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María Remedios del Valle : l’épopée d’une héroïne oubliée de l’indépendance de l’Argentine

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Explorez le parcours extraordinaire de María Remedios del Valle, une figure clé mais souvent oubliée de la Guerre d’Indépendance argentine. Découvrez comment cette femme courageuse a lutté pour son pays et a surmonté les obstacles pour laisser un héritage durable en tant que ‘Madre de la Patria’.

Découverte de María Remedios del Valle : une héroïne de l’ombre

María Remedios del Valle, souvent saluée comme la « Madre de la Patria » (Mère de la Patrie), demeure une figure emblématique dans l’histoire de l’Argentine, particulièrement pour son rôle déterminant dans la Guerre d’Indépendance du pays1. Sa détermination et son engagement ont fait d’elle une source d’inspiration pour de nombreux Argentins et lui ont valu une place de choix dans le panthéon des héros nationaux. Aujourd’hui, son héritage continue d’inspirer et de rappeler l’importance de reconnaître et d’honorer les contributions de tous ceux qui ont façonné l’histoire et l’identité de la nation argentine.

Les premiers pas de María : entre cuisine et soins infirmiers

María Remedios del Valle

María Remedios del Valle vit le jour en 1766 à Buenos Aires, une époque où l’Argentine était encore sous le joug colonial espagnol2. Née dans une société où les rôles et les opportunités étaient fortement influencés par la race et le statut social, Remedios del Valle grandi dans un contexte marqué par des défis considérables, mais aussi par une culture riche et diverse.

Dès son plus jeune âge, Remedios del Valle développa une résilience et une force de caractère qui allaient la distinguer tout au long de sa vie. Elle commença à travailler en tant que cuisinière, un métier qui, à l’époque, était l’un des rares domaines où les femmes, en particulier celles d’origine africaine, pouvaient gagner leur vie. Cette expérience précoce dans la cuisine lui permis non seulement de subvenir à ses besoins, mais aussi de développer des compétences et une autonomie qui lui seraient utiles plus tard.

En plus de ses talents culinaires, Remedios del Valle s’est également engagée dans le domaine des soins infirmiers. Son travail en tant qu’infirmière, bien que moins documenté, est révélateur de son désir d’aider les autres et de contribuer à sa communauté. Cette période de sa vie, avant le déclenchement de la guerre d’indépendance, a jeté les bases de son engagement futur dans les luttes pour la liberté et la justice.

Au cœur de la bataille : l’engagement décisif de María dans la guerre

María Remedios del Valle joua un rôle crucial dans la Guerre d’Indépendance argentine, un conflit qui marqua un tournant dans l’histoire du pays. Sa participation active dans plusieurs batailles clés témoigne de son courage exceptionnel et de son engagement indéfectible pour la cause.

L’une de ses contributions les plus notables fut lors des batailles d’Ayohúma, Vilcapugio et Tucumán. Ces affrontements, parmi les plus décisifs de la guerre, virent Remedios del Valle se distinguer par son bravoure au milieu des combats. Elle n’était pas seulement une combattante parmi tant d’autres ; elle assuma un rôle de leadership, inspirant ceux qui l’entouraient par sa détermination et sa résistance face à l’adversité.

Portrait de Manuel Belgrano par François-Casimir Carbonnier réalisé lors de la mission diplomatique de Belgrano à Londres (1815). wikimedia.org

Sa bravoure et ses compétences au combat attirèrent l’attention de Manuel Belgrano3, l’un des chefs militaires les plus respectés de la révolution. Impressionné par sa discipline, son intelligence et sa loyauté, Belgrano la nomma capitaine dans son armée, une reconnaissance remarquable qui brisait les barrières de genre et de race de l’époque.

Au-delà du courage : les épreuves et sacrifices de María

La participation de María Remedios del Valle à la Guerre d’Indépendance argentine fut marquée par des sacrifices personnels déchirants et des épreuves d’une extrême gravité. La tragédie la plus profonde qu’elle ait vécue durant cette période fut la perte de son mari et de ses deux fils, tous tombés au combat. Ces pertes ont représenté un choc émotionnel immense, symbolisant le prix élevé du combat.

Au-delà de ces pertes personnelles, Remedios del Valle elle-même endura des souffrances physiques considérables. Au cours des différentes batailles, elle a reçu de multiples blessures, notamment des plaies causées par des balles et des sabres. Ces blessures laissèrent sur son corps des cicatrices indélébiles, témoins silencieux de sa bravoure et de son engagement envers la Révolution.

Sa résistance et son courage face à l’ennemi ne passèrent pas inaperçus. En 1813, elle fut capturée par les forces espagnoles. Pendant sa captivité, Remedios del Valle fut soumise à des tortures brutales : elle a été fouettée pendant neuf jours consécutifs pour avoir aidé des officiers patriotes à s’échapper du camp de prisonniers. Ces expériences traumatisantes marquèrent son corps et son esprit pour le reste de sa vie.

