La bataille d’Insamankou ou la cuisante défaite de l’armée britannique face à l’empire Ashanti
Société

Par Makandal Speaks 18 juillet 2017
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Le 21 janvier 1824, lors de la Première Guerre Anglo-Ashanti, les troupes coloniales britanniques affrontent l’armée de l’Empire Ashanti à la bataille d’Insamankou. Ce combat se soldera par la défaite des hommes du Brigadier-General Sir Charles MacCarthy, vaincus par l’Asantehene Osei Bonsu.
Fanti Vs/ Ashanti
Au début du XIXe siècle, les Confédérations Fanti [1] et Ashanti s’affrontaient dans ce qui est désormais la République du Ghana. La Confédération Ashanti [2] était un puissant État Akan, situé en Afrique de l’Ouest dans ce que les Européens nommaient la Gold Coast [3]. Alors que les Ashanti occupaient majoritairement l’intérieur des terres, les Fanti, quant à eux étaient un autre groupe Akan apparenté qui s’était établi principalement sur les régions côtières de la Gold Coast [4].
Les deux factions étaient rivales depuis des temps immémoriaux. Le groupe Fanti était à l’époque perçu par les Ashanti comme étant le destructeur du clan Akan originel. Trop vite, les frères rivaux se transformèrent en frères ennemis. Comble de l’ironie, les Fanti s’allièrent aux Britanniques et les Ashanti aux Néerlandais pour les appuyer dans leur guerre fratricide, alors qu’ils deviendraient quelques années plus tard frères d’armes sur les plantations des mêmes puissances européennes. Mais ça, c’est une autre histoire.
En 1806, le Asantehene Osei Bonsu [5] accusa certains sujets de la Confédération Fanti de pillage de tombe. Que cela soit vrai ou non, il est peu probable que nous le sachions un jour. Ce que l’on sait en revanche c’est que ces graves accusations menèrent à la guerre. Osei Bonsu [6] déchaîna son armée contre les Fanti. La Bataille eut lieu à quelques kilomètres de Cape Coast [3]. Face à la faible puissance militaire de la Confédération Fanti, la Confédération Ashanti n’eut aucun mal à remporter la victoire.

Carte de l’Empire Ashanti.
Sans doute ivres de leur succès martial, les troupes Ashanti prirent d’assaut les Néerlandais, alliés des Fanti au Fort de Koromantin [8]. Les Britanniques parvinrent à apaiser leur allié Ashanti en jouant les médiateurs. Le Commandant britannique de la ville de Cape Coast livra ainsi le vieux roi Kwadwo Otibu à l’Asantehene qui le fit exécuter. Cependant, les Britanniques laissèrent s’échapper l’autre captif. Cela renforcera l’inimitié entre Britanniques et Ashanti. Quant aux Fanti, la rancœur à l’égard de leurs frères Akan n’était pas prêt de s’éteindre.
Vers la Ière Guerre Anglo-Ashanti
Quelques années seulement après avoir affronté les Fanti, la Confédération Ashanti-sous le leadership d’Osei Bonsu-se lance dans une guerre d’invasion contre l’alliance des tribus Akyem et Akuapem entre 1814 à 1816. Il s’agit pour le souverain d’offrir à son État un accès à la mer. Les autorités coloniales britanniques, néerlandaises et danoises locales n’ont alors plus d’autre choix que de pactiser avec les Ashanti. D’autant qu’en 1817, la Confédération Ashanti, forte d’une armée de 20 000 hommes, était devenue la plus grande puissance militaire d’Afrique de l’Ouest [9].
Afin de sécuriser ses affaires, l’African Company of Merchants [10] signa un traité d’amitié qui reconnaissait la souveraineté de la Confédération Ashanti sur une grande partie de la côte. Quelques années plus tard, lorsque la Compagnie africaine des marchands fut dissoute, les Britanniques prirent le contrôle de la Gold Coast. Ils la cédèrent au gouverneur Sir Charles McCarthy, l’autorité sur toute cette zone, y compris celle récemment acquise par les Ashanti.

