Neïba

Ghana : les juges obligés de porter des perruques héritées de la colonisation

Société

Ghana : les juges obligés de porter des perruques héritées de la colonisation

Par Sandro CAPO CHICHI 3 novembre 2017

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

La juge en chef du Ghana, Madame Sophia Akuffo, a déclaré que tous les juges du pays devraient porter des perruques à compter du 1er novembre 2017.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Les Etats africains ayant obtenu leur indépendance de la Grande-Bretagne sont souvent présentés comme s’étant davantage émancipés de leurs anciens colons que ceux ayant appartenu à l’empire colonial français. Sans nier cette dépendance plus grande des pays francophones vis-à-vis de leur ancienne puissance colonisatrice, il existe un détail particulièrement perturbant qui continue à hanter les institutions juridiques des pays anglophones.

Les perruques des juges africains et caribéens

Des Bermudes au Nigéria, en passant par le Kenya et les Bahamas, nombreuses sont les institutions judiciaires d’anciennes colonies britanniques à avoir maintenu le port obligatoire de perruques pour les juges et/ou pour les avocats.

des perruques

Juges zimbabwéens

Même le Zimbabwe, considéré par beaucoup comme le bastion de l’anti-néo-colonialisme britannique en Afrique, continue à arborer ce symbole colonial considéré esthétiquement ridicule par beaucoup. Outre l’aspect visuel, le port d’un tel ornement dans des pays à la température souvent très chaude peut surprendre. Mais l’aspect le plus surprenant du maintien de ces perruques est sans doute leur prix. En Ouganda par exemple, un journal, le New Vision, a établi que chaque perruque coûtait à elle seule 6500 dollars!

Ghana, un revirement inattendu

Nombreux, sont ceux, dans les pays concernés, à avoir dénoncé le port des perruques dans les cours de justice. En Jamaïque, la tradition du port de la perruque et de la robe rouge a été officiellement abandonnée en 2013, laissant la place à une robe plus légère aux couleurs du drapeau local.

des perruques

Juges jamaïcains

Au Ghana, alors que le port des perruques dans les tribunaux était critiqué dans l’opinion publique et semblait tomber en désuétude dans les cours de justice, une décision inattendue a causé ce que beaucoup pourront considérer comme un pas en arrière dans l’émancipation vis-à-vis du colonialisme.

Fin octobre 2017, la juge en chef du pays, Sophia Akuffo, a rendu obligatoire le port de la perruque pour tous les juges du Ghana durant des audiences.

des perruques

Sophia Akuffo et le président ghanéen Nana Akufo Addo

La mesure est destinée, selon Akuffo, à rétablir l’aspect formel du tribunal, à garantir l’anonymat des juges et à mettre fin « à une société sournoise caractérisée par une apparence trop décontractée au travail ».

Le syndrome du sorcier blanc?

Pour beaucoup d’Afro-descendants, ce choix de maintenir des symboles coloniaux comme seul moyen de préserver l’ordre en Afrique s’apparente à celui qui continue à caractériser une grande partie des sélections africaines de football dirigées par des sélectionneurs blancs. Malgré le salaire plus important versé à ces derniers qu’il ne le serait versé à des locaux, leur choix est justifié par la capacité à maintenir l’ordre que n’auraient pas des entraîneurs locaux. Que cette explication soit ou non véridique,  il apparaît toutefois clairement que la pratique est enracinée dans un complexe colonial et qu’il serait grand temps de réfléchir à des solutions alternatives forcément existantes.