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Harriet Tubman et le billet de 20 dollars: hommage ou insulte ?

Société

Harriet Tubman et le billet de 20 dollars: hommage ou insulte ?

Par Redaction NOFI 25 avril 2016

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Par Franswa Makandal. Harriet Tubman est sans conteste l’une des figures les plus emblématiques de l’émancipation des noirs.

Née dans l’esclavage, Tubman a vécu sur la Brodas Plantation dans le Maryland, avec ses parents, Harriet Green and Benjamin Ross, et ses 10 frères et sœurs. Lorsque le propriétaire de la plantation meurt, Mme Tubman, âgé alors de 25 ans, organise son évasion au nord de Philadelphie en 1849, en laissant derrière elle son mari John Tubman, qui avait refusé d’aller avec elle, la menaçant même de la dénoncer.

10 ans durant, celle qui fut plus tard connue comme Mama Moses, fit preuve de détermination, de courage et d’amour pour les siens en guidant son peuple, à travers l’Underground Railroad, vers la liberté. En effet elle entreprit de nombreux aller-retour afin d’arracher pas moins de 1000 hommes, femmes et enfant à leur condition servile malgré le Fugitive Slave Act de 1850. Malgré une détermination sans faille, elle regrettera de ne pas avoir pu faire encore plus : « J’ai libéré des milliers d’esclaves, j’aurais pu en libérer un millier de plus, si seulement ils avaient su qu’ils étaient des esclaves ».

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A la lecture de ces hauts faits pour la libération de nos aïeux outre-Atlantique, l’on serait parfaitement en droit de se demander si la présence du visage d’Harriet Tubman sur les billets de 20$ n’est pas une façon de la rabaisser, l’insulter elle et son combat. Le dollar est le symbole par excellence du capitalisme qui est lié de manière inextricable à la traite négrière, et au système plantocratique duquel Tubman voulait délivrer ses pairs.

Que Mama Moses devienne, à la place d’Andrew Jackson (esclavagiste notoire), la première femme noire à figurer sur un billet vert pourrait être perçu de manière positive tant elle représente à elle seule la triple lutte contre l’esclavage, pour la revalorisation de l’homme et de la femme noire ainsi que pour le droit des femmes. Cela pourrait permettre au grand public de connaître cette figure héroïque. En soit, cela est une bonne chose, mais cet hommage peut aussi être perçu d’une autre manière. D’aucun pourrait considérer que cet honneur consenti par le Trésor américain est une manière de mercantiliser notre glorieuse aînée comme au temps où elle était encore esclave, un bien meuble. Le fait de savoir que son visage sera échangé de main en main ne me réjouis guère !!! Notons d’ailleurs que la plupart des figures présidentielles avec lesquelles Mama Moses partagera la vedette était des esclavagistes. Georges Washignton par exemple en posséda  jusqu’à 216, ou encore Thomas Jefferson qui lui  était l’un des plus grands propriétaires d’esclave de Virginie. Il en va de même pour de nombreuses banques et assurances (Etna, JP Morgan Chase) qui ont une lourde responsabilité dans le commerce de « Bois d’Ebène ».

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Que ces complices du crime contre l’humanité figurent sur les dollars ne me dérange en rien. C’est en parfaite adéquation avec la genèse, l’histoire et le projet américain. Ca a le mérite d’annoncer la couleur. Rappelons que les United Snakes States of America fut la première nation à utiliser l’asservissement des Noirs pour développer le capitalisme moderne. « L’Empire Américain » est né dans l’exploitation l’extermination des Amérindiens et l’exploitation de la force de travail des Africains déportés. La grande Harriet Tubman doit se retourner dans sa tombe d’appartenir désormais à ce sinistre club.

N’est-il pas consternant qu’Harriet Tubman qui combattait l’exploitation des masses noires pour le profit de l’Amérique blanche se retrouve sur l’emblème même cette exploitation ? Tubman n’était pas capitaliste, ou impérialiste, elle était abolitionniste. Tant que l’Amérique refusera de parler des réparations, qu’elle ne cessera pas de prendre la jeunesse africaine des USA pour des cibles ambulantes, qu’elle ne se penchera pas sérieusement sur les disparités entre riches (souvent blancs) et pauvres (trop souvent noirs)- héritages de la période esclavagiste-pour y mettre fin une bonne foi pour toutes, ou qu’elle mettra fin à l’esclavagisme carcérale dans lequel elle est passée maître,  restons sceptiques quant à ce prétendu hommage.

Que les véritables panafricains et autres combattants pour la revalorisation des populations Afro ne soient pas dupes, la seule et unique façon d’honorer cette grande dame que fut « Mama Moses » n’est pas de placarder son visage sur un billet, mais d’étudier en profondeur sa vie et son œuvre, mais surtout de poursuivre son héritage en agissant pour l’émancipation totale et inconditionnelle des nôtres.

 

Panafricainement Votre, Franswa Makandal