Cependant, malgré ces épreuves, María Remedios del Valle ne fléchi jamais dans son engagement. Sa capacité à endurer et à surmonter ces adversités témoigne de son caractère exceptionnellement résilient et déterminé. Ces sacrifices et ces difficultés, loin de la briser, ont renforcé sa détermination à lutter pour l’indépendance de son pays, faisant d’elle une véritable héroïne nationale et un modèle de courage et de persévérance.

Une lutte pour la reconnaissance : le parcours de María après la guerre

Après la fin de la Guerre d’Indépendance, María Remedios del Valle fit face à une série de défis déchirants, marquant une période de grande adversité dans sa vie. Malgré ses contributions significatives à la guerre, elle se retrouva confrontée à des difficultés financières accablantes.

Le premier obstacle majeur qu’elle rencontra fut le refus initial de sa demande de pension. Non satisfaite de son sort, elle entame le 23 octobre 1826 une pétition demandant qu’on lui verse 6000 pesos en compensation des services rendus au pays. Le dossier, signé en son nom par un certain Manuel Rico et auquel elle ajoute à l’appui un certificat de service daté du 17 janvier 1827 signé par le colonel Hipólito Videla, commence par la déclaration suivante :

Doña María Remedios del Valle, capitaine de l’armée, expose dûment à Votre Excellence :
Que depuis le premier cri de la Révolution, elle a eu l’honneur de défendre la juste cause de l’Indépendance, d’une de ces manières qui servent habituellement à admirer l’Histoire des Peuples. Oui, Monsieur l’Inspecteur, bien qu’elle puisse paraître présomptueusement prétentieuse, elle n’exagère pas les services qu’elle a rendus à la Patrie, mais évoque avec son naturel habituel ce qu’elle a souffert pour contribuer à la réalisation de l’indépendance de sa patrie, dont elle jouit avec bonheur.

Si les premiers oppresseurs du sol américain considèrent encore avec une terreur respectueuse les noms de Caupolicán et de Galvarino, les contestataires de nos droits pour nous avoir soumis au cercle étroit de l’esclavage dans lequel leurs pères nous ont plongés, peut-être se souviendront-ils du nom du capitaine patriote María de los Remedios pour admirer sa fermeté d’âme, son amour patriotique et son opiniâtreté pour le salut et la liberté de l’Amérique ; Ils s’irriteraient encore de ma constance et m’appliqueraient de nouvelles tortures, mais ils n’inventeraient pas celle de l’oubli pour me faire expirer de faim comme me l’a fait le Peuple pour lequel j’ai tant souffert.

Et avec qui le fait-elle ? Avec qui, pour avoir nourri les chefs, les officiers et les troupes emprisonnés par les royalistes, pour les avoir préservés, soulagés, et même avoir permis l’évasion de beaucoup d’entre eux, elle a été condamnée par les chefs ennemis Pezuela, Ramirez et Tacón, à être fouettée publiquement pendant neuf jours ; avec qui, pour avoir entretenu une correspondance et incité à prendre les armes contre les oppresseurs américains, et combattu avec eux, elle a été sept fois à la chapelle ; avec qui, pour son courage, son audace et sa résolution, les armes à la main, et sans elles, elle a reçu six blessures par balles, toutes graves ; avec qui elle a perdu en campagne, en disputant le salut de son pays, son propre fils, un autre fils adoptif et son mari !

Avec qui, pendant qu’elle était utile, elle a réussi à se faire enrôler dans l’état-major de l’armée auxiliaire du Pérou en tant que capitaine, avec un salaire, comme celui des autres assistants et d’autres considérations dues à son emploi. Elle n’est plus utile et a été abandonnée sans subsistance, sans santé, sans abri et dans la mendicité. Celle qu’elle représente a fait toute la campagne du Haut Pérou ; elle a droit à la reconnaissance argentine, et c’est maintenant qu’elle la réclame pour son malheur.

María Remedios del Valle

Cependant, sa demande fut rejetée, laissant cette héroïne de guerre dans un état de précarité et de négligence…

Contrainte de faire face à une pauvreté extrême, María Remedios del Valle en fut réduite à mendier dans les rues de Buenos Aires. Elle vivait de l’aumône et des restes de nourriture fournis par les églises locales, une existence loin de la dignité et de la reconnaissance qu’elle méritait. Une héroïne de guerre, autrefois célébrée pour son courage, réduite à l’indigence dans une société qu’elle avait aidée à libérer.

Cependant, le cours de sa vie prit un tournant décisif grâce à l’intervention du général Juan José Viamonte, un ancien camarade d’armes. Reconnaissant Remedios del Valle dans la rue, Viamonte fut profondément touché par sa situation désespérée. Il prit l’initiative de plaider sa cause, demandant à la législature de Buenos Aires de lui accorder une pension. Avec le soutien de Viamonte et d’autres hauts gradés qui témoignèrent en sa faveur :

Finalement, les efforts de Viamonte et des autres soutiens ont porté leurs fruits : María Remedios del Valle a reçu une pension et la reconnaissance qu’elle méritait pour son service héroïque. Ce retournement de situation a non seulement fourni une certaine sécurité financière à Remedios del Valle, mais a également servi de reconnaissance tardive pour ses sacrifices et son dévouement. Son histoire souligne l’importance de la persévérance et de l’advocacy, même face à des obstacles apparemment insurmontables.

