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« La miséricorde de la jungle » : les confessions d’un criminel de guerre

Culture

« La miséricorde de la jungle » : les confessions d’un criminel de guerre

Par SK 9 avril 2019

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« La miséricorde de la jungle », de Joel Karekezi, a reçu l’Etalon d’or Yenenga lors de la 26ème édition du Fespaco. Il raconte le génocide fratricide que se livrent les milices est-africaines au cœur du Kivu, en République démocratique du Congo. Avec Marc Zinga et Stéphane Bak. En salles le 24 avril et à découvrir dès ce jeudi 18 avril en avant-première au festival « Le Fespaco à Paris » organisé par l’association Cinewax.

Une guerre incompréhensible qui prend des allures de génocide. Un brassage en surface de la situation qu’abrite l’Est de la République démocratique du Congo depuis plus de 20 ans. Le Kivu, par sa position géographique stratégique, est le terrain d’affrontements entre forces armées congolaises, rwandaises, ougandaises, zimbabwéennes et angolaises. Chacune travaillant pour le compte de seigneurs de guerre, locaux ou occidentaux, pour le contrôle des ressources du pays. C’est cette histoire contemporaine méprisée que raconte Joel Karezeki dans  La miséricorde de la jungle, récompensé au festival Les Arcs, au Fespaco, au Milano Film Festival, au festival du film international de Rotterdam et à celui de Chicago.

1998, quatre ans après le début du génocide Tutsi, au Rwanda et en plein pendant la deuxième guerre du Congo. Au cœur de la jungle, le sergent Xavier (Marc Zinga) et le soldat Faustin (Stéphane Bak), rwandais engagés dans l’armée rebelle, sont perdus. Au fil de ce périple, subordonné et supérieur vont nouer des liens d’amitié, favorisés par l’entraide obligée au milieu de conditions éprouvantes. La jungle, majestueuse, insolente, dense, est à la fois source de vie, pour la faune et la flore, mais peut se transformer en piège mortel pour ceux qui s’y aventurent sans en connaître les secrets. Dans ce contexte, la jungle est dangereuse de par les criminels de guerre qui s’y réfugient. Soldats congolais, angolais et zimbabwéens (recrutés par les premiers), combattent les forces rwandaises. Et chacun tue, pille, viole, pour asseoir sa domination et dissuader l’ennemi. Dans l’immensité de cette nature luxuriante, Faustin et Xavier vont devoir survivre et surtout, affronter leurs consciences. L’aventure des deux hommes nous mène au coeur de l’esprit torturé d’un Xavier rongé par le remord.

Marc Zinga et Stéphane Bak.

Road trip en terre ensanglantée

Comme beaucoup d’Africains de la région, le sergent Xavier est une victime des conflits meurtriers de sa région. Elevé dans un camp militaire, il est enrôlé dans l’armée et n’a connu d’autre vie que la violence. Manipulé par d’autres dieux de la guerre, son esprit à longtemps considéré toute personne étrangère à son bataillon comme suspecte. Et ce « toute personne » désigne évidemment la population : femmes, enfants, bébés. Xavier a distribué la mort du bout de son canon, et pas seulement. Le temps de ce voyage de survie à la recherche de ses camarades, est propice à l’introspection et aux confidences. Ainsi, de barbouze à la tête brûlée, Xavier va finalement se révéler comme un homme dans la force de l’âge à la conscience lourde. Lui reviennent alors tous ces crimes, incompréhensibles, vains, atroces. Pas de rédemption, Xavier sait devoir subir le châtiment divin. Faustin, lui, peut encore être sauvé. Mais aura-t-il le courage de transcender la fatalité ? Le belgo-congolais Marc Zinga, révélé par le film Mobutu, roi du Zaïre, de Thierry Michel (1999) est fascinant de profondeur  et de justesse, comme à son habitude. Il dévoile aussi une maîtrise du Swahili et confirme sa position d’acteur engagé qui, ici, rend hommage à la région dont il est originaire. Se démarque aussi un Stéphane Bak post-pubère, bien loin de son image de jeune ado comique. Enfin, cette fiction-réaliste est l’occasion de découvrir aussi des paysages démesurés aux couleurs chatoyantes. Attention toutefois aux scènes cruelles réalistes qui amplifient la portée informative du film.

DÉCOUVREZ LA BANDE-ANNONCE DE LA MISÉRICORDE DE LA JUNGLE, DE JOEL KEREKEZI

 

La miséricorde de la jungle est une invitation à la repentance et une question posée aux spectateurs, au monde entier : Que fait l’humain pour préserver la vie, à tout prix ? Il est une ode au pardon car, ici, le réalisateur met m’accent sur l’innocence coupable de ces hommes et femmes sacrifiés au capitalisme. Le pardon est par ailleurs le thème de prédilection du Rwandais Joel Karekezi. En 2009, il sortait « Imababazi : le pardon » puis, « Portrait of reconciliation » en 2013. Le message qu’il souhaite faire passer est celui d’une entente entre les peuples rwandais et congolais , dont les premiers cristallisent le Mal pour les seconds.  A l’anniversaire des 25 ans du génocide Tutsi, qui a rejaillit sur toute la région et engendré cette guerre fratricide, La miséricorde de la jungle remet la lumière sur la situation et propose de dépasser la haine. A découvrir en salle le 24 avri et dès ce jeudi 18 avril en avant-première au festival « Le Fespaco à Paris » organisé par l’association Cinewax.

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