Jim Crow ou la Ségrégation raciale dans le sud des USA

Du sortir de l’esclavage au Voting Rights Act de 1965, les états « sudistes » des Etats-Unis imposèrent une ségrégation raciale violente aux afro-américains. Retour sur une période sombre de l’histoire du pays de l’Oncle Sam.

Jim Crow ou la Ségrégation raciale dans le sud des USA

C’est en 1892 que l’expression «Loi de Jim Crow» fit son apparition. Le New York Times contribua à populariser ce terme dans un article concernant les lois de vote dans le Sud. Cependant, cette appellation tire son origine du personnage «Jump Jim Crow», incarné par Thomas D. Rice, qui, utilisant le « Blackface » moquait les noirs en dansant et chantant prétendument comme eux. Il s’agissait pour l’acteur  de critiquer la politique populiste et trop pro-noirs à son goût du président Andrew Jackson.

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La célébrité de Rice fut telle que «Jim Crow» devint, dès 1838, un terme insultant pour désigner la population afro-américaine. C’est donc tout naturellement qu’à la fin du XIX° siècle, lorsque les états du sud des Etats-Unis ratifièrent des lois de ségrégation raciale qui ciblaient injustement la composante la plus sombre du pays, elle furent appelées « Lois de Jim Crow« .

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Couverture de la 1ère édition de « Jump Jim Crow »

De quoi en retournait-il vraiment ? 

Les lois Jim Crow légalisèrent la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis. Établies peu après la période dite de Reconstruction [1], ces lois racistes ne furent abolies qu’en 1965. Entre temps, la ségrégation raciale était de mise dans tous les établissements publics des anciens États Confédérés d’Amérique [2]. Dès 1890, ces lois sœurs du régime d’Apartheid sud-africain propagèrent un idéal mensonger : «séparés mais égaux».

Égaux en théorie, puisque dans les faits, les établissements publics réservés aux Afro-Américains (quand ils existaient) étaient généralement de moindre qualité et éhontément sous-financés par rapport à ceux destinés aux américains de souche européenne. Ce corpus législatif constituait un véritable « croque-en-jambe » économique, éducatif et social pour les afro-descendants qui se relevaient à peine de l’esclavage.

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« Lavabos de la Ségrégation ». Elliott Erwitt (né en 1928 à Paris) Photo de 1950

La différence entre les états du Nord et du Sud peut se schématiser ainsi :

Domaines ségrégués par les lois Jim Crow :

  • écoles publiques
  • lieux publics
  • transports en commun
  • toilettes
  • restaurants
  • fontaines
  • armée

Domaines ségrégués dans les états du Nord :

  • logement (par les clauses privées)
  • prêts bancaires
  • emplois
  • syndicats

En réalité, ces lois suivaient les codes noirs de 1800-1866, qui auparavant limitaient les droits et les libertés des noirs captifs. A la fin de l’esclavage,elles rassurèrent les anciens propriétaires qui n’était pas sereins pour leurs vies.Premièrement, il fut difficile pour eux d’admettre que les biens meubles d’hier étaient désormais leurs égaux. De plus, les Afro-Américains représentaient la défaite de la guerre civile de la Confédération, un affront pour les conservateurs :

« Avec la suprématie blanche défiée dans le Sud, beaucoup de blancs ont cherché à protéger leur ancien statut en menaçant les Afro-Américains qui ont exercé leurs droits nouveaux « . [3]

Dans l’esprit des anciens esclavagistes, il s’agissait aussi et surtout de se protéger des possibles actes de représailles des anciens esclaves, très nombreux dans le Sud.Le fanatisme religieux répandu dans les anciens états confédérés avait élevé la négrophobie au rang de commandement divin et le système de castes raciales comme une vérité biblique.

Le Ku Klux Klan, symbole des violences fait auxafrodescendants à l'époque de la Ségrégation. Image du film "Mississippi Burning" d'Alan Parker réalisé en 1988.
Le Ku Klux Klan, symbole des violences faites aux afrodescendants à l’époque de la Ségrégation. Image du film « Mississippi Burning » d’Alan Parker réalisé en 1988.

Cet arsenal juridique oppressif couplé à la mentalité sudiste de l’époque, rendirent la vie de la population noire extrêmement « compliquée ». La violence contre les Noirs s’intensifia, il y eut notamment de nombreux lynchages et autres barbaries dès le tournant du XX°siècle. Tout au long de la période post-Reconstruction, les Afro-Américains furent la cible de nombreuses formes de discriminations injustes :

Néanmoins, il serait erroné de penser que les américains d’ascendance africaine ne furent que des victimes apeurées de la Suprématie Blanche. Ils combattirent farouchement ce régime asphyxiant. Ils résistèrent de biens nombreuses façons et n’eurent de cesse d’atteindre de meilleures condition de vie, s’organisant pour exiger la pleine et entière reconnaissance de leurs droits civiques. Des mouvements comme la NAACP de W.E.B Dubois,  la Southern Christian Leadership Conference de Martin Luther King, la Student Nonviolent Coordinating Committee de Stokely Charmichael sont emblématiques de cette lutte. Medgar Evers, Nina Simone, Dick Gregory, Rosa Parks et tant d’autres cristallisaient la volonté de dénoncer et mettre fins aux discriminations institutionnelles.

M. Evers en plein piquet de grêve en 1963 à Jackson.
M. Evers en plein piquet de gréve en 1963 à Jackson.

D’ailleurs, Malcolm X l’une des figures emblématique de ce mouvement déclarait au sujet de la Ségrégation :

« La seule différence entre l’Amérique et l’Afrique du Sud: l’Afrique du Sud prône la séparation et la séparation des pratiques, l’Amérique préconise l’intégration et pratique la ségrégation. C’est la seule différence, ils ne pratiquent pas ce qu’ils prêchent, tandis que l’Afrique du Sud pratique et prêche la même chose. »

Les efforts conjugués des différentes composantes de la population afro-américaine finirent par ébranler ce système législatif raciste qui fut petit à petit détricoté. La ségrégation dans les écoles publiques fut déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis en 1954 dans Brown c. Board of Education, (même si cette décision ne pas respectée dans bien des cas). Ainsi, au terme d’années de combats judiciaires acharnés et d’actions plus ou moins non-violentes, les dernières Lois de Jim Crow  furent annulées par la Loi sur les droits civils de 1964 et la Loi sur les droits de vote de 1965.

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Notes et références

[1] La Reconstruction est la période américaine qui suit la guerre de Sécession (1861-1865). Elle englobe la fin du régime esclavagiste, le retour des États du Sud dans l’Union et l’échec de l’intégration des affranchis afro-américains dans les anciens États sudistes.

[2] Les États confédérés étaient formé à l’origine par sept états esclavagistes : la Caroline du Sud , Le Mississippi, la Floride, l’Alabama, la Géorgie, la Louisiane et le Texas. Il se sont autoproclamés indépendants en 1861 notamment parce qu’ils refusaient d’abolir l’esclavage.

[3]  Gates, Henry Louis et Appiah, Anthony. Africana: The Encyclopedia of the African and African American Experience. 1999, p. 1211.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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