Les derniers chapitres : fin de vie et hommage tardif à María

Dans les dernières années de sa vie, María Remedios del Valle connu un certain soulagement grâce à la pension qui lui fut finalement accordée. Cette pension, bien que tardive, représenta une forme de reconnaissance officielle de ses sacrifices et de son service durant la guerre. Curieusement, dans les registres de l’armée, elle était mentionnée sous le nom de Remedios Rosas, une variation qui suscita des interrogations mais qui ne diminua en rien l’importance de son héritage.

Remedios del Valle continua à recevoir cette pension jusqu’à la fin de sa vie, une période durant laquelle elle vécu plus confortablement comparée à ses années de mendicité. Cependant, malgré cette reconnaissance officielle, elle resta relativement méconnue du grand public et de la société argentine en général.

Elle s’est éteinte le 8 novembre 1847, laissant derrière elle un héritage de courage et de dévouement à sa patrie. Sa mort marqua la fin d’une époque et d’une vie consacrée à la lutte pour l’indépendance et la liberté.

Redécouverte d’une héroïne : l’ascension de María dans l’histoire argentine

Ce n’est que bien après sa mort, surtout au début du XXIe siècle, que la contribution de María Remedios del Valle fut véritablement reconnue et célébrée. Historiens, écrivains et militants commencèrent à redécouvrir son histoire, la plaçant enfin dans le panthéon des héros nationaux de l’Argentine. Son histoire fut mise en lumière comme un exemple poignant de la contribution des Afro-Argentins à l’histoire du pays, une contribution souvent négligée ou oubliée dans les récits historiques traditionnels.

En reconnaissance de son rôle et pour honorer la mémoire de Remedios del Valle ainsi que celle de la communauté afro-argentine, le 8 novembre, jour de son décès, fut proclamé Jour National des Afro-Argentins et de la Culture Africaine en 2013. Cette reconnaissance posthume a permis de sensibiliser davantage à son histoire et à celle d’autres figures historiques afro-argentines, favorisant ainsi une compréhension diversifiée de l’histoire nationale argentine.

María Remedios del Valle : une icône dans la culture et l’histoire contemporaines

Monument à María Remedios del Valle sur la Plazoleta Castelao, à Constitución, Buenos Aires. wikipedia.org

Au cours des dernières décennies, la figure de María Remedios del Valle a pris une place importante dans la mémoire publique argentine, transcendant le cadre de l’histoire militaire pour devenir un symbole de résilience et de courage. Sa représentation dans les contextes culturels et historiques modernes a été marquée par divers hommages et reconnaissances.

Des monuments et des événements commémoratifs ont été érigés et organisés en son honneur, témoignant de son importance croissante dans la conscience nationale. Par exemple, des statues et des plaques commémoratives ont été installées à Buenos Aires, offrant un lieu de mémoire et de reconnaissance pour cette héroïne nationale. De plus, des événements tels que des expositions et des conférences ont été organisés pour éduquer le public sur son rôle et ses contributions à l’histoire argentine.

Dans le domaine académique, des études universitaires ont réévalué l’histoire de María Remedios del Valle, mettant en lumière non seulement son rôle dans la guerre d’indépendance mais aussi sa place en tant que femme afro-argentine dans une société historiquement dominée par des figures masculines et eurocentriques. Ces recherches ont contribué à une réévaluation plus large de l’histoire des Afro-Argentins et de leur rôle dans la construction de la nation.

L’héritage indélébile de María : reflet de bravoure et source d’inspiration

L’héritage de María Remedios del Valle est un rappel puissant de la complexité et de la richesse de l’histoire argentine. Elle incarne la bravoure et la détermination face à l’adversité, qualités qui résonnent encore aujourd’hui. Sa vie, marquée par des luttes et des sacrifices, est un témoignage de la contribution significative mais souvent négligée des Afro-Argentins à l’histoire de la nation.

En tant que « Madre de la Patria », María Remedios del Valle symbolise la lutte pour l’indépendance de l’Argentine ainsi que la lutte plus large pour la reconnaissance et la justice sociale. Son histoire continue d’inspirer les Argentins de toutes origines et rappelle l’importance de reconnaître et de célébrer les héros Noirs méconnus qui ont façonné le passé et continuent d’influencer le présent et l’avenir de la nation.

