fut progressivement submergée par la puissance militaire américaine. Les traités signés sous la contrainte promirent aux Black Seminoles la liberté s’ils acceptaient de se rendre et de migrer avec les Séminoles en territoire indien (actuel Oklahoma). Mais une fois sur place, les promesses s’effondrèrent. L’émancipation leur fut retirée, et ils furent de nouveau menacés d’asservissement par les colons esclavagistes.

Refusant de vivre sous la domination américaine, John Horse et le chef séminole Wild Cat menèrent en 1850 un exode vers le Mexique. Après un périple de six mois à travers des territoires hostiles, ils trouvèrent refuge dans l’État de Coahuila, où le gouvernement mexicain leur offrit des terres en échange de la défense de la frontière contre les raids comanches et apaches. Là, les Black Seminoles établirent une communauté prospère, appelée El Nacimiento, marquant un nouveau chapitre de leur lutte pour la liberté.

Les Black Seminoles et l’armée américaine

Les Black Seminoles, l’odyssée oubliée des guerriers de la Liberté
Détachement de scouts séminoles noirs vers 1885. Domaine public

L’histoire des Black Seminoles ne s’arrêta pas à leur installation au Mexique. Dans les années 1870, les États-Unis, en quête de soldats pour sécuriser leur frontière sud, firent appel aux Black Seminoles, les recrutant comme éclaireurs militaires. Ces Seminole Negro Indian Scouts, connus pour leur courage et leur expertise, participèrent à plusieurs campagnes contre les tribus hostiles. Leur contribution fut si remarquable que plusieurs d’entre eux reçurent la Médaille d’Honneur, la plus haute distinction militaire américaine.

Cependant, leur service n’atténua pas les discriminations dont ils étaient victimes. Après leur démobilisation, nombre d’entre eux furent laissés sans ressources, trahis par les promesses non tenues du gouvernement américain. Beaucoup retournèrent au Mexique, où leurs descendants vivent encore aujourd’hui, préservant un héritage puissant mais méconnu.

Un héritage oublié, mais indomptable

Les Black Seminoles, l’odyssée oubliée des guerriers de la Liberté

L’histoire des Black Seminoles illustre les complexités des luttes pour la liberté dans une Amérique marquée par la violence de l’esclavage et du colonialisme. Ils furent à la fois des résistants, des négociateurs, et des bâtisseurs de communautés. Leur héritage se retrouve dans les récits de leur diaspora : des descendants vivant à Brackettville, Texas, aux communautés de Gullah-Geechee des Carolines, jusqu’à El Nacimiento au Mexique.

Mais leur mémoire a été sciemment effacée des manuels d’histoire. Leur combat, qui inclut la plus grande révolte d’esclaves de l’histoire des États-Unis et des guerres coûteuses contre les forces fédérales, n’est qu’un chapitre oublié dans une nation peu encline à célébrer les résistances collectives des Noirs et des autochtones.

Pourquoi raconter cette histoire aujourd’hui ?

Les récits des Black Seminoles ne sont pas seulement une exploration du passé ; ils éclairent les luttes contemporaines pour la justice raciale et la reconnaissance culturelle. Leur histoire révèle la force de la solidarité entre communautés opprimées, l’importance de la résistance collective, et les dangers de la trahison institutionnelle.

Elle invite également à reconsidérer les notions de nationalité et d’appartenance. Les Black Seminoles, par leurs migrations à travers les frontières coloniales, montrent que la quête de liberté transcende les limites géographiques. Leur histoire nous pousse à interroger la manière dont les récits officiels omettent ou marginalisent des voix essentielles pour construire une mémoire collective honnête et inclusive.

Les voix de l’histoire

Les Black Seminoles furent bien plus que des fugitifs ou des combattants. Ils furent des architectes d’une liberté arrachée à un système déterminé à les réduire au silence. Leur histoire, bien que négligée, résonne encore aujourd’hui, nous rappelant que même dans les contextes les plus oppressifs, il y a des voix qui refusent de s’éteindre.

En les célébrant, nous rendons hommage non seulement à leur courage, mais aussi à leur vision : celle d’un monde où la dignité humaine est non négociable. Leurs descendants, qu’ils soient au Texas, en Floride ou au Mexique, portent cet héritage comme un flambeau, illuminant les ombres d’un passé souvent effacé.

Kossi Modeste, l’artisan de la renaissance culinaire africaine

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Kossi Modeste, entrepreneur togolais, réinvente la gastronomie africaine avec Afro Cooking, We Eat Africa et l’émission « L’Afrique a du Goût », célébrant les saveurs du continent.

Dans le vaste paysage de la gastronomie mondiale, dominé par des étoiles Michelin et des traditions européennes séculaires, un homme s’efforce de redéfinir les codes. Kossi Modeste, entrepreneur franco-togolais et fondateur du magazine Afro Cooking, est devenu une figure incontournable de la scène culinaire afro-caribéenne. Avec une vision claire et une détermination sans faille, il ne se contente pas de mettre en lumière des saveurs souvent marginalisées ; il bâtit une industrie entière autour d’elles.

Un parcours forgé par les contrastes

Kossi Modeste, l'artisan de la renaissance culinaire africaine

Né à Lomé, au Togo, Kossi Modeste a grandi dans une maison où la rigueur et l’ambition étaient des valeurs cardinales. Fils de commerçants, il voit très tôt ses parents jongler entre discipline et créativité. Ce cadre familial lui inculque un esprit entrepreneurial qu’il porte avec lui lorsqu’il arrive en France à l’âge de cinq ans. Mais c’est à 17 ans, lors d’un retour forcé au Togo pour « reconnecter avec ses racines« , que Kossi découvre véritablement la richesse de son patrimoine culinaire. Ces trois années passées dans son pays natal, à fréquenter l’Institut Technique d’Électronique et de Micro-informatique, renforcent son attachement à son identité culturelle.

« C’est là-bas que j’ai appris que nos traditions culinaires ne sont pas seulement une histoire d’assiettes, mais une histoire d’âme, de mémoire et de transmission », confie-t-il.

L’idée d’un média révolutionnaire

Kossi Modeste, l'artisan de la renaissance culinaire africaine

À son retour en France, Kossi multiplie les expériences professionnelles, naviguant entre l’événementiel, la communication et le digital. Cependant, une frustration persiste : la cuisine afro-caribéenne, riche de son histoire et de ses saveurs, reste reléguée à une place marginale dans le paysage gastronomique européen. En 2013, il décide de changer la donne en lançant Afro Cooking, un magazine qui célèbre les traditions culinaires africaines et caribéennes tout en mettant en lumière les chefs, producteurs et artisans qui en sont les gardiens.

« La cuisine est une porte d’entrée vers la culture, et il était grand temps que nos plats trouvent leur place dans les conversations globales », explique-t-il.

Dès sa création, Afro Cooking rencontre un succès retentissant. Diffusé dans 19 pays, le magazine devient rapidement une référence, rassemblant des passionnés, des professionnels et des curieux autour d’une mission commune : faire rayonner la gastronomie afro-caribéenne. Mais pour Kossi, ce projet est bien plus qu’un simple média. C’est un outil de diplomatie culturelle, une manière de redonner de la dignité et de la visibilité à des traditions souvent stéréotypées.

Un empire culinaire en expansion

Kossi Modeste, l'artisan de la renaissance culinaire africaine

Loin de se contenter d’un magazine, Kossi Modeste voit grand. En 2018, il co-organise le festival We Eat Africa, un événement inédit qui réunit chefs, producteurs et passionnés dans le but de célébrer la diversité culinaire africaine. Sous son impulsion, des discussions sur des thèmes tels que « Cuisine fusion versus cuisine traditionnelle » prennent une dimension nouvelle, mêlant réflexion culturelle et innovation gastronomique.

« L’idée était de montrer que nos traditions sont vivantes et qu’elles peuvent dialoguer avec les tendances actuelles sans perdre leur essence », explique-t-il.

Mais Kossi ne s’arrête pas là. Il s’associe à d’autres figures emblématiques de la diaspora pour lancer des initiatives comme le concours Le Togo a un incroyable talent, mettant en avant les jeunes créateurs togolais, ou encore le Festival Afrodisiac, qui célèbre l’art et la culture africaine sous toutes ses formes. Ces projets témoignent d’une ambition sans limites : construire un écosystème culturel et économique autour des identités afro-descendantes.

Une vision entrepreneuriale acérée

Kossi Modeste, l'artisan de la renaissance culinaire africaine

Derrière le succès de Kossi Modeste se cache une approche entrepreneuriale rigoureuse. Inspiré par les modèles économiques des grands groupes, il structure ses projets avec un sens aigu de la stratégie. Chaque initiative est pensée comme une pièce d’un puzzle plus grand, destiné à transformer la perception de la cuisine afro-caribéenne à l’échelle mondiale.

« Pour que nos traditions soient respectées, elles doivent aussi être économiquement viables », affirme-t-il.

Cette approche lui permet de bâtir des partenariats solides avec des entreprises, des institutions et des médias, tout en attirant une nouvelle génération de consommateurs. En investissant dans le digital, notamment à travers des podcasts comme Afropreneur Déterminé, il offre des outils concrets à ceux qui, comme lui, veulent entreprendre et innover en célébrant leur culture.

Des défis persistants

Cependant, le parcours de Kossi n’est pas exempt de défis. Dans un marché encore dominé par des idées reçues et un manque de diversité, imposer une vision alternative demande une résilience constante. Les stéréotypes associés à la cuisine africaine – souvent perçue comme « simple » ou « locale » – restent un obstacle majeur. Mais pour Kossi, chaque critique est une opportunité d’éduquer et de déconstruire les préjugés.

« Nous ne demandons pas la permission d’exister. Nous prenons notre place, car elle nous appartient », martèle-t-il.

Un héritage en construction

Kossi Modeste, l'artisan de la renaissance culinaire africaine

Aujourd’hui, Kossi Modeste incarne une nouvelle génération de leaders afro-descendants, fiers de leurs racines et déterminés à redéfinir les narratifs globaux. À travers ses initiatives, il montre que la gastronomie est bien plus qu’une affaire de goût : c’est un vecteur de pouvoir culturel, un outil de transformation sociale.

En réinventant les codes de la cuisine afro-caribéenne, Kossi ne se contente pas de ravir les papilles. Il raconte une histoire – celle d’un héritage qui refuse de disparaître, d’une culture qui se réinvente, et d’un homme qui croit en la puissance du partage. « La cuisine, c’est une invitation. Elle nous rappelle que, malgré nos différences, nous sommes tous à la même table », conclut-il.

Dans un monde en quête de sens et de diversité, la vision de Kossi Modeste est une inspiration. Et si son nom n’est pas encore sur toutes les lèvres, il ne fait aucun doute que son impact, lui, résonnera pour les générations à venir.

Notes et références

  1. Selom Crys – Kossi Modeste : Rien n’est impossible à celui qui croit et qui agit
  2. Afrik.com – Kossi Modeste et la gastronomie africaine
  3. Gnadoe Media – Chef Anto et Kossi Modeste dans « L’Afrique a du Goût »
  4. Togo Talent Awards – Les fondateurs du concept « Le Togo a un incroyable talent »

Angelo Gopée, le chef d’orchestre de Live Nation

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Portrait d’Angelo Gopée, figure du hip-hop français et directeur de Live Nation France, un parcours inspirant mêlant passion, diversité et résilience.

Il y a des destins qui se jouent dans l’ombre des projecteurs, et Angelo Gopée, aujourd’hui directeur général de Live Nation France, en est l’illustration parfaite. Né à Saint-Ouen de parents mauriciens, cet enfant de la Seine-Saint-Denis a gravi les échelons d’une industrie qu’il a contribué à redéfinir. À 54 ans, il est l’un des visages les plus influents de l’industrie musicale en France, bien que peu de personnes connaissent son nom. Pourtant, Angelo Gopée a façonné, à force de passion et de travail acharné, l’histoire du hip-hop en France et bien au-delà.

Une enfance bercée par le funk et le hip-hop

Angelo Gopée, l’homme qui orchestre la scène mondiale depuis les quartiers de Saint-Ouen

Dans les années 1980, Saint-Ouen, à quelques encablures de Paris, était un bouillon de cultures et de musiques urbaines. C’est dans ce creuset culturel qu’Angelo, adolescent, découvre sa vocation. Il écoute la soul, le funk et, bientôt, le hip-hop, une culture naissante qui résonne avec les aspirations et les colères des jeunes de banlieue. Avec son frère Jean-Marie, Angelo fonde IZB, un collectif qui allait devenir un pilier du mouvement hip-hop en France. À une époque où cette musique était encore méconnue dans l’Hexagone, IZB organisait des après-midis dansantes et introduisait des artistes internationaux comme Public Enemy au public français.

« Pour nous, le hip-hop était plus qu’une musique. C’était une manière de dire : “Nous existons” », confiera-t-il des années plus tard. Angelo ne se contente pas de participer à cette révolution culturelle, il la structure. Il devient un acteur incontournable, organisant des événements qui marqueront des générations.

De IZB à Def Jam : une ascension fulgurante

En 1994, Angelo Gopée entre dans le cercle très fermé des labels internationaux. Il devient le manager de Def Jam en France via Polygram, supervisant des artistes légendaires comme Warren G, Method Man et Redman. C’est une période faste pour lui, mais aussi une épreuve : il doit concilier son amour pour la culture hip-hop avec les exigences d’une industrie souvent réticente à prendre des risques sur des artistes noirs ou issus des banlieues.

« À l’époque, on me regardait comme un ovni », explique-t-il. Mais Angelo persévère, avec la même ténacité qui l’a toujours caractérisé. Il sait que l’avenir de la musique passe par la diversité, et il est prêt à parier sur des talents que d’autres ignorent.

Live Nation : au sommet de la scène mondiale

Angelo Gopée, l’homme qui orchestre la scène mondiale depuis les quartiers de Saint-Ouen

C’est en 2010 qu’Angelo Gopée accède au poste qui fera de lui un véritable géant de l’industrie musicale : directeur général de Live Nation France. À ce poste, il orchestre les tournées des plus grandes stars internationales, d’Alicia Keys à Metallica, en passant par Lady Gaga. Sous sa direction, Live Nation France devient un acteur incontournable du spectacle vivant, attirant des millions de spectateurs chaque année.

Mais Angelo ne se contente pas de gérer des tournées. Il s’investit également pour promouvoir la diversité dans l’industrie musicale. « La musique est universelle, mais l’industrie ne l’a pas toujours été », déclare-t-il. Il milite pour l’ouverture à de nouveaux talents, issus de tous horizons. Sa carrière est marquée par un fil rouge : donner une voix à ceux qu’on entend trop peu.

Un homme de l’ombre, mais pas du silence

Malgré son succès, Angelo Gopée reste un homme discret. Peu friand des apparitions médiatiques, il préfère que son travail parle pour lui. Mais ceux qui le connaissent décrivent un homme passionné, inlassable, et profondément engagé. En 2021, il est fait chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, une distinction qui reconnaît son rôle central dans la promotion de la culture en France.

Il reste cependant attaché à ses racines. « La Seine-Saint-Denis, c’est là que tout a commencé. C’est un endroit qui m’a appris à me battre, à ne jamais baisser les bras », confie-t-il. Et s’il continue de travailler avec des stars internationales, Angelo n’oublie jamais de tendre la main à la nouvelle génération. Il soutient de jeunes artistes, investit dans des projets éducatifs et n’hésite pas à prendre la parole pour défendre ses valeurs.

Leçons d’un parcours hors norme

Angelo Gopée, l’homme qui orchestre la scène mondiale depuis les quartiers de Saint-Ouen

Le parcours d’Angelo Gopée est une leçon de determination, mais aussi de vision. Là où d’autres voyaient des obstacles, il voyait des opportunités. Là où certains se conformaient aux règles, il en inventait de nouvelles. Et si son nom reste méconnu du grand public, son impact sur la musique mondiale, lui, est indéniable.

Angelo est la preuve vivante que le talent, lorsqu’il est soutenu par le travail et la passion, peut transcender toutes les frontières. Dans une industrie souvent critiquée pour son manque de diversité, il est un modèle à suivre, un homme qui a su transformer ses rêves en réalité, tout en ouvrant la voie à ceux qui viendront après lui.

« La musique, c’est le reflet de nos âmes », aime-t-il dire. Et grâce à Angelo Gopée, ce reflet est aujourd’hui plus riche, plus divers, et plus puissant que jamais.

Le Noir qui meurt en premier, déconstruction d’un cliché persistant dans la pop culture

Découvrez pourquoi le cliché « le Noir meurt en premier » persiste dans la pop culture, ses origines dans les films d’horreur, et son impact sur les représentations culturelles.

« Le Noir meurt toujours en premier.«  Cette phrase, souvent répétée sur les réseaux sociaux ou dans les conversations autour des films d’horreur et d’action, est devenue un cliché tenace de la pop culture. Mais que cache vraiment cette idée reçue ? S’agit-il d’une réalité fondée ou d’une exagération nourrie par des exemples marquants mais isolés ? Pourquoi ce trope est-il si enraciné dans l’imaginaire collectif, et quelles en sont les implications sur la représentation des personnages noirs au cinéma ?

Pour répondre à ces questions, plongeons dans l’histoire du cinéma, analysons les faits, et explorons les raisons sociales, historiques et culturelles qui expliquent la persistance de ce stéréotype.

I. Retour historique : L’évolution des rôles des Noirs dans le cinéma

1. L’âge d’or d’Hollywood et l’exclusion des minorités

Le Noir qui meurt en premier, déconstruction d’un cliché persistant dans la pop culture
TURNER CLASSIC MOVIES

Dans les premières décennies du cinéma hollywoodien, les personnages noirs étaient rarement visibles, et quand ils l’étaient, c’était souvent dans des rôles caricaturaux et dégradants. De nombreux films des années 1920 et 1930 utilisaient des stéréotypes raciaux pour renforcer une vision blanche et conservatrice de l’Amérique.

Les rôles principaux étaient systématiquement réservés aux acteurs blancs, tandis que les personnages noirs étaient cantonnés à des rôles de domestiques, de figures comiques ou d’antagonistes. Dans ce contexte, la question de leur survie dans un récit d’horreur ou d’action ne se posait même pas : ils étaient tout simplement absents de ces genres.

2. Les années 70-80 : L’ère des films d’exploitation

Avec l’émergence des mouvements pour les droits civiques et la montée des revendications afro-américaines, les années 1970 ont vu l’apparition d’un nouveau genre : les Blaxploitation movies. Ces films mettaient en avant des héros noirs dans des contextes violents, souvent rebelles et anti-establishment. Si ces personnages centraux échappaient au cliché de la mort rapide, leur survie était souvent conditionnée par leur conformité à des stéréotypes de force brute ou d’hypersexualisation.

Le Noir qui meurt en premier, déconstruction d’un cliché persistant dans la pop culture
L’acteur Duane Jones (Ben) dans une scène du film La nuit des morts-vivants.

Dans le cinéma d’horreur mainstream, les personnages noirs faisaient progressivement leur entrée, mais ils restaient généralement des seconds rôles, souvent sacrifiés pour le suspense. La Nuit des Morts-Vivants (1968) de George Romero, où Ben, le héros noir, est le dernier survivant, fait figure d’exception à cette règle.

3. Les années 90-2000 : Une représentation ambiguë

Les décennies suivantes ont vu un renforcement du cliché. Des films comme Scream 2 (1997) ou Jurassic Park (1993) mettent en scène des personnages noirs qui meurent rapidement, renforçant l’idée que ces derniers sont des victimes sacrifiables.

Cependant, des exceptions notables, comme les héros de Blade (1998) ou les personnages noirs de Deep Blue Sea (1999) et Alien (1979), montrent que le cliché n’est pas systématique. Ces exemples prouvent que les personnages noirs peuvent être des survivants ou des protagonistes à part entière.

II. Analyse du cliché : Que disent les faits ?

1. Déconstruire la statistique

Le cliché selon lequel « les Noirs meurent en premier » repose sur des exemples marquants mais peu nombreux. Une analyse des films d’horreur des années 70 à aujourd’hui montre que cette affirmation est largement exagérée. Dans les franchises cultes comme Halloween (1978), Vendredi 13 (1980) ou Les Griffes de la Nuit (1984), les personnages noirs sont rarement les premières victimes — et dans de nombreux cas, ils ne figurent même pas au casting.

Un recensement des films d’horreur américains des années 80 montre que sur plus de 2000 productions, moins de 10 cas notables présentent un Noir mourant en premier. Parmi ces exemples, on trouve des films comme Gremlins (1984) ou Démons (1985). Ces cas isolés, bien que marquants, ne suffisent pas à établir une règle générale.

2. Le vrai cliché : « Le Noir meurt toujours »

Si le trope du « Noir qui meurt en premier » est statistiquement infondé, il reflète une réalité plus profonde : les personnages noirs meurent très souvent dans les films d’horreur et d’action. Cette tendance découle de leur rôle secondaire dans la plupart des récits. Les films de genre, qui fonctionnent sur le principe de l’élimination progressive des personnages, sacrifient souvent les rôles secondaires pour faire avancer l’intrigue.

Dans des films comme Predator (1987) ou Deep Blue Sea, les personnages noirs sont rarement les premiers à mourir, mais ils finissent presque toujours par être tués, renforçant l’idée qu’ils sont moins importants que les protagonistes blancs.

3. L’impact de la popularité de certains films

Le cliché du « Noir qui meurt en premier » s’est cristallisé dans l’imaginaire collectif en raison de quelques films très populaires. Scream 2 ou Jurassic Park, par exemple, ont contribué à la diffusion de ce trope, car leurs personnages noirs sont éliminés rapidement. Ces exemples, bien que minoritaires, ont eu un impact disproportionné en raison de leur large audience.

III. Les raisons derrière le cliché

1. Racisme systémique et logique économique

L’une des raisons principales de la mort fréquente des personnages noirs réside dans le racisme systémique qui a longtemps dominé Hollywood. Pendant des décennies, les rôles principaux étaient réservés aux acteurs blancs, tandis que les personnages noirs étaient cantonnés à des rôles secondaires, souvent stéréotypés.

Dans le cinéma d’horreur, cette dynamique se traduit par une tendance à sacrifier les personnages noirs pour créer un effet dramatique. Ce choix est également motivé par une logique économique : les acteurs noirs, moins bien rémunérés, étaient souvent les premières victimes dans les récits à budget limité.

2. La fonction symbolique du personnage noir

Le personnage noir dans les films d’horreur et d’action a souvent une fonction symbolique. Il est utilisé pour refléter les tensions raciales ou les peurs inconscientes de la société blanche. Sa mort, souvent violente, devient une sorte de catharsis pour un public majoritairement blanc.

