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Quincy Jones, l’architecte de la mélodie universelle

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Le 3 novembre 2024, le monde a perdu l’un de ses plus grands visionnaires musicaux. Quincy Jones, compositeur, producteur, arrangeur et icône culturelle, nous a quittés à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui un héritage indélébile qui a redéfini la musique et l’expérience afro-américaine.

Il y a des voix qui transcendent le simple murmure des générations pour devenir le battement de cœur d’une époque. Quincy Jones était l’une de ces voix. Le 3 novembre 2024, le monde a perdu non seulement un musicien, mais un visionnaire dont l’impact résonne bien au-delà des portées musicales. En tant que compositeur, producteur, arrangeur et philanthrope, Quincy Jones a tissé une toile sonore qui capture les nuances complexes de l’expérience afro-américaine et, par extension, de l’humanité tout entière.

Né le 14 mars 1933 dans le South Side de Chicago, Quincy Delight Jones Jr. a grandi dans l’ombre des hauts-fourneaux et des rythmes syncopés du jazz naissant. Son enfance, marquée par la migration de sa famille vers Seattle pendant la Grande Dépression, a été le terreau fertile d’une résilience qui allait devenir sa marque de fabrique. C’est dans les rues de Seattle qu’il a découvert la trompette, un instrument qui serait son passeport vers le vaste univers de la musique.

Quincy Jones, « 12 Notes: On Life & Creativity », compte Facebook.

À l’âge de 14 ans, une rencontre fortuite avec un jeune Ray Charles a scellé son destin. Deux prodiges noirs dans une Amérique ségréguée, naviguant à travers les complexités d’une société qui les voyait comme invisibles. Ensemble, ils ont exploré les profondeurs du jazz, du blues, ces langages codés qui portaient les espoirs et les douleurs d’un peuple en quête de liberté.

Quincy n’était pas simplement un musicien ; il était un architecte du son, un alchimiste capable de transformer les notes en émotions palpables. Sa capacité à fusionner les genres—du bebop au hip-hop, de la soul au funk—était une réflexion de sa vision du monde : un lieu sans frontières où chaque culture enrichit l’autre. Il a travaillé avec les géants de l’industrie, de Frank Sinatra à Ella Fitzgerald, mais c’est sa collaboration avec Michael Jackson qui a véritablement redéfini les contours de la musique pop.

Michael Jackson et Quincy Jones en 1984 aux Grammy Awards. © Doug Pizac/AP/SIPA

Avec « Off the Wall« , « Thriller » et « Bad« , Quincy Jones a non seulement produit des albums ; il a sculpté des monuments culturels. « Thriller » n’était pas qu’un succès commercial sans précédent ; c’était une déclaration audacieuse sur le potentiel illimité de la créativité noire. Dans un monde qui cherchait souvent à marginaliser les voix afro-américaines, Quincy a fait en sorte que la sienne soit impossible à ignorer.

Mais réduire l’héritage de Quincy Jones à ses réalisations musicales serait une injustice flagrante. Il était également un fervent défenseur des droits civiques, utilisant sa plateforme pour combattre les injustices systémiques. Son engagement dans le projet « We Are the World » en 1985, rassemblant les plus grands noms de la musique pour lutter contre la famine en Éthiopie, est un témoignage de sa croyance profonde en la responsabilité sociale de l’artiste.

Photo sur le tournage de la « Couleur Pourpre ».

Quincy a également brisé les barrières raciales dans les sphères où peu d’hommes noirs avaient osé s’aventurer. En devenant le premier vice-président afro-américain d’une grande maison de disques, il a ouvert la voie à une nouvelle génération de leaders noirs dans l’industrie du divertissement. Son travail en tant que producteur de films et de télévision, notamment avec « The Color Purple » et « The Fresh Prince of Bel-Air« , a offert des représentations nuancées et authentiques de l’expérience noire, contribuant à remodeler le paysage culturel américain.

Il est difficile de quantifier l’ampleur de l’impact de Quincy Jones. Peut-être parce que son influence est omniprésente, tissant subtilement sa présence dans les mélodies qui nous accompagnent au quotidien. Il a été le mentor de nombreux artistes émergents, reconnaissant l’importance de transmettre le flambeau. Sa soif insatiable de connaissance et son désir de repousser les limites ont inspiré des générations de musiciens, producteurs et créateurs.

En réfléchissant sur sa vie, on est frappé par la façon dont Quincy a navigué à travers les tempêtes du racisme, des obstacles institutionnels et des défis personnels pour construire un héritage qui est à la fois profondément personnel et universel. Il a compris que la musique est plus qu’un divertissement ; c’est un moyen de communication, un outil de transformation sociale.

Dans un monde fracturé par les divisions, Quincy Jones a été une force unificatrice. Sa musique a servi de pont entre les cultures, les générations et les idéologies. Elle nous rappelle notre humanité commune, notre capacité à ressentir, à aimer, à espérer.

Alors que nous disons adieu à cet immense talent, il est essentiel de reconnaître que Quincy Jones nous a laissé bien plus que des albums et des productions. Il nous a légué une philosophie, une façon de voir le monde à travers le prisme de l’empathie et de la créativité. Il a démontré que l’art peut être une forme de résistance, une manière de défier les normes et de créer de nouvelles réalités.

Quincy Jones en 1980.  Photo Bettmann Archive/Getty Images

Son décès le 3 novembre 2024 n’est pas seulement la perte d’une icône musicale, mais celle d’un phare moral et culturel. Cependant, son esprit continue de vivre à travers les innombrables artistes qu’il a influencés et les œuvres qu’il a créées. Chaque note, chaque arrangement porte la signature indélébile de son génie.

En ces temps incertains, l’exemple de Quincy Jones est plus pertinent que jamais. Il nous enseigne que l’innovation naît souvent de l’adversité, que la véritable grandeur réside dans la capacité à élever les autres tout en poursuivant sa propre excellence. Il nous rappelle que nous avons tous un rôle à jouer dans la construction d’un monde plus juste et plus harmonieux.

Quincy, tu as été le chef d’orchestre de nos émotions, le compositeur de nos rêves les plus fous. Ton héritage est une mélodie éternelle qui continuera de résonner dans le cœur de l’humanité. Merci pour ton courage, ta vision et ton inébranlable engagement envers l’art et la justice.

Alors que les dernières notes de ta symphonie s’estompent, nous prenons le relais, inspirés par ton parcours exceptionnel. Et peut-être qu’un jour, en écoutant le murmure du vent ou le rythme de la ville, nous entendrons l’écho de ta musique, nous rappelant que, comme tu l’as si bien montré, l’art a le pouvoir de changer le monde.

Notes et références

  1. Jones, Quincy. Q: The Autobiography of Quincy Jones. New York: Doubleday, 2001.
  2. Ritz, David. The Quincy Jones Legacy Series: Q on Producing. Hal Leonard Corporation, 2010.
  3. Lewis, Miles Marshall. « Quincy Jones: The Man Behind the Music. » Ebony, vol. 67, no. 5, 2012, pp. 56-62.
  4. « Quincy Jones Dies at 91. » The New York Times, 4 Nov. 2024.
  5. Walker, Alice. La Couleur pourpre. Paris: Robert Laffont, 1983.

Francisco Macías Nguema, le dictateur fou de Guinée Équatoriale

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Francisco Macías Nguema est un nom qui évoque le cauchemar, la terreur et la folie dans l’histoire de la Guinée équatoriale. Cet ancien fonctionnaire banal, devenu le premier préFrancisco Macías Nguema est un nom gravé dans l’histoire de la Guinée équatoriale comme celui du « dictateur fou ». Ce premier président du pays, élu en 1968 lors de l’indépendance de l’ancienne colonie espagnole, a rapidement plongé son peuple dans une dictature brutale où la peur et la violence régnaient en maîtres.

Francisco Macías Nguema ou l’ascension d’un dictateur

À travers cet article, Nofi vous plonge dans l’histoire incroyable, presque impensable, d’un homme qui a mené son pays dans une spirale de terreur et de folie. Un homme qui a dirigé l’un des régimes les plus brutaux du 20ᵉ siècle en Afrique. Un homme qui n’a pas hésité à utiliser les pires méthodes pour maintenir son pouvoir. Cet homme, c’est Francisco Macías Nguema, le dictateur fou de Guinée équatoriale.

Notre histoire commence en 1924, dans un petit village de Guinée équatoriale, une colonie espagnole à cette époque. Francisco Macías Nguema est né dans une famille modeste, dans une société encore marquée par la dureté du régime colonial. Dès son plus jeune âge, il montre une intelligence vive, mais aussi un tempérament particulier, un goût pour le pouvoir, pour l’autorité, et une profonde méfiance envers ceux qui l’entourent. Il fait des études, devient fonctionnaire de l’administration coloniale, et se fait rapidement remarquer. Ses méthodes sont brutales, parfois sournoises, mais efficaces.

En 1968, la Guinée équatoriale est sur le point d’obtenir son indépendance, et Nguema, avec son charisme, émerge comme l’un des principaux acteurs politiques du pays. Lors de la première élection présidentielle, il s’engage dans une campagne intense et nationaliste. Avec un discours rempli de haine contre les colonisateurs espagnols, il promet au peuple un avenir où la Guinée équatoriale serait libre et prospère. Ses promesses résonnent auprès de la population, qui voit en lui un symbole de la lutte contre l’oppresseur.

Alors que tout semble indiquer une course électorale loyale, Nguema ne peut s’empêcher de se débarrasser de ses rivaux potentiels. Son principal adversaire, Bonifacio Ondó Edu, est accusé de conspiration. Une conspiration montée de toutes pièces, bien entendu, mais qui est suffisante pour justifier son arrestation. Ondó Edu disparaît mystérieusement, sans qu’aucune enquête ne soit jamais ouverte. Une fois ce rival écarté, Nguema gagne facilement les élections et devient le premier président de la Guinée équatoriale indépendante.

Mais ce qui aurait dû être le début d’une nouvelle ère pour ce jeune pays va rapidement se transformer en cauchemar. Car, une fois au pouvoir, Nguema ne tarde pas à révéler sa vraie nature. Son régime, au lieu d’être celui de la liberté et de la prospérité, se transforme en une dictature terrifiante.

À peine quelques mois après son élection, Nguema met en place un système répressif sans précédent. Les voix critiques, les opposants politiques, les intellectuels, tous ceux qui pourraient contester son autorité sont méthodiquement éliminés. Il crée une police secrète, les Jóvenes Antiguos de Macías (ou JAM), composée de jeunes qu’il forme à obéir aveuglément. Cette milice devient le bras armé de sa répression, infiltrant les quartiers, les villages, surveillant et dénonçant tout ce qui pourrait sembler déviant ou réfractaire.

Il se donne alors des titres pompeux, se déclare « président à vie », « chef suprême » et même « Miracle unique », comme s’il se voyait comme un être envoyé par une force supérieure pour diriger son peuple. Ses discours deviennent de plus en plus inquiétants, et sa paranoïa s’intensifie. Nguema est obsédé par l’idée que des complots se forment partout contre lui. Il voit des ennemis invisibles, des traîtres dans chaque ombre.

Francisco Macías Nguema, le dictateur fou de Guinée Équatoriale
Photographie datée de 1979. Au premier plan, Francisco Macias, ancien président de la Guinée équatoriale. Getty Images/Cover/Sigfrid Casals

C’est alors que commence une série de purges violentes. Il envoie ses hommes arrêter d’anciens collaborateurs, des amis, parfois même des membres de sa famille. La moindre critique est perçue comme une menace, le moindre murmure peut mener à une arrestation, et souvent à une exécution sans procès. La célèbre prison de Black Beach devient un centre de torture et de détention où des centaines de personnes sont enfermées dans des conditions inhumaines. Les détenus y subissent les pires sévices, et rares sont ceux qui en sortent vivants.

Mais Nguema ne s’arrête pas là. Sa folie va encore plus loin, jusqu’à lui faire prendre des décisions qui plongent la Guinée équatoriale dans le chaos économique. Convaincu que les intellectuels et les élites culturelles menacent son pouvoir, il décide de les éradiquer. Les écoles sont fermées, les enseignants emprisonnés ou exécutés, les livres brûlés. Il accuse les docteurs de propager des idées « anti-patriotiques » et les force à quitter le pays, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que deux médecins pour tout le pays. La Guinée équatoriale sombre alors dans une crise sanitaire désastreuse.

Nguema ordonne aussi l’expropriation des entreprises étrangères, principalement celles des Espagnols. Il confisque leurs biens et en attribue la gestion à ses proches, qui n’ont ni les compétences ni l’expérience pour les faire prospérer. En conséquence, l’économie du pays s’effondre. Les plantations de cacao, autrefois prospères, sont abandonnées, et la Guinée équatoriale, qui exportait autrefois cette précieuse ressource, devient incapable de se nourrir elle-même. La famine s’installe, mais Nguema n’en a que faire.

Son goût pour l’absurde et le macabre culmine en 1969, lors d’un événement qui restera tristement célèbre sous le nom de massacre de Noël. Ce jour-là, dans le stade de Malabo, 150 prisonniers politiques sont rassemblés sous les yeux d’une foule effrayée. Les soldats de la JAM, déguisés en Pères Noël, ouvrent le feu, exterminant tous ceux qui avaient été désignés comme « ennemis de la nation ». Ce massacre public est un message clair : nul n’est à l’abri, et toute opposition sera écrasée dans le sang.

L’histoire pourrait s’arrêter là, mais la folie de Nguema semble sans limites. Sa paranoïa atteint des sommets hallucinants. Il ordonne la fermeture de la capitale à tout citoyen ne faisant pas partie de son cercle restreint et s’entoure d’un mur de gardes, de fidèles, et de pratiques occultes. Convaincu qu’il doit assurer sa domination par la magie, il s’entoure de crânes et de reliques humaines, croyant qu’il peut absorber la puissance de ses ennemis. Il passe des heures enfermé avec ces macabres « trophées », s’enfermant dans un monde de superstitions qui ne fait qu’intensifier sa folie.

Les campagnes de terreur se poursuivent. Les minorités ethniques sont pourchassées, les populations des îles sont persécutées, et les villages qui osent résister sont rayés de la carte. Des tribus entières, comme les Pagalos et les Bobis, voient leur population décimée par la faim, la maladie, et les exécutions arbitraires. Nguema pousse même sa répression jusqu’à ordonner que les enfants âgés de sept à quatorze ans reçoivent un entraînement militaire, les forçant à manier des fusils en bois, sous la menace constante d’être punis en cas de désobéissance.

Dans les derniers jours de son régime, Nguema ne fait plus confiance à personne, pas même à ses gardes. Il se retranche dans sa résidence de Mongomo, entouré de quelques fidèles, où il pratique des rites de magie noire dans une tentative désespérée de maintenir son emprise sur le pays. C’est dans ce climat de terreur et de décadence que son neveu, Teodoro Obiang, prépare un coup d’État.

Le 3 août 1979, après plusieurs jours de traque, Francisco Macías Nguema est capturé dans la jungle où il tentait de se cacher. Emmené en détention, il est jugé pour génocide, détournement de fonds publics et pour les atrocités commises contre son propre peuple. Le verdict est sans appel : il est condamné à mort. Mais aucun soldat équato-guinéen ne souhaite l’exécuter, craignant qu’il ne lance une malédiction posthume. Finalement, des mercenaires marocains sont appelés pour en finir avec l’homme qui avait fait régner la terreur sur la Guinée équatoriale.

Le 29 septembre 1979, Francisco Macías Nguema est exécuté, et c’est la fin d’un règne de terreur qui aura duré onze années.

Références

  1. Ndongo-Bidyogo, Donato. Historia y tragedia de Guinea Ecuatorial. Ediciones Akal, 1985.
  2. Liniger-Goumaz, Max. Small is Not Always Beautiful: The Story of Equatorial Guinea. C. Hurst & Co. Publishers, 1989.
  3. Ávila Laurel, Juan Tomás. The Gurugu Pledge. And Other Stories Publishing, 2014.
  4. Liniger-Goumaz, Max. Guinea Ecuatorial: Los Derechos Humanos, « de Hecho ». Editions L’Harmattan, 1993.
  5. Meisler, Stanley. United Nations: The First Fifty Years. Atlantic Monthly Press, 1997.
  6. Rey, Claudine. Les républiques d’Afrique noire et le pouvoir militaire. Presses Universitaires de France, 1981.
  7. Africa Watch Committee. Guinea Equatorial: A Promise Betrayed. Yale University Press, 1991.
  8. Le Vine, Victor T. Politics in Francophone Africa. Lynne Rienner Publishers, 2004.
  9. Ramos, Agustín. Equatorial Guinea, the Forgotten Dictatorship. California State University, 1998.
  10. Nwoji, Ike. Reflections on West Africa’s Disturbing Issues. AuthorHouse, 2012.

Les politiques racistes d’Harry J. Anslinger, le père de la « guerre contre la drogue » aux États-Unis

Harry J. Anslinger, premier commissaire du Bureau fédéral des stupéfiants des États-Unis, a instauré un système de criminalisation des drogues marqué par le racisme et l’intimidation. Nofi explore comment, sous couvert de lutte contre la drogue, Anslinger a imposé une idéologie répressive visant principalement les minorités, posant les bases de la « guerre contre la drogue » encore en vigueur aujourd’hui.

Harry J. Anslinger et la naissance de la politique antidrogue

Harry Jacob Anslinger, commissaire du Bureau fédéral des stupéfiants des États-Unis (Federal Bureau of Narcotics) de 1930 à 1962, est souvent considéré comme l’un des fondateurs de la « guerre contre la drogue ». Cependant, ses efforts pour lutter contre le cannabis et d’autres substances dépassaient largement les préoccupations de santé publique. Derrière son combat anti-drogue, se cachait une profonde animosité envers les minorités raciales et les immigrants. Dans un contexte d’Amérique en pleine mutation, Anslinger a façonné un système où les politiques de criminalisation des drogues étaient en réalité une arme d’exclusion raciale, impactant des générations de communautés afro-américaines et latino-américaines.

Né en 1892 à Altoona, en Pennsylvanie, dans une famille d’immigrés suisses, Harry Anslinger travaille pour la Pennsylvania Railroad dès son adolescence. Rapidement, il se distingue par son zèle dans l’investigation criminelle. En 1930, à seulement 38 ans, il est nommé premier commissaire du Bureau fédéral des stupéfiants sous la présidence d’Herbert Hoover. Anslinger hérite d’un pays où l’alcool a été récemment décriminalisé après la Prohibition, mais il voit dans les stupéfiants une nouvelle cible. C’est avec le soutien de son beau-père, Andrew Mellon, alors secrétaire au Trésor, qu’il est propulsé à la tête du bureau et se lance dans une campagne sans précédent contre la drogue.

Anslinger (au centre) discute du contrôle du cannabis avec le chef des narcotiques canadiens Charles Henry Ludovic Sharman et le secrétaire adjoint au Trésor Stephen B. Gibbons (1938).

La première cible d’Anslinger est le cannabis, une drogue peu courante à l’époque, mais largement consommée dans les communautés mexicaines et afro-américaines. Pour convaincre le public de la dangerosité de cette substance, Anslinger n’hésite pas à recourir à des discours xénophobes. Selon lui, le cannabis incitait les minorités à « oublier leur place » et les rendait dangereux pour les citoyens blancs. Pour illustrer ses dires, il raconte des histoires effrayantes, comme celle de Victor Licata, un jeune homme accusé d’avoir tué sa famille sous l’influence du cannabis. Bien que cette histoire ait été démentie par la suite (Licata souffrait de troubles mentaux graves), elle devient l’un des « dossiers sanglants » qu’Anslinger utilisait pour justifier sa croisade.

Anslinger a compris l’importance des médias dans sa campagne de désinformation. Avec le soutien de magnats de la presse comme William Randolph Hearst, il inonde le pays de titres sensationnalistes, associant le cannabis à des actes de violence. Ses campagnes atteignent un public large grâce à des publications et des films comme Reefer Madness, qui dépeignent la marijuana comme un fléau pour la jeunesse et un danger pour la société. Cette manipulation des médias permet à Anslinger d’amplifier la peur autour du cannabis et d’obtenir un soutien pour ses politiques répressives

RFK, procureur général des États-Unis, et C. Douglas Dillon, secrétaire au Trésor, lors d’une cérémonie de remise de prix au commissaire aux stupéfiants Harry Anslinger.

En 1937, Anslinger obtient une première victoire avec la loi de taxation de la marijuana (Marihuana Tax Act), une loi qui impose des restrictions sévères à la production, la vente et l’utilisation du cannabis. Cette législation, qui cible indirectement les communautés noires et mexicaines, permet aux autorités de multiplier les arrestations pour possession de cannabis. Le cannabis devient un prétexte pour contrôler et surveiller les minorités, en particulier les Afro-Américains et les Mexicains vivant dans les quartiers défavorisés.

Parmi les cibles d’Anslinger figurent les musiciens de jazz, qu’il considère comme des symboles de décadence et de rébellion. Billie Holiday, chanteuse noire et militante, est l’une de ses victimes. Après sa célèbre chanson Strange Fruit, qui dénonce les lynchages racistes, Anslinger lance une campagne contre elle. Il la surveille, l’arrête et la poursuit sans relâche, notamment pour sa consommation d’héroïne, symbolisant ainsi son acharnement contre ceux qui osent défier les normes sociales de l’époque. Holiday finira par mourir après des années de persécutions, marquant tragiquement l’impact destructeur des politiques d’Anslinger.

Holiday au Downbeat Jazz Club, New York, vers février 1947

Anslinger maintient une collection de récits de crimes violents qu’il attribue à la drogue, qu’il appelle ses « dossiers sanglants » (Gore Files). Dans ces récits, il affirme que des Afro-Américains et des Mexicains, sous l’emprise de la marijuana, deviennent violents et agressifs, parfois jusqu’à l’homicide. Bien que nombre de ces récits soient soit inventés, soit embellis, ils servent de base pour justifier des politiques de plus en plus répressives envers les minorités. Anslinger joue ainsi sur les préjugés de l’époque pour alimenter la peur et renforcer l’idée que les communautés noires et latinos constituent une menace pour la société américaine.

Certaines critiques suggèrent que la campagne anti-cannabis d’Anslinger servait également des intérêts économiques. Des groupes industriels, comme la société DuPont, auraient vu dans le chanvre une menace pour l’industrie émergente des fibres synthétiques, comme le nylon. Bien que la théorie ne soit pas prouvée, il est évident qu’Anslinger avait des alliés puissants dans l’industrie et la politique. En diabolisant le cannabis, il permet à ces industries de prospérer sans concurrence du chanvre, une fibre naturelle et économique.

Le maire de New York, Fiorello H. LaGuardia.

En 1944, le rapport LaGuardia, commandé par le maire de New York, conclut que le cannabis n’entraîne ni violence ni addiction. Ce rapport contredit directement les affirmations d’Anslinger, qui qualifie le rapport de « non scientifique » et refuse d’en tenir compte. Cette réaction montre la volonté d’Anslinger d’ignorer toute étude contredisant son discours, préférant s’appuyer sur des stéréotypes raciaux et des préjugés pour justifier ses politiques.

L’impact des politiques d’Anslinger dépasse de loin son mandat. Sa guerre contre la drogue a jeté les bases d’un système pénal où les minorités, en particulier les Afro-Américains et les Latinos, sont systématiquement criminalisées pour des infractions mineures liées aux drogues. Aujourd’hui encore, les communautés de couleur continuent de souffrir des effets de ces politiques, héritées de la croisade raciste d’Anslinger. Sa politique a non seulement alimenté les discriminations, mais aussi instauré une culture de la peur autour des drogues, façonnant durablement la perception publique.

Harry J. Anslinger est l’un des visages les plus sombres de la guerre contre la drogue. Son utilisation de la propagande et du racisme pour diaboliser les drogues, en particulier le cannabis, a eu des conséquences dévastatrices pour les communautés afro-américaines et latino-américaines. Son nom est associé à une période de persécution où la drogue n’était pas seulement un problème de santé publique, mais un outil de contrôle social et racial. Ses politiques ont laissé un héritage durable, où criminalisation et discrimination vont encore aujourd’hui de pair.

Notes et références

  • Krebs, Albin. « Harry J. Anslinger Dies at 83; Hard-Hitting Foe of Narcotics« . The New York Times. 18 novembre 1975.
  • Hari, JohannChasing the Scream: The First and Last Days of the War on Drugs. Bloomsbury Publishing, 2015.
  • McWilliams, John C. The Protectors: Harry J. Anslinger and the Federal Bureau of Narcotics, 1930-1962. University of Delaware Press, 1990.
  • Sloman, LarryReefer Madness: A History of Marijuana in America. Indianapolis: Bobbs–Merrill, 1979.

5 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 5 novembre évoque des luttes, des triomphes et des figures marquantes de l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora. Des combats de la guerre des Sables à l’héritage de figures telles que Bibi Titi Mohammed et Art Tatum, chaque événement et personnalité incarne un chapitre du parcours afrodescendant. Cet article explore ces moments et trajectoires, entre engagement, art et résilience.