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Notes et références

  1. Guerre d’indépendance de l’Argentine (1810-1825) : Ce conflit crucial a marqué la lutte pour l’indépendance de l’Argentine contre la domination espagnole. Déclenchée en 1810, la guerre s’est étendue sur plusieurs fronts, impliquant des batailles clés et des campagnes militaires décisives. Elle a non seulement consolidé l’indépendance de l’Argentine, déclarée formellement en 1816, mais a également contribué à la libération d’autres pays d’Amérique du Sud. La guerre a opposé les forces patriotes argentines, désireuses de l’indépendance, aux royalistes fidèles à la couronne espagnole.​​ ↩︎
  2. Argentine coloniale (XVIe siècle – 1810) : L’Argentine coloniale désigne la période de l’histoire de l’Argentine sous domination espagnole, débutant avec l’arrivée des conquistadors au XVIe siècle. Durant cette époque, l’Argentine, alors partie intégrante de l’empire espagnol, a vu s’établir des structures coloniales, des missions jésuites et le développement de l’économie basée sur l’agriculture et l’extraction minière. La société était marquée par une hiérarchie ethnique et sociale. La période coloniale a pris fin avec la Guerre d’Indépendance argentine, amorcée en 1810, ouvrant la voie à la formation de la nation argentine moderne. ↩︎
  3. Manuel Belgrano (1770-1820) : Général, économiste et leader de la Guerre d’Indépendance argentine, Manuel Belgrano est l’une des figures les plus emblématiques de l’histoire argentine. Né à Buenos Aires, il fut influencé par les Lumières européennes et joua un rôle crucial dans la lutte pour l’indépendance de son pays contre l’Espagne. Créateur du drapeau argentin, Belgrano a également été un ardent défenseur des droits et de l’égalité, reconnaissant le courage et la contribution significative de María Remedios del Valle dans la guerre d’indépendance. ↩︎

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Les sœurs Dibaba : Des légendes éthiopiennes redéfinissant l’excellence olympique

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Bekoji, en Éthiopie, est une terre fertile et bénie. Au cœur des collines de la province d’Arsi, à environ 150 km de la vibrante Addis-Abeba, émerge le berceau des championnes du clan Dibaba. C’est ici, dans cette paisible région d’un grand pays d’Afrique de l’Est, que la lumière a été projetée sur des destinées exceptionnelles. Les membres de la famille Dibaba détiennent fièrement le record de médailles olympiques remportées par les membres d’une même lignée.

Les pistes du monde entier résonnent encore des exploits inégalés des sœurs Dibaba, des athlètes éthiopiennes qui ont conquis le cœur du monde par leur talent exceptionnel et leur détermination inébranlable. Tirunesh, Genzebe et Ejegayehu Dibaba ont laissé une empreinte indélébile sur l’histoire de l’athlétisme, redéfinissant les normes de l’excellence dans le sport.

Les soeurs Dibaba

Tirunesh Dibaba : La Reine de la distance

« Je m’entraîne avec elle et je peux vous assurer que Tirunesh me dépassera. »

Derartu Tulu

Surnommée « la Douceur de l’Éthiopie », Tirunesh Dibaba est une force inarrêtable dans les courses de fond. Médaillée d’or olympique sur 10 000 mètres à Beijing en 2008 et devient la plus jeune championne du monde de l’histoire, avant de continuer à marquer l’histoire en remportant trois titres mondiaux consécutifs sur la même distance. Sa rapidité et son endurance ont fait d’elle une figure emblématique du fond athlétique.

En l’année charnière qu’était 2008, une athlète a brillé d’une lueur exceptionnelle, se hissant au sommet de la hiérarchie mondiale de l’athlétisme. Le magazine Track & Field News a décerné le titre convoité d’athlète féminine de l’année à cette force de la piste, tandis que chez les hommes, c’est le légendaire Usain Bolt qui s’est inscrit dans les annales.

Mais elle ne s’est pas contentée d’un seul honneur. En 2008, l’athlète éthiopienne a partagé un moment de gloire avec Barbora Špotáková, recevant conjointement le prestigieux trophée de l’IAAF pour la meilleure performance sportive féminine de l’année. Cette distinction était la juste récompense pour son exploit remarquable au Bislett d’Oslo, où elle a éclipsé le record précédent de sa compatriote Defar de plus de cinq secondes. Une victoire éclatante qui a fait résonner son nom bien au-delà des stades.

Et ce n’était pas la première fois qu’elle goûtait aux honneurs. Déjà en 2005, elle s’était vue attribuer cette même reconnaissance. Une constante dans le parcours de cette athlète exceptionnelle qui a, au fil des ans, consolidé son statut de légende de l’athlétisme.

« J’ai fait une chose que personne n’a jamais fait avant moi et j’en suis fière. »

Tirunesh Dibaba
Les sœurs Dibaba : Des légendes éthiopiennes redéfinissant l'excellence athlétique

Genzebe Dibaba : L’Éclair du milieu

La plus jeune des sœurs, s’est fait connaître comme une force dynamique dans les courses de demi-fond. À Monaco, en plus de remporter l’épreuve, elle inscrit son nom dans l’histoire en battant le record du monde du 1 500 mètres. Un chrono incroyable de 3 minutes, 50 secondes et 7/100e, effaçant ainsi des tablettes le précédent record établi par la Chinoise Qu Yunxia le 11 septembre 1993 (3:50.46). Un exploit considéré autrefois comme insurmontable devient le nouveau standard de la performance.