Dans des films comme Candyman (1992), le tueur noir incarne à la fois une menace et une figure tragique, soulignant les ambivalences de la représentation des Noirs dans la culture populaire.

3. L’importance des quotas ethniques

Le Noir qui meurt en premier, déconstruction d’un cliché persistant dans la pop culture
Winston Zeddemore dans Ghostbusters (1984) Columbia Pictures/Courtesy Everett Collection

Avec l’introduction de quotas ethniques dans les années 80 et 90, les personnages noirs sont devenus plus fréquents dans les films mainstream. Cependant, leur rôle restait souvent limité à une présence symbolique, sans réel développement narratif. Ces personnages « jetables » étaient donc sacrifiés pour renforcer le suspense ou le danger.

IV. Une évolution récente mais inégale

1. La montée en puissance des héros noirs

Les années 2010 ont marqué un tournant avec l’arrivée de films centrés sur des personnages noirs forts et complexes. Get Out (2017), de Jordan Peele, renverse les tropes classiques du cinéma d’horreur en plaçant un héros noir au centre de l’intrigue. Ce film démontre que les personnages noirs peuvent survivre et triompher tout en dénonçant les subtilités du racisme moderne.

De même, des œuvres comme Black Panther (2018) ont montré qu’un film avec un casting majoritairement noir pouvait rencontrer un immense succès commercial et critique.

2. Une représentation encore stéréotypée dans certains genres

Malgré ces progrès, les films de séries B et d’exploitation continuent de reproduire les clichés sur les personnages noirs. Ces productions à petit budget, souvent moins attentives aux nuances culturelles, perpétuent l’idée que les personnages noirs sont accessoires et sacrifiables.

3. Quand la pop culture se moque d’elle-même

Certains films et séries utilisent désormais le cliché du « Noir qui meurt en premier » comme une blague méta. Scary Movie (2000) ou Cabin in the Woods (2012) jouent avec ce trope pour en souligner l’absurdité et le dénoncer. Ces œuvres contribuent à déconstruire le stéréotype tout en divertissant leur audience.

Au-delà des clichés

Le cliché du « Noir qui meurt en premier » est plus un mythe qu’une réalité, mais il reflète des décennies de sous-représentation et de stéréotypes dans le cinéma. Si les choses évoluent, il reste encore beaucoup à faire pour garantir une diversité réelle et significative dans les récits populaires.

Au-delà des tropes classiques, il est essentiel de créer des personnages noirs riches, complexes et multidimensionnels, capables de survivre, de triompher, et de raconter leurs propres histoires. Car, en fin de compte, le but de la pop culture n’est pas seulement de refléter la société, mais aussi de l’inspirer à évoluer.

Pourquoi tant de super-héros noirs ont des pouvoirs électriques ?

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Sérieusement, c’est quoi cette obsession avec les super-héros noirs et l’électricité ? C’est comme si dès qu’un héros noir pointe le bout de son masque, on lui balance automatiquement des éclairs. Black Lightning, Static Shock, Storm (qui, soyons honnêtes, passe sa vie à lancer des orages), sans oublier tous ces héros obscurs dont personne ne se souvient mais qui ont une capacité à zapper tout ce qui bouge.

Coïncidence ? Pas vraiment. On va remonter aux origines de ce cliché, entre mythologie africaine, copyright foireux et stéréotypes paresseux, tout en vous servant une bonne dose de sarcasme et de vérités qui piquent. Spoiler alert : c’est à la fois drôle et un peu déprimant.

Un cliché omniprésent ou l’électricité comme signature des héros noirs

Commençons par l’évidence : pourquoi l’électricité ? C’est un pouvoir spectaculaire, visuellement marquant et facile à comprendre pour le public. Un héros qui balance des éclairs peut à la fois impressionner et effrayer. Sur le plan narratif, l’électricité est un outil polyvalent. Elle peut être utilisée pour attaquer, défendre, et même interagir avec la technologie.

Mais quand on regarde la liste des héros noirs qui possèdent ce pouvoir, on se rend compte que la tendance dépasse la simple coïncidence. Black Lightning, créé en 1977, est souvent considéré comme le pionnier de cette catégorie. Plus tard, Static Shock a repris ce flambeau dans les années 1990, devenant l’un des super-héros noirs les plus populaires, en particulier auprès des jeunes. Même des personnages secondaires ou des variantes, comme Electro (dans The Amazing Spider-Man 2) ou Aqualad (dans Young Justice), finissent par hériter de capacités électriques.

Le problème n’est pas que ces héros aient des pouvoirs électriques en soi — après tout, c’est un pouvoir cool — mais que cette récurrence limite la diversité des représentations. Pourquoi tant de héros noirs doivent-ils être liés à cette énergie spécifique ? Et pourquoi pas d’autres éléments comme l’eau, le feu, ou même des pouvoirs plus abstraits comme le contrôle du temps ?

Un héritage mythologique ? Pas vraiment.

Certains suggèrent que cette tendance pourrait être liée à la mythologie africaine. Et il est vrai que plusieurs récits traditionnels évoquent des figures capables de manipuler la foudre. L’un des exemples les plus célèbres est l’Épopée de Mwindo, une légende congolaise où le héros utilise la foudre pour combattre ses ennemis et même tuer un dragon. Dans d’autres traditions africaines, des divinités comme Shango (dans la mythologie Yoruba) sont associées à la foudre et à la puissance.

Cependant, cette explication ne tient pas totalement. L’électricité n’est pas exclusive aux mythes africains. La foudre est universellement considérée comme un symbole de pouvoir dans presque toutes les cultures. Les dieux comme Zeus (Grèce), Thor (Scandinavie), ou encore Lei Gong (Chine) sont tous liés à cet élément.

Si la mythologie africaine a pu jouer un rôle dans l’inspiration de certains héros, il est peu probable qu’elle soit la principale raison de cette tendance. Pour comprendre le phénomène, il faut plutôt regarder du côté de l’histoire contemporaine des comics.

Black Lightning : le pionnier malgré lui

Black Lightning fait ses débuts dans Black Lightning #1 (avril 1977). Dessin de Rich Buckler et Frank Springe.

Tout commence en 1977 avec Black Lightning, le premier super-héros noir de DC Comics avec des pouvoirs électriques. Créé par Tony Isabella, ce personnage était censé être une avancée pour la représentation des Afro-Américains dans les comics. Mais rapidement, il est devenu bien plus qu’un héros : il a ouvert la voie à une longue série de clones électriques.

Ce qu’il faut savoir, c’est que Black Lightning est né dans un contexte où DC était en retard sur Marvel en matière de diversité. Alors que Marvel avait déjà Black Panther et Luke Cage, DC avait surtout des personnages secondaires comme John Stewart, un Green Lantern. Isabella voulait un héros noir original, et l’électricité, à l’époque, semblait un choix évident : visuellement marquant, facile à comprendre, et symboliquement puissant.

Mais le problème est survenu quand Hanna-Barbera a voulu intégrer Black Lightning dans son dessin animé Super Friends. Plutôt que de payer des royalties à Isabella, ils ont créé un clone, Black Vulcan, un héros noir avec… devinez quoi ? Des pouvoirs électriques. Parce que pourquoi se fatiguer à être original quand on peut simplement copier-coller ?

L’électricité dans Naruto : les Raikage et Kumogakure no Sato

Ay (Raikage) carte 2 [NxB Ninja Voltage] par Maxiuchiha22 sur DeviantArt

L’univers de Naruto est connu pour ses vastes inspirations culturelles, mélangeant traditions japonaises, mythologies diverses et éléments modernes. Dans ce contexte, Kumogakure no Sato, le village caché des Nuages, est un bastion de ninjas spécialisés dans les techniques liées à l’électricité et aux éclairs. Ce village est également notable pour sa représentation des personnages noirs, comme le Troisième Raikagele Quatrième Raikage, et Darui.

Ces personnages sont souvent associés à des techniques de combat brutales, mettant en avant leur puissance physique et leur maîtrise de l’électricité. Par exemple :

  • Le Troisième Raikage est légendaire pour sa technique de défense, le Raiton Chakura Môdo ou « Mode Chakra de Libération de Foudre », et son attaque, le Jigokuzuki ou « Estocade de l’Enfer ».
  • Le Quatrième Raikage combine la vitesse et la force brute grâce à son Raiton, qui amplifie ses capacités physiques à des niveaux surhumains.
  • Darui, quant à lui, utilise des techniques d’électricité combinées à d’autres éléments comme l’eau pour des attaques plus stratégiques.

La représentation des ninjas de Kumo en tant que maîtres de l’électricité est cohérente avec l’idée de puissance et de vitesse associées à cet élément. Cependant, il est impossible d’ignorer que ce choix renforce également le stéréotype selon lequel les personnages noirs sont toujours liés à des pouvoirs brutaux ou physiques, plutôt qu’à des capacités intellectuelles ou spirituelles.

Et c’est là que tout dérape : l’effet domino.

Static fait ses débuts sur la couverture de Static #1 (mai 1993), sous la plume de Denys Cowan et Jimmy Palmiotti.

Black Vulcan a ouvert les vannes à une série de personnages noirs électrifiés. Pourquoi ? Parce que c’était simple, efficace et que l’électricité est un pouvoir qui plaît visuellement. Les créateurs ne voulaient pas réinventer la roue, et à force de copier le concept, c’est devenu un cliché.

Puis est arrivé Static Shock, un héros adolescent avec des pouvoirs électriques, créé par Milestone Comics en 1993. Static a ajouté une couche de profondeur en abordant des thématiques sociales comme le racisme et la violence urbaine. Mais là encore, son succès a renforcé l’idée que les super-héros noirs doivent avoir des pouvoirs liés à l’électricité.

Vous voulez encore un exemple ? Prenez Soul Power, un personnage inventé pour remplacer Black Lightning dans la série animée Static Shock (parce que DC ne voulait toujours pas payer Tony Isabella). Sérieusement, combien de fois peut-on recycler le même concept avant que ça devienne ridicule ?

Un stéréotype paresseux ou une stratégie inconsciente ?

« Surprise. Je suis un super-héros noir avec des pouvoirs électriques. Je sais. Je sais. » Volt dans Irredeemable #5 (2009)

Donner des pouvoirs électriques à des super-héros noirs pourrait sembler anodin. Après tout, c’est juste un pouvoir, non ? Mais quand on regarde l’ensemble, ça montre une tendance plus profonde : une vision limitée de ce que signifie être un héros noir. Les créateurs, souvent blancs, associent l’électricité à une forme de puissance brute et indomptée, une vision qui reflète des stéréotypes raciaux inconscients.

C’est comme si les héros noirs étaient cantonnés à un rôle : celui du personnage badass et imprévisible, mais rarement du stratège ou du leader charismatique. Et ça, c’est problématique. Pourquoi ne pas explorer d’autres types de pouvoirs ? Pourquoi ne pas créer des héros noirs qui incarnent autre chose qu’une force destructrice ?

Miles Morales et la réinvention du cliché

Miles Morales : Spider-Man (2022-) #1, par Cody Ziglar (Auteur), Dike Ruan (Couverture), Federico Vicentini (Artiste)

Heureusement, certains personnages ont réussi à transcender ce cliché. Prenez Miles Morales, la version moderne de Spider-Man. Oui, il a des pouvoirs électriques, mais ce n’est qu’un aspect de son personnage. Miles est aussi un adolescent intelligent, créatif, et profondément humain. Il montre que les super-héros noirs peuvent être bien plus que des machines à éclairs.

Mais pour chaque Miles Morales, il y a une dizaine de héros électrifiés sans profondeur. C’est là que réside le vrai problème : une industrie qui peine à sortir des sentiers battus, même quand elle prétend promouvoir la diversité.

Et maintenant, on fait quoi ?

“Le réveil du Ka” est le premier volet des aventures de Malkia, une héroïne au grand cœur !

La question n’est pas de bannir les super-héros noirs avec des pouvoirs électriques, mais de diversifier les représentations. Les héros noirs méritent des histoires variées, des pouvoirs variés, et surtout, des perspectives variées. L’électricité est cool, mais il est temps de passer à autre chose. Pourquoi pas un héros noir qui contrôle les rêves ? Ou qui manipule la gravité ? Les possibilités sont infinies.

En fin de compte, les comics sont un miroir de la société. Et si ce miroir continue de refléter les mêmes clichés, il est peut-être temps de le briser et de le reconstruire. Parce que si l’électricité peut illuminer une pièce, elle peut aussi alimenter un changement. Alors, à quand un héros noir qui électrise les esprits, et pas seulement ses ennemis ?

Bibliographie et références

  • Malkia : Une plongée dans l’Afrique mythique
    Les deux tomes de Malkia, publiés par Nofi Editions, explorent une Afrique fantastique mêlant mythes, héroïsme et aventures. Cette œuvre met en avant les récits afrodescendants dans un cadre contemporain et engageant. Disponible chez : Nofi Editions.
  • Black Lightning et l’héritage des comics
    Créé en 1977 par Tony Isabella, Black Lightning a joué un rôle essentiel dans la représentation des Afro-Américains dans les bandes dessinées, devenant un pionnier des super-héros noirs originaux chez DC Comics. Pour des archives et des détails supplémentaires, consultez : DC Comics Archives.
  • Static Shock et Milestone Comics
    Introduit en 1993 par Milestone Media, une filiale de DC Comics, Static Shock est devenu emblématique grâce à une série animée diffusée au début des années 2000, qui a popularisé ce héros adolescent et sa lutte contre les injustices sociales. Pour en savoir plus, voir : The Milestone Universe: A Revolution in Comics.
  • Raikage et Kumogakure dans Naruto
    Le village caché des Nuages (Kumogakure), issu du manga Naruto de Masashi Kishimoto, s’inspire de diverses cultures mondiales. Il met en avant des personnages noirs puissants, notamment les Raikage, maîtres de l’électricité. Pour des informations détaillées, voir : Masashi Kishimoto, Naruto Databook, Shueisha.
  • Mythologie africaine et l’électricité
    Dans les récits africains, des figures comme Shango (Yoruba) et Mwindo (mythologie congolaise) mettent en lumière l’association entre la foudre et le pouvoir. Ces récits enrichissent l’imaginaire mondial autour de l’électricité. Source : Carol Beckwith et Angela Fisher, African Myths and Legends.
  • Le rôle du copyright dans les comics
    L’histoire de Black Vulcan, créé pour contourner les royalties dues à Tony Isabella, reflète les enjeux économiques et juridiques qui ont influencé l’industrie des comics. Cette histoire est détaillée dans plusieurs interviews et analyses, notamment dans : Comic Book History of Black Superheroes, Smithsonian Editions.
  • Diversité dans les comics modernes
    Des personnages comme Miles Morales, dans Spider-Man, illustrent une évolution vers une représentation plus nuancée et variée des héros noirs, tout en maintenant une connexion avec les pouvoirs électriques. Pour une analyse approfondie, voir : Jeffrey A. Brown, Superheroes and Identity Politics.

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée

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        La Deuxième Guerre du Congo, surnommée « la Grande Guerre d’Afrique », reste une plaie béante dans l’histoire contemporaine, un conflit si vaste et complexe qu’il échappe souvent à la mémoire collective. Pourtant, entre 1998 et 2003, cette guerre a impliqué neuf nations africaines et des dizaines de groupes armés, causant des millions de morts. Plus qu’une guerre, c’était une tragédie humaine et politique, reflet des séquelles de la colonisation et de l’imbrication des intérêts économiques, ethniques et géopolitiques.

        Cet article n’a pas pour ambition de simplifier l’inextricable, mais d’éclairer ce chapitre souvent occulté de l’histoire, de poser des questions sur la mémoire, la justice et la responsabilité, et de rappeler que chaque chiffre cache des vies humaines.

        Le piège des frontières

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée
        La Conférence de Berlin en 1884, d’après une illustration de l' »Illustrierte Zeitung ».

        Pour comprendre la Deuxième Guerre du Congo, il faut remonter à l’époque où les frontières de l’Afrique furent tracées à la Conférence de Berlin (1884-1885). Ces lignes artificielles, dessinées par des mains étrangères, découpaient les terres sans tenir compte des réalités culturelles et ethniques. Le Congo, vaste territoire riche en ressources naturelles, devint la propriété privée du roi Léopold II de Belgique avant d’être transformé en colonie en 1908. Cette histoire de prédation systématique a laissé des blessures profondes.

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée
        Mobutu Sese Seko et Richard Nixon à Washington, D.C., octobre 1973

        À l’indépendance en 1960, le Congo — rebaptisé Zaïre sous Mobutu Sese Seko — était un géant aux pieds d’argile : des institutions faibles, un peuple fragmenté, et une économie pillée. Mobutu, avec le soutien des puissances occidentales pendant la Guerre froide, gouverna d’une main de fer tout en enrichissant son cercle proche. Ce régime corrompu s’effondra sous la pression des conflits ethniques et des guerres régionales dans les années 1990, ouvrant la voie à une spirale de violences.

        Le génocide rwandais et la première guerre du Congo

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée
        Une collection de crânes humains. Cela fait partie d’une exposition de musée au Rwanda sur le génocide du pays.

        La Deuxième Guerre du Congo est indissociable des événements qui ont secoué le Rwanda en 1994. En l’espace de cent jours, les Hutus, au pouvoir, orchestrèrent un génocide qui coûta la vie à environ 800 000 Tutsis et Hutus modérés. Ce massacre a eu un effet domino dans toute la région des Grands Lacs.

        Craignant les représailles, des millions de Hutus, dont des milices responsables du génocide, fuirent vers le Zaïre. Ces réfugiés devinrent rapidement une menace pour le Rwanda nouvellement gouverné par le Front patriotique rwandais (FPR), dominé par les Tutsis.

        En 1996, le Rwanda et ses alliés, notamment l’Ouganda, soutinrent Laurent-Désiré Kabila, un chef rebelle congolais, pour renverser Mobutu. Cette campagne éclair, connue sous le nom de Première Guerre du Congo, permit à Kabila de s’emparer du pouvoir en 1997, mais elle ne résolut aucun des problèmes structurels du pays.

        Intérêts économiques et tensions ethniques

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée
        Laurent désiré Kabila a été assassiné en 2001.

        À peine installé au pouvoir, Kabila rompit ses alliances avec le Rwanda et l’Ouganda, craignant leur influence. Il tenta d’expulser les forces étrangères et de se distancier des Tutsis qui avaient joué un rôle central dans sa montée au pouvoir. En réponse, en août 1998, des factions militaires congolaises soutenues par le Rwanda et l’Ouganda se rebellèrent contre Kabila, déclenchant la Deuxième Guerre du Congo.

        Cependant, ce conflit dépassait largement la personne de Kabila. Le Congo est un trésor de ressources naturelles : cuivre, or, diamants, coltan, et autres minerais stratégiques indispensables à l’industrie technologique mondiale. Ces richesses attisaient les convoitises des pays voisins et des multinationales. En vérité, la guerre était autant une lutte pour le pouvoir qu’une ruée vers les ressources.

        Une guerre à l’échelle continentale

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée
        Estimation du territoire détenu par les factions de 2001 à 2003.

        À son apogée, la guerre impliqua neuf pays africains. D’un côté, le Rwanda et l’Ouganda, rejoints plus tard par le Burundi, soutenaient des groupes rebelles comme le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et le Mouvement de libération du Congo (MLC). De l’autre, les alliés de Kabila comprenaient l’Angola, le Zimbabwe, le Tchad, la Namibie et le Soudan, chacun poursuivant ses propres intérêts.

        Les alliances étaient fluides et souvent contradictoires. Par exemple, le Rwanda et l’Ouganda, autrefois alliés, s’affrontèrent directement à Kisangani en 1999 et 2000, transformant la ville en champ de bataille sanglant. Ces querelles illustraient la complexité d’une guerre où les lignes de front étaient aussi mouvantes que les intérêts des acteurs.

        Un coût humain incalculable

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée
        La légende originale indique : « Dem. Congo : Réunion pour les victimes de viol Les victimes de viol qui ont été réintégrées avec succès dans leurs communautés se rassemblent dans une « hutte de paix » près de Walungu, au Sud-Kivu, en RDC. Les programmes de santé soutenus par l’USAID ont aidé les victimes de viol à obtenir des conseils, une formation, un emploi et un environnement de vie sûr ».

        Le bilan humain de la Deuxième Guerre du Congo est stupéfiant. On estime que 5,4 millions de personnes sont mortes, principalement des suites de la faim, des maladies et du déplacement forcé. C’est plus que n’importe quel conflit depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces chiffres, cependant, ne racontent qu’une partie de l’histoire.

        Les femmes et les enfants furent les principales victimes. Le viol fut utilisé comme arme de guerre à une échelle effroyable, détruisant des communautés entières. Les enfants soldats, parfois âgés de seulement huit ans, furent enrôlés de force et traumatisés à vie.

        Et pourtant, malgré cette tragédie humaine, le conflit a reçu peu d’attention internationale. Pourquoi ? La complexité du conflit, le manque de couverture médiatique et le désintérêt général pour les drames africains dans les capitales occidentales sont autant de raisons. Mais l’oubli est lui-même un acte de violence.

        Une paix fragile et inachevée

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée
        Soldat sud-africain des FIB lors d’un entraînement, Sake, le 17 juillet 2013. MONUSCO/Sylvain Liechti

        La guerre officiellement prit fin en 2003 avec la signature d’accords de paix et la formation d’un gouvernement de transition incluant les principaux groupes rebelles. Mais la paix restait fragile. Des poches de violence persistent encore aujourd’hui, notamment dans l’est du Congo, où des groupes armés continuent de se battre pour le contrôle des ressources.

        Joseph Kabila, qui succéda à son père assassiné en 2001, dirigea le pays jusqu’en 2019, mais son règne fut marqué par la corruption et l’inefficacité. Les espoirs de justice pour les victimes demeurent maigres, et le Congo reste pris au piège de ses contradictions : une richesse naturelle incommensurable et une pauvreté endémique.

        Une mémoire à reconstruire

        La Deuxième Guerre du Congo, une tragédie oubliée

        La Deuxième Guerre du Congo est une tragédie qui, à bien des égards, dépasse les mots. Comment raconter une histoire où les souffrances sont si vastes qu’elles défient l’entendement ? Comment rendre justice à des millions de vies perdues, oubliées par le monde ?

        James Baldwin écrivait que « l’histoire n’est pas le passé ; c’est le présent. Nous la portons avec nous. Nous sommes notre histoire. » Cette guerre, bien que terminée sur le papier, continue de façonner le Congo et l’Afrique dans son ensemble. Elle nous rappelle que les injustices du passé — la colonisation, les génocides, les pillages — jettent de longues ombres sur le présent.