Événements marquants

5 novembre 1963 : Cessation des combats de la guerre des Sables entre l’Algérie et le Maroc

Plusieurs milliers de Marocains portant chacun un Coran et le drapeau de leur pays franchissent la frontière du Sahara occidental, à Tah, le 6 novembre 1975. © Frilet/SIPA

En 1963, une guerre éclate entre le Maroc et l’Algérie, récemment indépendante, autour de leur frontière commune, marquée par des lignes floues héritées de la période coloniale. Ce conflit, connu sous le nom de guerre des Sables, expose la fragilité des nouvelles nations africaines et les tensions issues des frontières coloniales. Le 5 novembre 1963, après des semaines d’affrontements violents, les deux pays parviennent à un cessez-le-feu, une trêve médiée par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qui limite l’escalade d’un conflit fratricide.

Les origines de cette guerre résident dans une vision expansionniste marocaine soutenue par l’idée du « Grand Maroc »—un concept revendiquant des territoires au sud de l’Algérie, à Béchar et Tindouf. Ces régions, qui recèlent des ressources naturelles importantes, suscitent un intérêt stratégique pour le Maroc, renforcé par un passé historique où certaines de ces zones étaient sous influence marocaine. Cependant, pour Ahmed Ben Bella, premier président algérien, ces territoires sont inséparables de l’Algérie indépendante, libérée au prix de longues luttes et de sacrifices. Ce conflit va de l’incident frontalier à la guerre ouverte, provoquant des pertes humaines significatives des deux côtés.

Au cœur de la guerre des Sables, la stratégie militaire marocaine se révèle plus structurée, mais l’Algérie bénéficie d’un soutien international de poids, notamment de l’Égypte de Nasser et de Cuba de Fidel Castro. Les troupes algériennes reçoivent ainsi un appui logistique et militaire qui compense leurs difficultés matérielles. Cependant, l’engagement de l’OUA, et particulièrement l’implication du président tunisien Habib Bourguiba et de l’empereur éthiopien Hailé Sélassié, conduit à la cessation des combats le 5 novembre. Cette trêve marque un moment de pause, bien que le conflit reste latent jusqu’à un accord définitif en 1964.

5 novembre 2013 : Le mouvement M23 dépose les armes en République démocratique du Congo

Troupes du M23 Bunagana. Copyright 2010 Peter Greste

Le 5 novembre 2013 marque une date cruciale pour la République démocratique du Congo (RDC). Ce jour-là, le Mouvement du 23 mars, ou M23, rend les armes et met fin à des mois de combats acharnés dans la région du Nord-Kivu. Cette reddition, fruit de pressions militaires combinées et d’une médiation régionale complexe, apparaît comme un souffle de paix éphémère pour des milliers de Congolais affectés par des années de violences.

Le M23, fondé par d’anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), prend les armes en avril 2012, dénonçant la non-application des accords de paix de 2009 signés avec le gouvernement congolais. Dirigé par des figures controversées telles que Bosco Ntaganda et Sultani Makenga, le groupe sème la terreur dans le Nord-Kivu. Goma, la capitale de cette région stratégique, tombe brièvement sous leur contrôle en novembre 2012, symbolisant l’audace et la force du mouvement, soutenu, selon plusieurs rapports, par des puissances régionales dont le Rwanda.

Le conflit prend une tournure internationale, avec l’implication de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), qui, en 2013, reçoit l’autorisation d’établir une brigade d’intervention spéciale pour faire face aux menaces armées. Cette mission onusienne, épaulée par les forces congolaises, engage des opérations offensives contre le M23. Face à cette pression militaire croissante et à l’isolement diplomatique, le M23 finit par capituler le 5 novembre 2013, et ses combattants se réfugient en Ouganda et au Rwanda.

Malgré cette reddition, la dissolution du M23 soulève des questions non résolues sur la stabilité de l’Est de la RDC et la réalité des alliances politiques et économiques derrière les conflits armés.

Figures emblématiques

5 novembre 1956 : Décès d’Art Tatum, génie du jazz pianistique

Art Tatum, Vogue Room, New York, entre 1946 et 1948.

Le 5 novembre 1956, Art Tatum, l’un des pianistes les plus talentueux et influents de l’histoire du jazz, s’éteint à seulement 47 ans. Né à Toledo, Ohio, en 1909, Tatum se distingue très tôt par une technique époustouflante et un sens inouï de l’improvisation. Malgré une vision fortement altérée dès l’enfance, il se hisse au sommet de la scène jazz grâce à sa maîtrise de la virtuosité, de la réharmonisation et de la bitonalité.

Ses débuts sont marqués par une diffusion radiophonique à Toledo, et, dès les années 1930, il devient la référence du piano jazz, impressionnant ses pairs comme Fats Waller et Duke Ellington. Réfractaire au bebop émergent, Tatum reste fidèle au stride et au swing, innovant en solo et au sein de son trio. Sa capacité à transformer chaque performance en une aventure harmonique et rythmique complexe et colorée fascine. Son influence dépasse le piano, inspirant des figures légendaires comme Charlie Parker et Dizzy Gillespie.

5 novembre 2000 : Décès de Bibi Titi Mohammed, la voix de la liberté en Tanzanie

Bibi Titi Mohamed et Julius Nyerere.

Née en 1925 à Dar es Salam, Bibi Titi Mohammed a marqué l’histoire de la Tanzanie en devenant une figure incontournable de la lutte pour l’indépendance. Militante charismatique et proche de Julius Nyerere, elle a été l’une des fondatrices de l’Union nationale africaine du Tanganyika (TANU) en 1954. En tant que présidente de la branche féminine de ce mouvement, elle a mobilisé des milliers de femmes pour soutenir la cause nationaliste, donnant une voix forte aux femmes dans la lutte anticoloniale.

Après l’indépendance de la Tanzanie en 1961, elle devient la première femme ministre du pays, influençant la rédaction de la Constitution et ouvrant la voie pour la participation politique féminine. Cependant, ses divergences avec Nyerere et les idéaux socialistes du parti aboutissent à son arrestation en 1969, accusée de trahison. Condamnée à la prison à vie, elle est finalement graciée en 1972 et part vivre en exil en Afrique du Sud.

Décédée le 5 novembre 2000 à Johannesburg, Bibi Titi Mohammed demeure une héroïne oubliée du mouvement pour la liberté en Afrique, une femme qui a su résister aux conventions pour défendre l’indépendance et les droits des femmes. Son nom perdure aujourd’hui dans les rues de Dar es Salam, en hommage à son engagement indéfectible pour l’émancipation de son peuple.

5 novembre 2002 : Décès de Vinnette Justine Carroll, pionnière du théâtre afro-américain

Vinette Carroll, portrait

Née le 11 mars 1922 à New York et décédée le 5 novembre 2002, Vinnette Justine Carroll a marqué l’histoire du théâtre en tant que première femme afro-américaine à diriger une production à Broadway. Connue pour son style audacieux et son engagement social, elle a ouvert la voie à des générations de créateurs noirs grâce à des œuvres novatrices et percutantes.

Carroll a fait ses débuts à Broadway en 1972 avec Don’t Bother Me, I Can’t Cope, une comédie musicale explorant les thèmes de la justice sociale, de l’identité raciale et des réalités afro-américaines. En tant que metteuse en scène et dramaturge, elle a défié les conventions de l’époque, s’attaquant aux stéréotypes et à la sous-représentation des artistes noirs dans le monde du théâtre. Ce premier succès lui a valu d’être la première femme afro-américaine nommée aux Tony Awards pour la mise en scène.

eSon influence va bien au-delà des planches : elle a fondé le Urban Arts Corps en 1967, un collectif offrant aux jeunes talents noirs l’opportunité de s’exprimer librement et d’acquérir une reconnaissance. En dédiant sa carrière à la représentation authentique de l’expérience afro-américaine, Carroll a joué un rôle clé dans l’évolution du théâtre en tant qu’espace d’inclusion et de diversité. Elle demeure une source d’inspiration pour ceux qui luttent pour une représentation équitable dans les arts.

5 novembre 1984 : Naissance d’Eliud Kipchoge, légende du marathon

Eliud Kipchoge Octobre 2019

Eliud Kipchoge, né le 5 novembre 1984, est un athlète de classe mondiale dont les exploits dans le marathon ont redéfini les limites de l’endurance humaine. Originaire de Nandi County, au Kenya, il se distingue par ses victoires dans les marathons de Chicago, Londres et Berlin, ainsi que par son exploit historique de courir un marathon en moins de deux heures lors d’un événement spécialement organisé à Vienne en 2019. Cet accomplissement, bien qu’il ne soit pas reconnu officiellement en raison des conditions contrôlées, marque un jalon dans l’histoire du sport.

Kipchoge incarne l’esprit de persévérance et d’excellence qui caractérise les athlètes kényans de longue distance, et il est perçu comme un symbole de détermination et de discipline. Son succès va au-delà de la compétition ; il représente une source de fierté pour le Kenya et pour le continent africain, illustrant le potentiel illimité des athlètes africains sur la scène mondiale.

5 novembre 1968 : Seth Gilliam : Un acteur polyvalent et engagé

Né le 5 novembre 1968, Seth Gilliam est un acteur américain connu pour ses rôles emblématiques dans des séries télévisées telles que The WireTeen Wolf, et The Walking Dead. Par ses personnages, souvent complexes et confrontés à des dilemmes moraux, il incarne des figures qui résonnent profondément auprès du public, en particulier au sein de la communauté afro-américaine.

Gilliam, par son jeu nuancé et sa capacité à interpréter des rôles très divers, incarne la résilience et la complexité des personnages afro-américains à l’écran. Dans un secteur où les acteurs noirs ont souvent été cantonnés à des rôles stéréotypés, il contribue à élargir les perspectives et à offrir une représentation plus riche de l’expérience afro-américaine à la télévision.

Références

  1. Ali, Abdullah. War and Peace in the Sahara: The Sand War and Its Aftermath. African Journal of History, 2018.
  2. Nzongola-Ntalaja, Georges. The Congo from Leopold to Kabila: A People’s History. London: Zed Books, 2002.
  3. Shipton, Allan. Jazz Makers: Art Tatum and the Evolution of Jazz Piano. New York: Oxford University Press, 2016.
  4. Kipchoge, Marathon Man, documentaire, BBC, 2020.
  5. Walker, Samuel. A History of the African American Theater. Cambridge University Press, 2004.

4 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 4 novembre est une date riche en événements et en figures influentes dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora. De l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis à la découverte du tombeau de Toutânkhamon, en passant par des conflits marquants et des personnalités emblématiques comme Emeka Odumegwu Ojukwu et Cyprian Ekwensi, cette journée reflète les espoirs, les luttes et le patrimoine culturel des Africains et Afro-descendants.

Événements marquants

4 novembre 2008 : Élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis

4 novembre - Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
4 novembre 2008 : Barack Obama devient le 44e président des Etats-Unis. [© STAN HONDA / AFP]

Le 4 novembre 2008, l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis marque un moment historique et symbolique. Premier président afro-américain, il incarne un espoir massif de changement pour des millions de personnes, aux États-Unis et dans le monde, surtout au sein des communautés noires et marginalisées. Son arrivée au pouvoir promet un renouveau dans la lutte pour la justice sociale, l’égalité raciale et le progrès économique. Pourtant, à l’aune de son double mandat, le bilan d’Obama reste complexe, teinté de grandes promesses inachevées et de politiques parfois décevantes pour ceux qui ont placé en lui leurs espoirs.

En matière de justice raciale, Obama hérite d’une Amérique profondément divisée et confrontée à des violences policières et à des discriminations structurelles persistantes. Bien qu’il ait adressé ces enjeux dans ses discours, ses réponses concrètes, souvent jugées timides, déçoivent une grande partie de la communauté afro-américaine. Le mouvement Black Lives Matter, qui prend racine durant sa présidence, souligne les limites de son approche centriste face aux injustices raciales. Beaucoup espéraient qu’il impulserait des réformes profondes pour remodeler la justice pénale et le système policier, mais ses efforts se heurtent à des compromis politiques et à une prudence qui l’empêchent de transformer réellement la situation.

Sur le plan international, Obama est également critiqué pour une politique étrangère qui, loin des idéaux de paix qui l’ont mené au prix Nobel, s’inscrit dans une continuité interventionniste. L’extension des frappes de drones au Moyen-Orient et en Afrique, souvent sans discernement et occasionnant des pertes civiles importantes, est vue par nombre d’observateurs comme un prolongement des stratégies guerrières de ses prédécesseurs. En Afrique, le continent de ses racines, Obama suscite d’abord une grande ferveur, mais ses actions restent limitées et symboliques, marquées par des priorités stratégiques plus que par un réel engagement pour le développement ou la sécurité des populations locales.

Au-delà des critiques spécifiques, le bilan de Barack Obama illustre les contradictions entre une rhétorique ambitieuse et les limites du pouvoir en place. En jonglant entre une volonté de transformation et les impératifs politiques de Washington, Obama est apparu à ses détracteurs comme un président trop prudent, parfois pris dans des compromis paralysants. Si son ascension reste une victoire symbolique majeure, elle soulève des questions sur les attentes placées en lui et sur les barrières institutionnelles qui freinent le changement.

4 novembre 2020 : Conflit du Tigré en Éthiopie

4 novembre - Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
FINBARR O’REILLY/NYT

Le 4 novembre 2020, l’Éthiopie bascule dans un conflit armé d’une ampleur inédite dans la région du Tigré. Le gouvernement fédéral, dirigé par le Premier ministre Abiy Ahmed, engage une offensive militaire contre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), après une série de tensions croissantes avec les autorités régionales. Ce conflit, au-delà des enjeux politiques immédiats, révèle les fractures ethniques et historiques qui marquent la société éthiopienne, plaçant le pays face à ses contradictions et aux revendications de ses populations.

La région du Tigré, historiquement influente dans la politique éthiopienne, voit son pouvoir affaibli depuis l’ascension d’Abiy Ahmed en 2018. Ancien membre du TPLF, Abiy amorce des réformes visant à recentrer le pouvoir autour d’un État fédéral fort, suscitant des résistances parmi les élites tigréennes attachées à une large autonomie. Ces divergences aboutissent à une rupture lorsque le TPLF organise des élections régionales en dépit du report décrété par le gouvernement central en raison de la pandémie de COVID-19, un acte de défiance perçu par Addis-Abeba comme une atteinte à l’unité nationale.

Mais le conflit ne se limite pas aux dimensions institutionnelles. Il incarne un antagonisme ethnique entre les Tigréens et le reste de la population éthiopienne, exacerbant un sentiment de marginalisation. Les affrontements, caractérisés par des violences extrêmes et des déplacements massifs de civils, questionnent la capacité de l’Éthiopie à demeurer un État fédéral unifié tout en répondant aux aspirations de ses diverses communautés. Le Tigré, bastion de la résistance, devient alors le théâtre d’une lutte pour la survie culturelle et politique de ses habitants.

4 novembre 1922 : Découverte du tombeau de Toutânkhamon

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Lors de la découverte du cercueil d’or de Toutankhamon en 1925, et après son transfert dans l’antichambre du tombeau, Howard Carter retire patiemment la résine et les onguents durcis recouvrant le précieux sarcophage du pharaon CRÉDITS: HARRY BURTON/GRIFFITH INSTITUTE/ UNIVERSITY OF OXFORD

Le 4 novembre 1922, l’archéologue britannique Howard Carter fait une découverte inespérée dans la vallée des Rois : le tombeau intact de Toutânkhamon, pharaon méconnu de la XVIIIe dynastie égyptienne. Derrière le sceau inviolé de la porte, Carter découvre une richesse inégalée, des trésors fabuleux qui illuminent les vestiges du passé antique de l’Égypte. Ce trésor, préservé des pillards et du temps, révèle aux yeux ébahis du monde la splendeur d’une civilisation africaine qui a marqué l’histoire universelle.

Cette découverte ne se limite pas aux merveilles artistiques ou à l’aura mystique du jeune pharaon, décédé à seulement 19 ans. Elle illustre surtout la sophistication d’une science funéraire complexe, un art de la préservation et de la symbolique qui évoque la croyance égyptienne en l’immortalité de l’âme. L’or, l’albâtre, l’ébène et les pierres précieuses utilisés dans les ornements et les artefacts du tombeau témoignent de l’avancée technologique et culturelle d’une civilisation qui était alors à son apogée.

Pourtant, si l’Occident acclame cette trouvaille comme une « découverte », elle suscite également des questions sur la préservation du patrimoine africain. Pendant longtemps, les trésors de l’Égypte ancienne ont été exhumés, emportés et exposés dans les musées européens, symbolisant une forme de spoliation culturelle. Toutânkhamon incarne dès lors, au-delà de sa gloire royale, un rappel des contributions fondamentales de l’Afrique à l’histoire de l’humanité, souvent ignorées et reléguées dans les récits occidentaux.

Figures emblématiques (sauf P. Diddy)

4 novembre 1933 : Naissance d’Emeka Odumegwu Ojukwu, le président du Biafra

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Le lieutenant-colonel (puis général) Odumegwu Ojukwu, photographié ici vers 1966, a dirigé l’État sécessionniste du Biafra depuis sa déclaration d’indépendance en 1967 jusqu’à sa reddition en 1970, qui a mis fin à la guerre civile nigériane. Keystone Features-Hulton Archive/Getty Images

Né le 4 novembre 1933 à Zungeru, au Nigeria, Emeka Odumegwu Ojukwu est une figure marquante de l’histoire nigériane en tant que leader du Biafra. Issu d’une famille influente, Ojukwu fait des études en Angleterre avant de rejoindre l’armée nigériane, où il gravit rapidement les échelons. En 1966, dans un climat de tensions ethniques grandissantes, il est nommé gouverneur militaire de la région orientale, une zone majoritairement habitée par le peuple Igbo.

En 1967, face aux violences anti-Igbos et à l’instabilité politique du Nigeria, Ojukwu proclame l’indépendance de la région orientale sous le nom de République du Biafra, marquant ainsi le début de la guerre civile nigériane, aussi connue sous le nom de guerre du Biafra. Ce conflit, qui durera près de trois ans, dévaste la région et fait des millions de victimes, notamment en raison de la famine et des combats intenses.

Ojukwu n’est pas seulement un chef de guerre ; il incarne aussi l’espoir d’un peuple en quête de justice et de reconnaissance. Après la défaite du Biafra en 1970, il s’exile en Côte d’Ivoire, où il reste jusqu’à son retour au Nigeria dans les années 1980. Jusqu’à sa mort en 2011, Ojukwu demeure un symbole complexe de la lutte pour l’autonomie et l’émancipation des peuples opprimés au Nigeria, son nom évoquant à la fois la détermination et les cicatrices d’un pays déchiré par les conflits ethniques.

4 novembre 1969 : Naissance de Sean Combs

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Né le 4 novembre 1969, Sean Combs, connu sous les pseudonymes Puff Daddy, P. Diddy, et Diddy, est une figure emblématique du hip-hop et de la culture pop américaine. Fondateur de Bad Boy Records, il a propulsé des artistes légendaires comme The Notorious B.I.G. et Mary J. Blige vers les sommets, marquant ainsi les années 90 avec des sonorités distinctives et un flair entrepreneurial. En parallèle, Combs a également laissé son empreinte dans la mode avec sa marque Sean John, devenant un symbole de succès dans la culture afro-américaine.

Cependant, cette image de réussite est aujourd’hui ternie par une série d’affaires judiciaires qui menacent de réduire son héritage artistique et entrepreneurial en poussière. Depuis les années 90, Combs fait face à des accusations récurrentes d’inconduite sexuelle et de violences physiques. En 2023, son ancienne compagne, Cassie Ventura, a déposé une plainte pour viol, violences physiques, et harcèlement, avant qu’un règlement à l’amiable soit rapidement conclu. Mais cet accord n’a fait qu’ouvrir la voie à une cascade de poursuites similaires. En effet, d’autres plaignantes, anonymes ou connues, se sont manifestées pour dénoncer des abus prétendument subis aux mains de Combs, révélant un schéma d’abus allégués remontant à plusieurs décennies.

La situation a pris une tournure dramatique en 2024 avec une perquisition menée par les autorités fédérales à ses domiciles, et son arrestation pour des accusations de trafic sexuel et de racket. Des documents judiciaires révèlent des allégations graves, selon lesquelles Combs aurait drogué, agressé et intimidé des victimes, des hommes et des femmes, y compris des mineurs. Les détracteurs de Combs l’accusent non seulement d’avoir orchestré des agressions, mais aussi de s’être entouré de complices silencieux au sein de son entourage.

La réponse de l’industrie ne s’est pas fait attendre : des partenaires commerciaux tels que Macy’s, Peloton et Hulu ont coupé les ponts avec Combs, et ses collaborations ont progressivement été retirées des plateformes de diffusion. Certains artistes, de Kesha aux Jonas Brothers, ont même modifié les paroles de leurs chansons pour omettre toute référence à lui, marquant un rejet public de son image.

L’affaire Combs continue de soulever des débats sur la complexité de l’influence et du pouvoir dans l’industrie du divertissement, et sur les protections qui devraient entourer les victimes d’abus présumés. L’issue de ses procès reste incertaine, mais le poids des allégations porte un coup sévère à l’héritage d’une figure autrefois adulée, et dont l’ombre plane désormais sur le monde du hip-hop et au-delà.

4 novembre 2007 : Décès de Cyprian Ekwensi, écrivain nigérian

4 novembre - Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 4 novembre 2007, le Nigéria perd l’une de ses voix littéraires les plus marquantes avec la disparition de Cyprian Ekwensi, écrivain et conteur infatigable. Né en 1921, Ekwensi se fait connaître dans les années 1950 avec ses récits qui explorent les défis et les nuances de la vie urbaine nigériane. Contrairement à ses contemporains qui s’attardent souvent sur les thèmes ruraux ou sur les légendes traditionnelles, Ekwensi choisit les ruelles, les marchés et les quartiers animés de Lagos pour cadre. Ses œuvres, telles que People of the City et Jagua Nana, dévoilent avec un réalisme frappant les complexités de la société post-coloniale nigériane, marquée par les espoirs et les désillusions de l’indépendance.

Avec un style direct et accessible, Ekwensi brosse des portraits puissants des citadins ordinaires : hommes et femmes en quête de stabilité, mais aussi d’évasion, dans un monde en pleine mutation. L’écrivain aborde sans détour des thèmes tels que l’injustice sociale, la moralité et la quête identitaire, traçant un tableau incisif de la condition humaine dans un Nigéria en rapide évolution. Cyprian Ekwensi demeure un pionnier de la littérature africaine moderne, dont la plume a immortalisé les voix de ceux qui, dans l’ombre des grandes villes, tentent de trouver un équilibre entre tradition et modernité.

Références

  1. Gates Jr., Henry Louis. The Trials of Barack Obama. Penguin Books, 2017.
  2. Gebrekidan, Solomon. The Ethiopian Crisis: A Modern Perspective on the Tigray Conflict. African Studies Review, 2021.
  3. Reeves, Nicholas. The Complete Tutankhamun: The King, the Tomb, the Royal Treasure. Thames & Hudson, 1990.
  4. Forsyth, Frederick. The Biafra Story: The Making of an African Legend. Pen & Sword, 2001.
  5. Achebe, Chinua. There Was a Country: A Personal History of Biafra. Penguin Books, 2012.
  6. Ekwensi, Cyprian. Jagua Nana. Heinemann African Writers Series, 1961.

Françafrique, les secrets d’une alliance obscure (partie 1)

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Plongez dans les racines historiques de la Françafrique, une alliance obscure entre la France et ses anciennes colonies. Premier volet d’une série de six articles, explorez la période allant de la colonisation à la mise en place de structures de pouvoir durables.

Introduction

L’histoire de la Françafrique est celle d’une relation ininterrompue entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique, un lien complexe, fait de contrastes et de paradoxes, qui transcende les indépendances officielles de ces pays. Ce terme, longtemps évoqué à demi-mots, désigne un réseau de relations politiques, économiques et militaires, où les intérêts français se superposent à la souveraineté des nations africaines. La Françafrique, à la fois invisible et omniprésente, est une construction semi-officielle qui fonctionne en coulisses, façonnant les politiques de toute une région pour maintenir l’influence française et protéger ses intérêts.

Les acteurs de ce système d’influence opèrent souvent depuis l’ombre : conseillers spéciaux, entreprises multinationales, réseaux de services secrets, élites politiques africaines – tous engagés dans une mécanique qui fait perdurer l’empreinte française au sein des économies africaines, jusque dans les sphères de décisions politiques. Dès les années 1960, à l’aube des indépendances africaines, des figures telles que Jacques Foccart, conseiller pour les affaires africaines sous le général de Gaulle, ont élaboré des stratégies pour maintenir l’accès privilégié de la France aux ressources stratégiques – pétrole, uranium, bois précieux – et pour préserver les alliances qui garantissent ce contrôle. Mais derrière les promesses d’indépendance, l’ombre d’un néocolonialisme persiste, nourri par des contrats opaques, des accords militaires, et des alliances secrètes.

Au cœur de la Françafrique, une logique de dépendance économique s’est installée, liant les économies africaines francophones à l’Hexagone à travers le franc CFA, la monnaie utilisée dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Cette monnaie, garantie par le Trésor français, est vue par certains comme un outil de stabilité économique, mais pour beaucoup, elle reste un symbole d’assujettissement. Cet arrangement financier, loin de l’idée d’une véritable indépendance monétaire, reflète l’essence même de la Françafrique : une autonomie limitée, où chaque acteur doit composer avec des intérêts externes.