Son style de course gracieux et sa puissance ont ébloui les amateurs d’athlétisme du monde entier.

Les sœurs Dibaba : Des légendes éthiopiennes redéfinissant l'excellence athlétique

Le 15 avril 2015, elle décroche la palme tant méritée de la meilleure sportive de l’année 2014 aux Laureus World Sports Awards. Elle a ainsi écrit une page de l’histoire sportive, devenant la deuxième Africaine à être honorée après la Kényane Vivian Cheruiyot en 2012. Un moment inoubliable qui a propulsé Genzebe Dibaba sous les feux des projecteurs.

Poursuivant sur sa lancée, fin novembre 2015, Genzebe Dibaba a reçu une autre distinction de taille. Elle a été la seule Africaine sélectionnée par la Fédération internationale d’athlétisme pour concourir au titre de sportive de l’année. Dans une compétition relevée, elle a brillamment remporté le trophée, laissant derrière elle des talents comme la sprinteuse néerlandaise Dafne Schippers, championne du monde du 200 m et médaillée d’argent du 100 m, ainsi que la lanceuse de marteau polonaise Anita Włodarczyk, première femme à lancer au-delà de la ligne des 80 mètres.

Ejegayehu, l’ainée des sœurs Dibaba : L’héritage familial

Ejegayehu, la sœur aînée, a pavé la voie pour les générations suivantes. Remportant la médaille d’argent aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004 sur 10 000 mètres, elle a incarné la détermination et l’esprit combatif de la famille Dibaba.

Elle s’illustrera l’année suivante, en remportant deux médailles de bronze aux Championnats du monde d’athlétisme 2005 à Helsinki, sur 5 000 et 10 000 mètres, deux compétitions remportées par sa sœur. Elle devient alors la première femme à remporter un doublé dans l’histoire de cette compétition.

Les sœurs Dibaba : Des légendes éthiopiennes redéfinissant l'excellence athlétique

En septembre 2010, elle prend part à une course pleine de pep’s, le Memorial Peppe Greco, où elle décroche la médaille d’argent après une course de 7 km, juste derrière la dynamique Sylvia Kibet.

Le vrai spectacle a commencé en 2011 lorsqu’Ejegayehu se lance dans l’aventure du marathon au Marathon de Chicago. Le résultat ? Une performance éblouissante ! Non seulement elle bat Kayoko Fukushi avec une avance de 2 minutes et 29 secondes, mais elle a également inscrit son nom avec un temps époustouflant de 2 heures, 22 minutes et 9 secondes. Un début marathonien remarquable, classé comme le troisième plus rapide de l’histoire, le tout avec une aisance déconcertante. Ça, c’est commencer en beauté !

Une équipe dans le sport individuel

Ces sœurs exceptionnelles ne se contentent pas de dominer les pistes, mais elles ont également été des sources d’inspiration pour les jeunes athlètes en Éthiopie et au-delà. Leur succès transcende le sport, symbolisant la puissance du travail acharné, de la détermination et du soutien familial.

Il est à noté qu’elles ont pu s’inspirer de Derartu Tulu, leur cousine, qui n’est autre que la première femme noire africaine à gagner l’or Olympique durant les jeux de Barcelone 1992 sur le 10 000m. Elle réitérera l’exploit à deux reprises en 2000 et 2001.

Au-delà de leurs exploits individuels, les sœurs Dibaba ont également fait preuve d’une camaraderie remarquable sur la scène internationale. Leur respect mutuel et leur encouragement réciproque ont renforcé l’idée que le succès peut être encore plus significatif lorsqu’il est partagé avec ceux que l’on aime.

Les sœurs Dibaba : Des légendes éthiopiennes redéfinissant l'excellence athlétique
Ejegayehu, Genzebe, Tirunesh et Derartu

Les Dibaba ont laissé une empreinte indélébile sur l’athlétisme mondial, inspirant des générations d’athlètes à poursuivre leurs rêves avec passion et persévérance. Leur histoire continue d’être une source de fierté pour l’Éthiopie et une inspiration pour le monde entier. Les pistes peuvent changer, mais le nom Dibaba restera gravé dans l’histoire de l’athlétisme.

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Certains savants modernes ont soutenu que le but original de la prétendue malédiction de Cham était de justifier l’assujettissement du peuple cananéen aux Israélites, mais dans les derniers siècles, le récit a été interprété par certains juifs, chrétiens et musulmans comme une explication pour la peau noire, ainsi que l’esclavage.

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Introduction

L’histoire de l’esclavage et de la colonisation représente des chapitres sombres et douloureux dans le récit mondial. Ces périodes, marquées par l’oppression et l’exploitation, ont laissé des cicatrices profondes qui continuent d’influencer les sociétés contemporaines. Reconnaître et comprendre cette histoire est fondamental pour la guérison et la réconciliation entre les peuples. C’est dans cet esprit que certains pays ont commencé à faire face à leur passé, en présentant officiellement des excuses pour leur rôle dans ces tragédies historiques.