        Il appartient à tous, Congolais et citoyens du monde, de refuser l’oubli. Car si nous tournons le dos à cette histoire, nous permettons qu’elle se répète, encore et encore.

        Chronologie de la traite négrière transatlantique

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        La traite négrière transatlantique représente l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Sur environ quatre siècles, des millions d’Africains ont été déportés, vendus et contraints à l’esclavage, avec des impacts qui se répercutent encore aujourd’hui dans les sociétés du monde entier. Nofi retrace les étapes de cette entreprise économique et inhumaine, de ses prémices à son abolition progressive, en passant par son apogée.

        I. Les prémices de la traite (XVe – XVIe siècles)

        Les premiers contacts entre les marchands européens et les régions africaines, notamment le long de la côte ouest, marquent le début d’un commerce brutal qui allait perdurer pendant plusieurs siècles. Cette période est caractérisée par une série d’événements qui ont progressivement établi les fondations de la traite négrière transatlantique. Les motivations économiques, les innovations technologiques, les justifications idéologiques et les alliances complexes entre Européens et Africains ont contribué à la mise en place d’un système d’exploitation humaine à grande échelle.

        1415 : La prise de Ceuta

        Panneau de tuiles émaillées de Jorge Colaço, représentant le prince Henri le navigateur, lors de la conquête de Septa.

        Sous le règne du roi Jean Ier de Portugal, les forces portugaises s’emparent de Ceuta, une ville portuaire stratégique au nord du Maroc, le 21 août 1415. Cette conquête marque le début des ambitions coloniales portugaises en Afrique du Nord et constitue un tournant dans l’histoire de l’expansion européenne. Ceuta, riche en commerce et en ressources, devient un point d’ancrage pour les expéditions maritimes qui s’ensuivront le long des côtes africaines.

        La prise de Ceuta est motivée par le désir de contrôler les routes commerciales transsahariennes, sources d’or, d’épices et d’autres produits exotiques. Elle inaugure également une transition vers des échanges humains forcés. Les Portugais réalisent que le contrôle des routes maritimes peut leur offrir un avantage économique considérable. Ceuta sert de base pour les explorations futures, notamment celles encouragées par le prince Henri le Navigateur, fils du roi Jean Ier, qui joue un rôle clé dans le développement de la navigation portugaise et l’exploration des côtes africaines.

        1441 : Les premières captures portugaises

        Sous l’impulsion du prince Henri le Navigateur, des explorateurs tels qu’Antão Gonçalves et Nuno Tristão atteignent les côtes de l’Afrique de l’Ouest en 1441, notamment le Cap Blanc (actuelle Mauritanie). À l’origine, ces expéditions visent à découvrir de nouvelles routes commerciales et à accéder aux richesses de l’Afrique, comme l’or et l’ivoire.

        Cependant, une rupture majeure se produit lorsque les Portugais capturent plusieurs Africains pour les ramener en Europe. Ces premiers captifs, arrachés à leurs familles et à leurs terres, sont réduits en esclavage et servent de domestiques ou de main-d’œuvre en péninsule ibérique. Cet événement marque le début de la transformation des contacts euro-africains en un système économique d’exploitation humaine systématique. Encouragé par les profits et la demande croissante en main-d’œuvre, le Portugal intensifie ses activités de capture et de commerce d’esclaves, établissant les bases d’un commerce qui sera rapidement adopté par d’autres puissances européennes.

        1455 : La bulle « Romanus Pontifex« 

        Portrait du pape Nicolas V. Portrait par Peter Paul Rubens, 1610s

        En 1455, le pape Nicolas V émet la bulle pontificale « Romanus Pontifex« , un document qui accorde aux Portugais le droit exclusif de conquérir, de coloniser et de réduire en esclavage les peuples non chrétiens d’Afrique et d’ailleurs. Cette bulle confère une légitimité religieuse aux expéditions portugaises et à la soumission des populations africaines, sous le prétexte de diffuser la foi chrétienne.

        La bulle « Romanus Pontifex » va bien au-delà d’une simple autorisation commerciale. Elle établit une justification théologique pour l’exploitation des Africains, soutenue par des concepts de supériorité religieuse et culturelle. Ce document pose les bases d’une idéologie raciste qui va se renforcer au fil des siècles, consolidant une vision déshumanisante des Africains aux yeux des Européens. En sanctifiant les conquêtes portugaises, la papauté facilite l’extension de la traite et l’établissement de forts le long des côtes africaines.

        1481 : Fondation du fort d’Elmina

        Château d’Elmina, Elmina, Ghana. Renate Wefers/Getty Images

        En 1481, le roi Jean II de Portugal ordonne la construction du fort São Jorge da Mina, plus connu sous le nom de fort d’Elmina, sur la côte de l’actuel Ghana. Achevé en 1482, ce fort est le premier établissement commercial permanent des Européens en Afrique subsaharienne. Initialement destiné au commerce de l’or, Elmina devient rapidement un centre crucial pour la traite des esclaves.

        Le fort d’Elmina représente un modèle pour les futurs établissements européens en Afrique, alliant activités économiques et exploitation humaine. Il comprend des entrepôts, des quartiers pour les marchands, des zones de détention pour les captifs et des installations militaires pour protéger les intérêts portugais. En sécurisant ce fort, le Portugal consolide sa position dominante dans le commerce transatlantique naissant. Elmina devient un point de départ pour des milliers d’Africains déportés vers les Amériques, contribuant à l’essor de la traite négrière.

        1488 : Le Cap de Bonne-Espérance

        Le navigateur et explorateur portugais Bartolomeu Dias tient un astrolabe. Gianni Dagli Orti/Shutterstock.com

        En 1488, l’explorateur portugais Bartolomeu Dias contourne pour la première fois le Cap de Bonne-Espérance, à l’extrémité sud de l’Afrique. Cette expédition audacieuse ouvre la voie aux liaisons maritimes entre l’Europe et l’Asie sans passer par les terres contrôlées par les Ottomans et autres puissances musulmanes. Bien que l’objectif initial soit de trouver une route vers les riches marchés des épices de l’Inde, cette découverte renforce les capacités des navigateurs portugais et stimule le commerce avec l’Afrique subsaharienne.

        Le contournement du Cap de Bonne-Espérance marque une étape cruciale dans la constitution d’un empire commercial global pour le Portugal. Les contacts avec les côtes orientales de l’Afrique permettent également d’étendre la traite des esclaves. L’Afrique devient ainsi une plaque tournante pour l’approvisionnement en main-d’œuvre destinée aux colonies portugaises en Asie et, plus tard, aux Amériques.

        1494 : Le traité de Tordesillas

        La ligne de partage selon la bulle Inter cætera (en pointillés), selon le traité de Tordesillas (en violet), et son prolongement selon le traité de Saragosse (en vert).

        Le 7 juin 1494, les monarques espagnols Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, ainsi que le roi du Portugal Jean II, signent le traité de Tordesillas. Ce traité, approuvé par le pape, divise le monde non européen en zones d’influence entre les deux puissances ibériques. L’Espagne obtient les territoires situés à l’ouest d’une ligne imaginaire, tandis que le Portugal contrôle ceux à l’est, incluant les côtes africaines et, par extension, le Brésil.

        Ce traité consolide l’influence portugaise en Afrique et officialise son monopole sur les routes d’approvisionnement en esclaves. En attribuant aux Portugais le contrôle exclusif de ces zones, le traité favorise l’organisation d’un système transatlantique où l’Afrique sert de réservoir de main-d’œuvre pour les nouvelles colonies d’Amérique. Il établit les bases légales de la traite organisée, permettant aux Portugais de développer un réseau commercial étendu, basé sur l’exploitation des ressources humaines et naturelles.

        Fin du XVe siècle : Les « découvertes » des Amériques et la demande croissante de main-d’œuvre

        Premier débarquement de Christophe Colomb en Amérique (tableau de Dióscoro Puebla de 1862).

        La « découverte » des Amériques par Christophe Colomb en 1492 ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire mondiale. Les nouvelles terres explorées par les Espagnols et les Portugais, telles que les îles des Caraïbes, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, offrent des ressources naturelles abondantes, notamment en métaux précieux et en terres propices à l’agriculture.

        Cependant, l’exploitation de ces richesses nécessite une main-d’œuvre importante. Les populations autochtones, soumises à des conditions de travail extrêmes, sont rapidement décimées par les maladies importées d’Europe, contre lesquelles elles n’ont aucune immunité, ainsi que par les mauvais traitements. Face à cette catastrophe démographique, les colons européens cherchent à combler le vide en important des esclaves africains.

        L’idée d’utiliser la main-d’œuvre africaine prend alors de l’ampleur. Les Africains sont perçus comme plus résistants aux maladies tropicales et moins susceptibles de s’échapper dans un environnement inconnu. La mise en place des routes maritimes entre l’Afrique et les Amériques s’intensifie pour répondre à cette demande croissante. Les Portugais, forts de leur expérience en Afrique, jouent un rôle clé en fournissant des esclaves aux colonies espagnoles et portugaises du Nouveau Monde.

        Début du XVIe siècle : Alliances et complicités locales

        Les marchands d’esclaves à Gorés, par Jacques Grasset de Saint-Sauveur

        Au début du XVIe siècle, les Européens, en particulier les Portugais, établissent des relations commerciales avec certains royaumes africains côtiers, tels que le royaume du Kongo et le royaume du Bénin. Ces alliances, parfois établies sous la pression ou par le biais de traités inégaux, permettent aux Portugais d’obtenir des captifs pour le commerce d’esclaves.

        Certaines élites africaines participent à ce commerce, soit pour obtenir des armes, des textiles, de l’alcool et d’autres marchandises européennes, soit pour renforcer leur pouvoir politique et militaire face à des rivaux locaux. Toutefois, cette collaboration est complexe et souvent ambivalente. De nombreuses sociétés africaines résistent à la traite et subissent des raids, des trahisons et des violences de la part des Européens.

        Ces complicités, même limitées, facilitent la structuration de la traite en Afrique de l’Ouest. Elles entraînent une intensification des guerres de capture, des déstabilisations politiques et des conflits interethniques alimentés par la demande européenne en esclaves. Le tissu social et politique de nombreuses régions africaines est profondément affecté par ce commerce, conduisant à des conséquences durables sur les sociétés africaines.

        Début de l’idéologie esclavagiste en Europe

        Portrait généralement identifié comme celui de l’infant Henri, exécuté vers 1470.

        Les écrits de certains explorateurs, missionnaires et intellectuels européens contribuent à développer une idéologie justifiant l’esclavage des Africains. En 1453, le chroniqueur portugais Gomes Eanes de Zurara, mandaté par le prince Henri le Navigateur, rédige les « Chroniques de la découverte et de la conquête de Guinée« . Il y décrit les Africains comme des « païens » nécessitant conversion, présentant leur capture comme un acte de charité chrétienne et de civilisation.

        Ces récits véhiculent une image déshumanisante des Africains en Europe, renforçant les préjugés et les stéréotypes raciaux. L’idée de supériorité culturelle, religieuse et bientôt raciale des Européens est utilisée pour légitimer l’exploitation et la traite des Africains. Cette idéologie sera renforcée par la suite, notamment avec le développement du concept de « race » au XVIIIe siècle, soutenant le système esclavagiste pendant des siècles.

        La caravelle et les innovations en navigation

        Les trois caravelles de Christophe Colomb. Monleon y Torres

        L’invention de la caravelle au milieu du XVe siècle est une avancée technologique majeure qui facilite l’exploration et le commerce maritimes. Ce navire, plus léger et maniable, équipé de voiles latines triangulaires et plus tard de voiles carrées, permet aux navigateurs de remonter le vent et de naviguer en haute mer avec plus de sécurité.

        Les innovations en cartographie, comme l’utilisation de la boussole magnétique, de l’astrolabe et du quadrant, ainsi que les progrès en navigation astronomique, permettent aux marins de déterminer leur position en mer avec une précision accrue. Ces développements technologiques sont essentiels à la pérennisation de la traite transatlantique, offrant des moyens plus sûrs et plus rapides pour transporter les captifs africains vers les Amériques.

        Les explorations menées par des navigateurs tels que Vasco de Gama, qui atteint l’Inde en contournant l’Afrique en 1498, démontrent les possibilités offertes par ces innovations. Elles ouvrent la voie à un commerce maritime mondial, où l’Afrique joue un rôle central en tant que fournisseur de main-d’œuvre esclave et de ressources.

        II. Expansion de la traite (XVIe – XVIIe siècles)

        Au XVIe et XVIIe siècles, la traite transatlantique se développe rapidement sous l’impulsion des puissances européennes, motivées par l’expansion de leurs colonies dans les Amériques et la croissance des économies sucrières, minières et agricoles. Le Portugal et l’Espagne sont rejoints par l’Angleterre, la France et les Pays-Bas, qui rivalisent pour le contrôle de ce commerce extrêmement lucratif. La traite devient progressivement un commerce structuré, institutionnalisé et soutenu par des infrastructures maritimes, des alliances politiques et des législations spécifiques, rendant l’esclavage indispensable aux économies coloniales.

        1518 : Charles Quint autorise la traite vers les colonies espagnoles

        Portrait de Charles Quint par Juan Pantoja de la Cruz (d’après Le Titien).

        En 1518Charles Quint, roi d’Espagne et empereur du Saint-Empire romain germanique, émet un décret crucial qui autorise officiellement l’importation d’Africains capturés vers les colonies espagnoles, notamment dans les Caraïbes. Ce décret intervient dans un contexte où les populations autochtones des Amériques sont décimées par les maladies européennes, les mauvais traitements et les travaux forcés, entraînant une pénurie de main-d’œuvre pour l’exploitation des plantations de canne à sucre, des mines d’or et d’argent.

        En reconnaissant la traite des Africains comme une politique d’État, Charles Quint institutionnalise l’esclavage dans les colonies espagnoles. Il établit les asientos, des contrats royaux qui accordent à des individus ou des compagnies le droit exclusif de fournir des esclaves aux colonies espagnoles. Les marchands portugais, ayant une longueur d’avance dans le commerce des esclaves en Afrique, deviennent les principaux fournisseurs des colonies espagnoles.

        Ce décret marque une étape fondamentale dans l’expansion de la traite transatlantique, faisant des Africains une ressource essentielle et durable pour l’économie coloniale espagnole. Il pose les bases d’un système économique où l’exploitation humaine est légalisée et encouragée par l’État, ancrant profondément le système esclavagiste dans les structures coloniales.

        1562 : Première expédition anglaise d’esclaves

        Portrait de John Hawkins au National Maritime Museum, Londres

        En 1562, le marchand et navigateur anglais John Hawkins organise la première expédition anglaise de traite négrière. Avec le soutien tacite de la reine Élisabeth I, Hawkins capture environ 300 Africains sur les côtes de la Sierra Leone, souvent par la force ou en exploitant des conflits locaux. Il les transporte ensuite vers les colonies espagnoles des Caraïbes, où il les vend comme esclaves en échange de perles, de peaux et de sucre.

        Le succès financier de cette expédition incite Hawkins à organiser d’autres voyages, faisant de lui le pionnier du commerce négrier anglais. Ses expéditions attirent l’attention de nombreux investisseurs et marquent l’entrée officielle de l’Angleterre dans la traite transatlantique des esclaves. Hawkins adopte un modèle commercial qui combine piraterie, commerce illégal (car les Espagnols interdisent aux étrangers de commercer avec leurs colonies) et traite négrière, établissant un précédent pour les futurs marchands anglais.

        Ces expéditions contribuent à renforcer les liens commerciaux entre l’Angleterre et les colonies du Nouveau Monde, tout en consolidant un modèle lucratif qui stimulera la participation britannique dans la traite. Elles posent les bases de l’implication croissante de l’Angleterre dans le commerce des captifs africains, qui deviendra une composante majeure de son empire colonial.

        1571 : Développement des plantations de canne à sucre au Brésil

        Des esclaves coupent la canne à sucre sur l’île d’Antigua, dans les Caraïbes, en 1823. The British Library (Domaine public)

        À partir de 1571, le Portugal met en œuvre une stratégie coloniale ambitieuse dans le Nordeste brésilien, notamment dans les régions de Bahia et de Pernambouc. Les vastes terres fertiles de ces régions sont idéales pour la culture de la canne à sucre, une denrée très prisée en Europe.

        Pour exploiter ces plantations, les Portugais font appel massivement à la main-d’œuvre esclave africaine. Les captifs sont importés principalement d’Angola, du Congo et du Mozambique. Le travail dans les plantations de sucre est extrêmement pénible et dangereux, impliquant de longues heures sous un climat tropical, des risques d’accidents avec les moulins à sucre et une discipline sévère.

        Le Brésil devient rapidement le premier producteur mondial de sucre, alimentant le marché européen et générant des profits considérables pour les colons portugais. Ce modèle de plantation repose sur une dépendance totale au travail forcé des esclaves africains, établissant un système économique et social basé sur l’exploitation et la ségrégation raciale.

        Le succès économique des plantations sucrières brésiliennes influence d’autres colonies européennes, qui adoptent des modèles similaires dans les Caraïbes et en Amérique du Nord. Le développement de ces plantations intensifie la traite transatlantique, établissant des réseaux commerciaux d’une envergure sans précédent et renforçant l’idée de l’esclavage comme pilier des économies coloniales.

        1619 : Les premiers esclaves africains en Virginie

        Esclaves attendant d’être vendus – Richmond, Virginie (1861) peinture à l’huile d’Eyre Crowe, d’après un croquis réalisé en 1853 lors d’une visite aux États-Unis en compagnie de William Thackeray ; Crowe a également dessiné puis peint une vente aux enchères d’esclaves en plein air à Charleston, en Caroline du Sud.

        En 1619, un navire hollandais, le White Lion, accoste à Jamestown, en Virginie, apportant avec lui une vingtaine d’Africains capturés, initialement arrachés à un navire négrier portugais. Ces individus sont vendus aux colons anglais et contraints de travailler dans les plantations de tabac.

        Cet événement marque l’introduction officielle de l’esclavage africain dans les colonies anglaises d’Amérique du Nord. Contrairement aux serviteurs sous contrat européens, qui pouvaient espérer la liberté après une période déterminée, ces Africains n’ont aucune perspective de libération ou de droits civiques. Leur statut est ambigu au début, mais au fil du temps, les colonies adoptent des lois codifiant l’esclavage héréditaire basé sur la race.

        Le besoin croissant de main-d’œuvre pour les cultures de tabac, puis de coton et de riz, favorise l’expansion rapide de l’esclavage dans les colonies américaines. L’esclavage devient un élément central de l’économie coloniale et contribue à l’essor économique des colonies du Sud. Cet essor s’accompagne du développement d’une société fondée sur la ségrégation raciale et la suprématie blanche, dont les effets perdureront bien au-delà de l’abolition de l’esclavage.

        1620 – 1640 : La création de compagnies européennes de commerce

        Le Noord-Nieuwland dans la baie de la Table, 1762

        Entre 1620 et 1640, plusieurs puissances européennes créent des compagnies commerciales pour monopoliser le commerce avec l’Afrique et les Amériques. Parmi les plus notables figurent :

        • La Compagnie hollandaise des Indes occidentales (WIC), fondée en 1621 par les Pays-Bas, qui obtient le monopole du commerce avec l’Afrique de l’Ouest, les Amériques et les Caraïbes.
        • La Compagnie française des Indes occidentales, créée en 1664 sous l’impulsion de Colbert, ministre de Louis XIV, visant à développer le commerce français dans les colonies.

        Ces compagnies jouent un rôle majeur dans l’industrialisation de la traite transatlantique. Elles établissent des comptoirs et des forts le long des côtes africaines, tels que GoréeSaint-Louis et Ouidah, pour faciliter le commerce des esclaves et sécuriser leurs intérêts face à la concurrence.

        Le système du commerce triangulaire se met en place :

        1. De l’Europe à l’Afrique : Les navires transportent des produits manufacturés (armes, tissus, alcool) pour les échanger contre des captifs africains.
        2. De l’Afrique aux Amériques : Les captifs sont transportés vers les colonies lors du passage du milieu, dans des conditions inhumaines.
        3. Des Amériques à l’Europe : Les navires rapportent des matières premières coloniales (sucre, tabac, coton, café) pour alimenter les marchés européens.

        Ce système intensifie la déportation des Africains et transforme l’économie mondiale en intégrant les trois continents dans un réseau commercial interdépendant. Les compagnies européennes accumulent des profits considérables, alimentant le capitalisme naissant et finançant des guerres et des expansions coloniales.

        1642 : Fondation de la Compagnie royale d’Afrique

        WHM112033 Slaves on the West Coast of Africa, c.1833 (oil on canvas) by Biard, Francois Auguste (1798-1882); 64×90 cm; © Wilberforce House, Hull City Museums and Art Galleries, UK; French, out of copyright

        En 1642, le roi Charles Ier d’Angleterre fonde la Compagnie royale d’Afrique, accordant à cette entité le monopole du commerce des esclaves et des biens précieux en Afrique de l’Ouest. La compagnie établit des postes commerciaux et des forts, notamment sur la Gold Coast (actuel Ghana), pour sécuriser ses opérations.

        La Compagnie royale d’Afrique joue un rôle crucial dans l’organisation systématique de la traite par les Anglais. Elle facilite l’acheminement de captifs africains vers les colonies anglaises des Caraïbes et de l’Amérique du Nord, renforçant la présence anglaise dans le commerce transatlantique.

        L’implication directe de l’État anglais dans cette entreprise marque une étape importante dans l’industrialisation de la traite humaine. La compagnie dispose de ses propres navires, équipages et installations, lui permettant de contrôler efficacement le commerce des esclaves et de maximiser les profits. Cette organisation dépasse la simple expédition de navires marchands, créant une infrastructure commerciale et militaire dédiée à l’exploitation humaine.

        1672 : Création de la Royal African Company en Angleterre

        Armoiries de la Royal African Company

        En 1672, sous le règne de Charles II, l’Angleterre fonde la Royal African Company, qui reçoit le monopole du commerce des esclaves africains et de l’or pour les colonies anglaises. La compagnie est dirigée par le duc d’York, futur roi Jacques II, ce qui souligne l’implication du plus haut niveau de l’État dans la traite.

        La Royal African Company accroît considérablement le volume de captifs déportés grâce à une flotte dédiée et à des fortifications renforcées le long des côtes africaines. Elle établit de nouveaux forts, comme Cape Coast Castle, et améliore les installations existantes pour stocker les captifs avant leur embarquement.

        Les profits générés par ce commerce renforcent la position économique de l’Angleterre et stimulent l’expansion de ses colonies. La compagnie joue un rôle central dans le financement de projets nationaux et militaires, contribuant à l’essor de la marine anglaise.