De l’exploitation des ressources naturelles au soutien militaire, de l’ingérence politique aux liens économiques opaques, la Françafrique continue de prospérer au fil des décennies, révélant au passage les tensions entre le besoin de liberté des peuples africains et les ambitions géopolitiques françaises. Les défis de la Françafrique relèvent de contradictions profondes : entre dépendance et émancipation, coopération et domination, héritage historique et aspirations nouvelles.

Dans cette danse de pouvoir, la France n’a jamais cessé d’être un acteur clé en Afrique, influençant les trajectoires de nations entières au gré de ses propres intérêts. La Françafrique est donc plus qu’une simple politique d’influence étrangère ; elle est un modèle de manipulation subtile et de contrôle indirect, un échafaudage diplomatique, économique et militaire qui tient en équilibre les ambitions d’un empire ancien dans un monde en mutation. Pour comprendre le cœur de la Françafrique, il faut plonger dans cette relation d’intrigues et d’intérêts croisés qui, loin de se défaire avec les décennies, a su se réinventer pour perdurer, rendant difficile toute rupture franche avec le passé colonial.

Première partie : les racines historiques de la Françafrique

I° La colonisation

L’histoire de la Françafrique commence bien avant le mot lui-même, et même avant les indépendances africaines de la fin des années 1950 et début des années 1960. Elle prend racine dans le XIXe siècle, alors que les grandes puissances européennes se partagent le continent africain, mus par des ambitions de grandeur, de profit et de domination mondiale. Lors de la Conférence de Berlin en 1884-1885, l’Europe signe l’acte de partage de l’Afrique, balisant ainsi la voie à un système colonial d’exploitation qui redéfinira les frontières africaines au gré des intérêts européens.

La France, qui avait déjà conquis l’Algérie en 1830, se lance alors dans une campagne de colonisation plus étendue. Au cœur de cette expansion impérialiste, elle érige deux vastes entités : l’Afrique-Occidentale française (AOF), regroupant des territoires comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, et le Burkina Faso, et l’Afrique-Équatoriale française (AEF), couvrant notamment le Gabon, le Congo, le Tchad, et la Centrafrique. Ce découpage colonial, dicté par les rivalités européennes et des logiques de domination, s’impose aux Africains qui se retrouvent subitement placés sous une autorité étrangère, sans consultation ni consentement.

Pour Paris, ces colonies constituent d’abord un réservoir de matières premières et une source d’enrichissement sans précédent. L’or, le bois, les terres agricoles, les ressources minières – tous les trésors du sous-sol africain – sont méthodiquement exploités pour alimenter l’économie française. La mission civilisatrice, proclamée par la France, sert de couverture à des politiques de pillage systématique. Le modèle économique colonial repose sur un pillage organisé des richesses, accompagné d’un travail forcé institutionnalisé. Les populations locales sont enrôlées, souvent par contrainte, pour travailler dans les mines, les plantations, et les chantiers d’infrastructure au profit de la France. Ce travail forcé, accompagné de violences et de répressions, reste l’un des héritages les plus sombres de la colonisation.

Les autorités coloniales françaises mettent en place un système administratif rigide pour maintenir leur contrôle. Le « code de l’indigénat », instauré en 1887, est l’une des législations les plus emblématiques de cette politique répressive : il prive les Africains de tout droit politique et de nombreuses libertés fondamentales. Les gouverneurs nommés par Paris supervisent ces territoires comme des fiefs personnels, appliquant les ordres de la métropole pour extraire le maximum de profit, souvent sans tenir compte des conséquences pour les populations locales. Les Africains, réduits à des citoyens de seconde zone, subissent les décisions et les règles d’un système qu’ils n’ont jamais choisi.

À la veille de la Première Guerre mondiale, l’exploitation économique de l’AOF et de l’AEF bat son plein. La France, sous couvert de mission civilisatrice, modernise les infrastructures africaines – des ports, des chemins de fer et des routes – mais ce développement est exclusivement dirigé vers l’extraction et l’exportation des ressources naturelles. Ces infrastructures sont d’ailleurs pensées dans une logique de dépendance : les colonies sont connectées à la France plus qu’entre elles, créant ainsi une relation de dépendance économique. Les populations africaines, encore largement rurales, sont contraintes de se soumettre aux nouvelles dynamiques économiques qui privilégient les cultures d’exportation comme le coton, le cacao, et le café, au détriment de l’agriculture vivrière.

Avec le début de la Première Guerre mondiale, la France n’hésite pas à puiser dans ses colonies pour alimenter l’effort de guerre. Les Africains sont recrutés de force dans l’armée française et envoyés sur le front européen en tant que « tirailleurs sénégalais », qui participeront aux combats les plus féroces. Bien que nombre d’entre eux y laissent leur vie, leur sacrifice restera largement ignoré, et à la fin de la guerre, les promesses de reconnaissance et d’égalité se révèlent vides.

L’entre-deux-guerres ne voit pas d’amélioration pour les Africains : le travail forcé se poursuit, tandis que la France intensifie l’exploitation agricole pour nourrir une métropole en pleine croissance. Avec l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale, les colonies africaines sont à nouveau appelées à soutenir la France. Les soldats africains participent à la libération de l’Europe, mais ils se battent également pour une promesse : celle d’un avenir où ils pourraient être traités en égaux. Cependant, cette promesse sera trahie, car une fois la guerre terminée, Paris reprend la mainmise sur ses colonies.

Cette période marque également l’éveil des consciences anticolonialistes parmi les élites africaines, souvent formées dans les universités françaises. Inspirés par les idées de liberté et d’égalité, ces intellectuels et politiciens africains, tels que Léopold Sédar Senghor au Sénégal ou Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, commencent à militer pour une véritable autonomie. Ils défendent la cause de leurs peuples, prônant des réformes et des droits, mais Paris résiste farouchement.

Dans les années 1950, les mouvements nationalistes s’intensifient et les populations africaines se soulèvent pour réclamer la liberté. La France, fragilisée par ses guerres coloniales en Indochine et en Algérie, est contrainte de céder, mais elle le fait à sa manière : en instituant une indépendance surveillée et conditionnelle. En effet, au lieu d’abandonner totalement son emprise, Paris conserve des relations étroites avec ses anciennes colonies, les reliant par des accords militaires, économiques, et culturels. L’indépendance politique est octroyée, mais l’ombre de la France continue de planer.

Les structures économiques et politiques mises en place pendant la colonisation ne disparaissent pas du jour au lendemain. Bien au contraire, elles se transforment et s’adaptent, servant de socle à un nouveau système : la Françafrique.

II° La Conférence de Berlin et la délimitation des empires

Le 19e siècle est marqué par une course effrénée des puissances européennes pour s’assurer des parts de contrôle sur le continent africain, où les richesses et les territoires suscitent toutes les convoitises. La Conférence de Berlin, tenue de novembre 1884 à février 1885, constitue le tournant décisif de cette course à la colonisation : sous l’impulsion de l’Allemagne de Bismarck, les grandes puissances, dont la France, le Royaume-Uni, la Belgique, et le Portugal, se réunissent pour établir un accord sur le partage de l’Afrique. Ce sommet scelle le destin de l’Afrique pour plusieurs décennies, car il impose un ordre colonial bâti sur la domination et la répartition arbitraire des frontières et des peuples.

La France, l’une des puissances coloniales les plus engagées, obtient à Berlin une portion substantielle du continent. Dans le cadre de cette division, elle hérite d’un contrôle quasi total sur l’Afrique de l’Ouest et d’une influence étendue en Afrique centrale. Des territoires immenses, allant des rives du Sénégal aux confins du Tchad, sont placés sous son autorité. Les accords établis à Berlin permettent à la France de poser les bases d’une administration qui lui permettra de tirer profit de cette nouvelle emprise territoriale et de faire main basse sur les ressources africaines.

La Conférence de Berlin fonctionne essentiellement comme une cartographie à grande échelle de la domination européenne. Aucune considération n’est accordée aux populations locales ou aux réalités ethniques et culturelles qui structurent les sociétés africaines. Les frontières sont tracées avec une indifférence frappante, souvent à la règle et au compas, traversant des régions peuplées de groupes distincts ou divisant des royaumes historiques. Ces délimitations, établies sans l’avis des populations concernées, posent les jalons d’un désordre social et politique qui persistera longtemps après les indépendances. Elles forcent les populations à coexister dans des frontières artificielles, générant des tensions qui se perpétueront bien au-delà de la période coloniale.

Le découpage issu de Berlin ouvre aussi la voie à l’exploitation effrénée des ressources africaines par les puissances coloniales. Sous prétexte de mission civilisatrice, les Européens, et en particulier la France, implantent des infrastructures qui servent d’abord leurs intérêts économiques. Ces infrastructures, qu’il s’agisse de routes, de ports ou de lignes de chemin de fer, ne sont pas construites pour favoriser le développement local mais pour faciliter l’acheminement des matières premières vers l’Europe. Le bois, les minéraux précieux, l’or, et plus tard, le pétrole, deviennent les priorités économiques pour les métropoles européennes. La Conférence de Berlin inaugure ainsi une dynamique où les colonies sont intégrées dans un réseau mondial au profit exclusif des puissances coloniales.

La Conférence de Berlin introduit également un principe qui aura un impact décisif pour la France : la notion de « sphère d’influence ». Selon cet accord, chaque nation européenne détentrice de territoires sur la côte africaine peut légitimement étendre son emprise vers l’intérieur des terres jusqu’à rencontrer la zone d’influence d’une autre puissance européenne. Ce principe accélère la pénétration coloniale française dans les régions plus reculées de l’Afrique de l’Ouest et centrale, en leur permettant d’établir un contrôle continu, depuis les côtes jusqu’aux zones forestières et désertiques de l’intérieur.

Les répercussions de Berlin pour la France sont donc à la fois territoriales, économiques, et politiques. Avec un contrôle sur des territoires plus vastes que l’ensemble de la France métropolitaine, le pays devient l’un des empires les plus puissants du continent africain. Cette mainmise s’accompagne de la création de structures politiques destinées à asseoir cette domination : l’Afrique-Occidentale française (AOF) et l’Afrique-Équatoriale française (AEF) sont progressivement établies, regroupant les colonies de la région sous une administration centralisée. Ces regroupements permettent à la France de coordonner ses efforts pour l’exploitation des ressources naturelles tout en instaurant un système hiérarchique rigide qui place les gouverneurs coloniaux comme représentants directs de l’autorité parisienne.

L’administration française, grâce à l’Acte de Berlin, applique sa vision d’un empire basé sur la mission civilisatrice, un concept imprégné de la conviction que la France porte une responsabilité morale envers ses colonies. En réalité, cette idéologie masque un système d’exploitation et de dépendance. La Conférence de Berlin ouvre ainsi la voie à une Françafrique embryonnaire : elle institue une emprise coloniale où les ressources africaines, exploitées au profit de la France, construisent un réseau de dépendance économique qui survit aux indépendances.

Le découpage réalisé à Berlin pose aussi les bases d’un néocolonialisme institutionnalisé, car il ancre une relation de pouvoir asymétrique qui, même après la décolonisation officielle, continuera de relier les anciennes colonies à la France. Les structures politiques, économiques, et militaires introduites au moment de la colonisation vont perdurer, posant les fondations d’une Françafrique où la France garde une mainmise discrète mais puissante sur ses anciennes colonies.

III° Les structures de pouvoir instaurées et la mainmise française sur les ressources

À mesure que l’expansion coloniale française en Afrique s’intensifie à la fin du 19e siècle, la France instaure des structures de pouvoir qui assurent non seulement une domination politique mais aussi un contrôle économique étroit sur les ressources africaines. Ce système s’appuie sur un réseau de lois, d’accords et de pratiques administratives qui consolident la mainmise de la métropole sur les richesses du continent. Ces méthodes, loin d’être purement opportunistes, s’inscrivent dans un cadre soigneusement élaboré pour extraire et canaliser les ressources vers la France, posant ainsi les jalons d’un néocolonialisme qui survivra bien après les indépendances officielles.

A – Les accords de concession, ou verrouiller l’accès aux ressources

Pour maximiser la rentabilité des colonies, la France met en place une série d’accords de concession qui accordent des monopoles d’exploitation aux entreprises françaises et excluent toute concurrence locale ou internationale. Dans des territoires comme la Côte d’Ivoire, le Gabon ou la Guinée, ces concessions touchent tous les secteurs stratégiques : les bois précieux, le caoutchouc, les mines d’or et, plus tard, les gisements de pétrole.

Par exemple, au début du 20e siècle, de vastes étendues forestières et minières sont octroyées à des sociétés françaises qui obtiennent ainsi le droit exclusif de les exploiter, sans retour économique pour les populations locales. Les concessions sont souvent obtenues en échange de faibles redevances payées aux autorités coloniales, garantissant un coût minime pour des profits considérables.

Ces accords verrouillent non seulement l’accès aux ressources, mais limitent aussi drastiquement le développement d’une économie locale autonome. En restreignant la possibilité pour les Africains de s’impliquer dans l’extraction des ressources de leurs propres terres, la France instaure un système de dépendance économique : les colonies fournissent les matières premières, et la France les transforme pour ensuite les vendre, créant une boucle commerciale qui favorise exclusivement l’économie métropolitaine.

B – Les codes de l’indigénat et la création d’un système d’exploitation

Pour asseoir leur domination, les autorités coloniales introduisent des lois répressives, comme le Code de l’Indigénat, qui enracine un système juridique inégalitaire et coercitif. Le Code de l’Indigénat, appliqué dans les colonies françaises dès 1887, établit un ensemble de règles discriminatoires imposées aux Africains, les maintenant sous un contrôle rigide et les privant de droits politiques et économiques. Les populations indigènes, considérées comme des « sujets » et non comme des citoyens français, sont soumises à des impôts élevés et contraints de fournir une main-d’œuvre bon marché pour les travaux d’infrastructure, comme la construction de chemins de fer ou de routes servant les intérêts commerciaux de la France.

Cette main-d’œuvre forcée est exploitée pour extraire les ressources naturelles des colonies. Dans l’Afrique-Équatoriale française (AEF), par exemple, des milliers d’hommes sont mobilisés pour travailler dans les plantations de caoutchouc ou les exploitations minières, souvent dans des conditions déplorables et dangereuses. Ces travailleurs, non rémunérés ou à peine rétribués, représentent la pierre angulaire d’une économie coloniale qui vise avant tout à enrichir la métropole.

C – Les monnaies coloniales, des instruments de contrôle économique

Les monnaies introduites dans les colonies françaises – notamment le franc CFA (franc des Colonies françaises d’Afrique), créé en 1945 – jouent un rôle fondamental dans la perpétuation du contrôle économique. Cette monnaie, contrôlée par le Trésor français, est non convertible et rattachée au franc français (et plus tard à l’euro), ce qui empêche toute flexibilité économique dans les pays africains et les rend dépendants des décisions de la Banque de France. En effet, même après les indépendances, le franc CFA demeure sous la tutelle française, régissant les politiques monétaires de plusieurs États d’Afrique de l’Ouest et centrale.

L’introduction de cette monnaie crée un environnement où les économies locales sont intégrées dans une zone économique dominée par la France. Ce lien monétaire assure à la métropole un accès stable aux ressources africaines et des conditions favorables pour les entreprises françaises, qui bénéficient d’un cadre monétaire sécurisé pour leurs investissements. En imposant le franc CFA, la France verrouille ainsi une dépendance économique qui devient l’une des fondations du système Françafrique.

D – Le rôle des administrateurs coloniaux et des élites locales dans la préservation des intérêts français

Pour assurer l’efficacité de cette emprise, la France mise sur une structure administrative hiérarchisée dans ses colonies, où des gouverneurs et administrateurs coloniaux français exercent une autorité centralisée, directement reliée à Paris. Ces fonctionnaires, nommés et redevables au gouvernement français, sont chargés de maintenir l’ordre et d’assurer la rentabilité économique des colonies. Leurs décisions, souvent basées sur des directives de Paris, reflètent avant tout les intérêts de la métropole, reléguant les besoins des populations locales à un rôle secondaire, voire inexistant.

Cette structure administrative fonctionne en partenariat étroit avec certaines élites locales, que la France intègre progressivement dans son système pour assurer une stabilité relative et une collaboration. Ces élites, souvent formées dans les écoles de la métropole, bénéficient de privilèges et d’un accès aux ressources, mais leurs pouvoirs restent limités. En maintenant ces figures locales dans des postes de responsabilité symbolique, les autorités coloniales s’assurent une coopération suffisante sans pour autant leur céder un réel contrôle.

E – La Construction d’un système d’exportation-extraction durable : vers une Françafrique institutionnalisée

Les infrastructures coloniales – notamment les ports, les chemins de fer et les routes – sont conçues pour assurer un flux continu des matières premières vers la France, consolidant un modèle économique d’exportation-extraction. Les réseaux ferroviaires comme celui du Congo-Océan, construit au prix de milliers de vies, facilitent l’acheminement de produits comme le caoutchouc, le cacao, le café et plus tard les ressources minières, de l’intérieur du continent jusqu’aux ports, pour être exportés vers la métropole. En d’autres termes, ces infrastructures ne sont pas destinées à soutenir l’économie locale mais à maintenir l’efficacité du pillage colonial.

Ces pratiques établissent une structure économique qui, au moment des indépendances dans les années 1960, est déjà si profondément ancrée qu’elle persistera largement inchangée. La France, en s’assurant le contrôle exclusif sur les ressources, prépare le terrain pour un système néocolonial où ses intérêts économiques resteront dominants, même après que les colonies aient officiellement obtenu leur indépendance. Le modèle d’exploitation instauré pendant la période coloniale jettera ainsi les bases d’une Françafrique institutionnalisée, où la dépendance des anciennes colonies perdurera à travers des accords commerciaux, des investissements ciblés et la continuité du franc CFA.

En somme, les structures de pouvoir, les lois restrictives, et le contrôle des ressources mis en place par la France dans ses colonies ne sont pas de simples mesures administratives. Elles représentent les piliers d’un système de domination qui vise à intégrer l’Afrique dans une économie de dépendance, où les intérêts français dictent les règles du jeu. Ce système de pillage, dont les racines sont ancrées dans la période coloniale, évoluera après les indépendances pour prendre la forme de la Françafrique, un réseau complexe où les ressources africaines, les élites locales et les intérêts français restent inextricablement liés.

Notes et références

  1. Verschave, François-Xavier. La Françafrique : Le plus long scandale de la République. Stock, 1998.
  2. Coquery-Vidrovitch, Catherine. Histoire des colonisations : Des conquêtes aux indépendances, XIIIᵉ-XXᵉ siècle. Éditions La Découverte, 2019.
  3. Merle, Isabelle. La France coloniale : XIXᵉ-XXᵉ siècle. Armand Colin, 2012.
  4. Blanchard, Pascal et al. La Françafrique : L’histoire interdite. Éditions La Découverte, 2014.
  5. Bayart, Jean-François. L’État en Afrique : La politique du ventre. Fayard, 1989.
  6. Association Survie. La Françafrique, c’est quoi ? Disponible sur : www.survie.org
  7. Documentaire : Françafrique, 50 ans sous le sceau du secret, réalisé par Patrick Benquet, 2010.
  8. Cooper, Frederick. Afrique depuis 1940 : Les défis de l’indépendance. Éditions Payot, 2014.
  9. Mazrui, Ali A. Le déclin de l’Afrique : de la domination à la dépendance. L’Harmattan, 1987.
  10. Martin, Guy. Africa in World Politics: A Pan-African Perspective. Africa World Press, 2002.
  11. Vallin, Victor. La Conférence de Berlin (1884-1885) : Partage de l’Afrique et naissance de la colonisation. Éditions L’Harmattan, 2012.
  12. Conklin, Alice L. A Mission to Civilize: The Republican Idea of Empire in France and West Africa, 1895–1930. Stanford University Press, 1997.
  13. Bouquet, Christian. Géopolitique de la Françafrique. Armand Colin, 2010.
  14. Website: Ministère des Armées, Les tirailleurs sénégalais dans la Première Guerre mondiale. Disponible sur : www.defense.gouv.fr
  15. Article académique : Ndiaye, Pap. « La condition noire : essai sur une minorité française. » Éditions Calmann-Lévy, 2008.

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 3 novembre est un jour témoin de l’histoire africaine et de sa diaspora, mêlant la résistance face à la domination coloniale, l’émergence de voix indépendantes, et les contributions artistiques marquantes. À travers des personnages comme Félix-Roland Moumié, héros anticolonial camerounais, et Brenda Fassie, icône de la musique africaine, explorons comment cette date a marqué le destin de l’Afrique et de sa diaspora.

Événements marquants

3 novembre 1960 : Assassinat de Félix-Roland Moumié, un symbole de la résistance camerounaise

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Félix Moumié est mort le 3 novembre 1960. © Archives Jeune Afrique

Le 3 novembre 1960, Félix Moumié, figure emblématique de la résistance camerounaise, s’éteint à Genève dans des circonstances qui révèlent l’ombre de la répression coloniale française. Médecin de formation et dirigeant de l’Union des populations du Cameroun (UPC), Moumié devient une voix puissante dans le combat pour l’indépendance de son pays face à l’influence persistante de la France. Ce combat, pour lequel il a risqué sa vie à de nombreuses reprises, s’achève tragiquement dans les arcanes d’une opération soigneusement orchestrée par les services secrets français.

Félix Moumié est introduit dans les cercles anticolonialistes dès le milieu des années 1950. Après la mort de son prédécesseur, Ruben Um Nyobè, en 1958, Moumié devient la cible privilégiée de la France, décidée à maintenir le Cameroun dans son « pré carré » africain. Le 15 octobre 1960, dans le restaurant « Le Plat d’Argent » de Genève, un agent infiltré du SDECE, William Bechtel, alias « Claude Bonnet », parvient à introduire du thallium dans le pastis, puis dans le vin de Moumié, un poison inodore qui condamne irrémédiablement le leader.

Durant ses dernières heures à l’hôpital, Moumié soupçonne un empoisonnement, et ses cris désespérés laissent entrevoir l’horreur de sa fin. L’autopsie révélera les traces de thallium dans son organisme, déclenchant un mandat d’arrêt pour Bechtel. Néanmoins, la justice française, protectrice de ses agents, parviendra à empêcher tout procès, et Bechtel finira par obtenir un non-lieu en 1980.

La mort de Félix Moumié, à seulement 35 ans, marque un tournant dans la lutte pour l’indépendance du Cameroun et illustre la violence de la répression coloniale française. Aujourd’hui, il demeure un symbole fort pour de nombreux Camerounais, et son héritage continue d’inspirer les mouvements de libération et de justice sociale.

3 novembre 1978 : Indépendance de la Dominique

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Le drapeau de la Dominique. Travail personnel. La version originale de ce fichier provient du site Open Clip Art.

Le 3 novembre 1978, l’île de la Dominique accède à l’indépendance, quittant ainsi le giron britannique pour devenir la Commonwealth of Dominica. Cette jeune nation, bien que désormais souveraine, se retrouve rapidement confrontée aux épreuves héritées de siècles de sous-développement économique. En août 1979, l’ouragan David, avec des vents dévastateurs atteignant 240 km/h, frappe l’île de plein fouet. Les destructions sont immenses : 42 morts et 75 % des habitations détruites ou sévèrement endommagées.

L’indépendance n’a pas suffi à apaiser les tensions sociales. En 1979, un gouvernement intérimaire dirigé par Oliver Seraphin prend le pouvoir en réponse aux troubles. Lors des élections de 1980, la Dominica Freedom Party triomphe, et Eugenia Charles devient la première femme à diriger un État dans les Caraïbes. Durant son mandat, elle survit à deux coups d’État manqués et soutient, en tant que présidente de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale, l’invasion américaine de la Grenade en 1983.

La Dominique fait face à d’autres défis naturels, notamment des ouragans, et son économie reste dépendante de l’exportation de la banane, ce qui fragilise sa croissance. En 2000, après la victoire du Parti travailliste dominicain, Rosie Douglas devient Premier ministre, apportant un souffle nouveau avec des idées progressistes. Mais Douglas décède brusquement en 2000, suivi de son successeur Pierre Charles en 2004, des pertes marquantes pour le pays.

En 2017, l’ouragan Maria frappe l’île, causant des destructions sans précédent. Malgré les dévastations, la Dominique continue de faire preuve de résilience. En 2019, le Parti travailliste, sous la direction de Roosevelt Skerrit, obtient un cinquième mandat consécutif, affirmant la confiance populaire en une stabilité politique dans l’adversité.

Figures emblématiques

Martin de Porrès, Saint et symbole de l’ascension des Afro-descendants dans la foi chrétienne

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

En 1579, Martin de Porrès naît à Lima, dans la vice-royauté du Pérou, d’un noble espagnol et d’une ancienne esclave noire panaméenne. Enfant métis dans une société marquée par la ségrégation raciale, il se distingue très jeune par sa profonde piété et sa compassion envers les plus démunis. Dès l’adolescence, il apprend le métier de barbier, qui, à l’époque, inclut aussi les fonctions de médecin et de chirurgien, et soigne gratuitement les malades pauvres de Lima.