Dans cet article, Nofi se propose d’explorer les nations qui ont franchi ce pas significatif. Nous examinerons les contextes et les motivations derrière ces excuses (ou ces larmes de crocodiles ?), ainsi que leur impact sur les communautés affectées et sur la scène internationale.

I. Le Royaume-Uni et la traite transatlantique des esclaves

Traite des esclaves, gravure sur papier de John Raphael Smith d’après George Morland, 1762-1812 ; au Rijksmuseum, Amsterdam.

Contexte historique de l’implication britannique

Le Royaume-Uni a joué un rôle majeur dans la traite transatlantique des esclaves1, une période sombre où des millions d’Africains ont été déportés et asservis. Du XVIe au XIXe siècle, les navires britanniques ont transporté environ 3,1 millions d’esclaves africains vers les Amériques, ce qui représente environ 35% du total du commerce transatlantique des esclaves. Cette pratique a non seulement causé d’immenses souffrances humaines, mais a également contribué de manière significative à l’économie britannique de l’époque, en particulier dans les industries du sucre, du tabac et du coton.

Déclarations et regrets officiels du gouvernement britannique

Face à cette histoire, le gouvernement britannique a pris des mesures pour reconnaître officiellement son rôle dans la traite des esclaves. En 2006, l’ancien Premier ministre Tony Blair2 a exprimé des regrets pour la souffrance causée par la traite transatlantique des esclaves :

« Il est difficile de croire que ce qui serait aujourd’hui un crime contre l’humanité était légal à l’époque. (…) Je crois que le bicentenaire nous offre l’occasion non seulement de dire à quel point la traite des esclaves était une honte profonde – comment nous condamnons totalement son existence et louons ceux qui ont lutté pour son abolition – mais aussi d’exprimer notre profonde tristesse qu’elle ait pu avoir lieu et de nous réjouir des temps meilleurs que nous vivons aujourd’hui ».

« Blair ‘sorrow’ over slave trade« , bbc.co.uk, 27 novembre 2006

Bien que cette déclaration n’ait pas été une excuse formelle, elle a marqué une étape importante dans la reconnaissance du passé. Plus tard, en 2007, lors du bicentenaire de l’abolition de la traite des esclaves, d’autres déclarations officielles ont été faites, reconnaissant l’atrocité de cette période et l’impact durable qu’elle a eu sur les communautés africaines et diasporiques3. Beaucoup d’entre nous ont accueilli cette déclaration avec scepticisme, ressentant peut-être que ces mots n’étaient pas suffisants pour compenser des siècles de souffrances et d’exploitation.

II. La France et la reconnaissance de l’esclavage comme crime

La loi Taubira et la reconnaissance française

En France, un pas significatif vers la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité a été franchi avec l’adoption de la loi Taubira en 20014. Cette loi, nommée d’après Christiane Taubira5, alors députée de la Guyane, marque une étape historique. D’une part, elle reconnaît l’esclavage et la traite négrière comme un crime contre l’humanité :

« La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité.« 

Article 1er de la loi du 21 mai 2001 (J. O. R. F. no 119 du 23 mai 2001, page 8175) dite « loi Taubira ».

D’autre part, la loi impose également l’enseignement de cette histoire dans les écoles françaises :

« Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l’esclavage sera encouragée et favorisée.« 

Article 4 de la loi du 21 mai 2001 (J. O. R. F. no 119 du 23 mai 2001, page 8175) dite « loi Taubira ».

Cette loi a été un tournant, car elle a officiellement intégré dans le discours national la gravité de l’esclavage et de la traite des Noirs, soulignant leur impact dévastateur sur des millions de vies.

Débats et implications actuelles en France

La loi Taubira a ouvert la voie à des débats plus larges en France sur la manière de traiter le passé colonial et esclavagiste du pays. Ces discussions portent non seulement sur l’éducation et la mémoire, mais aussi sur des questions de réparations et de justice pour les descendants des esclaves. Bien que la loi ait été un pas en avant, elle a également suscité des controverses et des débats sur son application et sur la manière dont la France devrait gérer son héritage colonial.

III. La Belgique et son passé colonial au Congo

Aperçu de la colonisation belge au Congo

La Belgique a une histoire coloniale particulièrement marquée par sa domination sur le Congo6, qui a débuté à la fin du XIXe siècle et s’est poursuivie jusqu’à l’indépendance du Congo en 1960. Cette période est caractérisée par une exploitation brutale et des abus de droits humains à grande échelle, notamment sous le règne du roi Léopold II7, qui a traité le Congo comme sa propriété personnelle. Les politiques coloniales belges ont entraîné des souffrances et des humiliations immenses pour les populations congolaises.

Excuses officielles et leur impact

En 2020, dans un geste historique, le roi Philippe de Belgique8 a exprimé ses « plus profonds regrets » pour les actes de violence et de cruauté commis pendant la période coloniale au Congo :

« Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore présentes dans nos sociétés ».