        En apportant une infrastructure militaire et logistique à la traite, la Royal African Company donne à l’esclavage une dimension industrielle. Elle crée une forte dépendance économique des colonies à l’égard du travail esclave, tout en consolidant la position de l’Angleterre comme l’une des principales puissances négrières du monde.

        1685 : Le Code noir en France

        Frontispice de Voyage à l’Isle de France, de Bernardin de Saint-Pierre, 1773, par Jean-Michel Moreau dit Moreau le Jeune

        En 1685, le roi Louis XIV promulgue le Code noir, un recueil de 60 articles réglementant l’esclavage dans les colonies françaises, notamment les Antilles. Rédigé sous la supervision de Colbert, ce code vise à définir les droits et devoirs des esclaves et de leurs maîtres, ainsi qu’à encadrer la vie quotidienne dans les colonies.

        Le Code noir :

        • Institutionnalise l’esclavage en établissant un cadre juridique précis.
        • Impose le baptême catholique aux esclaves, justifiant l’exploitation sous couvert de « christianisation« .
        • Fixe les conditions de travail et de vie des esclaves, y compris les punitions corporelles autorisées.
        • Interdit aux esclaves de porter des armes, de se réunir en groupes ou de pratiquer leur religion d’origine.
        • Réglemente les relations entre maîtres et esclaves, y compris les mariages et la reconnaissance des enfants métis.

        Le Code noir renforce la légitimité religieuse et légale de la traite et de l’esclavage. Il sert de modèle pour d’autres colonies européennes, solidifiant l’exploitation des Africains et consolidant un système social basé sur la hiérarchie raciale. Ce code a des conséquences durables sur la structuration des sociétés coloniales françaises et sur les relations raciales.

        1698 : Fin du monopole de la Royal African Company

        En 1698, sous la pression des marchands indépendants et des parlementaires, l’Angleterre décide de mettre fin au monopole de la Royal African Company. Le Parliamentary Act autorise désormais tout Anglais à commercer avec l’Afrique, à condition de payer une taxe de 10 % pour l’entretien des forts africains.

        Cette libéralisation du commerce stimule la participation de nombreux marchands privés, connus sous le nom de « interlopers« . Le nombre de navires anglais impliqués dans la traite augmente considérablement, passant d’une dizaine à plus de cent par an au début du XVIIIe siècle.

        Les colonies anglaises des Amériques et des Caraïbes reçoivent un flux continu de captifs africains, ce qui intensifie la dépendance des colonies à l’égard de l’esclavage. L’Angleterre devient alors la nation dominante dans le commerce transatlantique des esclaves, surpassant le Portugal et les Pays-Bas.

        Cette ouverture du marché marque l’apogée de la traite négrière britannique, avec des dizaines de milliers d’Africains capturés et transportés chaque année. Les profits générés contribuent à financer la révolution industrielle en Angleterre, renforçant sa puissance économique et militaire.

        III. L’Apogée de la traite (XVIIIe siècle)

        Le XVIIIe siècle représente le point culminant de la traite transatlantique, caractérisé par une intensité sans précédent dans le commerce des esclaves africains. Ce siècle voit l’industrialisation du commerce triangulaire, l’expansion des plantations dans les Amériques et l’émergence des premiers mouvements abolitionnistes, marquant à la fois l’apogée et le début du déclin de la traite négrière.

        1700 – 1800 : Des millions d’Africains déportés

        Au cours du XVIIIe siècle, on estime que plus de 12,5 millions d’Africains sont capturés et déportés vers les Amériques. Les méthodes de capture s’intensifient et se systématisent, impliquant des raids organisés, des guerres interethniques attisées par les marchands européens, et des complicités forcées ou volontaires avec certains chefs africains. Les marchands d’esclaves européens fournissent des armes à feu et d’autres biens en échange de captifs, exacerbant les conflits locaux.

        Une fois capturés, les Africains sont forcés de marcher sur de longues distances vers les côtes, souvent enchaînés les uns aux autres. Les conditions sont éprouvantes, et beaucoup périssent en route. Arrivés aux forts côtiers tels que GoréeOuidah ou Elmina, ils sont détenus dans des conditions inhumaines en attendant l’embarquement.

        Le « passage du milieu« , la traversée de l’Atlantique, est marqué par des conditions atroces. Les captifs sont entassés dans les cales des navires négriers, sans espace pour bouger, dans une chaleur suffocante et une hygiène déplorable. La mortalité est extrêmement élevée, estimée entre 15 et 20 %, due à la surpopulation, aux maladies comme la dysenterie ou le scorbut, à la malnutrition, à la déshydratation et aux mauvais traitements infligés par l’équipage. Certains captifs se suicident pour échapper à leur sort, tandis que d’autres tentent des rébellions, souvent réprimées avec une extrême violence.

        Malgré ces pertes humaines considérables, la traite devient un pilier de l’économie coloniale européenne. Les captifs africains sont vendus sur les marchés des Amériques et deviennent la main-d’œuvre indispensable aux plantations de sucre, de tabac, de coton, de café et d’autres cultures lucratives. Les profits engendrés par cette exploitation humaine enrichissent les puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne, et alimentent leur expansion économique, leur permettant de financer la révolution industrielle et d’accroître leur influence mondiale.

        1713 : Le monopole britannique avec l’ »Asiento de Negros »

        Le traité d’Utrecht en 1713, qui met fin à la guerre de Succession d’Espagne, redessine la carte du pouvoir en Europe et a des répercussions majeures sur la traite transatlantique. L’Espagne accorde à la Grande-Bretagne le monopole de la fourniture d’esclaves aux colonies espagnoles d’Amérique du Sud, connu sous le nom d’« Asiento de Negros« . Cet accord stratégique permet aux Britanniques de dominer le commerce des esclaves, renforçant leur puissance maritime et commerciale.

        Pour gérer ce monopole, la South Sea Company est créée en 1711, bien que le monopole ne soit accordé qu’en 1713. La compagnie intensifie le nombre de navires britanniques transportant des captifs africains vers les colonies espagnoles, profitant de ce commerce lucratif. Cette exclusivité accentue l’ampleur de la traite et contribue à faire de la Grande-Bretagne le principal acteur du commerce négrier au XVIII<sup>e</sup> siècle. Les revenus générés par l’Asiento contribuent à la prospérité économique britannique et à financer sa dette nationale.

        1725 : Renforcement des Lois Noires en Louisiane

        En 1724, la Louisiane, alors colonie française, introduit un Code Noir spécifique pour réglementer l’esclavage. Ce code, promulgué par le gouverneur Bienville, renforce les lois précédentes et définit strictement les droits des maîtres et les devoirs des esclaves. Il limite sévèrement les libertés des esclaves, interdit le mariage entre personnes de races différentes, impose la religion catholique et instaure des punitions brutales pour tout acte de rébellion ou d’insubordination. Le Code Noir de Louisiane s’inscrit dans la continuité du Code Noir de 1685 promulgué par Louis XIV, mais avec des restrictions encore plus sévères, reflétant la dépendance croissante des colonies envers l’esclavage pour le développement économique. Il institutionnalise le système esclavagiste et codifie la hiérarchie raciale au sein de la société coloniale.

        1739 : La révolte de Stono en Caroline du Sud

        Le 9 septembre 1739, la révolte de Stono éclate en Caroline du Sud, l’une des plus importantes insurrections d’esclaves dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord avant la Révolution américaine. Environ 20 esclaves africains, principalement originaires du royaume du Kongo et parlant portugais, sont dirigés par un homme nommé Jemmy. Ils s’emparent d’armes dans un entrepôt, tuent des colons blancs et incitent d’autres esclaves à se joindre à eux dans leur marche vers la Floride espagnole, où la liberté leur est promise en échange de leur conversion au catholicisme.

        Le groupe atteint environ 100 personnes avant d’être confronté par la milice coloniale. La révolte est violemment réprimée, avec la mort de nombreux rebelles et la capture des survivants, qui sont exécutés ou vendus aux Caraïbes. La rébellion provoque une peur intense parmi les colons et conduit à l’adoption du Negro Act de 1740, une législation qui restreint encore davantage les droits des esclaves, interdisant l’éducation, les rassemblements et limitant sévèrement leur mobilité. Cette révolte souligne le désespoir des esclaves face aux conditions oppressives et leur volonté de résister.

        1760 : Révoltes des esclaves en Jamaïque (Révoltes des Marrons)

        Dans les années 1760, la Jamaïque est le théâtre de plusieurs révoltes majeures d’esclaves marrons, descendants d’Africains qui s’étaient enfuis des plantations pour établir des communautés libres dans les régions montagneuses. En 1760, la révolte menée par Tacky, un ancien chef africain probablement originaire du royaume de Fante (actuel Ghana), mobilise des centaines d’esclaves. Ils attaquent des plantations, s’emparent d’armes et de provisions, et tuent des colons. La rébellion s’étend rapidement, menaçant la stabilité coloniale.

        Bien que finalement écrasée par les forces coloniales britanniques, avec l’aide de milices de colons et d’autres esclaves, la révolte de Tacky démontre la résistance persistante des esclaves et constitue une menace constante pour l’ordre colonial. Ces insurrections obligent les autorités à négocier des traités avec les Marrons, reconnaissant leur autonomie en échange de leur aide pour réprimer de futures rébellions. Les révoltes des Marrons influencent également les politiques coloniales en matière de sécurité et de gestion des esclaves.

        1772 : Affaire Somerset et première décision judiciaire en Angleterre

        En 1772, l’affaire Somerset v Stewart marque une étape juridique importante dans l’histoire de l’esclavage en Angleterre. James Somerset, un esclave africain acheté en Virginie par Charles Stewart, est emmené à Londres par son maître. Somerset s’enfuit mais est capturé et embarqué de force sur un navire à destination de la Jamaïque pour y être vendu. L’affaire est portée devant la justice britannique par des abolitionnistes, et le juge Lord Mansfield est chargé de statuer.

        Dans sa décision, Lord Mansfield déclare que l’esclavage n’est pas reconnu par la loi anglaise et que Somerset doit être libéré. Bien que le jugement soit spécifique au cas de Somerset et n’abolisse pas l’esclavage dans l’Empire britannique, il établit un précédent significatif. Cette décision encourage le mouvement abolitionniste en Angleterre, remet en question la légalité de l’esclavage sur le sol anglais et suscite des débats sur les droits des esclaves et la moralité de l’esclavage.

        1781 : Le massacre du Zong

        En novembre 1781, le navire négrier britannique Zong, commandé par le capitaine Luke Collingwood, navigue vers la Jamaïque avec environ 440 captifs africains à bord, bien au-delà de sa capacité. Face à une pénurie d’eau potable due à une erreur de navigation et à la maladie qui se propage parmi les captifs et l’équipage, Collingwood ordonne de jeter par-dessus bord 133 esclaves africains malades ou mourants. Il espère ainsi pouvoir réclamer une indemnisation à la compagnie d’assurance pour la « perte » de sa « cargaison« , arguant que les esclaves ont été jetés à la mer pour sauver le navire.

        Lorsque l’affaire est portée devant les tribunaux en 1783, elle est initialement traitée comme une simple question d’assurance maritime. Cependant, les détails du massacre suscitent l’indignation publique. L’incident du Zong devient un catalyseur pour le mouvement abolitionniste britannique. Des figures comme Granville Sharp utilisent cette tragédie pour dénoncer la barbarie de la traite négrière et mobiliser l’opinion publique contre l’esclavage. L’affaire met en lumière les atrocités commises lors du commerce des esclaves et intensifie les appels à l’abolition.

        1787 : Fondation de la Société pour l’abolition de la traite négrière

        En mai 1787, la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade (« Société pour l’abolition de la traite des esclaves ») est fondée à Londres par un groupe de 12 hommes, dont Thomas Clarkson et Granville Sharp. Composée principalement de quakers et d’anglicans, l’organisation vise à sensibiliser le public aux horreurs de la traite et à faire pression sur le Parlement britannique pour son abolition. La société lance une campagne nationale, utilisant des brochures, des pétitions, des témoignages d’anciens esclaves comme Olaudah Equiano et des images choquantes, telles que le plan du navire négrier Brookes, pour illustrer les conditions inhumaines de la traite.

        Leur action marque le début d’un mouvement abolitionniste organisé. La société recueille des milliers de signatures, organise des réunions publiques et collabore avec des parlementaires sympathisants comme William Wilberforce. Leur travail contribue à changer l’opinion publique et à créer une pression politique en faveur de l’abolition.

        1789 : Publication du « Récit de la vie d’Olaudah Equiano »

        En 1789Olaudah Equiano, également connu sous le nom de Gustavus Vassa, publie son autobiographie intitulée « The Interesting Narrative of the Life of Olaudah Equiano« . Né en Afrique de l’Ouest, probablement dans le royaume du Bénin (actuel Nigeria), Equiano est capturé à l’âge de 11 ans et vendu en esclavage. Son récit décrit son enlèvement, les horreurs de la traite, sa vie en tant qu’esclave et finalement son parcours vers la liberté après avoir acheté sa propre émancipation.

        Le livre devient un best-seller en Angleterre et est traduit en plusieurs langues. Il fournit un témoignage personnel poignant des souffrances endurées par les esclaves, humanise les victimes de la traite et renforce les arguments abolitionnistes. Equiano utilise son récit pour dénoncer l’hypocrisie des chrétiens européens impliqués dans la traite et appelle à l’abolition immédiate. Son œuvre influence l’opinion publique et joue un rôle crucial dans le mouvement abolitionniste.

        1790 : Début des débats sur l’abolition au Parlement britannique

        En 1790, le Parlement britannique entame officiellement des débats sur l’abolition de la traite négrière. Sous l’impulsion de la Société pour l’abolition de la traite négrière et de parlementaires comme William Wilberforce, des discussions approfondies examinent les arguments moraux, économiques et humanitaires contre la traite. Wilberforce présente un projet de loi visant à abolir la traite, soutenu par des témoignages, des preuves et des pétitions.

        Ces débats sont marqués par une forte opposition de la part des propriétaires de plantations, des négociants et de certains députés qui défendent les intérêts économiques liés à la traite. Malgré les obstacles, ces discussions marquent un tournant dans la lutte abolitionniste, sensibilisant davantage le Parlement et préparant le terrain pour les législations futures. Bien que le projet de loi ne soit pas adopté immédiatement, le mouvement gagne en momentum.

        1791 : La Révolution haïtienne, une révolte emblématique

        Le 22 août 1791, la révolte des esclaves éclate à Saint-Domingue, la colonie française la plus riche des Caraïbes, produisant la moitié du sucre et du café consommés en Europe. Menée par des leaders tels que Toussaint LouvertureJean-Jacques Dessalines et Henri Christophe, l’insurrection est déclenchée par les conditions inhumaines de l’esclavage et inspirée par les idéaux de liberté et d’égalité de la Révolution française de 1789.

        La rébellion se transforme en une guerre de libération qui durera plus de dix ans, impliquant des affrontements entre esclaves, colons blancs, mulâtres libres et les armées françaises, espagnoles et britanniques. En 1804, après avoir défait les forces napoléoniennes, Saint-Domingue déclare son indépendance sous le nom d’Haïti, devenant la première république noire libre du monde et le premier État issu d’une révolte d’esclaves réussie.

        La révolution haïtienne ébranle le système esclavagiste mondial, effraie les puissances coloniales et inspire les mouvements abolitionnistes à travers le monde. Elle démontre la capacité des esclaves à se libérer par la force et remet en question la légitimité de l’esclavage. Cependant, Haïti est isolée diplomatiquement et économiquement, subissant un blocus et devant payer une indemnité exorbitante à la France pour être reconnue, ce qui affectera durablement son développement.

        1792 : La « Loi d’interdiction progressive » au Danemark

        En 1792, le Danemark-Norvège devient la première nation européenne à adopter une loi visant à abolir la traite des esclaves. La loi, qui prend effet en 1803, interdit la participation danoise au commerce transatlantique des esclaves. Bien que motivée en partie par des considérations économiques et stratégiques, cette décision pionnière reflète également une prise de conscience morale et humanitaire. L’action du Danemark établit un précédent international et exerce une pression sur les autres puissances européennes pour qu’elles reconsidèrent leur implication dans la traite.

        1793 : La Convention française abolit l’esclavage pour la première fois

        Le 4 février 1794 (16 pluviôse an II), la Convention nationale française décrète l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises, en réponse aux soulèvements à Saint-Domingue et sous l’influence des idéaux révolutionnaires de liberté et d’égalité. Cette mesure radicale est la première abolition légale de l’esclavage à l’échelle nationale. Cependant, l’application de cette loi est limitée et contestée, notamment dans les colonies où les colons résistent à son application. En 1802Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage pour apaiser les colons et relancer l’économie sucrière, annulant ainsi les avancées de la Convention. Néanmoins, cette première abolition marque une étape importante dans l’histoire de l’abolitionnisme et souligne les contradictions entre les principes révolutionnaires et les intérêts économiques.

        Cette période du XVIIIe siècle est caractérisée par une intensification extrême de la traite négrière, soutenue par des intérêts économiques colossaux et des structures légales établies. Cependant, c’est aussi le siècle où émergent des résistances significatives, tant de la part des esclaves eux-mêmes que des mouvements abolitionnistes en Europe et en Amérique. Les révoltes, les publications, les débats politiques et les décisions judiciaires contribuent à ébranler les fondements moraux et légaux de la traite, préparant le terrain pour son abolition progressive au siècle suivant.

        IV. Les premières interdictions et l’abolition progressive (XIXe siècle)

        Le XIXe siècle est marqué par une prise de conscience croissante des horreurs de la traite négrière et de l’esclavage, alimentée par les mouvements abolitionnistes qui gagnent en influence en Europe et en Amérique. Malgré les résistances économiques et politiques, plusieurs nations adoptent des lois pour interdire la traite des esclaves, amorçant une transition lente vers l’abolition totale de l’esclavage.

        1807 : Interdiction de la traite au Royaume-Uni

        William Wilberforce par Karl Anton Hickel, vers 1794

        Le 25 mars 1807, le Slave Trade Act est adopté par le Parlement britannique, interdisant officiellement la traite des esclaves dans l’Empire britannique. Ce succès est le résultat d’années de campagne menée par des abolitionnistes tels que William WilberforceThomas Clarkson et la Société pour l’abolition de la traite négrière.

        Le Slave Trade Act ne met pas fin à l’esclavage lui-même, qui perdure dans les colonies britanniques, mais il marque une étape cruciale dans la lutte contre le commerce transatlantique des esclaves. La loi interdit aux navires britanniques de participer à la traite et prévoit des sanctions pour les contrevenants. Le Royaume-Uni, alors puissance maritime dominante, commence également à faire pression sur d’autres nations pour qu’elles abolissent la traite.

        Pour faire respecter l’interdiction, la Royal Navy met en place une escadre dédiée, le West Africa Squadron, chargée de patrouiller les côtes africaines et d’intercepter les navires négriers. Entre 1808 et 1860, cette escadre capture environ 1 600 navires et libère 150 000 Africains. Toutefois, malgré ces efforts, la traite illégale continue, les marchands utilisant des pavillons étrangers ou des techniques d’évasion pour poursuivre leurs activités lucratives.

        1808 : Les États-Unis emboîtent le pas

        Portrait de Thomas Jefferson, réalisé par Rembrandt Peale, en 1800, huile sur toile (conservé à la Maison-Blanche).

        Le 1er janvier 1808, les États-Unis interdisent officiellement la traite transatlantique des esclaves, conformément à une clause de la Constitution américaine qui permettait au Congrès de légiférer sur ce sujet après 1808. Le président Thomas Jefferson, lui-même propriétaire d’esclaves, signe la loi mettant fin à l’importation d’esclaves sur le territoire américain.

        Cependant, l’esclavage en tant qu’institution perdure aux États-Unis, notamment dans les États du Sud où l’économie dépend fortement du travail des esclaves dans les plantations de coton, de tabac et de sucre. L’interdiction de la traite internationale conduit à une augmentation du commerce domestique des esclaves, avec le déplacement forcé de centaines de milliers d’Africains-Américains du Haut-Sud vers le Deep South.

        Par ailleurs, l’interdiction alimente des routes clandestines et des trafics illégaux. Des navires continuent d’importer secrètement des esclaves en provenance d’Afrique, malgré les risques encourus. Les autorités américaines, tout en ayant légiféré contre la traite, sont souvent laxistes dans l’application de la loi, en raison des pressions politiques et économiques des États esclavagistes.

        1833 : Abolition de l’esclavage dans l’Empire britannique

        Personnes asservies dans une plantation des Antilles, libérées après l’adoption de la loi sur l’abolition de l’esclavage (1833). George Munday/age fotostock

        Le 28 août 1833, le Parlement britannique adopte le Slavery Abolition Act, qui abolit l’esclavage dans la majeure partie de l’Empire britannique. Cette loi entre en vigueur le 1er août 1834, libérant plus de 800 000 esclaves dans les colonies britanniques des Caraïbes, d’Afrique et du Canada.

        L’abolition est le résultat de décennies de campagne abolitionniste, marquée par des pétitions, des manifestations et le travail d’activistes tels que William WilberforceThomas ClarksonOlaudah Equiano et Granville Sharp. Le mouvement est soutenu par une opinion publique de plus en plus sensible aux arguments moraux et religieux contre l’esclavage.

        Cependant, la loi prévoit une période d’apprentissage de quatre à six ans, pendant laquelle les anciens esclaves doivent continuer à travailler pour leurs anciens maîtres contre une rémunération symbolique. Cette mesure provoque des mécontentements et des protestations parmi les affranchis. Finalement, le système d’apprentissage est abandonné en 1838.

        Les propriétaires d’esclaves reçoivent une compensation financière de 20 millions de livres sterling, une somme colossale à l’époque, représentant environ 40 % du budget national. Les esclaves, quant à eux, ne reçoivent aucune compensation pour les souffrances endurées.

        1848 : La France abolit l’esclavage dans ses colonies

        « L’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises », par François-Auguste Biard, 1849 PHOTO : © Wikimedia Commons 

        Le 27 avril 1848, le gouvernement provisoire de la Deuxième République française adopte un décret abolissant définitivement l’esclavage dans toutes ses colonies. Cette décision est largement attribuée à l’action de Victor Schœlcher, sous-secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies, fervent abolitionniste.

        Après une première abolition en 1794 par la Convention nationale, l’esclavage avait été rétabli en 1802 par Napoléon Bonaparte pour satisfaire les colons et relancer l’économie sucrière des Antilles. La seconde abolition de 1848 marque donc la fin officielle de l’esclavage dans les colonies françaises, libérant environ 250 000 esclaves en Guadeloupe, Martinique, Guyane française, Réunion et Sénégal.