À 16 ans, il rejoint les Dominicains, acceptant humblement les tâches les plus ingrates du monastère. Martin devient ainsi un symbole de charité, utilisant ses compétences pour soigner les pauvres et accomplir des miracles de guérison qui lui valent une grande réputation de sainteté. Avec douceur et humilité, il distribue nourriture et soins aux nécessiteux et montre une attention particulière pour les orphelins, fondant un refuge pour eux dans la ville.

Martin de Porrès n’est pas seulement un frère convers. Il incarne un idéal de service et de modestie qui transcende les frontières sociales et raciales de son temps. Mort le 3 novembre 1639, il est canonisé en 1962 et demeure une figure respectée, patron des causes antiracistes et de la justice sociale. Au-delà des siècles, Saint Martin de Porrès inspire aujourd’hui encore par sa vie de dévouement et sa compassion pour les plus vulnérables.

Brenda Fassie, la Madonne des townships

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
African Queen of Pop Mabrrr

Née le 3 novembre 1964 dans le quartier de Langa, au Cap, Brenda Fassie, surnommée « MaBrrr », est une figure incontournable de la musique sud-africaine. Très jeune, elle développe un talent pour le chant, soutenue par sa mère pianiste. À seulement 16 ans, elle s’installe à Soweto, où elle rejoint le groupe Joy avant de fonder Brenda and The Big Dudes en 1983, rencontrant un succès immédiat.

Brenda Fassie est une artiste engagée. Ses chansons, telles que Weekend SpecialToo Late for Mama et Vul’indlela, explorent la vie des townships et deviennent des hymnes de la jeunesse sud-africaine. Son album Memeza, porté par le succès de Vul’indlela, se hisse au sommet des ventes en 1998, marquant son triomphe dans le genre kwaito. Elle devient rapidement une icône pour les habitants des bidonvilles et est surnommée « La Madone des Bidonvilles » par Time Magazine en 2001.

Cependant, sa vie personnelle est marquée par des drames et des excès. Brenda Fassie lutte contre une addiction à la cocaïne, qui affecte sa carrière. Malgré ses déboires, elle conserve une popularité intacte et utilise sa voix pour défendre les opprimés, faisant régulièrement des visites dans les quartiers les plus défavorisés de Johannesbourg.

Le 9 mai 2004, elle décède des suites d’une crise d’asthme, aggravée par une surdose de cocaïne. Malgré une vie tourmentée, Brenda Fassie demeure une légende, incarnant la résilience et la passion des Sud-Africains. Son héritage musical, symbolisé par son surnom affectueux de « Reine du Pop africain », perdure, continuant d’inspirer les générations actuelles et futures.

Amédé Ardoin, précurseur de la musique créole en Louisiane

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Amédé Ardoin, Date non datée. Circa 1912, Source Louisiana Cultural Vistas Magazine (The Louisiana Endowment for the Humanities estime que cette image appartient au domaine public aux États-Unis).

Amédé Ardoin voit le jour le 11 mars 1898 près de Basile, en Louisiane. Descendant de personnes à la fois libres et réduites en esclavage, il est exclusivement francophone, comme beaucoup dans la région acadienne. C’est dans cette atmosphère créole qu’il découvre l’accordéon, et avec des partenaires tels que Dennis McGee, il forge un style unique mêlant traditions européennes et rythmes africains. Sa voix aiguë et expressive et sa virtuosité sur l’accordéon marquent profondément la musique cajun et zydeco, influençant des générations de musiciens et artisans d’accordéons.

Ardoin surmonte de nombreuses épreuves pour s’imposer. Il enregistre ses premières chansons en 1929, brisant les frontières raciales dans le Sud ségrégationniste des États-Unis en jouant pour des publics métissés. Malgré sa popularité, il subit les affres du racisme : une violente attaque en 1939, suite à une interaction avec une femme blanche, laisse des séquelles physiques et mentales irréversibles. Admis dans un asile de Pineville en 1942, il y décède le 3 novembre de la même année, à seulement 44 ans.

Malgré une vie marquée par la souffrance, le legs musical d’Amédé Ardoin est inestimable. Ses 31 enregistrements sont devenus des classiques du répertoire cajun et créole, et son histoire, célébrée par une statue en Louisiane en 2018, incarne le combat pour la reconnaissance et la préservation des racines culturelles créoles et cajuns.

Jean-Bédel Bokassa : Une figure complexe de l’Afrique postcoloniale

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
PIERRE GUILLAUD | Crédits : AFP

Le 22 février 1921, Jean-Bédel Bokassa naît à Bobangui, en Afrique équatoriale française, dans une famille Mbaka. Orphelin très jeune après l’exécution de son père par l’administration coloniale et le suicide de sa mère, Bokassa est élevé par la mission catholique où il reçoit une éducation militaire française. Après avoir combattu dans les forces françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale et en Indochine, il rejoint en 1962 l’armée de la République centrafricaine, devenant rapidement le commandant en chef.

Le 1er janvier 1966, Bokassa renverse son cousin David Dacko par un coup d’État. Sa gouvernance, marquée par un culte de la personnalité, se radicalise lorsqu’il s’autoproclame empereur du nouvel Empire centrafricain le 4 décembre 1977, dans une cérémonie somptueuse inspirée de Napoléon et financée par la France. Ce régime impérial ne durera que trois ans, marqué par la répression violente, des accusations de cannibalisme, et des allégations de massacre d’étudiants.

En septembre 1979, la France intervient par l’opération Barracuda, renversant Bokassa. Exilé en France, il est finalement jugé en 1987 pour crimes contre l’humanité et condamné à mort, peine commuée en détention à vie. Libéré en 1993, Bokassa passe ses dernières années en Centrafrique avant de mourir le 3 novembre 1996. En 2010, il est réhabilité posthumément, devenant une figure controversée de l’histoire centrafricaine.

Sticky Fingaz : La voix rap de la lutte afro-américaine

3 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Kirk Jones (alias Sticky Fingaz) à la 79e cérémonie de remise des Oscars Children Uniting Nations/Billboard afterparty.

Kirk Jones, plus connu sous le nom de Sticky Fingaz, voit le jour le 3 novembre 1973 à Brooklyn, New York. Dès son plus jeune âge, il est confronté aux défis de la rue et à des démêlés avec la justice, ce qui l’amène à être incarcéré à plusieurs reprises. Sa carrière musicale débute véritablement avec son cousin Fredro Starr, sous l’égide du légendaire Jam Master Jay. Ensemble, ils fondent le groupe Onyx en 1990, et leur premier album, Bacdafucup, sorti en 1993, rencontre un succès immédiat, en partie grâce à l’énergie brute et au style de voix agressif de Sticky Fingaz.

Après plusieurs albums avec Onyx, Sticky entame une carrière solo, marquée par la sortie en 2001 de Blacktrash: The Autobiography of Kirk Jones, un album-concept racontant sa vie fictive et ses péripéties criminelles. Cet album est bien accueilli et permet à Sticky de s’imposer comme un artiste solo. Il poursuit avec Decade: « …But Wait It Gets Worse » en 2003 et A Day in the Life: The Soundtrack en 2009.

Sticky Fingaz explore aussi le monde du cinéma et de la télévision. Il est notamment reconnu pour son interprétation de Blade dans la série télévisée éponyme, et pour son rôle dans le film Clockers de Spike Lee. Sa filmographie inclut des apparitions dans The ShieldNext Friday, et des rôles marquants dans le film Doing Hard Time.

Sticky Fingaz demeure une figure incontournable du rap hardcore, avec un parcours qui incarne la transition d’un style de vie tumultueux vers une reconnaissance artistique et cinématographique.

Sources :

  1. Njami, Simon, Félix Moumié, le poison du colonialisme, Paris, L’Harmattan, 2004.
  2. Péan, Pierre, La République des mallettes, Paris, Fayard, 2011.
  3. « Félix Moumié : L’homme qui voulait la liberté pour le Cameroun », Jeune Afrique, consulté le 3 novembre 2023.
  4. Hubbard, Vincent, A History of Dominica, Macmillan Caribbean, 2001.
  5. Jones, Marie-Hélène, From Colonialism to Nationhood: The Postcolonial Transition of the Caribbean, Routledge, 2003.
  6. Ancelet, Barry Jean, Cajun and Creole Music Makers: Musiciens cadiens et créoles, University Press of Mississippi, 1999.
  7. Tisserand, Michael, The Kingdom of Zydeco, Arcade Publishing, 1998.
  8. Boonzaier, Emile, Brenda Fassie: The Madonna of South Africa, David Philip Publishers, 2005.
  9. Iken, Emma, « Brenda Fassie : A Voice of the South African People », Time Magazine, 2001.
  10. Mado, Sylvia, Jean-Bédel Bokassa : Empereur malgré lui, Paris, Le Seuil, 2017.
  11. Titley, Brian, Dark Age: The Political Odyssey of Emperor Bokassa, MQUP, 1997.
  12. Tucker, Sheila, The History of Creole and Cajun Music, Louisiana Folklife, 2015.

Trace Awards & Summit 2025 : Zanzibar, au cœur de l’Afrique musicale

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Les Trace Awards & Summit 2025, prévus à Zanzibar en février, rassembleront les plus grands talents de la musique afro-urbaine et mettront à l’honneur l’impact mondial des rythmes africains. Cet événement emblématique, à la fois sommet et cérémonie de récompenses, se déroulera au prestigieux Mora Resort, attirant une audience internationale pour célébrer les artistes et la culture africaine sur l’île iconique de Zanzibar.

En février 2025, Zanzibar, cette île légendaire de l’archipel tanzanien, accueillera les Trace Awards & Summit, transformant ses rivages en scène mondiale pour célébrer la musique afro-urbaine et ses héros. L’événement se tiendra au somptueux Mora Resort, attirant l’élite musicale africaine et les figures emblématiques d’une culture aux mille facettes. Du 24 au 26 février, Trace mettra en lumière les artistes et les voix qui incarnent le renouveau musical d’un continent entier, marquant une nouvelle étape dans la reconnaissance de la musique africaine sur la scène internationale.

Ce rassemblement se veut une ode à la créativité afro-urbaine et un carrefour de réflexions pour les acteurs de l’industrie, solidifiant ainsi la place du continent comme berceau d’une production culturelle en constante évolution. Après le succès de la première édition en 2023, qui a conquis un public de 500 millions de personnes à travers le monde, les Trace Awards s’annoncent cette année comme une expérience inédite. Ce n’est pas simplement une récompense musicale ; c’est une immersion dans le monde des rythmes et des mélodies qui résonnent des rives du Sénégal aux plages du Cap, traversant les frontières et unifiant les diasporas.

La montée en puissance des rythmes afro-urbains

Trace Awards & Summit 2025 : Zanzibar, au cœur de l’Afrique musicale

Il est difficile d’imaginer une époque où les sons afro-urbains étaient absents des playlists internationales. En quelques années, les genres tels que l’Afrobeat, l’Amapiano, le Dancehall, l’Afro-pop, le Zouk, le Kizomba et bien d’autres se sont hissés aux sommets des charts mondiaux. Ces rythmes sont plus qu’une mode ; ils sont l’expression vivante des sociétés africaines contemporaines, reflétant leur dynamisme et leurs aspirations. Chaque artiste qui gravit les scènes des Trace Awards incarne l’esprit de cette musique : une volonté farouche de faire résonner l’Afrique sur tous les continents.

Les noms qui reviennent sur toutes les lèvres – Burna Boy, Fally Ipupa, Davido, Yemi Alade, Aya Nakamura – illustrent cette réussite. Ces artistes ne se contentent pas de produire des hits ; ils créent des hymnes modernes qui accompagnent les vies et les histoires de millions de personnes. Les Trace Awards 2025 seront ainsi une célébration de cet héritage et de cette vision qui transcendent les genres et défient les limites.

Un programme riche et engagé

Trace Awards & Summit 2025 : Zanzibar, au cœur de l’Afrique musicale

Les festivités débuteront avec le Trace Summit, les 24 et 25 février, un forum de discussion et d’apprentissage unique qui abordera toutes les dimensions de l’industrie musicale africaine. Le Trace Summit est un lieu de convergence pour les artistes, producteurs, managers, et investisseurs – une opportunité rare pour les acteurs de la musique africaine de dialoguer, d’apprendre et de se réinventer. Cette année, les panels et ateliers toucheront à des thématiques variées, allant des nouvelles technologies à l’impact de la musique dans la société, en passant par les stratégies de marketing pour l’audience mondiale.

À l’issue de ces deux journées, le 26 février, les projecteurs se tourneront vers la cérémonie de remise des prix au Mora Resort. Zanzibar, bien plus qu’un simple cadre, devient alors un symbole : celui de l’Afrique résolument moderne qui accueille et honore ses enfants les plus talentueux. Les Trace Awards diffuseront les récompenses des 28 catégories musicales en direct dans plus de 200 pays, en anglais, français et portugais. Une telle ampleur témoigne de l’importance et de l’impact de cet événement qui unit dans une même ferveur les amateurs de musique de toute la planète.

Zanzibar, entre tradition et innovation

Trace Awards & Summit 2025 : Zanzibar, au cœur de l’Afrique musicale

Le choix de Zanzibar pour ces Awards est significatif. L’île est un pont naturel entre l’Afrique et le reste du monde, un carrefour historique d’échanges culturels où se mêlent les influences africaines, arabes et européennes. Cette année, Zanzibar accueillera pour la première fois une cérémonie de récompenses diffusée mondialement, un moment décisif pour le continent et pour la région. « Zanzibar est fier d’accueillir les prestigieux Trace Awards et Summit, une célébration de la musique et de la culture africaines sur la scène mondiale« , déclare le Ministre du Tourisme, Mudrik Ramadhan Soraga. Cet événement met en valeur la beauté et la diversité de l’île tout en renforçant l’engagement de Zanzibar pour un tourisme respectueux et durable.

Pour Dr. Aboud Suleiman Jumbe, Secrétaire Principal de Zanzibar, « Accueillir la toute première diffusion mondiale en direct d’une grande cérémonie de récompenses africaine est un honneur pour notre île. » Au-delà de l’attrait touristique, cette diffusion en direct est un jalon dans la reconnaissance du rôle de Zanzibar comme destination internationale de premier plan, conjuguant patrimoine culturel et innovation.

Une alliance parfaite, le Mora Resort et la musique africaine

Le Mora Resort, qui hébergera cet événement exceptionnel, incarne l’esprit de l’hospitalité tanzanienne dans toute sa splendeur. Ce lieu de prestige, situé sur les plages immaculées de Muyuni Beach, est à la fois une retraite de luxe et un hommage à la beauté naturelle de l’île. Pour Reda Sweed, directeur général du resort, « Les Trace Awards & Summit sont l’occasion idéale de partager l’ambiance unique de Zanzibar avec le monde entier.« 

Avec ses 250 suites élégantes et ses vues à couper le souffle, le Mora Resort se veut à la hauteur de cet événement. Les spectateurs, les artistes et les invités vivront une expérience unique, où confort et nature se mêlent harmonieusement. Cette atmosphère propice à la détente et à la réflexion sera le cadre parfait pour célébrer une musique qui réunit et transcende les cultures.

Un impact qui dépasse la scène

La portée des Trace Awards va bien au-delà d’une cérémonie de récompenses. Il s’agit de bâtir des ponts, de connecter les diasporas et d’offrir une visibilité internationale à des talents dont la voix mérite d’être entendue. À une époque où l’Afrique continue de lutter pour son autonomie culturelle et économique, la reconnaissance de ses artistes est une étape cruciale. Cette plateforme donne à la jeunesse africaine un modèle d’inspiration et d’ambition, prouvant que le succès est possible sans renoncer à ses racines.

L’organisation d’un tel événement dans un cadre africain souligne également l’importance de préserver et de valoriser les ressources culturelles du continent. Alors que les influences extérieures menacent parfois d’étouffer les identités locales, les Trace Awards rappellent la richesse et la vitalité de la culture africaine. Ce rendez-vous à Zanzibar devient ainsi un manifeste : l’Afrique est un leader culturel mondial, non seulement capable d’exporter ses talents mais aussi de les célébrer sur ses terres.

Une invitation au monde entier pour le Trace Awards & Summit 2025

Les Trace Awards & Summit 2025 ne sont pas seulement une fête pour l’Afrique, mais une invitation au monde entier à explorer la richesse culturelle du continent et à en apprécier les valeurs. Les fans, invités et téléspectateurs pourront interagir à travers les hashtags #TraceAwardsZanzibar et #TraceSummitZanzibar, renforçant cette vision d’une Afrique ouverte et connectée. Trace, en tant que plateforme de musique et de culture afro-urbaine, ne se contente pas d’organiser une remise de prix : elle façonne un mouvement qui rassemble des millions de personnes autour de valeurs partagées et d’une passion commune.

En février 2025, Zanzibar deviendra le théâtre d’un moment historique pour la musique africaine et la diaspora, un hommage vibrant à l’âme de ce continent en pleine ébullition.

Le rôle de l’Afrique dans les BRICS

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L’Afrique joue un rôle croissant dans l’alliance des BRICS, groupe de pays émergents visant à remodeler les équilibres mondiaux. Grâce à ses ressources naturelles et ses perspectives de croissance, le continent pourrait bénéficier des infrastructures, du financement et de l’autonomie économique offerts par la coopération BRICS. Découvrez les enjeux et les défis pour l’Afrique dans cette nouvelle ère de collaboration internationale.

Introduction

Les BRICS – acronyme de Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – constituent un groupe de pays émergents, souvent perçu comme un contrepoids aux puissances occidentales et un modèle de coopération Sud-Sud. Avec l’ajout récent de nouveaux membres africains, notamment l’Égypte et l’Éthiopie, ainsi que l’invitation à d’autres États, les BRICS ouvrent une nouvelle page dans leur histoire. Le continent africain, avec ses ressources naturelles abondantes et une population croissante, pourrait devenir un acteur influent dans cette coalition, d’autant plus qu’il détient un potentiel de croissance inégalé.

I. Historique et contexte des BRICS

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS
Les dirigeants des BRICS, réunis en 2016 à Hangzhou en Chine : Michel Temer, Narendra Modi, Xi Jinping, Vladimir Poutine, et Jacob Zuma, © AFP – Sputnik / Sergey Guneev 

Le concept de BRIC a d’abord été développé en 2001 par l’économiste Jim O’Neill de Goldman Sachs pour désigner un groupe de pays dont le potentiel de croissance et l’importance géopolitique allaient façonner l’économie mondiale. En 2009, les quatre membres fondateurs – le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine – ont tenu leur premier sommet à Iekaterinbourg en Russie, pour coordonner leurs efforts face à la crise financière mondiale et envisager des réformes des institutions financières internationales. En 2010, l’Afrique du Sud a rejoint le groupe, offrant ainsi une première représentation africaine.

L’intégration de l’Afrique dans les BRICS marque une étape significative dans la politique de coopération Sud-Sud, avec un intérêt commun pour un monde multipolaire qui rééquilibre l’influence des institutions dominées par l’Occident.

II. Enjeux économiques et stratégiques pour l’Afrique

1. Investissements en infrastructures

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS

Les pays membres des BRICS, en particulier la Chine, jouent un rôle clé dans le financement des infrastructures en Afrique. En effet, la Chine est le principal investisseur dans les infrastructures africaines, contribuant massivement au développement de routes, de chemins de fer et de ports. Ces investissements visent à intégrer davantage l’Afrique aux chaînes de valeur mondiales et à stimuler son développement économique.

2. Accès aux ressources naturelles

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS

Avec sa vaste richesse en ressources naturelles, l’Afrique suscite l’intérêt des BRICS, notamment de la Chine et de l’Inde, qui voient en elle un partenaire stratégique pour l’approvisionnement en matières premières essentielles à leurs industries. Le pétrole, le gaz, les minéraux rares, et les terres arables africaines représentent des sources stratégiques pour soutenir leur croissance industrielle.

3. La banque de développement des BRICS

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS

En 2015, les BRICS ont créé la New Development Bank (NDB), une institution financière multilatérale destinée à financer des projets d’infrastructures et de développement dans les pays membres. Cette banque constitue une alternative aux institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale, souvent critiquées pour leurs politiques conditionnelles. Grâce à la NDB, l’Afrique bénéficie d’une source de financement plus flexible pour ses projets de développement.

III. Défis et limitations pour l’Afrique dans les BRICS

1. Asymétrie de pouvoir

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS
(Osaka – Japão, 28/06/2019) Presidente da República, Jair Bolsonaro, durante foto de família dos Líderes dos BRICS. Foto: Alan Santos / PR

Malgré la présence de l’Afrique du Sud dans le groupe, l’Afrique reste minoritaire au sein des BRICS. Cette asymétrie limite son influence dans les décisions stratégiques, ce qui pourrait poser des problèmes à long terme si les priorités africaines ne sont pas suffisamment prises en compte.

2. Dépendance économique et risque d’endettement

Bien que les investissements des BRICS soient cruciaux pour le développement de l’Afrique, une dépendance excessive vis-à-vis de la Chine, par exemple, entraîne des risques d’endettement. Plusieurs pays africains se retrouvent déjà endettés vis-à-vis de la Chine, limitant ainsi leur autonomie économique et leur capacité à diversifier leurs partenaires.

3. Gouvernance et normes sociales

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS

Les conditions de travail et les normes sociales associées à certains projets financés par les BRICS, en particulier par la Chine, sont souvent critiquées pour leur manque de transparence et les mauvaises conditions de travail dans les secteurs miniers et industriels. Cela soulève des questions sur la durabilité de ces partenariats et sur leur impact social.

IV. Opportunités et stratégies pour l’Afrique

1. Renforcement de la voix Africaine dans les forums internationaux

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS

L’adhésion de l’Afrique aux BRICS renforce sa voix dans les institutions internationales et lui permet de plaider pour un ordre mondial plus équitable. En travaillant avec les autres membres des BRICS, l’Afrique peut promouvoir ses intérêts communs face aux grandes puissances occidentales.

2. Accélération de la transition écologique

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS

La coopération avec les BRICS pourrait également soutenir la transition écologique en Afrique. Les investissements dans les énergies renouvelables, notamment avec l’aide de la Chine et du Brésil, ouvrent la voie à une diversification énergétique. En se positionnant comme partenaire dans la lutte contre le changement climatique, l’Afrique pourrait attirer davantage de financements verts.

3. Développement d’une monnaie commune ou d’un système de paiement alternatif

Le rôle de l'Afrique dans les BRICS

Les BRICS envisagent la création d’une monnaie commune ou d’un système de paiement alternatif au dollar américain. Cette démarche, qui permettrait de réduire la dépendance vis-à-vis des transactions en dollars, offre des perspectives intéressantes pour l’Afrique. Elle pourrait permettre aux pays africains de commercer plus librement avec leurs partenaires sans subir les fluctuations du dollar et les restrictions des sanctions économiques occidentales.

Conclusion

Le rôle de l’Afrique dans les BRICS ne cesse d’évoluer, apportant des opportunités économiques et stratégiques considérables tout en posant des défis importants. À mesure que les BRICS élargissent leur influence mondiale, l’Afrique, avec ses ressources naturelles et son potentiel démographique, est un atout stratégique dans la construction d’un ordre multipolaire. Les dirigeants africains devront cependant veiller à équilibrer ces relations afin de maximiser les bénéfices pour leur population et d’éviter une nouvelle forme de dépendance.

En définitive, l’avenir de l’Afrique au sein des BRICS dépendra de sa capacité à naviguer les intérêts divergents des membres tout en promouvant ses priorités propres. Si le continent parvient à renforcer sa position, les BRICS pourraient bien offrir une alternative durable aux modèles de développement traditionnels.

Notes et références

  1. O’Neill, J. (2001). « Building Better Global Economic BRICs ». Goldman Sachs. 
  2. Cheru, F., & Obi, C. (2010). The Rise of China and India in Africa: Challenges, Opportunities and Critical Interventions. Zed Books. 
  3. Lopes, C. (2019). Africa in Transformation: Economic Development in the Age of Doubt. Palgrave Macmillan. 
  4. Bond, P. (2015). BRICS: An Anti-Capitalist Critique. Pluto Press. 
  5. New Development Bank. (2023). « Annual Report ». 
  6. Biziwick, M., Cattaneo, N., & Fryer, D. (2015). « The rationale for and potential role of the BRICS Contingent Reserve Arrangement ». South African Journal of International Affairs
  7. Moyo, D. (2009). Dead Aid: Why Aid is Not Working and How There is a Better Way for Africa. Farrar, Straus and Giroux. 
  8. Prashad, V. (2014). The Poorer Nations: A Possible History of the Global South. Verso. 
  9. Stuenkel, O. (2020). The BRICS and the Future of Global Order. Lexington Books. 
  10. Sharma, R. (2022). Emerging Markets and the Green Revolution. Global Policy Institute. 
  11. Dagres, H. (2023). « China’s De-dollarization Message Finds a Receptive Audience in North Africa ». Atlantic Council

2 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 2 novembre est un jour riche en symbolisme pour l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora. De l’intronisation d’Haïlé Sélassié Ier en Éthiopie, devenant un emblème spirituel et politique, à la signature d’un traité de paix dans la guerre du Tigré, cette date témoigne de la résilience d’un continent. D’Henry Cele incarnant Shaka Zulu à Nelly et Toni Stone, figures de la culture et du sport afro-américains, ce jour est un hommage vibrant aux luttes et aux victoires africaines.

