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Le féminisme est-il compatible avec les traditions africaines ?

Culture

Le féminisme est-il compatible avec les traditions africaines ?

Par Naya 2 février 2015

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Pourquoi être noir et être féministe ne semble pas se conjuguer alors que des coutumes instrumentalisant la femme telles que l’excision ou encore le mariage forcé sont encore pratiquées en France et en Afrique ?

Quand vous êtes une femme noire et que vous naissez de parents immigrés, dans de nombreux cas, vos parents vous apprennent à entretenir une maison, à cuisiner et a espérer un bon mariage. Des valeurs importantes et utiles pour une future vie d’adulte, selon moi. Ces valeurs ne sont en aucun cas opposées au féminisme. On peut avoir à cœur de lutter contre toutes sortes d’inégalités sociales, politiques ou culturelles touchant les femmes en étant une femme au foyer, par exemple. Là ou ça devient plus compliqué, en tout cas pour moi, c’est lorsque j’ai eu à dire à mes parents que « Non, le fait que je ne sois pas bonne cuisinière ne ruinera pas plus ma vie que celle de mon frère», ou encore de défendre l’idée selon laquelle Julie a autant le droit d’avoir des partenaires sexuels multiples que Victor sans que cela fasse d’elle ce qu’on appelle couramment « une fille facile ». Le slut-shaming est une notion qui regroupe un ensemble d’attitudes individuelles ou collectives, agressives envers les femmes dont le comportement sexuel serait jugé « hors-norme ». Le slut-shaming consiste donc à faire se sentir coupable ou inférieure une femme dont l’attitude ou l’aspect physique seraient jugés provocants ou trop ouvertement sexuels (Source : Wikipédia). Pratique presque banalisée au sein des communautés noires et maghrébines où la virginité féminine est souvent considérée comme le Graal et où la sexualité de la femme est encore un sujet tabou allant parfois jusqu’à placer la femme comme un être dépendant du jugement de l’homme.

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Je me souviens avoir demandé à de nombreuses femmes noires ce qu’elles pensaient du féminisme, la plupart me répondaient qu’elles n’en avaient pas besoin, que les hommes et les femmes devaient rester à leur place et qu’il y avait des combats à mener beaucoup plus importants. Loin de se douter que le féminisme avait fait ce qu’elles étaient aujourd’hui. Si toutes les femmes du monde s’étaient dit « Bof, je ne me sens pas spécialement opprimée », les femmes n’auraient pas le droit de voter, pas le droit s’instruire, pas le droit de prendre la parole en public…Et j’en passe. Ce constat concerne d’autant plus la femme noire, qui a longuement été hyper-sexualisée par les hommes qui la considéraient parfois comme un objet visant à satisfaire le désir grâce à ses courbes généreuses. Avec ce constat d’une femme noire vue comme mère, servante ou objet du désir, les féministes noires se sont battues pour faire changer les mentalités et montrer que les femmes noires sont intelligentes et peuvent au même titre qu’un homme ou qu’une blanche, accéder à des postes à responsabilités.

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Je me considère comme féministe. Je rêve, par un moyen ou par un autre, de participer à l’amélioration de la condition des femmes dans le monde. Je pense vouloir voir mes enfants évoluer dans un monde ou ma fille aura les mêmes chances de réussite que mon fils. Même si il est vrai que les conditions des femmes ont été grandement améliorées depuis plusieurs années en France, on constate que dans de nombreux pays, la condition des femmes est précaire. En Inde, le viol est considéré comme le crime le plus commun à l’encontre des femmes. De nombreuses femmes indiennes sont violées, parfois en pleine rue et devant des témoins. Dans de nombreux cas, les femmes doivent porter la culpabilité de ce viol, salies, et rejetées par leurs familles. En Afrique, les inégalités et discriminations vécues par les femmes sont aussi nombreuses. Il y a alors un clivage entre les coutumes des parents immigrés et la vie à l’« occidentale » que se sont créent les enfants nés en France. Les mariages forcés ou encore l’excision sont encore des coutumes pratiquées par de nombreuses familles, et qui servent à l’instrumentalisation de la femme. Dire qu’on est féministe n’est pas dire qu’on se sent opprimée par les hommes, c’est avoir à cœur de vouloir que la condition des femmes s’améliore. Je me sens concernée par cela, ayant été victime de discrimination à l’emploi par rapport à mon sexe, de remarques dégradantes par rapport à mon sexe, parfois même on ne m’a pas prise au sérieux à cause de mon sexe.

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Angela Davis, féministe et membre des Black Panthers

 

Être noire et à la fois féministe a toujours été vécue comme une chose étrange par mon entourage. Pour beaucoup d’entre eux, la condition des noirs en France restait l’une des seules causes qu’il était légitime de défendre. Lorsque certains de mes amis minimisaient l’importance du féminisme, ma famille était parfois choquée par mes prises de positions qui allaient à l’encontre des valeurs familiales et culturelles qu’elle m’avait inculquées. La femme africaine berceau de la nativité, mère aimante, épouse attentionnée : telle est la vision cultivée dans l’imaginaire de la plupart des noirs. Le féminisme est souvent vu par les hommes noirs comme un danger, comme un mouvement visant à se rebeller contre les hommes et à se libérer d’une position de servante. De plus, la médiatisation de groupes extrémistes tels que «Femen » offrent aux hommes une vision erronée du féminisme, d’autant plus aux hommes noirs pour qui les codes culturels de ces groupes sont difficilement identifiables ou assimilables.

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Le 17 janvier 1975, Aimé Césaire vote la loi dépénalisant l’avortement dite « loi Veil » et participe à l’amélioration des conditions de vie des femmes françaises.

 

Pour ma part, je crois vouloir participer, même modestement, à l’amélioration de la condition des femmes. En voyant de nombreuses femmes se mettre à banaliser les agressions physiques ou morales dont elles sont victimes, en les qualifiant de pratiques ancrées dans les mœurs et qui n’évolueront jamais, je me rend compte à quel point le combat est long et difficile.

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