        Le décret de 1848 est accompagné de mesures visant à intégrer les anciens esclaves dans la société coloniale, notamment par l’octroi de la citoyenneté française. Cependant, la transition est difficile, et les anciens esclaves continuent de faire face à des discriminations, à des conditions de travail précaires et à une ségrégation sociale persistante.

        V. La fin officielle de la traite (Fin XIXe siècle)

        Le XIXe siècle est marqué par une prise de conscience croissante des horreurs de la traite négrière et de l’esclavage, alimentée par les mouvements abolitionnistes qui gagnent en influence en Europe et en Amérique. Malgré les résistances économiques et politiques, plusieurs nations adoptent des lois pour interdire la traite des esclaves, amorçant une transition lente vers l’abolition totale de l’esclavage.

        1865 : Fin de l’esclavage aux États-Unis

        Homme noir lisant un journal à la lumière d’une bougie. Note : L’homme lit un journal dont le titre est « Presidential Proclamation, Slavery » (Proclamation présidentielle, esclavage), ce qui fait référence à la Proclamation d’émancipation de janvier 1863. Dessin ; aquarelle. Bibliothèque du Congrès, Prints & Photographs Division. Vers 1863

        La Guerre de Sécession (1861-1865) oppose les États du Nord, industrialisés et abolitionnistes, aux États du Sud, agricoles et esclavagistes. Le conflit est en grande partie centré sur la question de l’esclavage et des droits des États.

        Le 1er janvier 1863, le président Abraham Lincoln signe la Proclamation d’émancipation, qui déclare libres tous les esclaves des États confédérés rebelles. Cependant, cette proclamation ne s’applique pas aux États esclavagistes restés fidèles à l’Union ni aux zones déjà sous contrôle de l’armée de l’Union.

        C’est avec la ratification du Treizième Amendement à la Constitution américaine, le 6 décembre 1865, que l’esclavage est définitivement aboli aux États-Unis. L’amendement stipule que « ni esclavage ni servitude involontaire n’existeront aux États-Unis, ni dans aucun lieu soumis à leur juridiction ».

        Cette abolition marque la libération de plus de quatre millions d’esclaves afro-américains. Cependant, la période de la Reconstruction qui suit est marquée par des tensions raciales, la mise en place des lois Jim Crow et la persistance de discriminations systémiques contre les Afro-Américains.

        1888 : Abolition de l’esclavage au Brésil

        Reproduction de la loi d’or de 1888. Archives : Ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics.

        Le 13 mai 1888, la Lei Áurea (Loi d’or) est promulguée par la princesse Isabel, fille de l’empereur Pedro II, abolissant l’esclavage au Brésil. Dernier pays du continent américain à abolir l’esclavage, le Brésil libère ainsi environ 700 000 esclaves, marquant la fin officielle de la traite transatlantique des esclaves.

        Cette abolition est le résultat de décennies de pression interne et externe, de révoltes d’esclaves, de fuites vers des communautés de quilombos (villages de marrons) et de campagnes menées par des abolitionnistes tels que Joaquim Nabuco et José do Patrocínio.

        L’économie brésilienne, fortement dépendante de l’esclavage, notamment dans les plantations de café et de sucre, subit une transformation majeure. Les anciens esclaves sont libérés sans compensation ni assistance, confrontés à la pauvreté et à la marginalisation.

        Efforts internationaux pour supprimer la traite

        Délégués du Congrès de Vienne dans une gravure contemporaine de Jean Godefroy d’après le tableau de Jean-Baptiste Isabey.

        Tout au long du XIXe siècle, des efforts diplomatiques sont déployés pour mettre fin à la traite négrière. Le Royaume-Uni signe des traités bilatéraux avec plusieurs pays pour interdire la traite, et les puissances européennes se réunissent lors de congrès internationaux.

        Lors du Congrès de Vienne en 1815, les nations européennes condamnent la traite des esclaves, bien que sans mesures contraignantes. En 1885, l’Acte final de la Conférence de Berlin sur le partage de l’Afrique inclut des dispositions pour la suppression de la traite.

        Malgré ces initiatives, la traite illégale persiste, notamment en Afrique de l’Est et dans l’océan Indien, alimentée par les marchés du Moyen-Orient et de l’Asie. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que la traite négrière est quasiment éradiquée, grâce à une combinaison de pression internationale, de surveillance navale et de changements économiques.

        Conséquences et héritage de l’abolition

        Groupe de travailleurs indiens à la Martinique – XIXe siècle.

        L’abolition de l’esclavage ne met pas fin aux inégalités et aux discriminations raciales. Dans les anciennes colonies, les sociétés restent marquées par les hiérarchies héritées de l’esclavage. Les anciens esclaves et leurs descendants font face à des obstacles économiques, sociaux et politiques.

        Des systèmes de travail coercitif, tels que le système d’engagisme ou le travail forcé, sont mis en place pour remplacer la main-d’œuvre esclave, exploitant souvent des populations indigènes ou des travailleurs immigrés sous contrat.

        Les luttes pour les droits civiques, l’égalité et la justice sociale se poursuivent tout au long des XIXe et XXe siècles, portées par des mouvements tels que le panafricanisme, le mouvement des droits civiques aux États-Unis et les luttes anticoloniales en Afrique et dans les Caraïbes.

        Bilan et conséquences de la traite transatlantique

        La traite négrière transatlantique a laissé un héritage lourd pour les peuples africains et leurs descendants, avec des conséquences durables sur les sociétés afrodescendantes et les structures raciales mondiales.

        Impact démographique et social

        La déportation de millions de jeunes hommes et femmes a affaibli des régions entières d’Afrique. Elle a aussi entraîné des conflits ethniques et exacerbé les inégalités de genre dans les communautés affectées.

        Conséquences économiques pour l’Europe

        Les richesses accumulées grâce à l’esclavage ont soutenu la révolution industrielle et le développement de l’Europe. Des banques et industries européennes ont bâti leur prospérité sur le commerce des êtres humains.

        Résilience et culture afro-descendante en Amérique

        En dépit de l’oppression, les esclaves ont su préserver leurs traditions culturelles. La diaspora afrodescendante a développé des identités et des cultures uniques, fusionnant héritages africains et influences locales.

        Conclusion

        Aujourd’hui, les initiatives mémorielles et les réflexions historiques permettent de mieux comprendre cette période sombre de l’histoire. Cette compréhension est essentielle pour se rappeler des atrocités passées et œuvrer à bâtir un futur plus équitable, respectueux de la dignité et de l’héritage des peuples africains et afrodescendants.

        Sommaire

        Wish : Au Coeur du Cinéma Antillais avec Julien Dalle

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        Dans cet entretien exclusif avec Pascal Archimède, Julien Dalle, producteur et réalisateur guadeloupéen, nous dévoile les coulisses de Wish. Cette série qui retrace l’histoire d’une famille de producteurs de musique antillais, rassemble des figures iconiques de la scène antillaise: d’Admiral T à Francky Vincent, en passant par le trappeur Mata. Lors de cet échange, Julien partage son parcours vers le cinéma, évoque la place du cinéma caribéen sur la scène (inter)nationale, le besoin de renforcer la production locale ainsi que le rôle des acteurs noirs dans l’industrie française. Avec un budget d’un million d’euros et de grands défis, la série Wish, diffusée sur Canal + dès le 20 Novembre 2024, s’affirme comme un projet ambitieux pour le cinéma caribéen.

        •  Salut Julien, parle-nous un peu de ton parcours personnel. D’où viens-tu et qu’est-ce qui t’a poussé vers le cinéma, en sachant qu’à l’origine tu viens d’une école de commerce ?

        Salut Pascal, je suis né et j’ai grandi en Guadeloupe, aux Abymes dans le quartier d’Anquetil. C’est mon père qui m’a poussé vers le cinéma. Il m’a en effet très tôt transmis sa passion des films. Comment? D’une part, il m’a appris à les regarder avec attention, à en analyser ses composantes (musiques, bruitages, constructions scénaristiques…). Avec mon grand frère, nous pouvions par exemple visionner avec plaisir le même film 50 fois tout en découvrant de nouveaux éléments. 

        D’autre part, il m’a montré qu’il était possible de faire nous-mêmes nos propres films! À l’époque très peu de particuliers réalisaient des fictions. J’ai ainsi pu, dès l’âge de 5 ans, tourner devant sa caméra, le voir monter ses films pour nous les faire visionner après.

        Par la suite, ma mère m’a acheté mon premier caméscope (JVC), qui m’a permis de passer mon enfance à filmer mes amis, à les mettre en scène, et ainsi à me faire une expérience sur le terrain. 

        Les études m’ont amené plutôt à faire une école d’ingénieur en physique et une école de commerce. Par la suite, j’ai travaillé 10 ans à Sony dans le marketing… mais sur des produits audiovisuels. Tout a fini par se recouper. 

        En définitive, je n’ai pas fait d’études de cinéma, mais le cinéma a de tout temps été ma grande passion. 

        Julien DALLE en compagnie de sa grand-mère

        • Tu as déjà réalisé trois films. Y a-t-il un lien thématique ou artistique entre ces trois projets ? Et où peut-on visionner ces films?

        Le lien entre ces films est qu’ils racontent des histoires contemporaines et mettent en lumière des personnages antillais. 

        Ces trois films, Les Konxs , Retour au pays et Secrets de famille , sont d’ailleurs une trilogie sous le nom de balades Créoles

        Ils sont régulièrement achetés par des chaînes de télévision. En ce moment les droits de ces chaînes ont expiré. Du coup, le temps qu’ils les remettent en diffusion, il reste quelques Dvd qu’on peut commander à l’association ALMA (association du long métrage Antillo guyanais) sur Facebook. 

        • Tu viens de terminer la première saison de la série Wish. Peux-tu nous dire de quoi ça parle ? Quels en sont les thèmes principaux ?

        Wish est une série de fiction sur l’industrie musicale antillaise. Elle a la particularité de raconter l’histoire d’une famille fictive, mais dans laquelle les chanteurs jouent quasiment tous avec leurs propres noms. 

        Il s’agit là d’un genre nouveau que j’appelle fiction-réalité.  J’ai concrétisé et donné forme à cette idée pour aller encore plus loin dans ce qui fait notre essence, ce qui nous ressemble, ce qui nous rassemble en restant le plus authentique à ce que nous sommes!

        Je pense que ce système fonctionne plutôt bien et la suite de la série sera sur le même principe. Cela permet également de s’appuyer sur l’actualité pour alimenter nos scénarios. 

        Wish traite donc des coulisses de la musique antillaise. Notre  musique est riche et variée, et cette série a pour objectif de faire découvrir ou mieux faire connaître à un plus large public, nos musiques traditionnelles, le Zouk ainsi que les musiques dites “urbaines”. 

        Par ailleurs, à travers la famille à la tête de ce studio (la famille Saint-Eloi), nous montrons les difficultés et les moments de joie que peuvent vivre certaines familles antillaises.

        Enfin, c’est une série qui montre les artistes dans leur intimité et qui fait découvrir les coulisses de l’industrie musicale. En faisant mieux comprendre les complexités de leurs métiers, c’est une façon de leur rendre hommage et de faire leur public les connaître un peu mieux.

        Wish est donc une série qui a pour objectif de montrer la beauté de nos arts aux Antilles et de nous dépeindre tels que nous sommes, avec authenticité!

        • Wish, c’est plus d’un million de budget. Réunir ces fonds a dû être un défi. Comment as-tu réussi à surmonter ces obstacles financiers pour mener à bien ce projet ? Les participants ont-ils été payés? Ou était ce sur la base du volontariat ?

        Au début, le projet est parti d’un rassemblement d’acteurs et d’intermittents du spectacle qui, pour finaliser un projet de fin de formation, ont accepté de me suivre bénévolement pour concrétiser le projet pilote. 

        Puis, face à l’engouement de ce projet, du public et des partenaires, nous avons rapidement monté un « vrai projet financier ». J’ai été agréablement surpris de voir qu’ils souhaitaient toutes et tous rejoindre notre aventure afin de soutenir un tel projet fédérateur. 

        Techniquement, le budget de Wish a été réalisé grâce à la contribution des collectivités qui ont toutes adhéré à ce projet, grâce aux diffuseurs de la série (Canal + et France Télévisions Outre-Mer) et grâce aux entreprises (sponsoring). 

        Grosso modo, le budget d’une série se partage en trois parts égales grâce à ces 3 acteurs financeurs. 

        Comme tu le disais, Wish a un budget d’environ 1 million d’euros, ce qui est déjà une belle étape de franchie car elle est produite aux Antilles. 

        En moyenne, la même série en France hexagonale aurait 5 fois plus de budget et aux États Unis 10 fois plus.  Nous développons donc notre cinéma et progressons. Nous devons continuer à développer notre modèle pour avoir un jour les mêmes revenus que les autres pays. Au moment où je te parle, la production de films ne nous laisse que très peu de bénéfices à nous producteurs. Nous nous battons pour avoir un jour les mêmes budgets que les autres.

        Par ailleurs tous les acteurs et techniciens de la série ont été payés selon les conventions salariales du Centre National de la Cinématographie (CNC).

        C’est une série télévisée, produite pour être normée au national et à l’international. 

        Outre  les plus de 300 comédiens et techniciens qui ont participé au film, beaucoup de bénévoles ont aussi participé à ce projet collectif qui a rapidement provoqué un engouement au sein de la population. 

        Au final, lors des deux tournages et dans l’accompagnement du film, c’est plus de 1000 personnes qui ont contribué à leur façon à cette aventure. On peut donc dire que Wish est la série des guadeloupéens, des martiniquais et des guyanais qui eux aussi ont été présents parmi les partenaires, acteurs et techniciens. 

        Les 3 réalisateurs de Wish de gauche à droite: Dimitry ZANDRONIS, Julien DALLE et Marc BOYE

        • Julien, depuis quelques années, des voix s’élèvent au sein de la communauté pour dénoncer le manque de diversité dans le cinéma français. Que penses-tu de la place faîte aux acteurs/actrices noir(e)s dans le cinéma français ?

        C’est important pour tous les peuples du monde, et donc pour les afrodescendants de se voir régulièrement à la télévision. 

        Je pense que la place faite aux acteurs/actrices noir(e)s est beaucoup trop faible. 

        Je n’étais pas forcément pour la notion de quota dans le cinéma, telle que ça a été fait aux États Unis. Mais je pense aujourd’hui que cette méthodologie serait nécessaire pour accélérer la représentativité à l’écran.

        Le résultat aux États Unis par exemple, est qu’en deux générations, il’ n’y a plus qu’un seul acteur noir américain connu en la personne de Sydney Poitier, mais une bonne cinquantaine voire une centaine aujourd’hui. 

        Cela permet par exemple à des mécènes comme Denzel Washington de payer des études à des comédiens noirs. Et l’on voit également une émulation positive autant à la production avec des gens tels que Tyler Perry, qu’à la réalisation avec Spike Lee par exemple.

        Souhaitons que nous rétablissions les choses le plus rapidement possible. Notre production antillaise a son rôle à jouer en apportant des œuvres à l’édifice pour une meilleure représentativité. 

        Julien DALLE

        • Certains considèrent que les rares Noir(e)s qui apparaissent dans les productions cinématographiques françaises sont souvent cantonné(e)s à des stéréotypes. Qu’en penses-tu?

        Même si les choses évoluent peu à peu, c’est effectivement souvent encore le cas. 

        Le développement des sociétés de production basées aux Antilles est une alternative à ce problème. Nous donnons des rôles beaucoup plus variés aux comédiens car nous ne fonctionnons pas par stéréotypes, mais mettons en avant un cinéma authentique. 

        Nous parlons de personnages que nous connaissons car nous vivons parmi et avec eux. 

        Cela permet mécaniquement de leur donner tous types de rôles, et parfois de leur donner des rôles dans des registres qu’ils n’avaient jamais expérimentés auparavant. 

        Par exemple Firmine Richard, notre meilleure actrice antillaise et la plus connue au national, n’avait jamais eu de rôle dramatique en… 20 ans de carrière…Ce qu’elle a pu expérimenter lors du tournage de mon film secrets de famille en 2010. 

        Les budgets sont encore insuffisants, mais ces productions sont cruciales dans la chaîne de l’industrie cinématographique pour qu’un maximum de comédiens puissent cumuler les tournages.

        « Pour que ce système fonctionne, il faut également que notre public afrodescendant réponde présent quand l’un de nos films sort en salle.« 

        • Julien, depuis quelques décennies, des fils et filles de personnalités se succèdent devant et derrière la caméra (Delon, Castel, Depardieu, Gainsbourg…). Le cinéma français est-il devenu une entreprise familiale ?

        Il est assez normal comme dans la musique ou le sport, que les enfants, ayant vu l’exemple de leurs parents, suivent leur trace. Je ne suis donc pas choqué par la présence des enfants de stars dans le milieu du cinéma. 

        Ce qu’il faudrait faire évoluer, ce sont les circuits de financement qui vont souvent aux mêmes personnes. Ce sont les barrières à l’entrée où seules quelques sociétés de production ont une production immense, quand les petites sociétés peinent à boucler un projet.

        Je trouve aussi qu’il devrait y avoir une meilleure logique entre les budgets et les recettes d’un film. 

        Ainsi certains producteurs perdent de façon répétée beaucoup d’argent sur des films et n’ont cependant pas de difficultés à se faire financer à nouveau. Et tout cela pendant que d’autres, notamment des sociétés de production antillaises, se voient régulièrement refuser les aides nationales. 

        C’est ce système de répartition qu’il faut faire évoluer et rendre plus juste. 

        Nous aurons alors mécaniquement une meilleure représentativité de nos films au niveau national et n’aurions pas besoin de passer par la solution des quotas. 

        Pour que ce système fonctionne, il faut également que notre public afrodescendant réponde présent quand l’un de nos films sort en salle. 

        • Julien, est-il aisé pour un réalisateur antillais comme toi de produire et distribuer une production artistique telle que Wish à un niveau local et national ?

        Au niveau régional c’est aujourd’hui possible et facilité par rapport à il y a quelques années. Nous sommes dans la bonne direction assurément. 

        Nous avons deux diffuseurs forts et impliqués dans le développement des productions locales: France Televisions Outre-Mer et Canal +, qui financent régulièrement les œuvres des producteurs antillo-guyanais. 

        Nous avons des collectivités qui jouent le jeu et des complexes cinématographiques de qualité dans chaque île. 

        En revanche, cela pêche toujours au niveau national, où même si ces mêmes diffuseurs rendent nos programmes disponibles au national en VOD, ces derniers sont peu mis en avant. 

        Il faudrait aussi que ces diffuseurs promeuvent davantage nos œuvres auprès du public national afin de les familiariser à nos films. Et que nous, acteurs locaux et collectivités, trouvions des formules pour que la population afrodescendante de France et de Navarre soit informée de l’existence de nos productions.

        Je travaille à des solutions dans ce sens avec des partenaires basés sur Paris. L’objectif est que nous passions ce plafond de verre. 

        • Je sais que l’un de tes rêves est de développer un cinéma à l’échelle caribéenne (francophone, anglophone, et hispanophone). Comment imagines-tu la mise en place d’un tel projet ? Serait-ce une façon d’augmenter la visibilité de nos films sans forcément passer par l’industrie nationale?

        En fait Pascal, je souhaite à la fois un développement de nos films au niveau national ET dans la caraïbe. 

        Au niveau national car, selon moi, plus de films permettraient d’améliorer la connaissance de la communauté antillaise par les autres communautés. Ça permettrait ainsi de recréer du lien et de faire baisser le communautarisme. 

        Une meilleure exposition de nos films au national (re)donnerait, à mon avis, plus de fierté aux Antillais et à leurs descendants. 

        Par exemple, on peut trouver cliché le film Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu , mais il a aussi permis de mieux comprendre chacune des communautés mises en scène. Grâce à l’humour, le spectateur a vu les membres de diverses communautés évoluer ensemble et se comprendre. 

        Il faut également un développement de nos films dans la Caraïbe car nous sommes des peuples culturellement très proches. Je pense donc qu’avec du doublage et/ou du sous-titrage, les caribéens hispanophones et anglophones se retrouveraient dans nos histoires authentiques et pourraient apprécier nos films et séries. C’est déjà le cas et nous pouvons là aussi développer des projets et construire des partenariats.

        À titre d’exemple, Saint Domingue héberge les seuls studios de tournages de la caraïbe. 

        Il serait intéressant d’aller tourner la bas et de mettre en place un partenariat entre les Antilles et Saint Domingue. Au final, nous aurions un produit multiculturel qui pourrait se vendre dans plus de territoires. 

        • Julien, je reviens à la série Wish. Sans la spoiler,  peux-tu nous donner 2 ou 3 raisons susceptibles de nous donner envie d’aller la voir ?

        Tout d’abord parce que c’est une série historique avec le plus grand rassemblement jamais réalisé d’artistes, chanteurs et humoristes antillais. Les amoureux des Antilles verront à l’écran leurs personnages les plus emblématiques. 

        Ensuite parce que cette série a été calibrée techniquement pour l’international. Cela veut dire que nous avons utilisé et investi dans du matériel technique de très grande qualité pour que notre série puisse fièrement concurrencer les autres séries internationales. 

        Enfin, parce que cette série est un écrin de tous les arts des Antilles, et que ces talents sont montrés à l’écran. Au delà de la musique omniprésente dans la série, nous montrons d’autres arts tels que la danse ou les arts visuels, sans oublier l’architecture, grâce notamment à de très belles images aériennes qui mettent en avant la beauté de nos édifices et de notre territoire. 

        • Sur Wish, tu as collaboré avec une pléiade d’artistes. Est-ce que ça a été facile de gérer ces différentes personnalités ? Comment as-tu réussi à maintenir une  dynamique au sein de l’équipe ?

        C’est en effet un projet d’une immense complexité. À la fois au niveau audiovisuel, car il s’agissait d’un tournage avec plus d’une centaine d’artistes connus. Mais aussi au niveau musical où il a fallu composer, adapter, revisiter plus de 250 chansons et nappes musicales.

        Malgré l’ampleur du projet, les artistes de Wish ont été admirables. Habitués à briller seuls, ils ont vraiment joué le jeu du collectif et facilité le tournage. 

        Ils ont prouvé que si l’on est tous motivés par un vrai projet collectif, nous pouvons tous collaborer. 

        Je pense qu’après les multiples exemples de clashs intergénérationnels ou en tous genres dans nos îles ces dernières années, le fait que ce projet soit resté immaculé est un motif d’espoir pour l’avenir et les nouvelles collaborations. 

        Je crois que nous sommes tous conscients qu’ensemble on ira plus loin, c’est peut être le moment de le prouver dans les faits de façon répétée. 