AFP, « Le roi des Belges exprime des « regrets » pour le passé colonial en RDC« , 30 juin 2020

Mais des regrets ne constituent pas une excuse formelle, ils représentent au mieux une reconnaissance significative du passé douloureux et un pas vers la « réconciliation ». Cependant, ces déclarations ont également suscité des débats sur la nécessité de mesures plus concrètes, telles que des réparations ou des politiques visant à rectifier les inégalités héritées de cette époque.

IV. Les Pays-Bas et leur héritage du commerce des esclaves

Navires de la Compagnie des Indes hollandaise, passage du Cap de Bonne Espérance, 1762 © Wikimedia commons, domaine public

Rôle des Pays-Bas dans le commerce transatlantique des esclaves

Les Pays-Bas ont joué un rôle crucial dans le commerce transatlantique des esclaves, en particulier au XVIIe et XVIIIe siècles. La Compagnie néerlandaise des Indes occidentales9 et d’autres entités commerciales néerlandaises ont été parmi les principaux transporteurs d’esclaves africains vers les Amériques. Les navires néerlandais ont transporté des centaines de milliers d’esclaves, contribuant ainsi de manière significative à l’économie de l’époque, tout en infligeant d’énormes souffrances humaines. Cette période a laissé des traces profondes dans les régions touchées par la traite des esclaves.

Excuses récentes du gouvernement néerlandais

En décembre 2020, le Premier ministre des Pays-Bas Mark Rutte10 a franchi une étape importante en présentant des excuses officielles pour le rôle du pays dans le commerce des esclaves.

« Aujourd’hui, je présente des excuses au nom du gouvernement néerlandais pour les actions de l’État néerlandais dans le passé : à titre posthume à tous les esclaves du monde entier qui ont souffert de cet acte. À leurs filles et fils et à tous leurs descendants (…). Nous ne pouvons que reconnaître et condamner l’esclavage dans les termes les plus clairs comme un crime contre l’humanité. »

M.L (avec AFP), « Les Pays-Bas présentent des excuses officielles pour leur rôle dans l’esclavage« , tf1info.fr, 19 décembre 2022.

Le chef du gouvernement néerlandais ajoutera :

« Des personnes ont été transformées en marchandise. La dignité humaine a été foulée aux pieds, d’une manière horrible ».

M.L (avec AFP), « Les Pays-Bas présentent des excuses officielles pour leur rôle dans l’esclavage« , tf1info.fr, 19 décembre 2022.

Il continuera en répétant « Je m’excuse«  en anglais, en sranan (créole surinamien) et en papiamento (créole des Antilles néerlandaises). 

Cette reconnaissance a été vue comme un moment crucial dans l’histoire des Pays-Bas, reflétant une prise de conscience et une volonté de faire face à ce passé douloureux. Ces excuses ont été accompagnées de discussions sur la manière dont le pays peut contribuer à la guérison et à la réparation, notamment à travers l’éducation et la commémoration.

V. Le Portugal et son rôle dans le commerce des esclaves

Peinture d’un marché d’esclaves dans le Brésil portugais par Jean-Baptiste Debret d’après une gravure originale du XIXe siècle de Johann Moritz Rugendas.

Histoire du Portugal dans le commerce des esclaves

Le Portugal a été l’un des premiers et des plus actifs participants au commerce transatlantique des esclaves. Dès le XVe siècle, les Portugais ont commencé à explorer la côte africaine, établissant des routes commerciales qui deviendraient plus tard centrales dans le commerce des esclaves. Ils ont joué un rôle crucial dans le déplacement de millions d’Africains vers l’Amérique et l’Europe, une entreprise qui a eu des répercussions profondes et durables sur le continent africain. L’implication du Portugal dans la traite des esclaves a non seulement façonné son économie et sa société, mais a également laissé des cicatrices durables sur les cultures et les populations africaines.

Reconnaissance et déclarations actuelles

6 novembre 2017 ; António Costa, Premier ministre, gouvernement du Portugal, au Venture Summit Content pendant le Web Summit 2017 au Convento De Beato à Lisbonne. Photo par Diarmuid Greene/Web Summit via Sportsfile

Récemment, le Portugal a commencé à reconnaître plus ouvertement son rôle dans le commerce des esclaves. Nous retiendrons notamment les propos du président portugais, Marcelo Rebelo de Sousa, en marge de la commémoration annuelle de la Révolution portugaise des œillets de 1974 :

« S’excuser est parfois ce qu’il y a de plus simple : vous vous excusez, puis vous tournez le dos et le boulot est fait ! »

« Le Portugal doit-il s’excuser pour son rôle dans l’esclavage ?« , radiofrance.fr, 27 avril 2023.

Des déclarations publiques et des initiatives éducatives ont été mises en place pour sensibiliser le public à cette partie de l’histoire portugaise. Bien que le pays n’ait pas encore présenté d’excuses formelles, ces efforts représentent des pas importants vers la reconnaissance et la compréhension de l’impact de la traite des esclaves. Le débat sur la manière dont le Portugal devrait aborder cette question de manière plus complète et réparatrice est toujours en cours, avec des appels croissants pour une reconnaissance plus profonde et des mesures de réparation.

