Joëlle Ursull et le piège de décrire l’esclavage des Noirs comme un génocide

En février 2015, après le discours du Président français François Hollande lors du 70ème anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz où celui-ci avait présenté la Shoah comme « le plus grand crime jamais connu et jamais commis dans l’humanité », l’artiste guadeloupéenne Joelle Ursull s’était indignée dans une lettre ouverte très médiatisée de cette hiérarchisation des crimes contre l’humanité.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Après une réponse adressée à Ursull de la part de la Ministre de l’Outre-Mer George Pau-Langevin où celle-ci déclarait notamment :

« Si vous prenez juridiquement la traite négrière, c’est un crime contre l’humanité, mais ce n’est pas un génocide, puisque par définition, ceux qui sont allés chercher les esclaves en Afrique pour travailler dans les plantations, ne voulaient pas les exterminer mais les faire travailler gratuitement », Joelle Ursull et d’autres personnalités comme avaient contredit la ministre prétendant qu’il s’agissait bien d’un génocide.

Outre la débilité des propos de Pau-Langevin sur la concurrence victimaire qu’elle accuse Ursull d’éveiller alors que le Président français établit lui-même grammaticalement une hiérarchie des souffrances en utilisant un superlatif pour décrire la Shoah comme « le plus grand crime jamais connu et jamais commis dans l’humanité » (sous entendu plus grave que les autres), une hiérarchie des souffrances alimentée par ce même Hollande lorsque celui-ci vide le portefeuille national pour des victimes américaines de la Shoah à travers la SNCF(!), mais refuse publiquement d’indemniser les descendants de victimes de l’esclavage par la France lors d’une commémoration de cet autre crime contre l’humanité, on notera l’habile travestissement des propos de Hollande par Pau-Langevin qui parle de ‘génocide’ là où Hollande a simplement parlé de ‘crime’. Madame la Ministre, ce n’est pas de la compétition victimaire, mais une démarche d’égalité entre citoyens. Si personne n’avait déclaré que les victimes de la Shoah avaient le plus souffert, si les victimes de la Shoah n’avaient pas été indemnisées, personne n’aurait emprunté cette démarche de concurrence victimaire.

C’est en effet en tant que crime contre l’humanité et non en tant que génocide qu’a été reconnu l’esclavage et la Traite des Noirs par la loi Taubira de 2001.

Pour Joelle Ursull, interrogée par nos confrères de Guadeloupe 1ère, « c’est un génocide. Parce que un crime contre l’Humanité, c’est un génocide. »

Or, les définitions du génocide ont varié et continuent de varier, mais un génocide a par exemple déjà été décrit par les Nations-Unies comme ‘n’importe quel nombre d’actes accomplis avec pour intention de détruire, en tout ou partie, un groupe, national, ethnique, racial ou religieux’. Et effectivement, même si des mises à morts volontaires et collectives de Noirs pendant la traite et l’esclavage furent commis, Pau-Langevin, malgré la gravité de ses propos décrivant les esclaves comme étant cherchés pour ‘travailler gratuitement’, que le but originel de la Traite des Noirs et des esclaves n’était pas d’exterminer, en tout ou en partie, les Noirs déportés mais de les rendre victimes d’un nombre incalculable de crimes, y compris la mise à mort, la mutilation, le viol, la torture, la servitude, la déshumanisation, la terreur psychologique, le racisme, la prostitution forcée, la destruction familiale, etc, pour optimiser leur exploitation.

Il n’y a absolument rien de plus grave dans le crime de l’Humanité de la Shoah qu’il n’y en a dans celui de la Traite des Noirs et de l’Esclavage et il est scandaleux et complètement infondé que le Président de la République déclare une inégalité dans la souffrance de leurs victimes et la cruauté de leurs organisateurs.

C’est à mon avis cette route qu’auraient du emprunter Joelle Ursull, Juliette Smeralda et Maryse Duhamel pour critiquer François Hollande et George Pau-Langevin et qui malgré le respect que je peux avoir pour elles, sont tombées dans le piège du travestissement des propos du Président Hollande , faisant faussement passer son abjecte hiérarchisation des Crimes contre l’Humanité pour une distinction sémantique.

La route qu’elles ont emprunté est selon moi vouée à l’échec et similaire à celle d’une femme noire africaine avec ses propres critères de beauté voulant à tout prix l’emporter dans un concours de beauté occidental avec ses propres critères de beauté ; celle d’un récipient carré cherchant à entrer dans un rond en espérant y parvenir avec le même succès qu’un récipient rond dans un autre récipient rond; à participer à un combat contre un adversaire dont ce dernier fabrique lui-même les règles.

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