        J’espère que le projet Wish durera plusieurs saisons, il est en tout cas structuré pour, et que nous trouverons toujours les solutions pour faire cohabiter ces acteurs majeurs du secteur artistique. Petit scoop Pascal, ces artistes ont d’ailleurs pris plaisir à se connaître et à se revoir pendant le tournage. 

        De plus, je pense que les techniciens de Wish ont également vécu une expérience spéciale avec ces plateaux remplis de tant de personnalités. 

        Moi même j’étais heureux d’être entouré de tant d’idoles d’enfance! 

        Je crois qu’il y a eu énormément de respect entre techniciens de l’audiovisuel et artistes. C’était là aussi un moment de partage qui restera probablement gravé dans la mémoire de toutes celles et ceux qui ont vécu ces moments historiques.

        « Si la population antillaise est au rendez-vous, nous aurons sans aucun doute d’autres saisons.« 

        •  Peut-on espérer une 2ème saison de Wish? 

        Oh Oui! J’ai en effet structuré Wish pour que ce programme dure 50 saisons. 

        Maintenant afin de s’assurer que les diffuseurs commanderont une deuxième saison il faut trois choses: 

        – Primo, que le produit final soit de qualité et réussi. Nos premières projections privées montrent que le produit plaît énormément, alors nous sommes confiants. 

        – Deuzio, que le succès régional soit spectaculaire. Là encore après la mobilisation d’une bonne partie de la population guadeloupéenne et martiniquaise, et des centaines d’encouragements, nous sommes résolument confiants que le programme sera massivement regardé aux Antilles-Guyane et même nous l’espérons dans le reste des régions outre-mer.

        – Et troisièmement, que le succès national soit important. C’est là que nous devons collectivement tous jouer le jeu en faisant passer l’information à nos familles qui vivent en France hexagonale et notamment en Île de France. Une chose est sûre, si la population antillaise est au rendez-vous, nous aurons sans aucun doute d’autres saisons.

        « Je donne donc rendez vous à tous les abonnés de Nofi, quelque soit l’endroit où ils vivent, le 20  novembre sur Canal + pour la sortie de la série Wish.« 

        • Julien, as-tu des projets à venir?

        J’ai un documentaire qui est en partie déjà tourné à la Réunion. C’est un très beau documentaire sur les personnes porteuses de handicap dans le milieu sportif. Ce documentaire mettra particulièrement en lumière les membres de l’association « Canal de vie » d’Éric Bermont.

        Cette association magnifique qui se bat pour notre rescapé guadeloupéen Loïc Liber, survivant des attentats de Toulouse et de Montauban. 

        Le documentaire est une formidable leçon de vie que le public découvrira probablement en 2025. 

        Je développe toujours mon quatrième long métrage dont le thème est l’humanitaire entre îles caribéennes et la solidarité après le passage d’un cyclone. 

        Ce projet a été mis en standby avec Wish qui prend effectivement toute la place aujourd’hui, et je ne te cache pas que j’ai déjà hâte d’écrire la saison 2 de Wish! 

        Je donne donc rendez vous à tous les abonnés de Nofi, quelque soit l’endroit où ils vivent le 20  novembre sur Canal + pour la sortie de la série Wish.

        Du fond du cœur, j’espère que cette série destinée à la famille renforcera les liens qu’ils soient (inter)générationnels, communautaires ou autres et qu’elle donnera autant de plaisir aux spectateurs qu’elle nous en a donnée à la concocter.

        ‘Fanon’, une première mondiale au Festival de Marrakech

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        Plongée dans l’univers d’un des plus grands penseurs anticolonialistes du XXe siècle, Fanon, réalisé par Jean-Claude Barny, sera présenté en première mondiale au Festival International du Film de Marrakech. Une œuvre ambitieuse qui transcende les frontières, mêlant histoire, réflexion et cinéma engagé, pour interroger notre présent à travers le regard visionnaire de Fanon.

        La vie et l’héritage de Frantz Fanon illuminent le Festival de Marrakech 2024

        Fanon, une première mondiale au Festival de Marrakech

        Le Festival International du Film de Marrakech 2024, qui se déroulera du 29 novembre au 7 décembre, s’apprête à accueillir un événement exceptionnel : la première mondiale de Fanon, réalisé par Jean-Claude Barny. Ce film, produit par Special Touch Studios et WebSpider Productions, offre une exploration poignante de la vie et de l’héritage de Frantz Fanon, figure incontournable des luttes anticolonialistes du XXe siècle.

        Le Festival de Marrakech, reconnu pour son engagement en faveur du cinéma mondial et de la diversité culturelle, représente un écrin parfait pour la présentation de Fanon. Le film, projeté en séance spéciale, s’inscrit dans une sélection riche de 32 pays, reflétant une pluralité de voix et de récits qui convergent vers un dialogue universel.

        'Fanon', une première mondiale au Festival de Marrakech

        Fanon se distingue immédiatement par son ambition : capturer la pensée complexe et le parcours tumultueux de Frantz Fanon. Né en Martinique en 1925, Fanon était bien plus qu’un intellectuel ou un médecin psychiatre. Ses écrits, notamment Peau noire, masques blancs et Les Damnés de la Terre, ont profondément marqué la pensée contemporaine, mettant en lumière les mécanismes insidieux de l’oppression coloniale et la nécessité d’une révolution totale, culturelle autant que politique.

        Présenter ce film à Marrakech est un geste significatif. Cette ville, à la croisée des cultures africaines, arabes et européennes, offre un cadre propice pour revisiter l’histoire d’un homme qui a voué sa vie à la lutte pour la justice et la dignité humaine.

        Fanon est le fruit d’une collaboration internationale ambitieuse. Avec une majorité de financement français, le film a bénéficié de contributions du Luxembourg, du Canada et de la Belgique. Ce partenariat illustre l’universalité des thématiques abordées par Fanon et l’impact global de son héritage.

        Cette dimension multinationale se reflète également dans la vision artistique du film. Jean-Claude Barny, connu pour sa capacité à allier réalisme et poésie, livre une œuvre qui dépasse le cadre d’une simple biographie. À travers des images évocatrices et une narration immersive, il invite les spectateurs à plonger dans l’esprit d’un homme dont les idées continuent de résonner dans un monde marqué par des inégalités structurelles.

        Capturer la complexité de Frantz Fanon est une tâche colossale, et Jean-Claude Barny relève ce défi avec brio. Le réalisateur choisit de ne pas se limiter à un récit chronologique des événements de la vie de Fanon. Au contraire, il explore les tensions internes et externes qui ont façonné cet homme extraordinaire, tout en mettant en lumière les dilemmes moraux et politiques auxquels il a été confronté.

        Le film s’attache à illustrer comment Fanon, né dans une société profondément marquée par le colonialisme, a su transcender ses origines pour devenir une voix majeure des luttes anticolonialistes. En Algérie, où il s’est installé comme psychiatre dans les années 1950, il a découvert une autre facette de la violence coloniale. Cette expérience l’a poussé à rejoindre le Front de Libération Nationale (FLN) et à militer activement pour l’indépendance algérienne.

        En revisitant la pensée de Fanon, Fanon ne se contente pas de regarder en arrière. Il s’agit aussi d’interroger notre époque. Les thématiques abordées dans le film — l’aliénation, la justice sociale, la décolonisation — trouvent un écho puissant dans les défis actuels, qu’il s’agisse des luttes contre le racisme systémique ou des revendications pour une justice économique et écologique.

        Fanon écrivait :

        « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. »

        En mettant cette réflexion au cœur de son film, Jean-Claude Barny pousse les spectateurs à s’interroger sur leur propre rôle dans un monde encore marqué par des déséquilibres profonds.

        Le choix de présenter Fanon à Marrakech s’inscrit dans une volonté de porter le message du film auprès d’un public cosmopolite. Ce festival, qui célèbre les récits du monde entier, offre une plateforme idéale pour un film qui transcende les frontières géographiques et idéologiques. À travers cette projection, Fanon s’impose comme une œuvre universelle, aussi pertinente pour les spectateurs africains qu’européens, américains ou asiatiques.

        Fanon n’est pas seulement un film sur l’homme. C’est une œuvre qui interroge nos sociétés, nos institutions, et nos responsabilités individuelles et collectives. En explorant la vie et la pensée de Fanon, le film pousse les spectateurs à questionner leurs propres privilèges, leurs propres engagements. Il ne s’agit pas d’un récit passéiste, mais d’un appel à l’action, une invitation à construire un monde plus juste.

        Pour les spectateurs du Festival de Marrakech, assister à la projection de Fanon sera bien plus qu’une expérience cinématographique. Ce sera une plongée dans une œuvre viscérale, porteuse d’une urgence intellectuelle et émotionnelle. C’est l’occasion de revisiter un héritage qui, loin de s’être figé dans l’histoire, continue de façonner les luttes contemporaines.

        Le Festival International du Film de Marrakech sera le théâtre de cette première mondiale qui promet de marquer les esprits. Fanon, par sa profondeur narrative et sa portée universelle, s’impose comme l’un des temps forts de cette édition 2024. Plus qu’un hommage à Frantz Fanon, c’est un miroir tendu à nos sociétés, un rappel des luttes passées et présentes, et une inspiration pour celles à venir.

        Ne manquez pas cet événement exceptionnel, où cinéma et réflexion se rencontrent pour célébrer une figure majeure de notre histoire collective. Fanon est bien plus qu’un film : c’est une leçon d’humanité.

        Zonga, quand les masques dansent, l’Histoire se révèle

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        Découvrez Zonga, un spectacle captivant mêlant danse, musique et art visuel pour explorer l’identité africaine, la restitution des masques et l’héritage culturel.

        Zonga : une exploration de l’identité et de l’héritage culturel africain

        Il est des moments où l’art transcende le simple divertissement pour devenir un miroir tendu à la société, un écho des voix longtemps étouffées, une invitation à revisiter les pages oubliées de notre histoire commune. Zonga est de cette trempe-là. Ce spectacle de danse, imaginé par le chorégraphe congolais Jipé Lukusa-Kankonde, est bien plus qu’une performance scénique ; c’est une exploration profonde des questions d’identité, d’héritage culturel et de justice historique.

        Le retour des masques

        Zonga, qui signifie « retour » ou « reviens » en lingala, langue du Congo, résonne comme un appel puissant à la restitution des objets d’art africains à leurs pays d’origine. Mais au-delà de la question matérielle des objets, c’est une quête de soi, une reconnection avec des racines parfois coupées, une affirmation que le patrimoine culturel ne peut être dissocié de ceux qui l’ont créé.

        Sur scène, quatre danseurs évoluent en symbiose avec quatre masques, symboles emblématiques des cultures africaines. Dans la tradition, le masque n’est pas qu’un simple objet ; il est l’incarnation d’un esprit, une passerelle entre le monde des vivants et celui des ancêtres. Le masque est à la fois matière et âme, et celui qui le porte devient le vecteur d’une histoire millénaire.

        Dès les premières notes, les masques reprennent vie, sortant de leur silence imposé par les vitrines des musées occidentaux. Les corps des danseurs, habités par ces esprits ancestraux, retrouvent des sensations oubliées. Ils dansent, non pas pour le simple plaisir du mouvement, mais pour raconter une histoire, celle d’une déchirure et d’un désir de réunification.

        Tradition et modernité : le dialogue des corps

        Le spectacle est une conversation entre tradition et modernité, entre l’héritage ancestral et les influences contemporaines. Les danseurs aspirent à une liberté nouvelle, à transcender les codes établis, attirés par les promesses d’une modernité souvent dictée par d’autres. Ils sont influencés par des dogmes importés, des images véhiculées par une mondialisation uniformisante.

        Face à eux, les masques, gardiens des traditions, les encouragent à ne pas oublier, à maintenir ce lien précieux avec leurs racines. Ce dialogue, parfois conflictuel, se traduit par une chorégraphie où les styles se mêlent et se répondent. La danse traditionnelle, avec ses mouvements ancrés dans le sol, côtoie la danse contemporaine, aérienne et libérée. C’est un équilibre délicat, une recherche constante du juste milieu entre le passé et le présent.

        La musique, éclectique et audacieuse, accompagne cette dualité. Elle oscille entre des sonorités traditionnelles africaines, des chants grégoriens, du gospel et des notes électro. Chaque note, chaque rythme est une couche supplémentaire dans cette exploration identitaire.

        Jipé Lukusa-Kankonde, l’artiste au carrefour des mondes

        Au cœur de Zonga se trouve Jipé Lukusa-Kankonde, chorégraphe et danseur autodidacte au parcours aussi riche que singulier. Né au Congo, Jipé a commencé sa carrière dans la danse hip-hop, maîtrisant le poppin’, le locking et le jazz-rock. Mais son appétit pour l’expression corporelle l’a rapidement poussé à explorer d’autres horizons.

        Au fil des années, il s’est formé à des styles variés : ballet, modern jazz, danse contemporaine, techniques Graham et Horton, afro-contemporain, et bien d’autres. Cette polyvalence lui a permis de collaborer avec des compagnies prestigieuses et de se produire sur les scènes du monde entier, de l’Asie à l’Amérique, en passant par l’Europe et l’Afrique.

        Mais au-delà des performances, c’est sa capacité à fusionner les styles, à créer des ponts entre les cultures, qui fait de lui un artiste à part. Avec Zonga, il signe une œuvre personnelle et universelle, une invitation à repenser notre rapport à l’art, à l’histoire et à nous-mêmes.

        Une expérience immersive et engagée

        Zonga n’est pas un spectacle comme les autres. Il mêle danse, musique, théâtre et arts visuels pour offrir une expérience immersive au spectateur. Les projections d’images et de courts enregistrements de débats enrichissent l’esthétique du spectacle, tout en suscitant une réflexion profonde sur les enjeux historiques et contemporains.

        Les danseurs, Abdul Karim Sangari, Brice Gabiro, Lele Vanyan et Jipé Lukusa-Kankonde lui-même, incarnent cette dualité entre tradition et modernité. Leurs mouvements captent l’énergie du débat, exprimant tour à tour la révolte, la nostalgie, l’espoir et la détermination.

        La scénographie, épurée mais symbolique, permet à l’attention de se concentrer sur l’essentiel : le message porté par les corps en mouvement. Les costumes et maquillages, conçus par Marie Cécile Memesi, renforcent cette impression d’intemporalité, de connexion entre le passé et le présent.

        La question de la restitution, un débat nécessaire

        Au-delà de l’aspect artistique, Zonga pose une question essentielle : celle de la restitution des objets d’art africains. Des milliers d’œuvres, masques, sculptures, artefacts sacrés, ont été prélevés sur le continent africain pendant la colonisation et sont aujourd’hui exposés dans les musées occidentaux. Ces objets, arrachés à leur contexte culturel et spirituel, sont souvent présentés comme des curiosités exotiques, déconnectées de leur signification profonde.

        Le spectacle explore les arguments en faveur et contre cette restitution. D’un côté, le besoin de retrouver une partie de son identité, de réparer une injustice historique, de permettre aux nouvelles générations de se reconnecter avec leur héritage. De l’autre, les arguments liés à la conservation, à la visibilité mondiale, ou encore aux enjeux financiers.

        Mais Zonga ne cherche pas à imposer une vision manichéenne. Il invite plutôt le spectateur à réfléchir, à se questionner, à comprendre les multiples facettes de ce débat complexe. En mettant en scène ce dialogue entre les masques et les danseurs, il illustre de manière poignante les tensions, les espoirs et les contradictions inhérentes à cette problématique.

        Un miroir tendu à la société

        L’art a ce pouvoir unique de révéler ce qui est souvent caché, de donner une voix à ceux qui sont réduits au silence. Zonga est une œuvre engagée qui interpelle sur les rapports de pouvoir, les héritages coloniaux, et la manière dont le passé continue d’influencer le présent.

        En revisitant les relations entre le Nord et le Sud, le spectacle rappelle que l’histoire n’est pas figée, qu’elle peut et doit être réécrite, réappropriée. Il souligne également l’importance de la transmission, de la mémoire collective, et de la nécessité de préserver les cultures dans toute leur richesse et leur diversité.

        Une invitation à la réflexion et à l’émotion

        Assister à Zonga, c’est accepter de se laisser porter par une vague d’émotions, de questionnements, de découvertes. C’est plonger dans un univers où les frontières s’estompent, où le mouvement devient langage, où chaque geste a une signification.

        C’est aussi une occasion rare de découvrir le talent de danseurs exceptionnels, guidés par un chorégraphe visionnaire. Leur performance est à la fois technique et profondément humaine, mêlant virtuosité et sincérité.

        Informations pratiques

        • Durée du spectacle : 1 heure
        • Danseurs : Abdul Karim Sangari, Brice Gabiro, Lele Vanyan, Jipé Lukusa-Kankonde
        • Chorégraphe : Jipé Lukusa-Kankonde
        • Musique : Fusion de sons contemporains et traditionnels africains, chants grégoriens, gospel, électro
        • Scénographie : Projections visuelles, jeux de lumière conçus par Sébastien Jimenez
        • Costumes et maquillages : Marie Cécile Memesi (@memesikubi)
        • Photographie et animations : Madelon Timmers (@Floating Sphere)

        Réservez votre place pour un voyage unique

        Zonga, quand les masques dansent, l'Histoire se révèle

        Zonga est plus qu’un spectacle ; c’est une expérience à vivre, un voyage introspectif qui résonne bien au-delà de la salle de spectacle. Ne manquez pas cette opportunité de vous laisser transporter par une œuvre qui allie beauté, profondeur et pertinence.

        Pour plus d’informations et pour réserver vos places, contactez l’asbl Cie Amba Malu :

        Ou directement avec Jipé Lukusa-Kankonde :

        Zonga est une ode à la résilience, à la richesse des cultures africaines, et à la nécessité de préserver et honorer notre héritage commun. Dans un monde en quête de sens et de justice, ce spectacle est une lueur d’espoir, une preuve que l’art peut être un vecteur puissant de changement et de prise de conscience.

        Comme le disait si bien l’écrivain nigérian Chinua Achebe : « Si vous n’aimez pas l’histoire que l’on raconte sur vous, racontez votre propre histoire. » Zonga est cette histoire, racontée avec passion, talent et une sincérité désarmante.

        Rhodes Africa Parade, la célébration incontournable de l’art et de la femme africaine

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        Participez à la Rhodes Africa Parade le 7 décembre 2024 à l’Hôtel Mercure Paris Montmartre Sacré-Cœur et célébrez la beauté et la créativité de l’art africain à travers des défilés, des performances musicales et un Popup Store unique.

        Rhodes Africa Parade: la célébration incontournable de l’art et de la femme africaine

        Le 7 décembre 2024, Paris sera le théâtre d’une célébration unique en son genre avec la Rhodes Africa Parade. Cet événement exceptionnel, qui se tiendra dans le prestigieux Hôtel Mercure Paris Montmartre Sacré-Cœur, mettra à l’honneur la féminité et l’art africain sous toutes ses formes, de 14h à 23h. Plus qu’un simple rendez-vous culturel, c’est une véritable immersion dans l’expression créative et la diversité qui font la richesse du continent africain.

        Depuis le 11 juin 2024, l’organisation de la Rhodes Africa Parade a suivi un calendrier méticuleusement préparé : sélection des modèles en juin, choix des marques en juillet, et inclusion des artistes en septembre. Chaque étape a été pensée pour garantir la qualité et l’authenticité d’un événement qui rend hommage à la créativité africaine et célèbre son impact mondial.

        Dès 14h, l’ouverture du Popup Store marquera le début de cette journée inoubliable, accompagnée d’un DJ set énergique pour créer une ambiance festive. Ce Popup Store, ouvert jusqu’à 23h, est l’occasion de découvrir et d’acquérir des pièces exclusives conçues par des créateurs talentueux. C’est une opportunité de plonger au cœur du savoir-faire africain, de la mode à l’artisanat.

        Rhodes Africa Parade, la célébration incontournable de l’art et de la femme africaine

        À 16h, le premier défilé des créateurs lancera les festivités artistiques, suivi de performances musicales captivantes. De 16h30 à 18h30, la scène prendra vie avec des artistes qui feront voyager le public à travers une palette musicale allant du RNB et de l’Afrobeat au Compas et à l’Amapiano. Ces moments d’émotion et de partage marqueront les esprits et renforceront le lien entre les visiteurs et la culture africaine.

        Le point fort de l’événement sera la grande parade de 20h à 21h. Stylistes, mannequins, danseurs et artistes défileront ensemble, créant un spectacle saisissant de lumière, de couleur et de son. Portée par des rythmes Naija, House et Amapiano, cette parade mettra en scène la fusion parfaite entre la tradition et la modernité, célébrant l’unité et la diversité de la culture africaine.

        La Rhodes Africa Parade se distingue par sa capacité à offrir bien plus qu’un spectacle. Elle crée un espace où créateurs, artistes et visiteurs se rencontrent, échangent et établissent des liens durables. Chaque créateur disposera de portants, de tables et d’un studio photo professionnel pour immortaliser leurs modèles avant le défilé. Ces images de qualité serviront aux participants pour promouvoir leurs œuvres après l’événement.

        Les espaces de networking permettront aux créateurs, artistes et invités de se connecter et d’imaginer de futures collaborations. Les interviews en direct et les séances de questions-réponses offriront des moments d’échange privilégiés, révélant les histoires et les inspirations derrière chaque participant.

        Bien avant le jour de l’événement, la Rhodes Africa Parade offre un soutien promotionnel considérable. Les marques et artistes bénéficient de campagnes sur les réseaux sociaux, d’inclusions dans les communiqués de presse et d’opportunités médiatiques. Cette stratégie vise à attirer un public large et engagé, et à consolider la notoriété des participants.

        Après l’événement, les participants continueront à rayonner grâce à des articles récapitulatifs et une couverture médiatique complète. L’accès aux photos et vidéos prises lors de la parade leur permettra de capitaliser sur leur participation et d’enrichir leur présence en ligne.

        L’Hôtel Mercure Paris Montmartre Sacré-Cœur, reconnu pour son charme et son élégance, offre un cadre idéal pour accueillir cet événement prestigieux. Ce lieu, situé au cœur de Paris, se prête parfaitement à une célébration aussi grandiose, combinant histoire et modernité pour sublimer l’expérience des visiteurs.

        Pour découvrir la Rhodes Africa Parade et ne rien manquer de cet événement unique, suivez-nous sur les réseaux sociaux et restez connectés avec les créateurs et les artistes qui donnent vie à cette grande fête. La Rhodes Africa Parade n’est pas seulement un événement, c’est une ode à l’art et à la culture africains.

