Le repassage des seins : une pratique néfaste qui ne fait pas l’objet d’une attention suffisante

Près de 4 millions d’adolescentes sont soumises au repassage des seins dans le monde. Cette pratique culturelle néfaste, qui est surtout répandue en Afrique occidentale et centrale, doit cesser.

Les récents reportages au Royaume-Uni sur le repassage des seins illustrent une fois de plus les dommages causés aux jeunes filles par la culture. Ces reportages font suite à de nouveaux appels en faveur d’une action plus ferme contre cette pratique, dont on observe qu’elle empêche le développement des seins d’une fille et réduit par conséquent l’attention sexuelle qu’elle peut recevoir. Elle consiste à utiliser un objet pour masser, taper ou presser les seins à plat.

Le repassage des seins est courant en Afrique occidentale et centrale, notamment en Guinée-Bissau, au Tchad, au Togo, au Bénin, en Guinée-Conakry, en Côte d’Ivoire, au Kenya et au Zimbabwe. Elle est particulièrement répandue au Cameroun : on estime qu’une fille sur trois (environ 1,3 million) y a été soumise au repassage des seins.

Selon les Nations unies, 3,8 millions d’adolescentes dans le monde ont été affectées par le repassage des seins. On estime qu’environ 1 000 filles des communautés d’Afrique de l’Ouest du Royaume-Uni ont été soumises à cette pratique, mais le chiffre pourrait être beaucoup plus élevé.

Alors que les rapports sur les horreurs des mutilations génitales féminines, des mariages forcés et des crimes dits d’honneur sont courants, les gens sont peut-être moins conscients de la pratique qui consiste à repasser les seins des jeunes filles à la puberté.

C’est ce que j’ai constaté au cours de 15 années de recherche sur les « pratiques culturelles préjudiciables » dans le monde. Cette pratique reflète les croyances et valeurs misogynes hideuses qui sous-tendent d’autres pratiques abusives. Elle reflète en fin de compte une dynamique de pouvoir qui exige la soumission des femmes et le contrôle total de la sexualité des femmes et des filles.

La socialisation des jeunes filles

Le repassage des seins fait partie intégrante de la socialisation des jeunes filles des communautés touchées depuis un certain temps. Les conséquences médicales peuvent être graves. La pratique peut inclure l’utilisation de meules, de spatules, de balais et de ceintures pour attacher ou lier les seins à plat. Parfois, des feuilles censées avoir des vertus médicinales ou curatives sont utilisées, ainsi que des peaux de plantain, des pierres chaudes et des fers électriques.

Cette pratique est généralement effectuée par les mères, les chamans et les guérisseurs. Certaines sages-femmes s’adonnent à cette pratique. Cela en fait une source de revenus, d’une manière qui s’apparente à la mutilation génitale féminine.

La croissance des seins d’une fille pendant la puberté est considérée comme liée à l’émergence de sa sexualité ; si elle n’est pas maîtrisée, elle aura des implications « problématiques » et « destructrices » pour le statu quo familial et communautaire (patriarcat).

Cependant, cette lecture sexuée de la pratique est encore compliquée par des recherches qui suggèrent que les mères commencent à repasser les seins de leurs filles pour tenter d’empêcher les mariages précoces et de garder leurs filles à l’école plus longtemps.

En d’autres termes, si le développement de la poitrine d’une fille peut être empêché, elle ne sera pas considérée comme prête à se marier et à donner naissance à un enfant, ce qui lui permettra de poursuivre ses études plus longtemps.

Il est évidemment essentiel de comprendre les moteurs de la pratique si l’on veut identifier les voies du changement. Il est clair que le repassage des seins n’est pas la réponse au mariage des enfants. Mais dans des contextes où les choix sont rares, il semble offrir à certaines mères le seul moyen viable de donner à leurs filles un peu plus de temps pour s’instruire suffisamment pour avoir des options.

Un problème mondial

Les mutilations génitales féminines et le repassage des seins doivent être replacés dans le contexte d’une idéologie plus large qui considère la sexualité féminine comme honteuse et quelque chose à cacher et à nier.

Des efforts sont déployés à l’échelle mondiale pour renverser cet état d’esprit. UK Aid, par exemple, finance un mouvement social appelé The Girls Generation qui travaille dans toute l’Afrique pour renverser les normes sociales qui sous-tendent les mutilations génitales féminines.

Le remplacement de pratiques néfastes telles que les mutilations génitales féminines et le repassage des seins par d’autres nouveaux rituels qui célèbrent le corps de la femme permettra, espérons-le, d’inverser à terme ces opinions négatives.

L’élucidation de la prévalence de cette pratique et des raisons qui la sous-tendent ne sera pas facilitée par des reportages (comme ce fut le cas au Royaume-Uni) qui décrivent le repassage des seins comme une preuve supplémentaire des horreurs vécues par les « autres cultures ».

L’accent doit être mis sur les inégalités structurelles sous-jacentes qui continuent de dévaloriser le corps des femmes et des jeunes filles. Il s’agit d’un problème mondial, et non d’un problème propre à certaines régions du monde.

Notes et références

Tamsin Bradley, professeur d’études de développement international, Université de Portsmouth.

Cet article est traduit et republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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