Événements marquants

2 novembre 1930 : Haïlé Sélassié Ier, le « Roi des Rois » d’Éthiopie

2 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Couronnement de l’empereur Hailé Sélassié Ier le 2 novembre 1930

Le 2 novembre 1930, Haïlé Sélassié Ier est sacré negusä nägäst (« Roi des Rois ») d’Éthiopie lors d’une cérémonie majestueuse à Addis-Abeba. De son vrai nom Tafari Makonnen, il devient l’un des souverains les plus emblématiques d’Afrique, incarnant un idéal d’indépendance dans un continent dominé par le colonialisme. À l’époque, l’Éthiopie est l’un des rares États africains à n’avoir jamais été totalement colonisé, renforçant son statut de symbole de fierté et de souveraineté africaines. Haïlé Sélassié transforme ce titre impérial en une source d’inspiration, notamment pour le mouvement rastafari qui voit en lui une figure messianique.

Le courant rastafari, mouvement spirituel né en Jamaïque, considère Sélassié comme le « Lion conquérant de la tribu de Juda », un sauveur africain descendant du roi Salomon. Ce lien spirituel entre l’Éthiopie et la Jamaïque transcende les frontières, fédérant les Afro-descendants autour de la quête d’identité et de libération. Sélassié, malgré les défis de son règne, reste dans la mémoire collective comme un symbole de résistance et d’ascension pour l’Afrique et sa diaspora .

2 novembre 1983 : Thriller de Michael Jackson, un hommage involontaire au Jour des Morts

En pleine célébration du Jour des Morts et seulement deux jours après Halloween, Michael Jackson sort le vidéoclip emblématique de son titre « Thriller« , le 2 novembre 1983. Ce clip, qui mêle horreur et danse, devient un phénomène mondial, redéfinissant les standards de la pop culture et révolutionnant l’industrie musicale.

Le choix de la date de sortie, qu’il soit accidentel ou intentionnel, crée un lien spirituel avec les traditions ancestrales africaines et afro-diasporiques de vénération des morts, rappelant les festivités d’ancêtres et la mémoire collective. « Thriller » est bien plus qu’un succès musical; il incarne la fusion de styles et d’influences culturelles qui caractérisent l’expérience afro-diasporique moderne .

2 novembre 2022 : Signature du traité de paix de la Guerre du Tigré en Éthiopie

Les délégués de l’Ethiopie et du Front de libération du peuple du Tigré concluent l’accord pour une paix durable, 2 novembre 2022 (photo via DIRCO Afrique du Sud)

Deux ans après le début du conflit, le gouvernement éthiopien et les forces tigréennes signent un traité de paix le 2 novembre 2022. Cette guerre, dévastatrice pour le peuple éthiopien, a des racines complexes mêlant rivalités ethniques, géopolitiques et luttes de pouvoir. La signature de ce traité marque une lueur d’espoir pour un pays qui, depuis des décennies, oscille entre la paix et la guerre civile.

Le conflit du Tigré révèle la fragilité des États africains modernes, héritiers de frontières tracées durant la colonisation, souvent sans égard pour les réalités ethniques et culturelles. En se tournant vers la paix, l’Éthiopie adresse un message au monde entier : la réconciliation est possible, même dans les contextes les plus déchirés. Ce traité symbolise une volonté de réconcilier les plaies d’un passé douloureux avec l’espoir d’un futur unifié.

Figures emblématiques

Henry Cele, l’incarnation de l’esprit zoulou à l’écran

2 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
L’acteur sud-africain Henry « Black Cat » Cele, aujourd’hui décédé. Image : X @senamisomoyo/ SABC

Henry Cele est né le 30 janvier 1949 à Durban, en Afrique du Sud, et sa vie prend un tournant remarquable lorsqu’il interprète Shaka Zulu, le légendaire roi et guerrier, dans la série télévisée des années 1980. Connu pour sa stature imposante et sa présence charismatique, Cele rend hommage à l’héritage de Shaka, figure historique de résistance zoulou face aux colons britanniques. La série, diffusée dans plusieurs pays, inspire une nouvelle génération d’Africains et de descendants de la diaspora, offrant un rare portrait de l’Afrique précoloniale sous un angle héroïque.

Le rôle de Cele va bien au-delà de la simple performance : il redonne vie aux luttes d’émancipation africaine, incarnant une vision de l’Afrique comme un continent digne et puissant. Jusqu’à sa mort le 2 novembre 2007, Cele continue de représenter ce symbole de force et de fierté zoulou. Aujourd’hui, son interprétation de Shaka Zulu reste gravée dans la mémoire collective africaine et rappelle la grandeur d’une histoire souvent méconnue .

Nelly, la voix d’une génération

2 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Le rappeur américain Nelly, vers 2000. (Photo par Tim Roney/Getty Images)

le 2 novembre 1974, Nelly, de son vrai nom Cornell Iral Haynes Jr., incarne l’essor d’un hip-hop commercial qui transcende les frontières américaines. Avec des tubes comme « Hot in Herre » et « Dilemma », il devient l’un des artistes les plus emblématiques des années 2000, remportant plusieurs Grammy Awards. En tant qu’artiste afro-américain, Nelly navigue dans un univers musical souvent critique et reflète les réalités sociales d’une jeunesse marquée par des inégalités persistantes.

Nelly utilise également sa popularité pour soutenir des causes humanitaires et entrepreneuriales, notamment à travers sa ligne de vêtements et son implication dans des œuvres de charité. Son influence va bien au-delà de la musique, car il redéfinit la place des Afro-Américains dans l’industrie du divertissement en s’appropriant un style distinctif qui célèbre l’autonomie et la réussite économique .

Toni Stone, pionnière dans le baseball professionnel

2 novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Toni Stone jouant pour les Indianapolis Clowns. Negro Leagues Baseball Museum, Inc.

Née le 17 juillet 1921 à Saint Paul, Minnesota, Toni Stone brise les barrières de genre et de race en devenant la première femme à jouer au baseball professionnel dans les Negro Leagues, avec les Indianapolis Clowns. À une époque où le sport reste largement dominé par les hommes, elle s’impose comme une athlète déterminée et tenace, défiant les normes et les attentes de son époque. Malgré les critiques et les moqueries, Stone est animée par une passion indomptable pour le jeu.

Son parcours inspire des générations de femmes noires et de jeunes filles aspirant à une carrière sportive. Sa ténacité rappelle que le talent et le courage peuvent transcender les barrières sociales. Décédé le 2 novembre 1996, Toni Stone est célébrée non seulement comme une pionnière, mais comme une figure de résilience dans le monde du sport afro-américain .

Références

  • Bender, G. J. « Rastafari Movement: Origins and Spiritual Symbolism« . University of the West Indies Press, 1996.
  • Kebbede, G. « Ethiopia: A History of Peace and War« . Oxford University Press, 2015.
  • Barrett, L. « Negro Leagues and Toni Stone’s Impact on Baseball History« . Baseball Studies Journal, 2002.
  • Coombes, A. « The Legacy of Shaka Zulu in African Cinema« . African Cultural Review, 1987.

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

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Les femmes des mouvements indépendantistes africains, bien que souvent invisibles, ont marqué l’histoire de la libération du continent. Guerrières, organisatrices, stratèges, et gardiennes de la culture, elles ont lutté pour l’indépendance de leurs nations, tout en portant le flambeau d’une Afrique libre. Nofi rend hommage à ces héroïnes méconnues et dévoile l’empreinte indélébile qu’elles ont laissée dans les mémoires collectives.

Guerrières de l’ombre et mémoires de lumière

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

Les luttes pour l’indépendance ont souvent trouvé leur fondation dans les rassemblements de femmes déterminées à affronter l’ordre colonial. Hannah Kudjoe, par exemple, fut un des visages emblématiques de cette résistance en Afrique de l’Ouest. Aux côtés de Kwame Nkrumah, figure phare du panafricanisme, elle anima l’indépendance ghanéenne, mobilisant d’abord les mères et les filles, puis la société entière. Leur lutte, davantage qu’un acte militant, constituait un hommage aux ancêtres, un serment de continuité avec les générations passées.

En canalisant le courage et la résilience d’un peuple, ces femmes bâtirent une chaîne invisible qui reliait des terres, des langues et des esprits autrefois séparés par la colonisation. Les militantes du panafricanisme ont, par leurs actions, offert un socle moral à la lutte africaine. En effet, le panafricanisme ne visait pas seulement la fin de l’oppression coloniale, mais l’autodétermination politique et culturelle des peuples africains.

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

Dans les montagnes algériennes et les forêts épaisses du Mozambique, des femmes se lèvent, munies de fusils ou d’une conviction inébranlable. Josina Machel, au Mozambique, incarna cette force inépuisable de femmes prêtes à tout pour défendre leur terre et leur dignité. Membre active du FRELIMO (Front de Libération du Mozambique), elle incarna le courage féminin face non seulement aux troupes coloniales, mais parfois même face aux alliés masculins qui hésitaient à reconnaître pleinement leur rôle.

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

Deolinda Rodrigues, elle, incarna la lutte angolaise avec une dévotion totale, poussant ses camarades à persister, même lorsque tout espoir semblait perdu. Ces femmes, capturées, torturées, ont refusé de fléchir. Leur résistance devient alors un symbole, un modèle pour les générations à venir.

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

En Algérie, le Front de Libération Nationale (FLN) comptait également de nombreuses militantes, à l’instar de Djamila Bouhired, dont la résilience lors des interrogatoires brutaux est devenue une légende. Elle incarnait cette capacité des femmes à transformer la souffrance en arme de résistance, rappelant à leurs oppresseurs que chaque acte de violence les rendait plus déterminées. La guerre d’Algérie fut un champ d’affrontement impitoyable, mais elle révéla aussi les contradictions et les limites du colonialisme.

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

Ces femmes de l’indépendance n’étaient pas seulement des combattantes ; elles étaient aussi les gardiennes d’un savoir et d’une culture que le colonialisme avait tenté d’éradiquer. Awa Keïta, médecin et militante malienne, illustre cette double vocation de la femme africaine engagée : elle lutta pour l’indépendance, mais aussi pour l’éducation des femmes, essentielle selon elle pour la libération complète de la société. Elle voyait dans l’émancipation des femmes un pilier fondamental pour l’indépendance politique et économique du Mali.

Cette révolution intérieure et culturelle donna une profondeur spirituelle aux mouvements indépendantistes. La revendication de l’émancipation des femmes était bien plus qu’un simple objectif politique : c’était la reconnaissance de l’importance des femmes dans l’histoire et la culture africaine, un ancrage dans des valeurs autochtones qui renforçaient la conscience collective.

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

Ironiquement, à l’aube des indépendances, nombre de ces femmes furent reléguées au second plan. Une fois l’indépendance acquise, leurs contributions se sont souvent trouvées éclipsées par les figures masculines. Carmen Pereira, en Guinée-Bissau, fut l’une des rares à persister dans l’arène politique, tentant de maintenir vivant le rêve d’égalité. Militante du PAIGC (Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) et alliée d’Amílcar Cabral, elle espérait voir l’Afrique débarrassée de toute domination, aussi bien extérieure qu’intérieure.

Les héroïnes de la lutte pour la liberté n’avaient pas seulement lutté contre les oppresseurs, mais elles étaient également des remparts contre l’oubli. Leur héritage est encore visible dans les luttes pour les droits des femmes et l’égalité, qui rappellent chaque jour que la liberté acquise ne doit jamais être un simple fait accompli.

Les femmes dans les mouvements indépendantistes africains

Les femmes des mouvements indépendantistes africains continuent de vivre à travers chaque geste de résistance, dans chaque voix qui s’élève aujourd’hui pour réclamer justice et équité. En tissant ensemble leurs histoires, nous percevons les fils de la liberté qu’elles ont tissés pour les générations futures. La postérité porte leur mémoire comme un rappel du potentiel révolutionnaire de l’action collective.

Leur histoire, en réalité, est celle d’une Afrique qui, malgré les épreuves et les tentatives d’effacement, n’a jamais perdu son âme ni son potentiel à résister et à renaître. Ce parcours éclaire les enjeux contemporains, rappelant que les combats pour la justice et l’égalité sont héritiers d’une lutte ardue et ardente, un flambeau que l’on ne doit jamais laisser s’éteindre.

Notes et références

  1. Kwame Nkrumah, Ghana et le panafricanisme : Voir Kwame Nkrumah, “Africa Must Unite, ouvrage essentiel pour comprendre la vision panafricaine du leader et son influence sur les mouvements de libération africains.
  2. Les réseaux féminins de mobilisation : Pour en savoir plus sur l’impact de figures comme Hannah Kudjoe, voir Jean Allman, “The Women of Asante: Activists and Advocates of Ghana’s Independence”, qui explore le rôle des femmes dans la politique de libération du Ghana.
  3. FRELIMO et Josina Machel : Voir Alain Ricard, “Mozambique: Revolution and Independence”, qui examine le rôle de Josina et du FRELIMO dans la lutte contre le colonialisme portugais.
  4. Awa Keïta et l’émancipation féminine au Mali : Pour des informations sur les contributions sociales et politiques de Awa Keïta, voir Marie-Aimée Hélie-Lucas, “Feminism and Nationalism in the Third World”, qui explore l’intersection entre féminisme et indépendance en Afrique de l’Ouest.
  5. La guerre d’Algérie et le FLN : Assia Djebar, dans “Femmes d’Alger dans leur appartement”, revient sur les parcours des femmes du FLN, dont Djamila Bouhired, et leur résistance face aux tortures et aux épreuves de la guerre.
  6. Carmen Pereira et le PAIGC : Pour comprendre le rôle de Carmen Pereira et l’importance des femmes dans la lutte en Guinée-Bissau, voir Amílcar Cabral, “Unity and Struggle”, où l’auteur explore les luttes pour la liberté et l’implication des figures féminines.

Afro-Européens, une identité en mouvement

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L’Afropéanité, au cœur des dynamiques culturelles européennes, révèle une identité à la croisée de l’Afrique et de l’Europe. Les Afro-Européens, ou Afropéens, incarnent un pont entre deux mondes, façonnant une Europe plus inclusive et enrichie de multiples appartenances culturelles et historiques. Découvrez cette identité complexe, entre revendications postcoloniales et richesse de la diversité.

Dans le paysage européen, les Afro-Européens occupent une place unique, tissant des liens entre deux continents marqués par des siècles de commerce, de colonisation et de migrations. Regroupant ceux qui sont d’ascendance africaine, vivant ou nés en Europe, les Afro-Européens ou « Afropéens » ne se contentent plus de leur double appartenance ; ils redéfinissent les frontières de l’identité européenne elle-même.

Des origines multiples et une histoire ancienne

Afro-Européens, une identité en mouvement au cœur de l’histoire européenne
Portrait d’Alexandre Pouchkine (1827) par Vassili Tropinine.

‘L’idée d’une diaspora africaine en Europe trouve ses racines dans plusieurs moments historiques : le commerce transatlantique des esclaves, la colonisation européenne en Afrique et les récents mouvements migratoires. Dès le XVIe siècle, les premières figures noires émergent en Europe. Des personnalités comme Abraham Hannibal, noble russe d’origine africaine et arrière-grand-père du poète Alexandre Pouchkine, ou encore Anton Wilhelm Amo, philosophe et enseignant en Allemagne, incarnent une histoire de présence africaine déjà enchevêtrée dans la culture européenne1.

Pourtant, ces Afro-Européens des premiers temps restaient souvent isolés dans des sociétés qui ne voyaient en eux qu’une singularité, une exception. Ils étaient présents, visibles, mais rarement acceptés comme pleinement européens.

Le concept d’Afropéanité et son évolution

Afro-Européens, une identité en mouvement au cœur de l’histoire européenne
Léonora Miano © Lina Mensah

Le terme « Afropéen » lui-même émerge au tournant des années 1990. Avec l’album Afropea de Zap Mama, puis dans les écrits de Léonora Miano et les œuvres de Johny Pitts, l’Afropéanité devient un concept socioculturel, défini par un sentiment d’appartenance multiple2. Johny Pitts décrit cette identité comme un trait d’union entre Afrique et Europe, une identité vécue sans conflit. Pour lui, « Afropéen » représente ceux qui articulent leur expérience entre l’héritage noir et la culture européenne, sans devoir choisir un côté au détriment de l’autre3.

L’Afropéanité ne se contente pas d’être une simple reconnaissance d’origine. Elle est également politique, issue des luttes pour l’égalité et la justice sociale. Les Afro-Européens d’aujourd’hui revendiquent une place entière au sein de leurs sociétés, refusant d’être réduits à des identités migratoires ou postcoloniales. Ils incarnent un mouvement affirmant leur rôle dans l’évolution des pays européens, que ce soit par la musique, la littérature, ou encore les arts visuels.

La double culture

Afro-Européens, une identité en mouvement au cœur de l’histoire européenne
Photo Instagram @claudysiar

Être Afro-Européen, c’est naviguer entre deux cultures, un parcours souvent parsemé de défis et de confrontations. Les Afro-Européens se heurtent à une société où les préjugés persistent et où l’on considère souvent la couleur de peau comme un marqueur de l’ »étrangeté ». En France, par exemple, le « mythe républicain » d’une nation indivisible masque parfois la pluralité de ses racines culturelles et ignore les vécus variés des Afro-descendants4.

Les Afro-Européens, pour cette raison, restent confrontés à des stéréotypes et à une invisibilisation dans les médias et les sphères publiques. Les acteurs et activistes, comme Claudy Siar et Pascal Blanchard, appellent à une reconnaissance accrue de l’histoire coloniale et de l’héritage de l’esclavage en France, et plus largement en Europe5. Cette revendication n’est pas seulement symbolique ; elle rappelle que la compréhension de l’histoire des Afro-Européens peut transformer la manière dont les sociétés européennes se perçoivent.

Une constellation en expansion

Afro-Européens, une identité en mouvement au cœur de l’histoire européenne

L’Afropéanité ne se limite pas aux sphères intellectuelles ou artistiques ; elle touche tous les domaines de la société. Des personnalités telles que le musicien sénégalais Fredy Massamba, la députée française Danièle Obono, ou encore le footballeur Mario Balotelli incarnent cette identité plurielle dans leurs domaines respectifs6. Ils sont des exemples vivants de ce que l’Afropéanité peut signifier : une coexistence harmonieuse de l’européanité et de l’africanité.

Ces figures ne sont pas seulement des modèles pour les jeunes générations afro-européennes ; elles montrent aussi comment cette identité apporte une richesse unique. Comme le dit Wendy, chanteuse d’origine gabonaise, être Afropéen signifie « prendre le meilleur des deux mondes », mêlant les valeurs et la culture de ses racines africaines avec les enseignements et les possibilités offertes par l’Europe7.

Vers une Europe redéfinie

Afro-Européens, une identité en mouvement au cœur de l’histoire européenne
Travail d’équipe rend le rêve de travail – Image Libre de Droit

La présence des Afro-Européens, avec leurs voix et expériences multiples, pousse l’Europe à redéfinir son identité. La demande pour une véritable inclusion et la reconnaissance de la diversité culturelle créent les bases d’une Europe plus ouverte, où l’afropéanité n’est plus perçue comme une marginalité. Elle devient, au contraire, une force de transformation, influençant les normes et valeurs sociétales.

La reconnaissance des Afro-Européens invite à une réflexion plus profonde sur le racisme et les préjugés, mais aussi sur l’apport continu de l’Afrique à l’Europe, au-delà des périodes de colonisation. Dans un monde de plus en plus globalisé, l’Afropéanité représente une synthèse entre continuité historique et modernité. Elle est un message d’espoir pour une Europe plus inclusive, capable d’embrasser la diversité sans dilution des identités8.

Notes et références

  1. Markovits, Claude. The Global World of Indian Merchants, 1750-1947. Cambridge University Press, 2000. Cet ouvrage documente la présence d’Africains en Europe dès le XVIe siècle et leurs rôles dans les sociétés locales. ↩︎
  2. Soumahoro, Maboula. Afropéens : être noir en Europe. Éditions La Découverte, 2020. L’auteur explore le terme « Afropéen » et sa signification dans le contexte européen. ↩︎
  3. Pitts, Johny. Afropean: Notes from Black Europe. Penguin Books, 2019. Pitts développe une vision de l’Afropéanité comme une identité inclusive et non conflictuelle. ↩︎
  4. Blanchard, Pascal et Bancel, Nicolas. De la Françafrique à la République métissée. La Découverte, 2005. Cet ouvrage aborde les défis de l’identité afro-européenne dans le cadre de la société française. ↩︎
  5. Siar, Claudy. La République métissée, 2013. Siar, militant et animateur, plaide pour une reconnaissance accrue de la diversité ethnique dans les médias et les institutions en France. ↩︎
  6. Mrs Roots, « Afropéen : ni rejeter, ni s’y soustraire », mrsroots.fr, 2015. Mrs Roots explore l’importance de l’identité afropéenne dans l’Europe moderne. ↩︎
  7. Wendy, interview dans Cahiers d’études africaines, 2014. Wendy, artiste d’origine gabonaise, développe le concept d’Afropéanité à travers sa musique et sa double identité. ↩︎
  8. Blanchard, Pascal. L’Afrique en France : histoires croisées et regards partagés. CNRS Éditions, 2021. Cet ouvrage examine l’influence croisée de l’Afrique et de l’Europe et les perspectives pour une reconnaissance plus large de cette histoire partagée ↩︎

Les Afro-Iraniens, fils d’Afrique en Perse

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Découvrez l’histoire méconnue des Afro-Iraniens, descendants d’esclaves et d’immigrants africains établis en Iran depuis des siècles. Entre traditions africaines et culture persane, leur parcours unique incarne la résilience d’une communauté, oscillant entre mémoire effacée et identité retrouvée.

L’histoire de l’Afrique et de ses diasporas s’étend au-delà des continents et des frontières visibles, comme en témoignent les Afro-Iraniens, un groupe largement méconnu mais profondément enraciné dans le sud de l’Iran, à travers des provinces comme le Hormozagan, le Sistan, le Baluchistan et le Khouzistan. Constitués de descendants d’esclaves amenés d’Afrique de l’Est via la traite orientale, les Afro-Iraniens sont aujourd’hui une minorité riche d’un patrimoine culturel complexe, entre Islam chiite, traditions africaines et persanes. Leur existence, pourtant souvent effacée des mémoires collectives, symbolise la résistance et l’adaptation d’un peuple façonné par l’exil et la survie.

Origines et routes de la traite oriental

Rare peinture à l’huile safavide représentant un soldat africain, Perse, Ispahan, vers 1680-90.

Les Afro-Iraniens, aussi appelés « Siya«  (qui signifie « Noir » en persan) ou « Bambasi » pour certains groupes, trouvent leurs origines dans la traite des esclaves orientale. À partir du IXe siècle, des routes commerciales reliaient l’Afrique de l’Est au Moyen-Orient, transportant des milliers d’hommes, femmes et enfants africains vers des terres éloignées, comme le sous-continent indien, la péninsule Arabique, et la Perse, aujourd’hui l’Iran. Si l’Atlantique a une histoire d’esclavage documentée et reconnue, la traite orientale, bien que moins visible dans les récits historiques occidentaux, est non moins significative. Pendant des siècles, les Africains étaient échangés, principalement à partir de la côte swahilie, par des marchands arabes, portugais et perses.

Une pratique tardive et des traces culturales vivaces

Gholam Hoseyn Mirza Masoud, l’un des fils de Zell-e-Soltan, avec son esclave africain personnel, Julfa, Ispahan, années 1880 Photographie : Thooni Johannes/Institut d’études historiques contemporaines iraniennes, Téhéran, Iran

L’esclavage des Afro-Iraniens a perduré bien après les abolitions occidentales. Le XIXe siècle, en particulier, marque une intensification des importations d’esclaves en Iran, où de riches familles persanes, notamment sous les dynasties Kadjar et Safavide, employaient des esclaves africains dans les maisons aristocratiques pour des tâches domestiques, parfois aux côtés d’esclaves circassiens ou d’Europe de l’Est. Les esclaves noirs, principalement des femmes et des enfants, étaient intégrés aux foyers, où ils devenaient des serviteurs ou des concubines. Ce n’est qu’en 1848, sous la pression britannique, que Mohammad Chah Qadjar signe un firman (décret) interdisant officiellement la traite des esclaves, bien que l’esclavage persiste officieusement jusqu’au début du XXe siècle. Aujourd’hui encore, les pratiques musicales, comme le bandari, rappellent les racines africaines de ces Iraniens d’origine subsaharienne, mêlant rythmes africains et chants persans.

Un combat pour la visibilité

Alex E. Eskandarkhah

Depuis les années 2020, un mouvement de réhabilitation identitaire a émergé, incarné par des collectifs comme le Collective for Black Iranians, dont la mission est de revendiquer une visibilité pour la communauté afro-iranienne. Le collectif aspire à faire connaître les Afro-Iraniens au grand public, en mettant en lumière leur contribution à la culture et à l’identité iranienne, ainsi que les discriminations dont ils font encore l’objet. Inspiré par des mouvements tels que Black Lives Matter, le collectif milite pour la reconnaissance de la négritude iranienne et pour l’acceptation de la diversité raciale du pays.