        Informations pour participer et réserver

        Ne manquez pas l’opportunité de vivre cette expérience immersive et unique. Réservez dès maintenant !

        Cat’s Eyes 2024 : Omar Sy était donc vraiment cible de racisme.

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        Novembre 2024, la chaîne nationale TF1 ayant teasé sa série Cat’s Eyes, sort son adaptation basée sur le travail de Tsukasa Hojo, en grande pompe. Pour les nostalgiques et fans des trois soeurs Kisugi et donc fans de « Cat’s Eye », l’anime originel, autant dire que c’est un petit clin d’oeil à l’enfance en France, car on peut noter que le nom de la série reprend celui de la version Française, et pareil pour les protagonistes. Donc exit les Hitomi, Rui et Ai, pour laisser place à Alexia, Sylia et Tamara.

        Cat’s Eyes : L’heure des adaptations à destination des millenials

        Cat's Eyes 2024
        Affiche TF1 de la série Cat’s Eyes

        Avant Cat’s Eyes, nous avons eu des City Hunter (Nicki Larson) par exemple. Et ces adaptations ont pour but de toucher les coeurs des premiers spectateurs. Ceux qui étaient là dans les 80/90’s et cela à le mérite d’exister. Les revivals et spin-off sont en grand nombre car ils trouvent public. Star Trek : Lower Deck, le dessin animé sur l’univers de Roddenberry en est à sa 5e saison. On ne compte plus les tentatives de revival des Chevaliers du Zodiaque.

        Pourtant, une série, bien qu’appréciée, n’a pas fait l’unanimité au départ. Ne pas faire l’unanimité est une chose. Cela n’a rien de surprenant car on ne peut demander à tout le monde d’aimer la même chose. Cependant, ce qui nous interpelle ici, c’est les raisons que des français pouvaient avoir de cracher sur la série. Ce programme audiovisuel proposé par Netflix est Lupin !

        Lupin

        Lupin : Un traitement différent

        Omar Sy, joue le rôle d’Assane Diop, un grand fan d’Arsène Lupin de Maurice Leblanc. Dos au mur dans une affaire pour laver le nom de la famille Diop, Assane se retrouve à donner vie aux aventures de son idole, quitte à se mettre hors la loi, comme le personnage qu’il imite. La série est à ce jour un hit déjà porté à 3 saisons, pourtant, à ses débuts, ce n’était pas ce qui transparaissait.

        8 janvier 2021, la première saison sort sur Netflix, la série devient la première française à entrer dans le top 10 US. Pourtant, malgré cette acclamation mondiale, le public Français trouve à redire. « Les fans d’Arsène Lupin » sont outrés. « Arsène Lupin ne peut pas être joué par un noir » ou encore « Black Panther sera joué par Ryan Gosling ». D’ailleurs, ce seront les prémices d’un mouvement qui prendra de l’ampleur. On retrouvera plus tard ces mêmes reflexions pour La petite Sirène, Le Seigneur des anneaux : Les anneaux de pouvoir et d’autres.

        Le genre « d’humour » que vous allez trouver sur les réseaux…

        Si les revendications concernant Lupin auraient pu être légitimes, en réalité, elles étaient sans intérêt réel. Omar Sy n’incarne pas Arsène Lupin mais un fan du célèbre voleur !

        Un déferlement de racisme injustifié

        Jusqu’à maintenant, on peut toujours tomber sur des gens qui vont venir sortir les mêmes arguments que mentionnés plus haut. Et on est en droit, donc, de se demander le bien fondé derrière tant de haine ou d’ignorance. Car à l’époque, on ne pouvait invoquer le racisme sans se faire invalider d’entrée de jeu.

        La déception dans les regards, de voir encore des idées aussi pourries en France en 2024

        « Dès que l’on est pas d’accord avec vous, c’est du racisme ». Alors, non ! Ce n’est pas une question d’être d’accord ou non. C’est une question de logique dans un contexte qui n’en est pas dépourvu (de logique… et de racisme aussi, du coup). « Et en quoi ? » Me demanderez-vous ! Excellente question ! Qui nous ramène à Cat’s Eye, ou plutôt Cat’s Eyes, pour le coup. Pourquoi des gens ne peuvent pas accepter Assane Diop, qui n’est pas Arsène Lupin, alors que ces mêmes gens ne semblent absolument pas broncher quand on choisit trois caucasiennes pour jouer trois japonaise « pour faire plaisir au fans de l’époque en France » ?

        Cat's Eyes 2024

        Et, on ne se pose pas la question pour discréditer les actrices ni la série ! Loin de là. On se pose la question concernant la réaction du public. Ne peut-on pas avoir les mêmes tolérance et acceptation ? Ou allons-nous continuer longtemps avec ces traitements à deux vitesses ?

        Le race swap, ça se fait correctement

        Le race swap, c’est le fait de changer la race d’un personnage dans une oeuvre d’adaptation alors qu’elle a été déjà établie dans une oeuvre antérieure. Nous y sommes confrontés pourtant depuis toujours. Les gens parlent toujours de l’Egypte ancienne dans les films anciens. On en parle lorsque l’on évoque les cowboys, qui étaient historiquement majoritairement noirs. Pourtant, il y a des règles qui pourraient aider à le faire passer, quand il peut être intéressant.

        Le point souvent souligné, c’est qu’une partie des anti-race swap ne se rendent pas compte de la différence entre personnage fictif et personnage historique (nous ne sommes ni pour ni contre, cela doit se faire au cas par cas). Dans le cas d’Hermione Granger pour Harry Potter, alors que des gens s’insurgent du fait qu’une noire pourrait être castée pour la série, cela fait des années que cela a eu lieu à Broadway.

        Et pour cause, la race d’Hermione Granger n’a aucun impact sur la trame de la saga. Alors que faire jouer Martin Luther King par Pierce Brosnan n’a aucun sens commun ou moral, étant donné que c’est un personnage historique ayant existé dont le combat fondamentale était basé sur son identité. (En gros, ça ne donne pas l’air intelligent d’utiliser cet argument)

        Qui va dire quoi à tonton Samuel ?

        Pourtant, le race swap se fait parfois très bien. Il suffit que le public ne connaisse pas réellement le personnage quand il est fictif. C’est le cas chez Marvel, qui se permet des libertés, qui pour le moment font mouche. Peu de gens lisaient assez les comics pour savoir que le directeur Nick Fury du SHIELD est en fait blanc. Il en va de même pour The Ancient One, un vieux maître chinois, incarné par Tilda Swinton. Idris Elba et Tessa Thompson, qui incarnent les Asgardiens Heimdall et Valkyrie.

        Tllda Swinton en The Ancient One. Il y avait eu quelques plaintes, mais rien de l’ordre de Lupin en France et au final, elle a plié le rôle et fait taire tout le monde

        En tout cas, on espère qu’en 2024, bientôt 2025, ce type de sujets n’en seront plus, mais pour le moment, c’est mal parti !

        Françafrique, les secrets d’une alliance obscure (partie 2)

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        Plongez dans la naissance de la Françafrique et les indépendances de façade dans ce deuxième article d’une série de six. Découvrez comment le « Non » de Sékou Touré et l’émergence de Jacques Foccart ont façonné une alliance obscure entre la France et ses anciennes colonies.

        Deuxième partie : les indépendances de façade et la naissance de la Françafrique

        I° Les indépendances africaines et le « Non » de Sékou Touré

        À la fin des années 1950, les appels à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique résonnent avec une force grandissante. Les vents de liberté soufflent sur le continent, inspirés par les mouvements anticolonialistes et les luttes pour l’émancipation en Asie et en Amérique latine. En France, le président Charles de Gaulle comprend que le modèle colonial est voué à s’effondrer, mais il n’envisage pas un abandon des intérêts français en Afrique. Pour la métropole, le défi consiste à maintenir une forme de contrôle, de préférence discret mais efficace, qui sécuriserait l’accès aux ressources tout en adaptant la façade politique aux idéaux de l’époque.

        La réponse de de Gaulle prend forme dans un projet audacieux : la « Communauté française », une entité supranationale offrant aux colonies une forme d’autonomie tout en préservant l’influence et le pouvoir de la France. En 1958, il entame un tour des colonies pour persuader les leaders africains de rejoindre cette Communauté. Mais lors de cette tournée, une opposition retentissante va changer le cours de l’histoire : celle de Sékou Touré, président du Parti démocratique de Guinée, qui proclame un « non » retentissant à la proposition française.

        A – Le refus de la communauté française, un acte de bravoure politique

        Le 25 août 1958, de Gaulle est en Guinée, où il rencontre Sékou Touré, un leader charismatique qui défend l’indépendance absolue pour son pays. Le dialogue entre les deux hommes est tendu. De Gaulle tente de convaincre Touré que l’adhésion à la Communauté serait une garantie de prospérité et de sécurité pour la Guinée. Mais Touré, avec un courage politique sans équivoque, affirme : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. » Cette déclaration, qui incarne la fierté et la détermination de la Guinée, symbolise un rejet total de l’autorité française et inspire une vague de conscience politique à travers l’Afrique.

        Le « non » de Sékou Touré résonne bien au-delà des frontières de la Guinée. La France, d’abord surprise par la fermeté de ce refus, comprend rapidement que ce rejet pourrait encourager d’autres colonies à choisir la voie de l’indépendance totale. Pour de Gaulle et ses conseillers, il devient impératif de faire de la Guinée un exemple, afin de dissuader les autres États africains de suivre cette voie.

        B – Les conséquences du « Non » et la riposte de la France

        Le refus de Sékou Touré est perçu comme un affront majeur par la France. La réponse est immédiate et brutale : la France retire ses fonctionnaires, ses médecins et ses ingénieurs de Guinée. Elle coupe toutes les aides financières et punit la Guinée en paralysant son économie naissante. Les infrastructures sont démantelées, les archives brûlées, et des cargaisons d’aide alimentaire sont interceptées pour créer une crise. Ce retrait forcé et l’abandon des services essentiels sont un acte de représailles qui vise à punir la Guinée pour son audace.

        Malgré cette pression, Sékou Touré tient bon. En Guinée, il se tourne vers d’autres alliés internationaux, dont l’Union soviétique, pour compenser les pertes et renforcer l’autonomie de son pays. Ce rapprochement avec l’Est, dans un contexte de guerre froide, éveille les soupçons et les craintes de la France, qui voit là une menace pour son influence en Afrique de l’Ouest.

        La stratégie post-coloniale, ou maintenir un contrôle indirect

        L’indépendance de la Guinée et le rejet de la Communauté française obligent de Gaulle et son conseiller spécial pour l’Afrique, Jacques Foccart, à revoir leur stratégie. L’idée d’un contrôle direct par la France est mise de côté au profit d’une approche subtilement intégrée, celle de la Françafrique. Cette stratégie postcoloniale a pour but de préserver l’influence française sans l’étiquette du colonialisme, en installant des leaders africains favorables à Paris et en instituant des systèmes économiques et politiques qui maintiennent les anciennes colonies dans une dépendance presque identique.

        Pour contrer l’élan d’indépendance, la France accorde progressivement leur autonomie aux autres colonies d’Afrique subsaharienne, mais elle conditionne cette indépendance. Des accords secrets et des alliances discrètes assurent que les nouvelles nations gardent une économie tournée vers la France. La mise en place du franc CFA, contrôlé par le Trésor français, et la signature de contrats d’exportation de matières premières sont autant de mécanismes qui verrouillent la dépendance économique des anciennes colonies.

        Les gouvernements nouvellement indépendants sont donc indépendants en apparence, mais leurs ressources, leurs marchés et leur sécurité restent en grande partie sous la tutelle française. La France instaure ainsi une relation néocoloniale : elle garantit la stabilité des dirigeants africains en échange d’un accès privilégié aux ressources. Cette alliance est consolidée par l’établissement de bases militaires françaises stratégiquement positionnées en Afrique, permettant une intervention rapide en cas de menace sur les intérêts français.

        Sékou Touré, symbole de résistance et de la complexité de la Françafrique

        Sékou Touré devient alors une figure emblématique de la lutte pour la véritable indépendance en Afrique. Sa position ferme inspire d’autres leaders africains, comme Kwame Nkrumah au Ghana, à s’interroger sur l’authenticité des indépendances concédées par la France. Cependant, bien que Touré soit acclamé pour son courage, sa Guinée souffre des sanctions économiques et des pressions politiques de la France, et l’isolement international fragilise sa capacité à prospérer.

        L’héritage du « non » de Sékou Touré marque un tournant pour l’Afrique francophone. Ce refus symbolise un choix courageux, mais il expose aussi la dure réalité de la Françafrique. La résistance de la Guinée montre à quel point il est difficile de s’affranchir des liens coloniaux lorsque les anciennes puissances coloniales contrôlent les clés de l’économie et des infrastructures. Cette situation révèle une profonde contradiction dans les promesses d’indépendance, contradiction qui, même des décennies plus tard, continue de définir les relations entre la France et ses anciennes colonies.

        La naissance d’un système de contrôle durable

        En créant la Françafrique, la France établit un modèle de gouvernance invisible mais omniprésent, où la dépendance économique et l’influence politique deviennent les outils modernes d’un colonialisme maquillé. Par ce système, la France garantit que les élites politiques africaines restent favorables à ses intérêts, souvent au détriment des aspirations démocratiques locales. Les nouvelles nations africaines, bien que politiquement indépendantes, se retrouvent prises dans un piège économique et diplomatique.

        Ainsi, la réponse de la France au refus de Sékou Touré devient un acte fondateur de la Françafrique. En 1960, lorsque la vague d’indépendances balaie l’Afrique, elle laisse en place un ensemble de structures politiques, économiques et militaires qui maintiennent l’Afrique francophone sous une tutelle déguisée. La Françafrique est née de la volonté de la France de préserver ses privilèges dans un monde postcolonial, d’imposer une domination indirecte qui garantit que les anciennes colonies restent sous l’influence de l’Hexagone.

        La stratégie de la Françafrique ne se limite pas aux frontières de la Guinée ou de la Côte d’Ivoire : elle est conçue comme un réseau d’alliances et d’influences qui couvre l’ensemble de l’Afrique francophone. Les élites africaines qui acceptent de coopérer bénéficient du soutien politique et financier de la France, tandis que celles qui cherchent une véritable indépendance font face à l’isolement, aux coups d’État orchestrés ou aux sanctions économiques. Ce système de pouvoir indirect s’enracine au cœur des structures de gouvernement africain, et les liens économiques et politiques établis au cours de ces années vont persister, créant un modèle de dépendance que certains qualifient de « colonisation mentale ».

        La résilience de la Françafrique, une héritière des indépendances de façade

        La Françafrique représente bien plus qu’un simple phénomène de la fin du colonialisme ; elle est un mécanisme durable, une institution parallèle qui, jusqu’à aujourd’hui, influence les décisions politiques et économiques dans plusieurs pays africains. Les indépendances de façade des années 1960 ont laissé place à une relation complexe où la France continue de jouer un rôle central dans le destin de ses anciennes colonies.

        La détermination de Sékou Touré face à de Gaulle souligne la résilience des peuples africains, mais elle illustre aussi les défis colossaux auxquels ils ont dû faire face pour obtenir une véritable souveraineté. Ce chapitre de l’histoire, ancré dans les indépendances de façade, est le socle sur lequel la Françafrique construit ses bases : une indépendance proclamée mais vidée de sa substance, où les nations africaines restent sous l’emprise d’une puissance coloniale réinventée.

        II° L’émergence de Jacques Foccart, l’architecte de la Françafrique

        Dans les rouages invisibles de la diplomatie française, un homme incarne à lui seul la stratégie de contrôle subtile et pragmatique de la France en Afrique : Jacques Foccart. Conseiller de l’ombre de De Gaulle, Foccart devient le chef d’orchestre de la Françafrique, cet empire invisible qui survit aux indépendances en créant un réseau d’influence inédit reliant Paris aux nouvelles élites africaines. Il est nommé secrétaire général aux affaires africaines et malgaches en 1960, un poste créé sur mesure pour organiser et superviser l’après-colonisation en Afrique francophone. Sous sa direction, les relations franco-africaines prennent un tour nouveau, où la domination politique laisse place à une forme de néocolonialisme, aussi invisible que redoutablement efficace.

        Jacques Foccart ne se contente pas de maintenir les liens entre les anciennes colonies et la France. Il déploie une stratégie d’influence complexe, mêlant coups d’État, financements secrets, et alliances avec des dirigeants africains souvent corrompus. Sa méthode repose sur la manipulation et le contrôle d’une élite dirigeante africaine soigneusement sélectionnée. En soutenant des hommes forts tels que Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, Léon M’ba au Gabon ou encore Omar Bongo, Foccart parvient à maintenir des régimes fidèles à la France. En retour, Paris s’assure l’accès aux ressources naturelles et stratégiques africaines, en échange d’un soutien économique, militaire et diplomatique souvent crucial pour ces leaders, qui peinent à stabiliser leurs jeunes États.

        Foccart intervient aussi directement pour préserver l’ordre et les intérêts français en Afrique. Dès les premiers signes de désobéissance d’un dirigeant africain, il n’hésite pas à orchestrer des coups d’État. En 1963, le président togolais Sylvanus Olympio, qui cherche à réduire la dépendance de son pays envers la France, est assassiné. Son rival, Gnassingbé Eyadéma, prend le pouvoir avec le soutien tacite de Foccart et devient le chef d’État qui garantira l’alignement du Togo avec Paris pour les décennies à venir. Les services secrets français, dont Foccart a le contrôle, soutiennent régulièrement ces interventions, formant des commandos, facilitant des armes et assurant une supervision dans l’ombre pour réprimer tout nationalisme menaçant les intérêts français.

        Le « système Foccart » ne se limite pas à des alliances politiques. Il est aussi profondément ancré dans un réseau économique parallèle. À travers des entreprises comme Elf Aquitaine, Foccart instaure des canaux de financement occultes pour assurer la fidélité des dirigeants africains. Elf, sous l’égide de Foccart, est le fleuron de ce réseau économique opaque, déversant des millions de francs dans les caisses des régimes africains pour garantir des contrats pétroliers, miniers, et autres privilèges commerciaux. Elf devient même un acteur politique, capable d’intervenir dans des conflits locaux pour préserver ses intérêts, agissant comme un véritable bras économique de la Françafrique.

        Au cœur de ce dispositif, Foccart organise également des circuits de corruption soigneusement dissimulés, formant des réseaux de financement destinés à garantir la loyauté des élites africaines. Les mallettes de billets échangées entre ministres et ambassadeurs français et africains deviennent la marque de fabrique de la Françafrique. La France, en retour, soutient financièrement les campagnes électorales de ses alliés africains, truque les résultats si nécessaire, et fournit une couverture diplomatique. Ces réseaux lui garantissent la pérennité des régimes en place, consolidant un contrôle économique et politique que Paris prétend officiellement avoir abandonné.

        Pour Foccart, la Françafrique est bien plus qu’une simple relation de coopération ; elle est un modèle de contrôle indirect qui permet à la France d’exercer une influence durable et discrète. Son réseau d’hommes d’État africains, de militaires, de diplomates et de chefs d’entreprise assure la mainmise de Paris sur une vaste partie du continent. La complexité et l’opacité de ses méthodes rendent le système quasi-inattaquable, au point que même lorsque Foccart quitte officiellement ses fonctions dans les années 1970, ses réseaux continuent de fonctionner de manière autonome, et la Françafrique perdure comme un pilier des politiques françaises en Afrique. Jacques Foccart laisse un héritage durable, celui d’un empire de l’ombre où la puissance française se réinvente, non plus à travers des armées et des territoires, mais à travers des alliances invisibles et une influence insidieuse sur les jeunes nations africaines.

        III° La Françafrique au service des intérêts économiques et stratégiques

        Après les indépendances de façade, un autre champ de bataille se dessine dans les sous-sols africains, où reposent des ressources inestimables pour les ambitions économiques et stratégiques de la France. Uranium, pétrole, métaux rares : autant de trésors qui nourrissent l’économie française et assurent son rayonnement dans un monde devenu compétitif. Dès les années 1960, sous l’impulsion de figures comme Jacques Foccart, Paris élabore un système visant à préserver, coûte que coûte, le contrôle de ces ressources. Ce modèle de domination, invisible mais omniprésent, se structure autour de contrats opaques, d’alliances avec des dirigeants africains stratégiquement positionnés, et d’une série de dispositifs économiques qui réduisent ces pays à une dépendance durable envers la France.

        Les contrats d’uranium du Niger illustrent bien cette mainmise. À la fin des années 1950, avec le lancement de son programme nucléaire, la France a un besoin insatiable en uranium, un minerai dont les gisements se trouvent dans les sous-sols nigériens. À travers des sociétés nationales comme Areva (aujourd’hui Orano), la France obtient des concessions d’exploitation exceptionnelles, souvent négociées dans des conditions favorables à ses propres intérêts. En échange d’une protection et d’un soutien politique, les dirigeants nigériens concèdent à la France un accès quasi exclusif à cette ressource cruciale, souvent à des tarifs inférieurs aux prix du marché. L’uranium nigérien devient alors l’épine dorsale du programme énergétique français, permettant aux centrales nucléaires de fournir plus de 70 % de l’électricité du pays. Ce schéma d’exploitation verrouille le Niger dans une relation asymétrique : malgré la richesse de son sous-sol, le pays reste l’un des plus pauvres du monde, tributaire des investissements français qui alimentent un cercle vicieux de dépendance économique.

        Le Gabon et son pétrole constituent un autre exemple éloquent de ce modèle d’exploitation. Dès les premières découvertes de gisements dans les années 1960, Elf Aquitaine (devenue ensuite Total) s’implante solidement dans le pays, obtenant des contrats avantageux pour extraire le brut gabonais. L’entente entre Elf et le président Omar Bongo, protégé de Foccart, scelle un partenariat d’intérêt mutuel : en échange de son pétrole, Bongo bénéficie du soutien économique et militaire de la France, consolidant son pouvoir sur plusieurs décennies. À travers Elf, la France s’assure un approvisionnement en pétrole stable et à bas coût, tandis que les revenus des exportations enrichissent surtout l’entourage de Bongo, laissant la population dans une précarité marquée. Pour renforcer ce système, Elf verse des primes occultes à des officiels gabonais, établissant ainsi un réseau de corruption qui assure l’allégeance des élites locales et perpétue l’exploitation des ressources du pays. Cette stratégie génère un système de « rente pétrolière » où la richesse reste concentrée aux mains de quelques-uns, laissant l’économie nationale largement dépendante des fluctuations du marché pétrolier et de la « protection » française.