Kumasi, capitale de la Confédération Ashanti
Au cours des années 1820, les Britanniques décidèrent en outre de s’allier à la Confédération Fanti, les ennemis jurés des Ashanti. Naturellement, les alliances se font et se défont au gré des intérêts. Cette nouvelle coalition Anglo-Fanti provoqua l’ire de la monarchie Ashanti. Comment pouvaient-ils être dominés par des Européens ainsi que par les Fanti, eux qui régnaient en vertu du tabouret d’or qui leur avait été transmis par le Nyame Lui-même [11]. Le point de non-retour avait été franchi et les multiples tensions entre Britanniques et Ashanti devaient inévitablement entraîner la guerre.
Les hostilités commencent
L’étincelle qui mit le feu aux poudres fut le kidnapping puis l’assassinant d’un Sergent britannique du Royal African Colonial Corps par un commando Ashanti. Il s’agissait en fait d’attirer les forces coloniales dans une embuscade. Objectif atteint, puisque leur manœuvre entraîna la mort de 10 soldats de Sa Majesté et en blessa 39 autres. Ce traquenard forestier contraignit le reste de l’escouade coloniale à prendre la fuite. À travers cet acte que l’on qualifierait aujourd’hui de terroriste, les Ashanti voulaient obliger les Britanniques à négocier leur départ.
Sir Charles MacCarthy refusa d’accéder aux revendications Ashanti sur l’ancienne zone côtière Fanti. Au lieu de cela,il mit sur pied une expédition militaire composée de :
- 80 hommes du Royal African Colonial Corps
- 170 hommes de la milice de Cape Coast
- 240 guerriers Fanti
Trois autres groupes d’infanteries se trouvaient dans le secteur :
- 600 hommes du Royal African Colonial Corps + 3 000 enrôlés indigènes
- 100 soldats et miliciens + 2 000 enrôlés indigènes sous le commandant d’Alexander Gordon Laing
- 300 soldats et miliciens et 6 000 enrôlés indigènes.
La stratégie des Britanniques était simple, encercler l’ennemi et l’attaquer de toutes parts. Ainsi débuta la Ière Guerre Anglo-Ashanti qui ne prit fin que 8 ans plus tard.
La bataille d’Insamankou ou la débâcle des Anglais
La veille de la bataille, MacCarthy établit son campement sur la rive de la Pra [12]. Le 21 janvier, vers 14 heures, les Britanniques tombèrent nez à nez avec une armée confédérée forte de 20 000 hommes. McCarthy eut la folle idée de croire que l’armée Ashanti regorgeait de traîtres et qu’il suffirait de jouer l’hymne Britannique pour rallier des soldats africains à sa cause. Bien mal lui en prit puisque les forces de l’Asentehene répondirent en faisant raisonner les tambours de guerre. Trahir n’était pas monnaie courante chez les Ashanti.
Rapidement, les Britanniques furent submergés et subirent de nombreuses pertes. En un instant, la quasi-totalité des forces britanniques furent anéanties. Seule une vingtaine de soldats parvint à fuir le champ de bataille. Le pauvre diable de MacCarthy ? Il fut touché par balle à deux reprises. L’une le blessant, l’autre lui ôtant la vie. Son second perdit lui aussi la vie et un troisième officier fut capturé.
L’officier prisonnier des Ashanti raconta à son retour qu’il n’avait survécu que parce qu’un chef Ashanti auquel il avait rendu service l’avait reconnu et épargné. C’est dans une hutte que l’officier britannique passa ses mois de captivité. Il partageait sa cellule avec les têtes coupées de MacCarthy et Wetherell. Les deux bougres avaient été décapité et leurs têtes conservées comme des trophées de guerre.
Le crâne de McCarthy, qui avait été recouvert d’or, servit ensuite de récipient aux dirigeants Ashanti. Quelle fin tragique.