Des militants comme Alex E. Eskandarkhah luttent pour renverser les connotations négatives associées au terme « Siya » et transformer cette désignation en un symbole d’affirmation et de fierté. À travers leur travail, les Afro-Iraniens affirment leur place dans la « tapisserie » iranienne, cherchant à déconstruire des idées reçues, comme l’idée que les Afro-Iraniens seraient « noirs à cause du soleil ». Ce genre de mythe a été renforcé par une culture de déni de l’esclavage, que des chercheurs comme Beeta Baghoolizadeh expliquent par l’influence du « mythe aryen » : une croyance populaire, héritée de l’histoire persane, que les « vrais » Iraniens n’auraient jamais pratiqué l’esclavage ni hérité de lignées de populations africaines.

Tradition et identité afro-iranienne

Saeid Shanbehzadeh.

En dépit des obstacles, les Afro-Iraniens continuent de préserver leurs héritages culturels à travers des pratiques ancestrales comme le rituel du Zār, un rituel de guérison pratiqué principalement dans le sud de l’Iran, au Sistan-Baloutchistan et dans la région d’Hormozagan. Le Zār, héritage des croyances spirituelles africaines, consiste en des chants et des danses visant à exorciser des mauvais esprits. Des musiciens comme Saeid Shanbehzadeh, artiste iranien noir, perpétuent cette mémoire musicale et culturelle, soulignant les liens étroits qui unissent les Afro-Iraniens à leurs racines africaines, tout en intégrant ces pratiques à la culture persane contemporaine.

Un héritage méconnu mais inaltérable

Bien que largement absente des manuels scolaires et des médias, la communauté afro-iranienne constitue un témoignage vivant de l’histoire persane, qui transcende les frontières ethniques et raciales. En explorant leur passé, les Afro-Iraniens font preuve de courage, transformant les stigmates d’un passé douloureux en une force culturelle et identitaire. Leur parcours est une preuve indéniable de la capacité humaine à surmonter l’adversité et à s’approprier son destin.

Notes et références

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 1er novembre, date souvent associée à la Toussaint, rassemble des événements et des figures incontournables de l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora. De la conquête de l’île de Gorée par les Français au rôle symbolique de Léopoldville en tant que capitale du Congo, en passant par l’indépendance d’Antigua-et-Barbuda, cette journée incarne des moments clés, marquant des siècles de luttes, de résilience et de mémoire collective.

Événements marquants

1er novembre 1677 : Le vice-amiral Jean d’Estrées s’empare de l’île de Gorée

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Plan de bataille de l’île de Gorée le 1er novembre 1677 (gravure d’époque).

Le 1er novembre 1677, le vice-amiral Jean d’Estrées, au nom du roi de France, s’empare de l’île de Gorée, un minuscule îlot situé au large de l’actuelle ville de Dakar. Ce jour marque une date sombre dans l’histoire africaine, car cette prise française transforme Gorée en un maillon central du commerce triangulaire, qui allait perpétuer la traite des esclaves pendant plusieurs siècles.

Gorée devient alors un symbole des souffrances subies par des milliers d’Africains arrachés à leurs terres. La Maison des Esclaves, encore visible aujourd’hui, raconte les destins brisés et témoigne des conditions atroces dans lesquelles les captifs étaient détenus avant leur départ pour les Amériques. Ce lieu de mémoire accueille chaque année des visiteurs venus du monde entier, portés par la volonté de rendre hommage aux ancêtres et de se rappeler des horreurs de l’esclavage.

Pour les descendants de la diaspora africaine, Gorée ne représente pas seulement un passé colonial, mais aussi un lieu de recueillement et de résilience. Sa préservation est une déclaration contre l’oubli, un appel à la reconnaissance de cette histoire commune et un engagement pour les droits humains, affirmant ainsi la force de l’identité afro-descendante face à l’oppression.

1er novembre 1886 : Zanzibar, entre influences britanniques et allemandes

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Caricature de l’hebdomadaire L’Illustration de 1885 intitulée La conférence de Berlin, à chacun sa part, si l’on est bien sage, représentant Bismarck partageant le gâteau Afrique.

Le 1er novembre 1886, le sultanat de Zanzibar, riche carrefour commercial au large des côtes africaines, entre dans une nouvelle ère de domination étrangère. Le traité anglo-allemand de cette année-là, consécutif à la Conférence de Berlin de 1885, formalise le partage de l’Afrique entre les puissances européennes, laissant à la Grande-Bretagne le contrôle de Zanzibar et à l’Allemagne la côte est-africaine. Ce découpage arbitraire, réalisé sans consulter les peuples concernés, marque le début d’une exploitation prolongée des ressources et de la culture de Zanzibar.

Zanzibar, autrefois centre d’échanges entre l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient, voit sa prospérité redirigée vers l’enrichissement des puissances coloniales, transformant les structures locales et alimentant une histoire de domination. Aujourd’hui encore, les répercussions de cette division perdurent, symbolisant l’impact profond et durable de la Conférence de Berlin sur le destin des peuples africains, et rappelant l’importance de cette île comme témoin de l’histoire mondiale.

1er novembre 1929 : Léopoldville devient capitale du Congo belge

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Grand Prix de Léopoldville par Michael Satterfield Le Grand Prix de Léopoldville s’est déroulé entre 1957 et 1960, il faisait partie d’une série de Grand Prix.

Le 1er novembre 1929, Léopoldville (actuelle Kinshasa) devient officiellement la capitale du Congo belge, un changement qui répond aux ambitions coloniales belges d’agrandir et de centraliser leur emprise sur le pays. Léopoldville, bien plus qu’une capitale administrative, devient un symbole d’exploitation brutale, en raison de la mainmise belge sur les ressources naturelles du Congo, notamment le caoutchouc et le cuivre .

Cependant, avec les années, Léopoldville devient aussi un foyer d’activisme pour les mouvements indépendantistes, un lieu d’échanges intellectuels et politiques. Les souvenirs des luttes pour l’émancipation du peuple congolais y résonnent encore, rappelant la soif de liberté qui, malgré la répression coloniale, n’a jamais faibli .

1er novembre 1981 : L’indépendance d’Antigua-et-Barbuda

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Antigua-et-Barbuda célèbre son indépendance du Royaume-Uni en 1981. Comme de nombreux autres États caribéens, cette nation avait subi des siècles de colonisation et d’exploitation. L’indépendance représente un jalon important pour la diaspora africaine dans les Caraïbes, marquant la fin d’une longue lutte pour l’émancipation et la souveraineté. Cependant, le défi reste de taille pour ces petites nations insulaires, qui doivent redéfinir leur identité et asseoir leur économie sur des bases solides.

1er novembre 1998 : Guinée-Bissau, un espoir de paix fragile

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Un char d’assaut abandonné lors de la guerre civile en Guinée-Bissau à Bissau.

Après cinq mois de guerre civile dévastatrice, un accord de paix est signé entre les rebelles et le président de Guinée-Bissau. Cette guerre civile, marquée par des tensions ethniques et politiques, est un exemple des conséquences tragiques des frontières et structures postcoloniales héritées, qui ont fragilisé de nombreux pays africains indépendants. Bien que la paix soit temporaire, cet accord incarne une aspiration à la stabilité et à la reconstruction nationale.

Figures emblématiques

Wilson Kiprugut : Pionnier de l’athlétisme kényan

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Wilson Chuma Kiprugut  –  Copyright © africanews @athletics_kenya

Wilson Kiprugut, décédé le 1er novembre 2022, est le premier athlète kényan à décrocher une médaille olympique, remportée en 1964 à Tokyo et de nouveau à Mexico en 1968. Son succès inspire les générations futures d’athlètes kényans, contribuant à faire du Kenya une nation dominante en athlétisme. Kiprugut, dont le parcours est marqué par une persévérance exemplaire, incarne l’excellence africaine sur la scène sportive mondiale.

Mac Dre : Pionnier du mouvement hyphy en Californie

1er novembre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
Feeling Like That Ni**A Mac Dre

Le rappeur Mac Dre, figure emblématique de la Bay Area en Californie, décédé le 1er novembre 2004, est le précurseur du mouvement hyphy, qui mélange hip-hop et danse d’influence afro-américaine. Fondateur de Thizz Entertainment, Mac Dre ouvre la voie à de nombreux artistes afro-américains, créant une scène musicale vibrante et unique qui fait écho aux défis et à l’identité culturelle des jeunes Afro-Américains. Sa mort mystérieuse renforce encore son héritage et l’aura de sa musique, qui continue d’influencer la culture hip-hop.

Références

  • “Jean d’Estrées et la prise de Gorée,” Archives Nationales de France.
  • “The Partition of Africa,” Encyclopedia of African History, vol. 2, par John L. Esposito.
  • “Léopoldville capitale : transformation urbaine et enjeux politiques,” Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1930.
  • “Independence of Antigua and Barbuda,” Caribbean News Archive, 1981.
  • “Wilson Kiprugut : Kenya’s Olympic Trailblazer,” World Athletics Biography.
  • “The Hyphy Movement and Mac Dre’s Legacy,” California Hip-Hop Chronicles.

Streetwear : À Abidjan, un nouveau Cɵncept sort des Studios

Avec Cɵncept Studios, marque de streetwear, l’Ivoirien Tony Sant’Anna se lance dans une nouvelle aventure entrepreneuriale à Abidjan.

« C’est le nouveau concept qui a pris le pouvoir à Abidjan ! », s’empressaient de dire des chanteurs avant de citer tout l’arbre généalogique de la famille du coupé-décalé à commencer par Stéphane Hamidou Doukouré dit Douk Saga. Repose en paix, président.

Un temps que les moins de vingt ans – enfin pas tous – débordés de tous les côtés par l’Histoire qui s’écrit chaque jour un peu plus devant eux, particulièrement avec le COVID-19, ignorent. Du Lêbêdê au Fatiguer fatiguer en pensant par Kpangor, nombreux sont ces concepts qui pour être remis au goût du jour les attendent dans la barre de recherches d’une célèbre plateforme de vidéos, YouTube, comme d’autres attendent Bae au bar : avec une certaine impatience. 

À défaut d’avoir été emportés/frappés/submergés par la vague du coupé-décalé, lorsque le courant musical/style de vie rythmait Côte d’Ivoire, sous-région et diaspora, il n’y a pas si longtemps, ils peuvent assister en direct à la naissance d’un nouveau concept qui fait mal actuellement à Abidjan : Cɵncept Studios. Rencontre avec son concepteur : Tony Sant’Anna.

CƟNCPT STUDIOS OU LA GENÈSE D’UN EX-MANNEQUIN QUI CONVERSE STREETWEAR

« Tu sais que [Cɵncept Studios, NDLR] c’est arrivé à Adjamé, non ? », plaisante le jeune entrepreneur que nous avions interviewé quelques semaines auparavant. 

En très peu de temps, sa marque de streetwear est déjà passée entre les mains expertes de ceux qui copient/collent les produits des autres pour ensuite les revendre à des prix défiant toute concurrence. Notamment à Adjamé, et son marché piège au Premier Gaou pour les uns et nid de bonnes affaires pour les habitués. À chacun sa chance. 

Être victime de contrefaçon était tout sauf dans son business plan dont il a tracé les grandes lignes. 

UNE ALLSTAR POUR COMMENCER 

« Moi, je veux partir de la genèse, démarre ce fervent croyant christique. Le petit frère de ma mère m’offre une All Star édition limitée en 1998. » Ainsi démarra l’amour de Tony Sant’Anna pour le streetwear en général et les sneakers en particulier.

Depuis la dernière fois que nous nous sommes assis pour faire son portrait dans son studio photo, dont l’arrière-boutique sert depuis peu de point de vente de produits Cɵncept Studios, le grand gaillard a changé avec ses nouveaux tatouages qui ornent son corps. Particulièrement le logo de sa marque encore plus visible lorsqu’il forme un poing avec sa main droite. Point barre.

« La paire [All Star édition limitée, NDLR] était tellement belle que mon père la portait. », explique en se marrant celui qui porte des À Ma Manière Jordan 3 à ses pieds. 

Streetwear : À Abidjan, un nouveau Cɵncept sort des Studios
Ailleurs ou dans son studio, Tony Sant’Anna fait les choses À Sa Manière.

« Avec le temps, je me détache de concept-là parce que je ne viens pas d’une famille hyper riche donc il ne faut pas me donner des airs ou des choses que je ne pourrais pas atteindre. », se souvient-il lucidement. 

Désormais rôdé aux interviews, le collectionneur de sneakers poursuit le déroulé de son enfance et son rapport avec la mode. Prochain arrêt : le Lycée. 

« Avec la naissance des Mostro, des Pumas, encore pas enfant de riche, on se débrouille avec les lêkê mais on apporte une touche à nous-mêmes qui faisait que c’était joli à regarder. », incluant au passage son voisin.

Avant que Gucci et d’autres marques mettent la main dessus, pour en faire des chaussures de luxe je-ne-suis-pas-la-cible à 490 dollars, les lêkê sont surtout considérées comme des shoes bon marché qu’enfilent des footballeurs en herbe, pour mieux sentir le cuir, et des apprentis-gbaka, qui régulièrement courent après le bus pour mieux s’accrocher puis se balancer à la porte ouverte du minibus. Et c’est cette paire là que le modeux a réussi à styliser. 

Son style « qui pourra le différencier », l’ex-mannequin l’a longtemps cherché. 

« Je voulais me différencier des autres. », de sa grosse voix qui résonne dans le studio de plusieurs mètres carrés accueillant parfois des stars de la musique ivoirienne venues pour un maternity shoot ou une promotion d’un nouvel album. Alors, la mise en place change rapidement. 

Meuble façon bout de canapé pour poser l’ordinateur à l’écran rabattu et voir ainsi en temps réel la magie opérer, le modèle se dérider, mais aussi fond noir déroulé, tout est prêt. 

Prêt, celui, qui s’est lancé « dans le mannequinat après les études », ne l’a pas toujours été. Il y a dix ans maintenant, l’importance de se démarquer sur laquelle il s’attarde depuis quelques minutes maintenant était étroitement liée à sa nouvelle vie de modèle. « Je me cherchais encore, reconnaît-il. Entre style classique, streetwear. Je me cherchais. »

Blouson denim noir, parce que harmattan ou pas il faut toujours être frais, pantalon 7/8ème mi- coton mi- velours et donc À Ma Manière Jordan 3, avec ce A en lettres capitales bien visible sur la languette externe, le sneakers addict a trouvé son style : premium, minimaliste, streetwear ; à l’image de sa marque. 

LE POIDS DES MOTS

« Celui qui nous coachait dans notre agence de mannequin, il m’a vu arriver en short et espadrilles. Vraiment, j’étais habillé… », ne finissant pas sa phrase histoire de ne laisser planer aucun doute sur son accoutrement de l’époque. 

S’en est suivie une humiliation en direct. Plutôt que de se morfondre là-dessus, le jeune homme, vingtenaire à l’époque, s’en sert comme lettres de motivation afin d’inscrire lentement mais sûrement la mention sapeur minimaliste sur son curriculum vitae. 

Contrairement aux gens de sa génération qui claquaient une petite fortune au grand bonheur des libraires ravis de se débarrasser d’un The Source ou n’importe quel autre magazine étranger, qui dormait depuis six mois déjà dans les rayons presse internationale, le serial entrepreneur, qui partage cette passion avec son épouse, à la tête d’une célèbre chaîne de salons de coiffures, lui, il préférait économiser et aussi scroller sur Instagram.

« […] Tu connais, avec l’avènement d’Instagram à cette époque-là [seconde moitié des années 2010], tu vois des mannequins, des influenceurs comme Mariano Di Vaio, Jerry Lorenzo. Des gars comme ça. Tu te dis : « Ah ouais, ils ont un style particulier. » À partir de là, je me suis inspiré d’eux pour avoir mon propre style. »

Mais ce n’est pas tout, pour construire/peaufiner/affiner son style, l’apprenti-modeux peut compter sur le soutien de sa mère. 

« Je lui montre une chaussure, parlant au présent comme s’il vivait l’action en même temps. Elle se débrouille comme elle peut pour m’envoyer la chaussure. […] Il y avait aussi le revendeur de chaussures. Ce n’étaient pas des chaussures de premier choix mais je les achetais. Donc petit à petit, j’ai commencé à me donner un style avec les tatouages, montrant quelques-uns au passage, j’ai commencé à me différencier des autres. »

À une amie qui lui demanda, à cette période-là, ce qu’il veut faire plus tard, il lui dit nonchalamment : « Peut-être une ligne de vêtements plus tard. » Le voici quelques années plus tard, propriétaire d’une marque de vêtements. La parole est chair.

FEAR OF NOTHING BUT GOD, C’EST UN CƟNCPT AUSSI 

Les bruits provenant de l’arrière-boutique où teeshirts sans manches et/ou manches longues, sweat à capuche suspendus sur des portants à vêtements constituent la bande-son de cette interview ; d’un peu moins d’une heure au total. La rue non bitumée que des chauffeurs VTC, mal concentrés rarement en panne pour la manquer, rate allègrement, est, quant à elle, calme. Passée par là, la rentrée a libéré, délivré des parents à courts d’imagination pour occuper leur progéniture débordante d’énergie. Thanks God.

Dieu justement, IL occupe une place on ne peut plus importante dans la vie de celui qui l’appelle : « Le Boss ». 

Sa foi, Tony Sant’Anna ne la porte pas comme un chemin de croix. Elle n’est ni ostensible, ni ostentatoire mais extrêmement visible malgré tout chez ce trentenaire qui « n’a peur de rien ». Et cette croyance en Dieu qui suinte de son corps oint. 

Il faut le voir pour le croire. Celui qui ne jure presque que par Fear of God, marque de streetwear de Jerry Lorenzo, souvent assis au premier rang des matchs des Lakers, lui a ainsi demandé…la permission.

C’est en faisant « des recherches sur le streetwear en Angleterre où il y a beaucoup de marques qui me correspondent », que celui qui met « 45 minutes à 1 heure pour se préparer », chercher la bonne combinaison entre vêtements et chaussures, teeshirts et sneakers, que l’inspiration est venue. L’écouter raconter est encore mieux.

« On était en train de manger et j’ai dit à ma femme : « Je veux lancer une ligne de vêtements. » C’était l’année dernière, vérifiant la période exacte sur le compte Instagram de la marque. Ça fait un an qu’on en a parlé. »

Mannequin, photographe à temps plein, l’entrepreneur multifacettes pointe très vite l’élément déclencheur vers le Ciel. Parce que tout ce qu’il fait, y a Dieu dedans. Didi B likes this. 

IL ÉTAIT UNE FOI UNE DEMANDE D’AUTORISATION AVANT D’ENTREPRENDRE

« Honnêtement, je pense que ça part du fait que je sois croyant, exposant sa foi sans peur. J’ai l’impression qu’on me parle, qu’on me dit :  » Vas-y, lance-toi !  » […] C’est comme si j’étais en train de manger et on m’a parlé à l’oreille. Et j’ai dit comme ça à ma femme, d’un air solennel :  » Je pense que je suis prêt. Je pense que je suis prêt à lancer la marque. » »

Tony et sa femme, Lova Blassiri Sant’Anna ont de ceci en commun qu’ils sont de « grands croyants ». 

« On se dit alors on confie tout à Dieu. Si on a l’autorisation, insistant sur le mot à plusieurs reprises, on se lance dedans. »

« Même en photo, je me disais que je me suis lancé dans la photo à cause du décès de mon père. Mais dans le fond, j’ai prié et j’ai eu une autorisation. », avant de reconnaître volontiers qu’il a du mal à expliquer l’inexplicable quand on lui demande. 

La conversation vire à l’échange sur le divin sans tentative de prosélytisme d’un côté comme de l’autre. Juste une tentative d’explication d’un mode de fonctionnement intimement lié au divin. 

Dès que « le Boss » donne son bon pour accord, ils se lancent régulièrement dans un business avec plus ou moins de réussite.

Puis, « Le Vieux », autre surnom qu’il lui a donné, lui donne la fameuse autorisation. Ainsi naquit Cɵncept Studios.

De temps en temps, l’ex-mannequin sort (de) sa pause.

Mais pour y arriver à la version finale, il a fallu à ce chef d’entreprise pas comme les autres passer par plusieurs étapes notamment : la conception d’un logo.

« C’est une lettre venant de l’alphabet grec certes mais celui-là, montrant le tatouage  de la marque sur son poing fermé, il sort légèrement. […] »

UN NOUVEAU CƟNCPT SORT DES STUDIOS ABIDJANAIS

Les va-et-vient de son assistante consolident la bande-originale de l’interview de ce mélomane ; qui pousse la chansonnette en public et/ou en privé. 

Chez Ghost Studios, il y a toujours quelque chose à faire, même quand le plus dur a été déjà fait. 

Le plus « dur » pour Tony Sant’Anna a été de faire valider le choix du nom à sa femme qui a éclaté de rire : « C’est quelle affaire de coupé-décalé ça là ? », lui aurait-elle dit lorsqu’il lui révèle le choix de la marque. Toudoum

« Un nouveau concept, un nouveau concept. », fredonnant à son tour l’hymne des lanceurs d’Atalaku. Le futur propriétaire de la marque de streetwear comprend le point de sa femme, qui n’en finit pas de rire à ce moment-là, tant elle l’associe au coupé-décalé et nous avec, puis laisse le fou rire passé. 

« Il ne faut pas que ça s’écrive comme pour le coupé-décalé. », dit-elle toujours hilare.

« Je voulais que ça se passe comme ça [sur le pourquoi du comment avoir tout installé au même endroit, NDLR]. Je voulais que ça se sache, que les gens [qui sont venus à sa vente privée, NDLR] se disent que c’est au studio photo, que les gens finissent par faire un lien avec le fait que tout soit une sorte de bloc. »

Naturellement, avant de se lancer, le photographe professionnel a photographié la concurrence ; via une étude de marché en bonne et due forme. Résultat : « Je n’ai pas de concurrence. », sans une once d’arrogance.

Si Tony Sant’Anna pense ainsi, c’est sans doute parce que les marques de streetwear comme Imalk Concept, et ces teeshirts à mots d’ordre ivoiriens, Somewhere Brand, qui a un goût certain pour les accessoires colorés ou encore Bourgeoisie.abj, qui semble avoir délaissé les teeshirts pour les chemises preppy, misent moins sur le minimalisme que lui. « Cɵncept Studios, c’est une marque premium, minimaliste, streetwear. » In that order

Sur le compte Instagram, l’affiche de la vente privée figure encore en bonne place parmi les premières publications. 

Sur les portants, les traces du ravage sont encore visibles avec ces quelques vêtements qui flottent seuls sur le bâton noir. Le week-end du 14 et 15 septembre, il fallait être là et vite pour s’offrir une pièce de la collection dont les prix varient. 25 000 francs CFA pour un teeshirt et 35 000 francs CFA pour un sweat à capuche.

UN LOGO QUI MET LA BARRE HAUTE 

« Au début, on a eu des clients bienveillants qui ont rapporté des défauts de fabrication. », raconte le jeune homme maniaque. Ils figuraient certainement parmi ceux qui étaient là ce jour-là ou plutôt dans son entourage auquel il « demande conseils ». Histoire de rappeler qu’il n’est pas seul dans ce projet, avec aussi « un bon fournisseur déjà présent » et surtout qu’il maintient ainsi l’équilibre symbolisé par cette fameuse qui sort légèrement du O.

Streetwear : À Abidjan, un nouveau Cɵncept sort des Studios
Des O et débats.

« Ça représente l’équilibre, l’équilibre de la vie, l’équilibre entre la vie et la mort. », d’un air philosophe. Avant d’y coller les termes suivants : « Mixité, raison pour laquelle les femmes peuvent porter. Donc mixité, équilibre entre le bien et le mal. Dans nos couleurs, on reste sur les couleurs de la maison : le noir et le blanc. »

« Je voulais faire une marque de mens wear, revenant sur son changement vers une marque unisexe. [Que ce soit un homme ou une femme, NDLR] faut qu’à la fin de la journée, la personne se sente à l’aise, que la personne se sente bien dans son corps. »

Cette volonté d’enfiler un corps sain dans un esprit sain, le locksé l’a effectivement réalisée puisque : « La plupart des clients qu’on a reçue hors vente privée, quand ils le prennent [le teeshirt, NDLR], ils le portent en même temps. Même à la vente privée, il y a plein de personnes qui ont fait ça. Il faut que tout le monde se sente bien là-dedans. »

Petit à petit, le businessman qui a financé sur fonds propres reconnaît, sourire aux lèvres, que : « Des personnes ont adopté le Cɵncept ». Ils ne leur restent plus qu’à chanter comme au bon vieux temps : « C’est le nouveau concept qui a pris le pouvoir à Abidjan ! ». Et pendant ce temps-là, lui qui « vise plus loin [que la Côte d’Ivoire, NDLR] » s’active dans les studios pour sortir de nouveaux Cɵncepts. 

31 octobre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 31 octobre marque des événements et figures emblématiques dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora. Du Burkina Faso avec la fin du règne de Blaise Compaoré, à la mémoire culturelle d’Ali Farka Touré, en passant par le rappeur MF DOOM, ces récits sont autant de chapitres d’une histoire de résistance, de culture et de transformation.