        Dans la République démocratique du Congo, c’est un autre type de ressources qui est au cœur de cette dynamique de la Françafrique : les métaux rares. Cobalt, cuivre, coltan – ces minéraux sont vitaux pour les industries technologiques et la fabrication de nombreux équipements électroniques, du téléphone portable aux batteries de véhicules électriques. L’accès à ces métaux rares devient une priorité stratégique pour la France et, au-delà, pour tout l’Occident. Les compagnies françaises, comme la Compagnie Française des Mines et Métaux (CFMM), s’associent à des intermédiaires locaux pour sécuriser leur accès à ces ressources. Là encore, la France ne lésine pas sur les moyens pour maintenir un environnement politique favorable : soutien aux régimes locaux, parfois par l’entremise d’assistances militaires discrètes, comme dans les crises successives au Katanga. Ces alliances permettent à Paris de tirer profit d’un flux ininterrompu de métaux rares, tout en consolidant des positions stratégiques dans une région convoitée. Mais comme pour l’uranium et le pétrole, cette relation d’exploitation se fait au détriment du développement local, perpétuant des tensions sociales et politiques exacerbées par la précarité économique.

        Ce réseau de domination économique ne repose pas seulement sur des contrats bilatéraux : il s’appuie également sur des accords monétaires qui assurent la mainmise française sur les économies de ses anciennes colonies. Le franc CFA, monnaie commune imposée dans quatorze pays africains, est convertie à parité fixe avec l’euro et gérée par le Trésor français. Ce système de change garantit une stabilité monétaire qui favorise les investisseurs français, mais il maintient aussi les pays africains dans une dépendance financière étroite vis-à-vis de la France. En effet, les réserves de change de ces pays sont en grande partie déposées à Paris, ce qui limite leur souveraineté économique et les rend vulnérables aux fluctuations de l’économie française. Le franc CFA symbolise ainsi l’une des formes les plus insidieuses de la Françafrique : une monnaie qui lie étroitement les économies africaines aux décisions financières françaises, freinant leur autonomie et favorisant une intégration économique déséquilibrée.

        En somme, la Françafrique ne repose pas uniquement sur des alliances politiques ou des interventions militaires ; elle s’étend profondément dans les mécanismes économiques qui contrôlent les ressources stratégiques. Des accords d’uranium aux contrats pétroliers en passant par la mainmise sur les métaux rares, le système néocolonial français tire parti d’une infrastructure économique complexe pour garantir sa suprématie. Cette stratégie, parfois qualifiée de « colonialisme économique », façonne les relations entre la France et ses anciennes colonies bien au-delà des indépendances proclamées, montrant comment la Françafrique demeure au service des ambitions économiques et stratégiques de Paris.

        Notes et références :

        1. Verschave, François-Xavier. La Françafrique : Le plus long scandale de la République. Stock, 1998.
        2. Péan, Pierre. L’homme de l’ombre : éléments d’enquête autour de Jacques Foccart. Fayard, 1990.
        3. Meredith, Martin. The State of Africa: A History of the Continent Since Independence. Free Press, 2005.
        4. Cooper, Frederick. Africa Since 1940: The Past of the Present. Cambridge University Press, 2002.
        5. Boisbouvier, Christophe. Le Dernier des Grands Africains : Portraits croisés de Houphouët-Boigny et de Jacques Foccart. Fayard, 2011.
        6. Smith, Stephen W. « Les réseaux de la Françafrique. » Le Monde diplomatique, décembre 1997.
        7. Association Survie. La Françafrique, c’est quoi ? Disponible sur : www.survie.org
        8. Hugon, Philippe. L’économie de l’Afrique. La Découverte, 2016.
        9. Bayart, Jean-François. L’État en Afrique : La politique du ventre. Fayard, 1989.
        10. Gauquelin, Alain. Histoire secrète de la Ve République. Plon, 2006.
        11. Dumont, René. L’Afrique noire est mal partie. Seuil, 1962.
        12. Martin, Guy. « Continuity and Change in Franco-African Relations. » The Journal of Modern African Studies, vol. 33, no. 1, 1995, pp. 1–20.
        13. Mazrui, Ali A. The Africans: A Triple Heritage. BBC Publications, 1986.
        14. Vallin, Victor. La Françafrique : de la décolonisation à aujourd’hui. Ellipses, 2018.
        15. Courrière, Yves. La Guerre d’Algérie. Fayard, 2001.
        16. Glaser, Antoine, et Stephen Smith. Ces messieurs Afrique : Le Paris-village du continent noir. Calmann-Lévy, 1992.
        17. Documentaire : Françafrique, 50 ans sous le sceau du secret, réalisé par Patrick Benquet, 2010.
        18. Coquery-Vidrovitch, Catherine. Afrique noire : Permanences et ruptures. Payot, 2018.
        19. Bat, Jean-Pierre. Le syndrome Foccart : La politique française en Afrique, de 1959 à nos jours. Gallimard, 2012.
        20. Article académique : Gadio, Cheikh Tidiane. « La politique africaine de la France de 1958 à 1995. » Revue française de science politique, vol. 46, no. 3, 1996, pp. 403–428.

        Jean-Claude Muaka ou la voix d’une génération à suivre 

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        Nofi vous invite à découvrir le parcours inspirant de Jean-Claude Muaka, acteur et comédien français d’origine congolaise, qui, à travers ses rôles et ses spectacles, redéfinit la force et l’engagement sur la scène artistique française.

        Jean-Claude Muaka, plus qu’un acteur, un porte-voix

        Dans l’univers effervescent du cinéma français, rares sont les voix qui réussissent à capter l’âme d’une génération tout en incarnant une réalité plus vaste et plus profonde. Jean-Claude Muaka est l’une de ces voix singulières. Avec huit ans de carrière et un parcours qui s’étend sur neuf productions cinématographiques et télévisuelles, l’acteur d’origine congolaise et française s’impose aujourd’hui comme un visage incontournable de la scène culturelle. Retour sur un parcours riche, marqué par l’élan de ses convictions et le reflet d’un regard critique sur le monde qui l’entoure.

        Né le 14 novembre 1986, Jean-Claude Muaka grandit à Villeneuve-Saint-Georges, puis à Vaux-Le-Pénil, dans une famille où la parole et l’expression sont des piliers. Fils d’un père médecin et d’une mère aide-soignante, tous deux originaires de la République Démocratique du Congo, il a toujours baigné dans un environnement où la culture et l’échange étaient au centre des conversations. Sa passion pour la comédie et le jeu naît très tôt, nourrie par une enfance partagée entre les récits de la diaspora congolaise et la réalité socioculturelle française.

        Muaka étudie le théâtre à la Sorbonne-Nouvelle où il rencontre le metteur en scène Éric Checco, qui lui offre le rôle d’Othello lors du festival d’Avignon en 2008. Ce premier grand succès théâtral marque le début d’une carrière marquée par des rôles dans des films et séries où il s’efforce de créer des personnages complexes qui transcendent les stéréotypes. De Sous le même toit (2017) à Neuilly sa mère, sa mère (2018), Muaka n’hésite pas à explorer des thèmes de réconciliation, d’identité et de fracture sociale, des questions profondément ancrées dans le tissu de la société moderne.

        S’il est un thème qui traverse l’œuvre de Jean-Claude Muaka, c’est bien celui de la force. Mais là où certains voient une redite d’histoires victimaires, lui voit un cri de ralliement. La résilience, dans ses récits, n’est jamais statique; elle est un processus dynamique, fait de défis et de conquêtes intérieures. Muaka dépeint la vulnérabilité humaine non pas comme une faiblesse, mais comme un catalyseur de croissance.

        Prenons Presque légal (2024), où il interprète un jeune homme confronté à un système judiciaire biaisé. La force de ce film réside dans sa façon de renverser le récit classique de la victimisation. Le personnage de Muaka ne se contente pas de subir; il lutte, questionne, et redéfinit la justice à sa manière. Cette représentation démontre l’étendue de son talent à incarner des rôles qui dépeignent la complexité de l’être humain.

        Le chemin parcouru par Jean-Claude Muaka révèle un acteur avide de diversité et de profondeur. En 2015, il se lance dans le seul en scène avec son premier spectacle One Man Costaud, une aventure qui consolide sa réputation de comédien polyvalent. Joué au théâtre Apollo de Paris et au Palais des Glaces, ce spectacle est acclamé par la critique et le public. Muaka crée également le personnage de Coach Muaka, un fervent supporter du Paris Saint-Germain, qui commente avec humour les matchs de l’équipe sur les réseaux sociaux et dans ses spectacles.

        En 2016, il intègre le Jamel Comedy Club, enrichissant son expérience et diversifiant ses compétences en comédie. Son rôle dans 6 x confiné.e.s (2021) a montré sa capacité à traduire l’introspection forcée de la pandémie en une expérience cathartique partagée. Chaque récit, chaque scène est une pierre à l’édifice d’une carrière qui aspire à être plus qu’un simple divertissement : un miroir des luttes et des aspirations contemporaines.

        En 2024, le public l’attend avec impatience dans des projets ambitieux comme La vie rêvée des autres et Les Damnés de la terre, où il partage l’affiche avec des figures emblématiques telles que Jean-Pascal Zadi et Fadily Camara. D’ailleurs, sa participation à la série En Place, qui explore des thématiques sociales et politiques avec humour et profondeur, a également marqué un tournant dans sa carrière, renforçant son image d’acteur engagé et polyvalent. Ces collaborations ne font que renforcer son statut d’acteur dont la voix compte, qui choisit ses projets avec l’intention d’élever le discours public.

        Muaka ne se contente pas de jouer; il incarne, il questionne et il revendique. À travers ses choix de rôles, il met en lumière des thématiques qui dépassent le simple cadre du cinéma. Il utilise son art comme une tribune pour exprimer les luttes de la communauté afro-descendante et d’autres minorités souvent invisibles ou réduites à des archétypes.

        Sa posture dans l’industrie témoigne de la difficulté à réconcilier engagement et carrière, mais aussi de la nécessité de porter un discours qui, bien que clivant, est essentiel. Il s’efforce d’illustrer l’équilibre entre l’empathie et la critique, rappelant que les histoires de l’autre côté de la fracture sociale ne doivent pas seulement être écoutées, mais comprises.

        Jean-Claude Muaka ou la voix d’une génération à suivre 

        Avec une carrière qui ne cesse de croître, Jean-Claude Muaka est prêt à franchir un nouveau cap. Son implication dans des productions telles que Zonz, dont la date de sortie reste encore inconnue, laisse entrevoir des choix stratégiques et osés. En janvier 2023, il monte sur scène pour son spectacle Jean-Claude Muaka est père de famille, montrant une facette plus intime et personnelle de sa vie.

        Côté vie privée, Jean-Claude Muaka est marié et père de famille, un aspect de sa vie qui nourrit également sa créativité et l’inspire dans son art. Dans un monde où le besoin de récits nuancés et de perspectives plurielles se fait de plus en plus pressant, Muaka s’inscrit comme une figure de proue. Avec ses films, il réaffirme que l’évolution d’une société commence par ceux qui osent raconter ses histoires, non pas avec le voile de la passivité, mais avec l’audace de la vérité.

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        Voyage vers l’enfer à bord des navires négriers

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        La traite négrière transatlantique reste l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire. Entre 1525 et 1866, des millions d’Africains furent capturés et transportés de force dans des conditions inhumaines vers le Nouveau Monde, voués à une existence d’esclavage et de souffrance. Découvrez l’enfer de la réalité des voyages à bord des navires négriers, ces cargos de l’horreur où des milliers de captifs périrent avant même d’atteindre la terre promise à leurs oppresseurs.

        Une traversée vers l’horreur

        Dès le 16e siècle, un commerce macabre s’organise entre l’Europe, l’Afrique et le Nouveau Monde : la traite négrière transatlantique. Entre 1525 et 1866, plus de 12 millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains furent arrachés à leurs terres, capturés comme du bétail et expédiés vers l’Amérique, pour y devenir la main-d’œuvre asservie des plantations de tabac, de sucre, et de coton. Ce voyage d’une brutalité inimaginable s’est transformé en un chapitre des plus sombres de l’histoire humaine. Pour ces captifs, traverser l’Atlantique, aussi appelé « le passage du milieu, » n’était pas seulement un voyage ; c’était le début d’une descente aux enfers, le commencement d’une vie d’horreur et de servitude.

        Dans ce récit, Nofi plonge dans la réalité terrifiante de ces traversées, un monde où l’humain était réduit à un simple bien commercial, voué à la souffrance dès son embarquement.

        La captivité et l’embarquement

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers

        Des esclavagistes amènent des captifs à bord d’un navire négrier sur la côte ouest de l’Afrique.

        La première étape de cette tragédie commençait sur les côtes d’Afrique de l’Ouest. Les régions de la Côte de Guinée, du Bénin, et du Congo étaient les points centraux de cette machine infernale. Les esclaves étaient capturés lors de razzias sanglantes, ou parfois vendus par des chefs locaux eux-mêmes, dans un système de commerce profondément ancré dans la trahison et la violence. Les captifs, souvent enchaînés les uns aux autres, étaient conduits dans des forts côtiers où ils attendaient des semaines, parfois des mois, entassés dans des enclos crasseux, affamés et brutalisés, en attendant l’arrivée des navires négriers.

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        Une aquarelle d’un artiste inconnu montre le navire négrier La Marie-Séraphique dans un port d’Haïti en 1773.

        Lorsque l’embarquement arrivait enfin, les captifs subissaient une série de traitements humiliants et déshumanisants. On leur rasait la tête, on les dénudait, et ils étaient inspectés, touchés, scrutés comme du bétail. Les négriers les plaçaient méthodiquement dans les cales du navire, veillant à tirer le maximum de profit de chaque centimètre carré disponible. Ces « Guinéens« , ainsi nommés en raison des côtes de Guinée d’où partaient les captifs, étaient aménagés pour transporter le plus grand nombre d’esclaves possible. Une fois enchaînés dans ces cales obscures et suffocantes, le véritable calvaire commençait.

        L’enfer des cales

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        Plan du navire négrier britannique Brookes, montrant comment 454 esclaves ont été logés à bord après la loi sur la traite des esclaves de 1788. Ce même navire aurait transporté jusqu’à 609 esclaves et pesait 267 tonnes, soit 2,3 esclaves par tonneau. Publié par la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade (Société pour l’abolition de la traite des esclaves).

        Le passage du milieu pouvait durer de six semaines à plusieurs mois, selon les conditions météorologiques et l’itinéraire. Les captifs, entassés et enchaînés, subissaient des conditions de vie inhumaines. Dans certains compartiments, la hauteur de la cale était si basse qu’ils ne pouvaient que rester allongés. Leurs mouvements étaient limités, leurs corps comprimés les uns contre les autres. En moyenne, chaque esclave disposait de seulement 0,5 mètre carré. Parfois, la chaleur devenait si insupportable que l’air manquait, provoquant des évanouissements, des suffocations, et des décès. Les captifs, dans cette promiscuité abjecte, n’avaient aucun moyen de se soulager ou de se nettoyer. Ils restaient couchés dans leurs excréments, souillant leurs plaies et exacerbant les risques de maladies.

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        Pont des esclaves du navire Le Séraphique Marie de Nantes, armé par Mr Gruel, pour l’Angola, sous le commandement de Gaugy, qui trafiquait à Loango, dont la vue est au-dessous de la quantité de 307 captifs (…)

        Les femmes étaient quant à elles séparées des hommes et, bien qu’elles échappaient aux chaînes des cales, leur sort n’était guère plus enviable. Souvent placées au-dessus du pont, elles subissaient des violences sexuelles, des viols et des abus constants de la part de l’équipage. L’absence totale de droits faisait de leur vie un enfer. Celles qui arrivaient vivantes en Amérique, souvent enceintes de leurs agresseurs, devenaient des symboles vivants des atrocités de cette traversée.

        Maladies et mortalité

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        Une peinture réalisée vers 1830 par l’artiste allemand Johann Moritz Rugendas représente une scène se déroulant sous le pont d’un navire négrier en partance pour le Brésil ; Rugendas avait été un témoin oculaire de la scène.

        Le confinement, le manque d’hygiène et la malnutrition faisaient des navires négriers des foyers épidémiques où la mort rôdait sans cesse. L’absence d’hygiène, les vomissements causés par le mal de mer, l’accumulation des déjections humaines : autant de conditions qui transformaient les cales en véritables foyers de contagion. La dysenterie, le typhus, la variole et le scorbut se propageaient à une vitesse fulgurante. Les capitaines, soucieux de rentabiliser leur « cargaison« , n’hésitaient pas à jeter par-dessus bord les malades et les mourants afin d’éviter la propagation des épidémies à tout le navire.

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        Cette maquette représente un navire typique du début des années 1700 sur le Passage du Milieu. Pour préserver leurs profits, les capitaines et les marins s’efforçaient de limiter les décès d’esclaves dus aux maladies, aux suicides et aux recollements. Dans l’effroyable arithmétique du commerce des esclaves, les capitaines choisissaient généralement entre deux options : embarquer autant d’esclaves que possible en espérant que la plupart d’entre eux survivent, ou en mettre moins à bord, améliorer les conditions entre les ponts et espérer perdre moins d’esclaves à cause de la maladie. Modèle de navire négrier exposé au Musée national d’histoire américaine (Smithsonian Institution).

        En moyenne, on estime qu’environ 15 % des captifs n’atteignaient jamais l’Amérique. Mais pour les négriers, ces pertes humaines étaient considérées comme des pertes d’exploitation inévitables. En effet, le système de la traite reposait sur une logique économique impitoyable : la rentabilité était assurée par des « économies d’échelle« . Plus on entassait d’esclaves, plus on compensait les pertes. Cette logique glaçante transforma chaque traversée en une machine de mort programmée.

        Les répressions et les punitions

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        La flagellation Coolie 1886. alamyimages

        Pour les esclaves qui tentaient de se rebeller, la punition était brutale et impitoyable. Le spectre des révoltes hantait les équipages, et les capitaines ne prenaient aucun risque. À la moindre tentative de rébellion, les esclaves étaient soumis à des tortures exemplaires : on utilisait des vis de pouce, qui écrasaient les phalanges, ou encore le fameux « chat à neuf queues« , un fouet conçu pour lacérer la peau en plusieurs endroits à chaque coup. Ce dernier instrument, fait de lanières garnies de nœuds et de pointes, laissait des cicatrices indélébiles sur les corps déjà brisés des captifs.

        Face aux tentatives de suicide, les membres de l’équipage utilisaient des méthodes encore plus inhumaines. Certains captifs tentaient en effet de se laisser mourir en refusant de manger, espérant échapper ainsi à leur sort. Mais leurs oppresseurs avaient recours au « speculum oris« , un instrument de métal destiné à forcer l’ouverture de la bouche pour alimenter les captifs de force. Ce processus, douloureux et humiliant, n’avait d’autre but que de maintenir en vie les esclaves jusqu’à leur destination finale pour préserver la valeur marchande de cette « cargaison humaine« .

        Les tentatives de rébellion et de libération

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        Illustration représentant une mutinerie d’esclaves sur un négrier du 18e siècle. Bettmann

        Malgré l’oppression constante, certains captifs tentaient l’impensable : se révolter pour reprendre leur liberté. À bord des navires négriers, les rébellions furent fréquentes, bien que rarement couronnées de succès. Les femmes, souvent moins surveillées, jouaient parfois un rôle central dans ces tentatives. Elles communiquaient discrètement avec les hommes enchaînés dans les cales, et ensemble, ils planifiaient des soulèvements pour prendre le contrôle du navire. Mais les rixes tournaient souvent court, et les punitions qui s’ensuivaient étaient d’une cruauté sans égale.

        Mutinerie de l’Amistad. Mort du capitaine Ferrer, le capitaine de l’Amistad, juillet 1839, gravure sur bois de John Warner Barber. Galerie d’art de l’université de Yale

        L’un des rares exemples de rébellion victorieuse fut celle du navire La Amistad en 1839, où 53 captifs africains réussirent à se libérer, tuant une partie de l’équipage et prenant le contrôle du navire. Après des semaines d’errance, le navire fut intercepté par la marine américaine, mais, fait exceptionnel, la justice américaine finit par reconnaître le droit à la liberté des rebelles de La Amistad, créant un précédent dans l’histoire de l’abolitionnisme.

        L’arrivée, un nouveau supplice

        Voyage vers l’enfer : À bord des navires négriers
        esclavage : AntiguaDes esclaves coupent la canne à sucre sur l’île d’Antigua, dans les Caraïbes, en 1823. The British Library (Domaine public)

        Pour ceux qui survivaient à l’horreur de la traversée, le supplice n’était pourtant pas terminé. À l’arrivée, les captifs étaient vendus comme des marchandises, inspectés sous tous les angles, forcés de se tenir nus devant des acheteurs qui scrutaient leur musculature, leur dentition, comme on inspecterait du bétail. Arrachés définitivement de leur terre natale, séparés de leurs familles, ces hommes et femmes étaient expédiés vers les plantations, destinés à une vie de servitude, de labeur acharné et de sévices corporels. Certains en venaient même à regretter d’avoir survécu à la traversée, considérant que le voyage aurait pu mettre fin à leurs souffrances.

        Le devoir de mémoire

        Aujourd’hui, évoquer l’histoire des navires négriers, c’est rappeler une des périodes les plus sombres de l’humanité, où la cupidité et l’indifférence ont réduit des millions de vies humaines en marchandises. Ce chapitre, inscrit dans la mémoire collective, continue de hanter les consciences et de soulever des questions sur l’héritage de cette oppression et les réparations nécessaires pour ceux qui, des siècles après, en subissent encore les conséquences.

        Références

        1. Thornton, John. Africa and Africans in the Making of the Atlantic World, 1400–1800. Cambridge University Press, 1998.
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        3. Hochschild, Adam. Bury the Chains: The British Struggle to Abolish Slavery. London: Pan, 2006.
        4. Walvin, James. The Zong: A Massacre, the Law, and the End of Slavery. Yale University Press, 2011.
        5. Rediker, Marcus. The Slave Ship: A Human History. Viking, 2007.
        6. Garland, Charles et Klein, Herbert S. « The Allotment of Space for Slaves aboard Eighteenth-Century British Slave Ships. » The William and Mary Quarterly, vol. 42, no. 2, 1985, pp. 238–239.
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        8. Sheridan, Richard B. « The Guinea Surgeons on the Middle Passage: The Provision of Medical Services in the British Slave Trade. » The International Journal of African Historical Studies, vol. 14, no. 4, 1981, pp. 601–625.
        9. Valentine, Douglas. The Strength of the Pack: The Personalities, Politics, and Espionage Intrigues that Shaped the DEA. Trine Day, 2009.
        10. Mancke, Elizabeth et Shammas, Carole. The Creation of the British Atlantic World. History Today, 2005.