Les récits des témoins oculaires de la mort de sir MacCarthy ont déclaré:
« Il vit l’Enseigne Wetherell, également blessé, près de Sir Charles. Certains Ashantis essayaient de lui couper la tête et lui avaient déjà infligé une fracture à l’arrière de son cou. Heureusement, un Ashanti d’autorité vint et reconnaissant M. Williams, dont il avait reçu une certaine gentillesse, retint la main de l’agresseur. Sur le fait que M. Williams récupère ses sens, il vit les troncs sans tête de Sir Charles McCarthy , M. Buckle et de l’Ensigne Wetherell. Au cours de sa captivité, il fut logé sous une hutte de chaume, dans la même pièce que les têtes qui, en raison d’un processus particulier, étaient dans un état de conservation parfait ». [14]
La bataille d’Insamankou fut l’une des défaites les plus sanglantes et humiliantes de l’armée Britannique sur le continent africain. Ce fut aussi le début des Guerres Anglo-Ashanti qui ne prendront fin qu’en 1901.
Notes et références :
[1] La Confédération Fanti fut, à la fois une alliance libre d’États Fanti datant du XVIe siècle, mais aussi à une union de courte durée formé en 1868 et dissoute en 1874. La Confédération Fanti fut l’un des premiers Mouvements d’autonomie africains.
[2] La Confédération Ashanti, (1701-1957) était un empire situé dans le Ghana moderne. Les Ashanti ont obtenu très tôt des armes à feu, ce qui leur a permis, associé à leur génie martial, de façonner un État qui s’étendait du centre du Ghana jusqu’à la Côte d’Ivoire actuelle. En raison de ses prouesses militaires, de ses richesses, de son architecture, et de sa culture raffinée, la Confédération Ashanti fut plus largement étudiée que de nombreuses autres cultures autochtones de l’Afrique subsaharienne.
[3] Les Akans sont une population d’Afrique de l’Ouest installée principalement au Ghana et en Côte d’Ivoire.
[4] La Gold Coast était l’ancien nom européen d’une partie de la côte occidentale africaine du golfe de Guinée. Elle correspond essentiellement à la côte de l’actuel Ghana. Comme pour d’autres noms de côtes africaines (comme la Côte d’Ivoire ou la côte des Esclaves), ce nom fut donné par les Européens en fonction des « ressources » que le littoral offrait aux puissances commerciales d’Europe.
[5] L‘Asantehene est le monarque absolu de la Confédération Ashanti.
[6] Osei Bonsu (1779-1824) fut Asantehene de 1804 à 1824. Durant son règne, les Ashanti ont affronté la Confédération Fanti et ont dominer le commerce de la région de la Gold Coast. En Akan, Bonsu signifie la baleine (le plus grand et le plus puissant « poisson » de la mer) et symbolise l’extension de l’Empire Ashanti à la côte. Il battit les Anglais en 1824 à Bonsaso lors de la Bataille d’Insamankou.
[7] Cap Coast fut fondée par le peuple d’Oguaa. C’est la ville principale des Fanti.
[8] Fort Koromantin (ou Fort Amsterdam) a été construit par les Anglais entre 1638 et 1645. Il passa sous le contrôle de la Compagnie néerlandaise des Indes Occidentales en 1665. Par la suite, le fort sera vendu aux Britanniques en 1868. Il est situé à Abandze au nord-est de Cape Coast dans la région centrale du Ghana.
[9] Harold E. Raugh ~ « The Victorians at War, 1815–1914: an Encyclopedia of British Military History« , ABC-CLIO, 2004
[10] L’African Company of Merchants (la Société africaine des marchands) était une société britannique de commerce opérant entre 1752 et 1821 dans la région de la Gold Coast, zone côtière dominée par les Fanti.
[11] Nyame est le Dieu du peuple Akan. Son nom signifie « celui qui sait et voit tout » et « omniscient, omnipotent dieu du ciel » en langue Akan.
[12] Le Pra est une rivière du Ghana. Au XIXème siècle, le Pra a servi de frontière entre la Confédération Ashanti et la Gold Coast.