Événements marquants

31 octobre 2014 : La chute de Blaise Compaoré au Burkina Faso

Le président burkinabè, Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans, a démissionné le 31 octobre 2014.  Pius Utomi Ekpei, AFP

Le 31 octobre 2014 marque un tournant historique au Burkina Faso. Après 27 ans au pouvoir, le président Blaise Compaoré démissionne sous la pression d’un soulèvement populaire massif, orchestré par des mouvements citoyens, des syndicats et des partis d’opposition. Le peuple burkinabè, exaspéré par la tentative de Compaoré de modifier la Constitution pour briguer un cinquième mandat, descend dans les rues de Ouagadougou et dans plusieurs villes du pays, réclamant la fin de son règne.

La Constitution du Burkina Faso prévoit que, en cas de vacance du pouvoir présidentiel, c’est le président de l’Assemblée nationale qui assume la transition. Cependant, c’est Honoré Traoré, chef d’état-major de l’armée, qui se proclame chef de l’État par intérim, suscitant des rassemblements de manifestants, notamment autour du quartier général de l’armée sous l’impulsion de figures de l’opposition comme Zéphirin Diabré.

Le même jour, Blaise Compaoré quitte son palais présidentiel de Kosyam pour prendre la route vers le sud avec un convoi sécurisé de 28 véhicules. Bloqué par des barrages populaires à environ 50 kilomètres de Pô, l’ancien président bénéficie d’une exfiltration organisée par les forces spéciales françaises. Transporté par hélicoptère jusqu’à Fada N’Gourma, Compaoré rejoint ensuite Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, où il est accueilli par le président Alassane Ouattara, symbolisant son entrée en exil.

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, numéro deux de la garde présidentielle, s’autoproclame chef de l’État par intérim, annonçant à la radio qu’il prend la responsabilité de chef de la transition. Soutenu par l’armée, Zida affirme assumer les pouvoirs présidentiels pour « assurer la continuité de l’État ». La situation reste tendue alors que les Burkinabès attendent avec impatience la mise en place d’une transition vers un régime civil.

31 octobre 2020 : Élection controversée en Côte d’Ivoire

Le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, à Abidjan le 31 octobre 2020. - CHINE NOUVELLE/SIPA / Pixpalace

Le 31 octobre, les électeurs ivoiriens se dirigent vers les bureaux de vote dans un climat tendu. Seuls 53,90 % des inscrits participent au scrutin, beaucoup ayant répondu à l’appel au boycott de l’opposition. Sur les 22 381 bureaux de vote prévus, près d’un quart restent fermés en raison d’incidents ou d’obstructions. Des scènes de violences éclatent, laissant de nombreux Ivoiriens divisés sur la légitimité de l’élection en cours. La Commission électorale annonce néanmoins la victoire d’Alassane Ouattara dès le premier tour avec 95,31 % des voix, un résultat confirmé le 9 novembre par le Conseil constitutionnel.

Le lendemain de l’élection, l’opposition rejette les résultats, proclamant la formation d’un Conseil national de transition, dirigé par Henri Konan Bédié, et appelant à une « résistance pacifique ». Les autorités réagissent fermement : Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre et leader d’une faction de l’opposition, est arrêté et inculpé de « complot contre l’autorité de l’État ». Les tensions s’apaisent cependant lorsque Bédié annonce, en décembre, la fin de la transition et appelle au dialogue. En réponse, Ouattara crée un ministère de la Réconciliation nationale, cherchant à restaurer la stabilité et préparer les élections législatives de 2021.

Figures emblématiques

Ali Farka Touré : l’âme du blues africain

Ali Farka Touré en 2005.

Le 31 octobre 1939, dans le village de Kanau, au bord du fleuve Niger au Mali, naît Ali Ibrahim Touré, surnommé affectueusement Ali Farka Touré. Musicien autodidacte et amoureux des traditions sahéliennes, Touré est largement reconnu comme le pionnier de la fusion entre les rythmes traditionnels africains et le blues. Ce style, qu’il porte avec authenticité, lui vaut une reconnaissance mondiale et inspire des générations de musiciens. Sa musique, mélange subtil de mélodies locales et d’influences blues, devient un langage universel, incarnant le pont entre l’Afrique et la diaspora noire.

Touré ne se contente pas de jouer du blues; il fait revivre les traditions musicales des peuples Songhaï, Peul, et Touareg, en utilisant des instruments traditionnels comme le gurkel (une guitare locale) et le njarka (violon africain). En 1994, l’album Talking Timbuktu, une collaboration avec le guitariste américain Ry Cooder, le propulse définitivement sur la scène internationale. Ce disque, qui lui vaut un Grammy Award, résonne comme un hommage aux cultures transatlantiques et scelle sa place dans l’histoire musicale mondiale

Malgré son succès international, Ali Farka Touré n’a jamais perdu de vue son village de Niafunké, où il s’installe définitivement dans les années 1990. Élu maire, il investit ses ressources dans le développement de la région, en améliorant l’irrigation des terres agricoles et en installant des infrastructures essentielles pour sa communauté. Ce retour aux sources incarne la philosophie de Touré : faire de la musique un moyen de promouvoir et de préserver la culture malienne tout en contribuant concrètement à la vie de son peuple. L’album Niafunké, sorti en 1999, traduit cet engagement à travers des compositions célébrant la terre, le travail et la justice sociale.

Le 7 mars 2006, Ali Farka Touré s’éteint à Bamako, après une longue lutte contre le cancer. Cependant, son héritage perdure, notamment à travers des albums posthumes comme Savane, qui témoigne de sa vision artistique et de son attachement à la culture sahélienne. Cet album est qualifié d’« absolument parfait » par Ry Cooder, et devient une référence ultime pour les amateurs de blues africain.

La mémoire d’Ali Farka Touré vit dans le cœur de ses admirateurs, dans la musique de son fils, Vieux Farka Touré, et dans les rythmes sahéliens qui résonnent aux quatre coins du monde.

MF DOOM, le poète masqué du rap

Photographie promotionnelle du rappeur et producteur MF Doom pour son prochain concert à The Arches à Glasgow, en Écosse.

Le 31 octobre 2020 marque également la disparition de MF DOOM, figure emblématique de la scène rap underground. Né Daniel Dumile, ce Britannique d’origine zimbabwéenne, adopte un style unique, en s’inspirant des bandes dessinées et en masquant son visage, pour mieux laisser sa musique parler. MF DOOM est l’un des poètes les plus respectés du rap, son style non conventionnel et ses paroles complexes faisant de lui une figure légendaire pour les amateurs de hip-hop et de poésie urbaine.

Son parcours, entre Londres et New York, et son influence sont des symboles de l’interconnexion culturelle et des influences diverses qui traversent le monde noir. En célébrant son héritage, le monde hip-hop rend hommage à un artiste qui a su utiliser sa voix pour critiquer, raconter, et faire rire, tout en portant un message profond pour ses auditeurs, souvent éloigné des circuits mainstream.

Iba Der Thiam, gardien de la mémoire sénégalais

Le professeur Iba der Thiam, historien et auteur du livre «Le Sénégal dans la Guerre 14-18», est décédé dans la nuit de samedi à dimanche (photo d’illustration).  RFI/Bineta Diagne

Historien, homme politique et figure de la culture sénégalaise, Iba Der Thiam, décédé un 31 octobre 2020, a marqué le Sénégal par ses contributions académiques et politiques. Défenseur d’une vision panafricaine, il a œuvré pour une réécriture de l’histoire africaine, permettant aux jeunes générations de comprendre et de revendiquer leur identité. Ses travaux sur l’histoire de l’Afrique ont façonné des récits plus inclusifs, mettant en lumière des figures et des événements souvent absents des livres d’histoire.

Iba Der Thiam, à travers ses écrits et son engagement, a cherché à rétablir une continuité historique entre l’Afrique précoloniale et l’Afrique contemporaine, soulignant les résistances et les réussites des Africains dans leur propre histoire. Pour lui, connaître son histoire est un acte de résistance, un moyen de reconstruire l’Afrique de demain en se basant sur les valeurs du passé.

Ethel Waters, une pionnière du jazz et du cinéma

Photo publicitaire d’Ethel Waters. 1943, Source ebay, Auteur William Morris Agency

Née le 31 octobre 1896, Ethel Waters est l’une des premières femmes noires à s’imposer sur les scènes musicales et cinématographiques américaines. Artiste talentueuse, Waters a brisé les stéréotypes et a ouvert la voie à de nombreuses femmes noires dans le milieu du divertissement. Son style vocal unique et son jeu d’actrice subtil ont séduit un large public, et son ascension devient une source de fierté et d’inspiration pour la communauté afro-américaine. Elle est la première Afro-Américaine à jouer un rôle de premier plan à Broadway, et sa carrière, traversée de défis, marque un moment décisif dans la représentation des Noirs au cinéma et à la télévision.

Ethel Waters incarne la lutte pour l’égalité raciale et pour une reconnaissance artistique dans une Amérique encore profondément marquée par la ségrégation.

Références

  1. Le Houérou, F., Les Printemps africains : une révolution silencieuse ?, L’Harmattan, 2015.
  2. Koné, M., La Côte d’Ivoire en crise, Edilivre, 2020.
  3. Charry, E., Mande Music: Traditional and Modern Music of the Maninka and Mandinka of Western Africa, University of Chicago Press, 2000.
  4. Forman, M. et Neal, M. A., That’s the Joint! The Hip-Hop Studies Reader, Routledge, 2012.
  5. Fall, B., L’héritage de l’histoire dans la formation du Sénégal contemporain, Karthala, 2008.

Les Noirs sous le Jolly Roger

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Durant l’âge d’or de la piraterie, les hommes noirs, esclaves en fuite ou marins libres, ont participé activement aux expéditions maritimes, échappant aux chaînes pour embrasser une existence pleine de danger et d’opportunités. Découvrons l’histoire fascinante et méconnue de ces pirates qui, dans les plis du Jolly Roger, cherchaient une liberté inespérée en défiant les empires européens.

Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté

Les Noirs sous le Jolly Roger : Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté
M. Scott (Black Sails) Hakeem Kae-Kazim/© 2017 Starz Entertainment, LLC – © 2017 Starz

Au XVIIIe siècle, les eaux des Caraïbes, du Golfe du Mexique jusqu’à la côte est des États-Unis, étaient infestées de navires arborant des pavillons noirs, symboles de rébellion et de liberté. Des pirates comme Bartholomew Roberts, alias Black Bart, et Edward Teach, dit Barbe Noire, se sont inscrits dans les légendes de la piraterie, mais un pan méconnu de cette histoire concerne les hommes noirs, esclaves en fuite ou engagés de force dans ces navires et qui, une fois la mer affrontée, ont fait le choix de demeurer sous le pavillon noir.

Entre 1715 et 1726, on estime que 5 000 pirates opéraient en haute mer, et parmi eux, environ 25 à 30 % étaient d’anciens esclaves ou des affranchis noirs. Pour ces hommes, la piraterie représentait une échappatoire à l’asservissement, une chance de redéfinir leur destin. Contrairement aux équipages traditionnels, les pirates prônaient un modèle d’égalité relatif, régi par des codes stricts et une part des butins équitablement distribuée entre chaque membre de l’équipage.

Pirates et esclavage

Les Noirs sous le Jolly Roger : Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté
Zethu Dlomo-MphahleleBlack SailsXXIX. Photo prise par David Bloomer/© 2017 Starz Entertainment, LLC – © 2017 Starz

Les esclaves fugitifs, ou « cimarrons1 », trouvaient souvent refuge à bord des navires pirates, en partie en raison des raids réguliers menés par les pirates sur les navires négriers européens. Sam Bellamy, célèbre pour avoir commandé l’équipage du Whydah Gally2, comptait 27 noirs parmi ses 180 hommes en 1717. Les cimarrons qui rejoignaient les pirates se retrouvaient égaux à leurs camarades, non comme objets de pitié mais comme compagnons de lutte contre l’ordre colonial.

Nombreux sont les cas documentés où les esclaves captifs sur des navires négriers sautaient sur l’occasion offerte par les pirates pour se libérer. Par exemple, lors de la prise d’un « navire de Guinée » par Bellamy, 25 esclaves noirs rejoignirent immédiatement les rangs des pirates. Non seulement ils gagnaient leur liberté, mais ils prenaient part activement aux raids, avec souvent des positions de premier ordre, comme celle de Francis Spriggs, cuisinier et chef des rations pour l’équipage, respecté pour son rôle vital dans la redistribution équitable du butin.

Le cas emblématique de Black Caesar

Les Noirs sous le Jolly Roger : Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté

La figure de Black Caesar, chef pirate d’origine africaine, incarne la résistance noire au sein du monde de la piraterie. Chef africain reconnu pour sa force et son intelligence, Caesar a été capturé par un négrier européen, mais a réussi à s’évader avec l’aide d’un marin compatissant. Ensemble, ils ont formé un duo redouté qui attaquait les navires marchands en se faisant passer pour des naufragés.

Avec le temps, Caesar est devenu un redoutable capitaine, recrutant un équipage et menant des raids dans les eaux de la Floride. Selon la légende, il possédait des trésors enfouis sur Elliott Key, cachés dans les replis des côtes inaccessibles où il se réfugiait après chaque expédition. L’alliance de Caesar avec le célèbre pirate Barbe Noire témoigne de son influence dans le monde pirate. Ensemble, ils ont défié la marine anglaise jusqu’en 1718, où Caesar, capturé, refusa de dénoncer ses camarades, embrassant ainsi le destin des pirates face aux gallows ou au fouet.

La piraterie : une forme de résistance et d’affirmation

Les Noirs sous le Jolly Roger : Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté
Toby Stephens, Zethu Dlomo-Mphahlele BlackSails, XXIX. Photo prise par David Bloomer/© 2017 Starz Entertainment, LLC

Les pirates noirs ne naviguaient pas uniquement pour leur survie ou le butin ; ils défiaient également un système colonial qui réduisait leur peuple en esclavage. La piraterie offrait une alternative où des individus comme Abraham Samuel, fils d’une esclave noire et d’un planteur de la Martinique, purent s’affranchir. Samuel a été élu chef des pirates sur l’île de Madagascar après avoir survécu à un naufrage. Il a construit une alliance solide avec les populations locales malgaches, faisant de Fort Dauphin un centre de commerce incontournable, rivale de l’île Sainte-Marie, autre bastion pirate

Cette micro-société dirigée par des pirates noirs et métissés à Madagascar offrait une alternative à la brutalité coloniale et prouvait que les hommes, indépendamment de leur origine, pouvaient vivre en communauté et prospérer. Samuel, considéré par les Malgaches comme un roi légitime, a exercé un pouvoir symbolique mais aussi politique, en traitant directement avec des marchands et en établissant des lois locales.

Les complexités de la justice pirate

Les Noirs sous le Jolly Roger : Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté

Malgré les idéaux égalitaires et les positions de pouvoir acquises par certains, les noirs capturés par les forces coloniales n’étaient pas toujours jugés de la même manière que leurs homologues blancs. John Julian, un indien miskito membre de l’équipage du Whydah Galley, après avoir survécu à un naufrage, fut vendu comme esclave au lieu d’être jugé pour piraterie comme ses compagnons blancs.

De nombreux captifs noirs capturés aux côtés des pirates étaient directement réassignés aux plantations, rappelant que, même sous le pavillon noir, l’ombre de l’esclavage persistait dans la loi coloniale. Après la capture de Bartholomew Roberts, également connu sous le nom de Black Bart, en 1722, 66 de ses pirates noirs furent remis à la Royal African Company3, qui les revendit immédiatement comme esclaves. Ce double traitement montre la brutalité d’un système qui voyait la liberté des noirs comme une menace intolérable.

La fin des mythes et la persistance des légendes

Les Noirs sous le Jolly Roger : Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté

Si la piraterie noire a atteint son apogée au XVIIIe siècle, son déclin progressif ne s’est pas accompagné de l’oubli total de ces récits. Les mythes autour de figures telles que Black Caesar, Abraham Samuel ou Diego Grillo4, un mulâtre cubain, ont continué d’inspirer la littérature, le cinéma, et les mouvements d’affranchissement au XXe siècle. La piraterie, en tant que phénomène de résistance à l’oppression, trouve écho dans les luttes pour les droits civiques et les mouvements afro-descendants qui célèbrent aujourd’hui des figures de résistance et d’autonomie.

En défiant l’ordre colonial, les pirates noirs ont prouvé qu’une autre vie, hors des chaînes et des lois européennes, était possible. Ils ont offert aux générations futures des exemples de courage et d’endurance, dans une époque où la liberté n’était qu’un rêve lointain pour les peuples noirs.

L’héritage des pirates noirs dans la culture contemporaine

Les Noirs sous le Jolly Roger : Quand les pirates noirs voguaient sous le pavillon de la liberté

Aujourd’hui, l’histoire des pirates noirs, longtemps mise de côté dans les récits traditionnels, ressurgit comme un témoignage précieux de résistance et de détermination. Leur héritage inspire non seulement des œuvres de fiction mais aussi des réflexions plus profondes sur la lutte pour la liberté et l’égalité. Ces pirates, hommes libres en mer, ont, par leurs actes de défiance, incarné une forme de dignité et d’honneur que peu de figures historiques ont su revendiquer dans un contexte de domination.

Pour des millions de descendants afro-descendants, les histoires de ces hommes sont une source de fierté et un rappel poignant de la résilience et de l’ingéniosité qui définissent leur héritage. Des cimarrons de Jamaïque aux flibustiers des Caraïbes, ces figures éparses du passé prennent aujourd’hui une place légitime dans les narrations de l’histoire mondiale, rappelant que même dans les périodes les plus sombres, la liberté reste un objectif atteignable, aussi incertain et dangereux soit-il.

Notes

  1. Cimarrons : Terme utilisé pour désigner les esclaves noirs qui s’étaient échappés et vivaient en communautés autonomes, notamment dans les montagnes ou les forêts. ↩︎
  2. Whydah Gally : Navire pirate dirigé par Sam Bellamy, coulé en 1717 ; célèbre pour avoir été l’un des rares navires pirates récupérés et dont le trésor a été partiellement retrouvé. ↩︎
  3. Royal African Company : Compagnie anglaise créée en 1672 pour monopoliser le commerce des esclaves et autres marchandises sur la côte africaine. ↩︎
  4. Diego Grillo : Pirate d’origine cubaine, souvent désigné comme un mulâtre, qui a défié l’autorité coloniale espagnole dans les Caraïbes. ↩︎

Sources

  • Bolster, W. Jeffrey – Black Jacks: African American Seamen in the Age of Sail. Harvard University Press, 1998.
    Cet ouvrage explore le rôle des marins noirs dans l’histoire maritime, y compris leur engagement dans la piraterie.
  • Kinkor, Kenneth J. – « Black Men Under the Black Flag » dans Bandits at Sea: A Pirates Reader, New York University Press, 2001, pp. 195-210.
    Une étude historique sur les pirates noirs et leur intégration dans les équipages pirates à l’époque de la piraterie.
  • Rediker, Marcus – Villains of All Nations: Atlantic Pirates in the Golden Age. Beacon Press, 2004.
    Rediker décrit l’histoire et la structure sociale des pirates, y compris les relations entre les marins blancs et noirs à bord.
  • Vallar, Cindy – « Black Pirates. » Pirates and Privateers: The History of Maritime Piracy, site Web de Cindy Vallar.
    Vallar documente les rôles joués par les pirates noirs et leurs alliances au sein des équipages pirates, de Black Caesar à Bartholomew Roberts.
  • Rogozinski, Jan – Honor Among Thieves: Captain Kidd, Henry Every, and the Pirate Democracy in the Indian Ocean. Stackpole Books, 2000.
    Rogozinski examine comment la « démocratie pirate » permettait l’intégration d’individus de toutes origines, et en particulier des noirs, parmi les équipages.
  • Marley, David F. – Pirates and Privateers of the Americas. ABC-CLIO, 1994.
    Cet ouvrage fournit une analyse détaillée des pirates dans les Amériques, y compris la participation des noirs dans les équipages et leurs raisons pour rejoindre la piraterie.
  • McCarthy, Kevin M. – Twenty Florida Pirates. Pineapple Press, 1994.
    McCarthy traite de plusieurs figures de pirates, y compris des pirates noirs ayant opéré dans les eaux de Floride, et des récits liés à Black Caesar.
  • Selinger, Gail – The Complete Idiot’s Guide to Pirates. Alpha Books, 2006.
    Un guide complet et accessible sur la vie des pirates, y compris les conditions de vie des marins noirs et les raisons de leur choix de vie sous le pavillon noir.
  • Gosse, Philip – The Pirates’ Who’s Who. Rio Grande Press, 1924.
    Un répertoire des pirates célèbres, fournissant des informations historiques sur les équipages et leurs membres noirs.

« Thriller » , le tube qui a redéfini la culture pop

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« Thriller » de Michael Jackson n’est pas seulement un tube de l’époque, mais une œuvre révolutionnaire qui a redéfini la culture pop mondiale et élargi les horizons de la musique noire. Exploration de l’impact de ce morceau emblématique sur l’industrie musicale, la culture visuelle, et la perception de l’art afro-américain.

Quand Michael Jackson lance « Thriller » en 1982, l’industrie musicale et le public s’attendent simplement à un nouveau hit. Mais « Thriller » dépasse les attentes et marque le début d’une révolution culturelle mondiale. Au-delà de son succès commercial, ce morceau transcende les frontières artistiques et sociales, ouvrant un chemin unique pour la musique noire dans l’industrie du divertissement.

Une vision unique

« Thriller » , le tube qui a redéfini la culture pop
Disque vinyle Off the Wall

Michael Jackson, déjà une figure majeure de la musique pop avec l’album Off the Wall, souhaite aller plus loin, explorant de nouveaux territoires sonores et visuels. Son producteur, Quincy Jones, un pionnier afro-américain de la production musicale, a relevé le défi en collaboration avec le parolier britannique Rod Temperton écrit une chanson qui, à première vue, semble simple, mais qui recèle en réalité un potentiel révolutionnaire pour la scène pop internationale. Temperton s’inspire du style des films d’horreur, créant un morceau où la musique et le visuel se rencontrent .

L’importance de l’imaginaire visuel

Ce qui distingue véritablement Thriller, c’est son clip vidéo, réalisé par John Landis. Sorti en 1983, le clip de Thriller repousse les limites des vidéos musicales de l’époque. Jackson et Landis transforment le clip en une mini-épopée cinématographique de treize minutes, peuplée de zombies, de scènes chorégraphiées et d’effets spéciaux dignes des films d’horreur hollywoodiens .

Avec Thriller Jackson affirme la puissance du clip vidéo en tant qu’outil d’expression artistique pour la musique noire, mais aussi en tant que medium indépendant et créatif . La production du clip co’un demi-million de dollars, une somme inédite à l’époque pour un format encore considéré comme secondaire. Cependant, le succès de Thriller prouve que le public est prêt à accepter la fusion entre la musique et le cinéma, et ouvre la voie aux vidéoclips sophistiqués d’autres artistes noirs, comme Beyoncé, Kendrick Lamar et Childish Gambino .

Une influence mondiale

« Thriller » , le tube qui a redéfini la culture pop
Michael Thriller a été l’une des chansons et des vidéos les plus célèbres du chanteur. (Photo : YouTube)

Jackson, avec la chorégraphie iconique de Thriller, ne se contente pas d’imposer un style visuel : il redéfinit la manière dont la danse peut être intégrée à la musique pop . La danse, une composante essentielle de lafro-américaine, est ici utilisée pour structurer une narration complète et immersive. Les mouvements de Jackson deviennent une signature, imités dans le monde entier. Des scènes mémorables, comme le célèbre « Moonwalk » qu’il introduit peu après la sortie de Thriller, captivent un public mondial, et des artistes de tous horizons commencent à intégrer des éléments chorégraphiques complexes dans leurs performances musicales .

Le succès de Thriller démontre que la danse n’eslement un élément secondaire de la musique, mais bien un langage universel qui transcende les barrières culturelles et raciales. Le morceau se répand rapidement dans la culture populaire mondiale, influençant des mouvements de danse et inspirant des générations de chorégraphes et de danseurs.

Thriller et la révolution de la musique noire

« Thriller » , le tube qui a redéfini la culture pop
Michael Jackson’s Thriller (Music Video) – Making of et tournage du film

L’impact de Thriller sur la musique noire ne se limite pas à ses performances. Dans les années 80, les artistes noirs sont souvent marginalisés dans les principaux canaux de diffusion de la musique, comme MTVThriller impose une présence noire incontournable sur ces plateformes, contribuant à l’intégration des artistes afro-américains dans les réseaux dominants. MTV, initialement réticent à diffuser le clip, capitule face au succès retentissant de la vidéo et commence à inclure davantage d’artistes noirs dans ses programmations .

Le succès de Thriller transforme Jackson en un symbole cuélève la musique noire à un statut universel. Des morceaux comme Beat It et Billie Jean, tirés du même album, trouvent eux aussi un succès mondial et contribuent à cette réévaluation de la musique noire, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe, en Asie et en Amérique latine.

La portée culturelle de Thriller

« Thriller » , le tube qui a redéfini la culture pop

Le phénomène Thriller dépasse les frontières de l’industrie musicale. Son influence est perceptible dans le cinéma, la mode et même dans l’engagement politique de certains artistes. Jackson devient une figure de l’identité noire globale, et son œuvre rappelle aux jeunes Afro-Américains que l’art peut être un moyen d’expression puissante et d’affirmation de soi.

Avec la participation de Vincent Price pour la narration effrayante du clip, Jackson fusionne l’univers des musiques de genres variés, allant du funk au disco en passant par le son des films d’horreur. Cette intégration d’éléments culturels divers enrichit la culture noire mondiale, en inscrivant Thriller comme un héritage universel. En célébrant et revisitant les films de monstres classiques, Jackson attire un public diversifié, et Thriller devient un point de rencontre entre les cultures afro-américaine et mondiale.

Un héritage intemporel et évolutif

« Thriller » , le tube qui a redéfini la culture pop
Crédit : Capture d’écran clip « Thriller »

Des décennies après sa sortie, Thriller continue de dominer les plateformes de streaming chaque année à Halloween, et reste un élément essentiel de la culture musicale mondiale. Ce morceau et son clip incarnent l’évolution de la musique noire au sein de la culture pop mondiale et servent de point de référence pour les artistes noirs contemporains qui souhaitent exprimer leur identité culturelle tout en touchant un public global.

Thriller a brisé les barrières de la représentation, popularisé la danse urbaine et redéfini la manière dont les artistes noirs peuvent se positionner dans un espace globalisé. En fin de compte, Michael Jackson a ouvert la voie pour des générations d’artistes afrodescendants qui voient en Thriller un modèle d’ambition et d’excellence artistique.

Références :

  1. George, Nelson. Michael Jackson: The Ultimate Collection. Sony BMG, 2004.
  2. Grant, Adrian. Michael Jackson: The Visual Documentary. Omnibus Press, 2009.
  3. Jones, Jel. Michael Jackson, the King of Pop: The Big Picture – The Music! The Man! The Legend!. Amber Books Publishing, 2005.
  4. Hebblethwaite, Phil. How Michael Jackson’s Thriller Changed Music Videos Forever. The Guardian, 2013.
  5. Pareles, Jon. How Good Is Jackson’s ‘Bad’?. The New York Times, 1987.

Nat Turner, le prophète de Southampton et la fureur de l’insurrection

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Nat Turner, figure emblématique de la lutte pour la liberté, mena en 1831 une insurrection déterminante pour l’histoire des États-Unis. Prophète pour certains, rebelle pour d’autres, son combat est une quête de justice divine contre l’injustice raciale. Nofi explore la vie et le legs de Turner, marquant l’histoire afro-américaine d’une empreinte indélébile.

Écouter la fureur de l’Histoire

Quand on mentionne Nat Turner, les échos des chaînes brisées, des rêves d’émancipation et des prières murmurées dans l’obscurité résonnent avec force. Turner n’est pas qu’un homme, il est une vision, une prophétie, un cri déchirant d’une humanité cherchant à retrouver son autonomie face à un système oppressif. En 1831, Turner a mené une rébellion au cœur de Southampton, en Virginie, une insurrection qui, bien qu’écrasée, a marqué les esprits comme un symbole de défiance audacieuse contre l’injustice raciale. Dans un pays façonné par l’esclavage, Turner se dresse, mystique et déterminé, prônant la liberté au prix du sang.

Naissance d’une conviction

Eyre Crowe, Esclaves attendant d’être vendus, Richmond, Virginie, 1861. Université de Virginie, The Atlantic Slave Trade and Slave Life in the Americas.

Né esclave le 2 octobre 1800, Nat Turner n’était pas destiné à la soumission. Son intelligence, sa piété et ses visions le distinguaient des autres. Très tôt, il apprend à lire et à écrire, un privilège rare qui allait lui ouvrir les portes des textes bibliques. Dans une Amérique qui oppressait chaque mouvement, chaque pensée de l’esclave, Turner trouvait dans les Écritures une voix pour transcender sa condition. Les récits bibliques résonnaient en lui non seulement comme des récits sacrés, mais comme des appels à la justice, à l’élévation de son peuple au-dessus de l’oppression.

Nat, surnommé « Le Prophète » par ses pairs, avait un charisme spirituel qui transcendait sa condition. Sa foi intense et ses pratiques de jeûne et de prière lui conféraient une aura particulière, un magnétisme presque surnaturel. Il disait entendre des messages divins, des visions qui allaient guider chacun de ses actes. Le soleil, les étoiles, le vent même devenaient pour lui des présages, des signes de la volonté divine. Mais ce ne sont pas seulement des visions mystiques qui ont forgé sa détermination ; ce sont aussi les injustices quotidiennes, les séparations forcées, les coups, les humiliations, tout un monde construit sur la douleur de son peuple.

Les visions et l’appel de Dieu

Nat Turner, le prophète de Southampton et la fureur de l’insurrection
Le chef des esclaves américains Nat Turner et ses compagnons sont représentés dans une zone boisée, 1831. Turner a dirigé un soulèvement d’esclaves qui a entraîné la mort de plus de 50 Blancs. Il a été jugé, condamné et pendu dans l’État de Virginie. (Photo par Stock Montage/Getty Images)

C’est dans les années 1820 que Nat Turner reçoit une série de visions qui vont sceller son destin. En 1825, travaillant dans les champs, il ressent un appel intense : « le grand jour du jugement était proche« . Ces visions, Turner les interprète comme des missions données par Dieu. Dans le contexte brutal de l’esclavage, où chaque moment de vie est une négation de l’humanité, Turner voit en ses visions la preuve que son sort ne réside pas dans la soumission, mais dans l’action.

En 1831, l’éclipse solaire du 12 février est pour Turner la confirmation finale. Le ciel s’assombrit, comme un rideau tombant sur un acte théâtral, et Turner interprète cet événement cosmique comme le signal de Dieu. Cette même année, il organise et rassemble autour de lui des fidèles, des hommes déterminés à combattre pour leur liberté, prêts à suivre « le Prophète ». Turner sait que l’insurrection signifiera mort et souffrance, mais il voit au-delà de ce sacrifice immédiat, vers une justice que seul Dieu peut accorder.

L’insurrection : Southampton en Feu

Nat Turner, le prophète de Southampton et la fureur de l’insurrection
An engraving depicting the Horrid Massacre in Virginia during Nat Turner’s Rebellion circa 1831. Black Males are seen Attacking White Males, Females and Children. (Photo by Fotosearch/Getty Images)

Le 21 août 1831, à la nuit tombée, le plan se met en marche. Turner et ses hommes attaquent les plantations, armés de haches, de couteaux, d’outils, tout ce qu’ils peuvent trouver pour renverser un ordre millénaire. En quatre jours, 55 Blancs, hommes, femmes et enfants, tombent sous leurs coups. Pour Turner, ce n’est pas de la violence gratuite, c’est une guerre sainte, un combat pour que la balance de la justice penche enfin en faveur de son peuple. Mais l’ampleur de l’insurrection provoque une répression sans merci. Entre 120 et 200 Noirs, esclaves et hommes libres, sont tués en représailles, souvent sans avoir participé à la révolte.

L’insurrection de Nat Turner est la plus violente et la plus marquante des rébellions d’esclaves aux États-Unis. Elle est un avertissement : les chaînes peuvent être brisées, le système peut être renversé. Mais au-delà de la violence, cette rébellion est une prise de conscience collective, un moment où l’Amérique blanche se voit confrontée à la haine qu’elle a semée. Turner, insaisissable, se cache pendant des semaines, jusqu’à ce qu’un fermier le découvre dans une « caverne » improvisée.

Procès et mort d’un martyr

Nat Turner, le prophète de Southampton et la fureur de l’insurrection
1831: The discovery of Nat Turner (1800 – 1831), who led an uprising of some 75 enslaved people in August 1831. He murdered his enslaver’s family and about 50 other whites in the vicinity and was eventually convicted and hanged. (Photo by MPI/Getty Images)

Le 5 novembre 1831, Turner est jugé pour « conspiration et insurrection« . Le verdict est sans surprise : condamné à la pendaison. Lorsqu’on lui demande s’il regrette ses actes, il répond simplement : « Le Christ n’a-t-il pas été crucifié ?« . Dans cette réponse, tout le poids de son combat spirituel se fait sentir. Il ne se voit pas comme un criminel, mais comme un homme qui a suivi l’appel de Dieu, un instrument entre les mains du divin pour la libération de son peuple.

Après son exécution, le corps de Turner est mutilé, sa peau utilisée pour fabriquer des objets, dans une tentative macabre de marquer le message de peur qu’il représentait. Mais malgré les efforts de l’Amérique blanche pour effacer sa mémoire, l’esprit de Turner ne peut être réduit en cendres. Son histoire, racontée dans The Confessions of Nat Turner, devient une source d’inspiration pour les abolitionnistes, un rappel douloureux de la résistance noire contre un système d’oppression.

Un héritage brûlant et indélébile

Le nom de Nat Turner est inscrit dans l’histoire non seulement comme celui d’un rebelle, mais comme celui d’un prophète, d’un homme qui a incarné la lutte pour la dignité humaine. En 2002, l’historien Molefi Kete Asante inclut Turner dans la liste des « 100 plus grands Afro-Américains » de tous les temps. Aujourd’hui encore, son histoire est enseignée comme celle d’un homme prêt à sacrifier sa vie pour un idéal, pour une vision divine de liberté.

Des parcs, des œuvres littéraires, des films et des monuments rappellent la mémoire de Turner. En 2009, Newark, New Jersey, inaugure un parc en son honneur, Nat Turner Park, espace dédié aux idéaux de justice et de résistance. Son combat, célébré chaque année durant le Black August, continue de rappeler au monde la puissance d’un homme déterminé à se libérer, à libérer son peuple.

La vision d’une divine liberté

Nat Turner, prophète et guerrier, laisse derrière lui un héritage complexe, brûlant, mais nécessaire. Dans un monde qui cherche encore à effacer les histoires de résistance des Noirs, Turner est la preuve que même dans les ténèbres les plus profondes, l’esprit humain peut s’élever, armé de convictions et d’un appel plus grand que lui.

Son combat, bien que controversé, pose une question fondamentale : jusqu’où l’humain est-il prêt à aller pour défendre sa dignité ? Pour Turner, la réponse était claire. En plongeant dans l’histoire de Nat Turner, on découvre non seulement un homme, mais un symbole, un prophète dont l’appel à la liberté résonne encore, intemporel, pour toutes les générations opprimées.

Références et sources :

Breen, Patrick H. « Nat Turner’s Revolt (1831). » Encyclopedia Virginia. Virginia Humanities, 2020. Consulté le 26 octobre 2024.
Gray, Thomas Ruffin. The Confessions of Nat Turner, the Leader of the Late Insurrections in Southampton, Va. Baltimore: Lucas & Deaver, 1831.
Greenberg, Kenneth S., éd. Nat Turner: A Slave Rebellion in History and Memory. Oxford University Press, 2003.
Asante, Molefi Kete. 100 Greatest African Americans: A Biographical Encyclopedia. Amherst, N.Y.: Prometheus Books, 2002.
Moomaw, Graham. « Nat Turner, the leader of a violent Virginia slave uprising, will be honored on a new emancipation statue in Richmond. » Richmond Times-Dispatch, 20 septembre 2017.
Breen, Patrick H. The Land Shall Be Deluged in Blood: A New History of the Nat Turner Revolt. Oxford University Press, 2015.
French, Scot. The Rebellious Slave: Nat Turner in American Memory. Boston: Houghton Mifflin, 2004.

30 octobre – Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora

Le 30 octobre traverse l’histoire comme un fil rouge, connectant des récits d’insurrections, d’injustices, et de luttes émancipatrices qui font résonner l’Afrique et sa diaspora dans la mémoire collective. De Nat Turner, capturé après une révolte d’esclaves, à Lobengula, roi de Matabeleland, en passant par les luttes démocratiques récentes du Burkina Faso, ce jour rappelle combien la résistance, le sacrifice et le courage façonnent l’histoire du continent africain et de ses enfants à travers le monde.

Événements historiques

30 octobre 1831 : Capture de Nat Turner

30 octobre - Figures et événements marquants dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora
« The Discovery of Nat Turner », gravure tirée de Popular History of the United States, publiée par William Cullen Bryant et Sidney Howard, 1881-88.

En 1831, dans le comté de Southampton en Virginie, Nat Turner, esclave et prédicateur charismatique, mène l’une des plus importantes révoltes d’esclaves aux États-Unis, dans une quête audacieuse de liberté et de justice. Après des semaines de planification secrète, Turner déclenche l’insurrection en août, conduisant un groupe d’esclaves qui tue plusieurs dizaines de propriétaires blancs. Cet acte, bien que brutal, devient un symbole de la lutte contre l’oppression esclavagiste et provoque des réactions violentes de la part des autorités.

Turner réussit à échapper à la capture pendant six semaines, restant caché dans les terres du comté de Southampton. Pendant ce temps, sa femme, Cherry, est capturée, battue et torturée par les autorités dans une tentative de lui arracher des informations sur le lieu où il se cache et ses projets futurs. Sous la pression et la violence, elle aurait été contrainte de livrer des documents liés à la rébellion.

Finalement, le 30 octobre 1831, Turner est découvert par un fermier, Benjamin Phipps, caché dans un repli de terrain formé par un arbre tombé, recouvert de branches. Capturé, il est emprisonné dans la ville de Jerusalem en Virginie le jour suivant. Durant son incarcération, Turner confesse ses actions et les motivations derrière la révolte à Thomas R. Gray, un avocat et défenseur de l’esclavage, qui publiera plus tard le récit de ces entretiens. Turner sera exécuté peu de temps après, mais sa lutte continue d’inspirer les mouvements pour la justice et l’égalité des droits.

30 octobre 1888 : La Concession Rudd

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Bataille de la Shangani (25 octobre 1893). LIFE Photo Archive hosted by Google, War 1893-1896 Africa Matabele

Le 30 octobre 1888, le roi Lobengula du Matabeleland (actuel Zimbabwe) signa un traité connu sous le nom de « Concession Rudd », octroyant le monopole des droits miniers de son territoire à Charles Rudd, Francis Thompson et James Maguire, sous la direction de Cecil Rhodes. En échange de ce droit exclusif, Lobengula reçut une somme d’argent et une importante dotation en armes. Ce traité, bien que signé avec l’approbation de certains chefs matabélés, fut rapidement contesté par Lobengula qui se sentit trahi quant aux véritables intentions britanniques.

L’accord permit à Rhodes de demander une charte royale, officialisant le contrôle de la British South Africa Company sur le Matabeleland et lançant un processus d’occupation qui déboucha sur la fondation de la Rhodésie. Lobengula, en dépit de plusieurs tentatives pour annuler le traité en envoyant des émissaires à la reine Victoria, ne parvint pas à inverser la dynamique coloniale. Cette concession devint un pilier pour l’expansion britannique en Afrique australe, marquant ainsi le début de la fin pour le royaume Matabélé.

Aujourd’hui, cet épisode demeure un symbole des tactiques employées par les puissances coloniales pour s’approprier les richesses et les terres africaines, souvent au détriment des souverainetés locales.

30 octobre 1963 : Cessez-le-feu entre l’Algérie et le Maroc

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MALI – 01 NOVEMBRE : Le Mali, Ahmed Ben Bella et Hassan Ii du Maroc signent l’accord de Bamako qui met fin à la guerre des sables, le 1er novembre 1963. (Photo par Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images)

La tension entre le Maroc et l’Algérie atteint son paroxysme en 1963, marquée par une série de tentatives diplomatiques infructueuses pour établir un cessez-le-feu durable. La première initiative vient du président tunisien Habib Bourguiba, qui cherche à initier un dialogue entre les deux nations. Cependant, cette médiation échoue rapidement. Ensuite, un sommet est organisé à Marrakech, du 15 au 17 octobre, sous l’égide de l’empereur éthiopien Hailé Sélassié, alors en visite en Afrique du Nord. Malgré les efforts, cette tentative de négociation s’avère également vaine.

Gamal Abdel Nasser, président de la République arabe unie, propose un sommet nord-africain. Cependant, son soutien militaire à l’Algérie compromet sa position de médiateur aux yeux du Maroc, rendant son initiative caduque. En parallèle, la Ligue arabe, influencée par l’Égypte, offre une médiation qui se heurte au refus du Maroc, qui la juge trop favorable à Alger.

Face à ces échecs, Hailé Sélassié et le président malien Modibo Keita réussissent à convaincre les deux parties de se retrouver lors d’une conférence de paix à Bamako, les 29 et 30 octobre. Un accord est finalement obtenu, prévoyant l’arrêt des hostilités dès le 2 novembre, avec la mise en place d’une commission internationale pour surveiller la cessation des combats.

2014 : Insurrection au Burkina Faso

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L’Assemblée nationale prise d’assaut par des manifestants avant le vote des députés le 30 octobre 2014. © Theo Renaut/AP/SIPA

Le 30 octobre 2014, la capitale burkinabè, Ouagadougou, devient le théâtre d’une insurrection sans précédent. Des milliers de manifestants se rassemblent dans les faubourgs, convergeant vers des symboles du pouvoir dans une mobilisation d’une intensité inégalée. La police tente de disperser la foule par des gaz lacrymogènes, mais la pression populaire est telle que les manifestants franchissent les barrages et incendient plusieurs édifices, dont le siège du Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti du président Blaise Compaoré.

Parmi les cibles de la colère populaire figure également le palais présidentiel de Kosyam, défendu par la garde présidentielle. Au même moment, près de 1 500 manifestants envahissent l’Assemblée nationale, où les députés viennent tout juste de commencer une session. Évacués in extremis, les parlementaires laissent derrière eux des bureaux en proie aux flammes et des documents en cendres. Le député Ablassé Ouedraogo, témoin de la scène, déclare : « Les manifestants n’écoutent personne, les choses sont hors de contrôle. »

La violence atteint un autre niveau lorsque la garde présidentielle ouvre le feu à balles réelles pour protéger le domicile de François Compaoré, frère du président, causant la mort de trois civils. Les manifestants envahissent également les bâtiments de la Radiodiffusion-Télévision du Burkina, posant avec le présentateur du journal télévisé, tandis que les soldats se déploient autour du siège pour tenter de le sécuriser. En parallèle, les réseaux de téléphonie et la 3G sont bloqués, paralysant ainsi les moyens de communication.

Dans d’autres villes, la contestation s’étend rapidement. À Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, des manifestants renversent des statues et saccagent les locaux du parti au pouvoir. Ouahigouya, dans le nord, connaît également des scènes de violences similaires. L’aéroport de Ouagadougou est fermé, suspendant ainsi tous les vols.

Devant l’ampleur de la crise, le chef de l’armée, le général Honoré Traoré, impose un couvre-feu national et dissout l’Assemblée nationale, annonçant la formation d’un gouvernement de transition. En réponse, Blaise Compaoré s’adresse à la nation, évoquant la possibilité de pourparlers et ouvrant la voie à une transition politique.

Figures emblématiques

Nia Long, icône du cinema afro-américain

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HOLLYWOOD, CA – 05 NOVEMBRE : L’actrice Nia Long assiste à la première de « The Best Man Holiday » au TCL Chinese Theatre le 5 novembre 2013 à Hollywood, Californie. (Photo par Jason LaVeris/FilmMagic)

Née le 30 octobre 1970 à Brooklyn, New York, sous le nom de Nitara Carlynn Long, Nia Long est une figure incontournable du cinéma et de la télévision américaine. Issue d’une famille aux origines trinidadiennes, barbadiens et grenadiennes, elle est la fille de Talita Long et de Doughtry « Doc » Long, deux professeurs engagés. Dès son plus jeune âge, elle montre une prédisposition pour les arts en pratiquant la danse, la gymnastique et le chant. Diplômée en 1989, elle se lance rapidement dans une carrière d’actrice, aidée par son mentor, Betty A. Bridges.

Nia Long connaît ses premiers succès en interprétant des personnages forts et diversifiés à la télévision et au cinéma. Elle se révèle au public dans des productions emblématiques telles que Boyz N the Hood (1991) et dans la série Le Prince de Bel-Air, où son rôle de Lisa Wilkes la rapproche du cœur des téléspectateurs. Elle enchaîne les succès avec des films marquants, comme la comédie Big Mamma (2000), un succès populaire qui lui vaut une reconnaissance durable, et The Best Man (1999), où elle incarne avec finesse des personnages complexes.

Son talent se confirme aussi à la télévision : elle reçoit plusieurs NAACP Image Awards pour son rôle dans New York 911, consolidant ainsi sa position dans le paysage télévisuel américain. En alternant avec brio entre rôles comiques, dramatiques et même fantastiques, elle démontre une polyvalence rare, qui continue d’inspirer. Nia Long est aujourd’hui une figure respectée du cinéma afro-américain, symbole de talent et de résilience, et une inspiration pour les générations à venir, tant pour son parcours que pour ses performances mémorables.

Warith Deen Mohammed, un leader réformiste

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Photo de Bettmann Collection/Getty Images

le 30 octobre 1933 à Hamtramck, Michigan, Warith Deen Muhammad, de son vrai nom Wallace Delaney Muhammad, est le fils d’Elijah Muhammad, dirigeant de la Nation of Islam (NoI). Porté par la renommée et les enseignements de son père, il grandit dans une organisation prônant une vision séparatiste et une interprétation radicale de l’islam. Cependant, dès sa jeunesse, Warith Deen développe une compréhension plus orthodoxe de la foi musulmane, un chemin qui le mène à prendre ses distances avec l’idéologie de la NoI.

À la mort de son père en 1975, Warith Deen Muhammad hérite de la direction de la NoI. Il entreprend une réforme profonde, transformant l’organisation en un mouvement sunnite, pacifiste et rejetant le nationalisme noir et les doctrines non orthodoxes. Cette transformation audacieuse le conduit à rompre avec Louis Farrakhan, qui refonde la NoI en 1981, perpétuant les doctrines de son père. Warith Deen Muhammad, quant à lui, continue d’incarner un islam sunnite ouvert, mettant l’accent sur l’harmonie raciale et l’intégration des Afro-Américains dans le tissu religieux et social des États-Unis.

Jusqu’à sa mort le 9 septembre 2008, Warith Deen Muhammad aura marqué la communauté musulmane américaine en favorisant la décentralisation des mosquées et en prônant une intégration harmonieuse dans la société américaine. En tant que leader religieux influent, il devient un symbole de réforme et d’ouverture, incarnant un islam apaisé et tolérant. Son héritage perdure aujourd’hui, inspirant de nombreuses générations de musulmans noirs américains.

Jam Master Jay, DJ de Run-DMC

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Jam Master Jay. Michael Ochs Archives/Getty Images

Né Jason William Mizell le 21 janvier 1965 à Brooklyn, New York, Jam Master Jay est une figure emblématique de la culture hip-hop. Enfant talentueux, il apprend plusieurs instruments, dont la trompette et la basse, avant de se consacrer au DJing dans les années 1970. En 1982, sa rencontre avec Joseph « Run » Simmons et Darryl « D.M.C. » McDaniels aboutit à la formation de Run-D.M.C., un groupe qui redéfinira le hip-hop et atteindra une renommée internationale. Ensemble, ils marquent l’histoire avec des succès comme Raising Hell et contribuent à populariser le genre en mêlant le rock au hip-hop.

Au-delà de la musique, Jam Master Jay laisse une empreinte durable en fondant le label Jam Master Jay Records en 1989, par lequel il lancera le groupe Onyx. En 2002, il crée la Scratch DJ Academy à Manhattan, un centre dédié aux jeunes passionnés de DJing, poursuivant son engagement à faire vivre la culture hip-hop.

Le 30 octobre 2002, alors âgé de 37 ans, Jam Master Jay est assassiné dans son studio de Jamaica, Queens. Ce meurtre choquant reste irrésolu pendant près de deux décennies, laissant la communauté musicale en deuil. En 2020, deux suspects sont finalement inculpés, mais le mystère et la tristesse demeurent autour de sa disparition. Malgré ce tragique destin, l’héritage de Jam Master Jay perdure, inspirant des générations de musiciens et rappelant l’impact indélébile de Run-D.M.C. sur la scène mondiale.

Références

  1. Turner, Nat. Confessions of Nat Turner. Richmond Enquirer, 1831.
  2. Ndlovu-Gatsheni, Sabelo J. Coloniality of Power in Postcolonial Africa: Myths of Decolonization. CODESRIA, 2013.
  3. Ayoob, Mohammed. The Third World Security Predicament: State Making, Regional Conflict, and the International System. Lynne Rienner Publishers, 1995.
  4. Hagberg, Sten. Burkina Faso: Local Dynamics of Democratization. Nordic Africa Institute, 2002.
  5. Chang, Jeff. Can’t Stop Won’t Stop: A History of the Hip-Hop Generation. St. Martin’s Press, 2005.
  6. « Jam Master Jay, Hip-Hop Pioneer of Run-DMC, Dies at 37 », The New York Times, 31 octobre 2002.
  7. Rose, Tricia. Black Noise: Rap Music and Black Culture in Contemporary America. Wesleyan University Press, 1994.
  8. Curtis IV, Edward E. Muslims in America: A Short History. Oxford University Press, 2009.