VI. L’Espagne et sa relation complexe avec le colonialisme

Histoire coloniale de l’Espagne

L’Espagne, l’une des premières puissances coloniales européennes, a une histoire complexe et profondément enracinée dans le colonialisme. Dès le 15ème siècle, avec les voyages de Christophe Colomb, l’Espagne a établi un vaste empire colonial11, s’étendant de l’Amérique latine à certaines parties de l’Afrique, de l’Asie et même de l’Océanie. Cette période a été marquée par la conquête, l’exploitation des ressources naturelles et humaines, et l’imposition de la domination culturelle et religieuse espagnole. L’esclavage a également joué un rôle dans les colonies espagnoles, bien que son histoire et son impact diffèrent de ceux du commerce transatlantique des esclaves mené par d’autres puissances européennes.

Position actuelle de l’Espagne sur les excuses

La position de l’Espagne concernant les excuses pour son passé colonial reste complexe et quelque peu ambivalente. Contrairement à certains de ses homologues européens, l’Espagne n’a pas encore présenté d’excuses formelles pour les actions et les politiques menées pendant sa période coloniale. Cette réticence peut être attribuée à divers facteurs, notamment la manière dont l’histoire coloniale est perçue et enseignée en Espagne, ainsi qu’aux implications politiques et diplomatiques d’une telle démarche.

VII. L’Italie et ses excuses pour la colonisation de la Libye

Contexte de la colonisation italienne en Libye

L’histoire de la colonisation italienne en Libye12, débutant en 1911 et se poursuivant jusqu’à l’après Seconde Guerre mondiale, est marquée par des périodes de conflit intense et de répression brutale. L’Italie, cherchant à établir son empire colonial, a imposé sa domination sur la Libye par des moyens militaires et politiques, entraînant des pertes humaines considérables et des déplacements massifs de populations. Cette période a également vu l’application de politiques de ségrégation raciale et l’exploitation économique du territoire libyen, laissant des cicatrices profondes qui ont affecté les relations italo-libyennes pendant des décennies.

Excuses formelles de l’Italie et leur signification

MUAMMAR AL GHEDDAFI SILVIO BERLUSCONI

En 2008, dans un geste historique, l’Italie, sous la direction du Premier ministre Silvio Berlusconi13, a présenté des excuses formelles à la Libye pour les souffrances infligées pendant la période coloniale :

« Il est de mon devoir, en tant que chef du gouvernement, de vous exprimer au nom du peuple italien notre regret et nos excuses pour les blessures profondes que vous nous avons causées »

« L’Italie présente ses excuses à la Libye pour la colonisation« , france24.com, 30 août 2008.

Ces excuses ont été accompagnées d’un accord de réparation, incluant des investissements et des compensations financières. Ce moment a été significatif non seulement en termes de reconnaissance du passé douloureux, mais aussi comme un effort pour améliorer les relations bilatérales et promouvoir la coopération future. Les excuses de l’Italie ont été un exemple de la manière dont les nations peuvent s’engager dans un processus de réconciliation et de réparation pour les injustices historiques.

VIII. L’Allemagne et le génocide des Herero et Namaqua

Le génocide en Namibie sous la colonisation allemande

L’histoire coloniale de l’Allemagne en Namibie est marquée par un épisode tragique et brutal : le génocide des peuples Herero et Namaqua au début du 20ème siècle14. Sous le régime colonial allemand, ces communautés ont subi des atrocités massives, notamment des massacres, des déplacements forcés et des conditions de vie inhumaines dans des camps de concentration. On estime que 65 000 de Héréros et près de 20 000 Namaqua ont perdu la vie durant cette période, ce qui constitue le premiers génocide du 20ème siècle. Cette tragédie a laissé des cicatrices profondes et durables sur le peuple namibien et a eu un impact significatif sur l’histoire de la Namibie.

Reconnaissance et excuses de l’Allemagne

Après des années de négociations et de pressions internationales, l’Allemagne a officiellement reconnu en 2021 le génocide des Herero et Namaqua comme tel :

« Nous qualifions officiellement ces événements pour ce qu’ils sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide. »

Thomas Wieder, « L’Allemagne demande pardon à la Namibie pour le génocide des Herero et des Nama« , lemonde.fr, 29 mai 2021.

Heiko Maas15 le ministre allemand des affaires étrangères a présenté ses excuses et s’est engagé à fournir une aide au développement et des projets de reconstruction en Namibie, en guise de réparation :

« A la lumière de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes « 

Thomas Wieder, « L’Allemagne demande pardon à la Namibie pour le génocide des Herero et des Nama« , lemonde.fr, 29 mai 2021.

Cette reconnaissance a été un moment historique, non seulement pour les relations entre l’Allemagne et la Namibie, mais aussi dans le contexte plus large de la reconnaissance des crimes coloniaux. Cependant, cette démarche a également suscité des débats sur l’adéquation des mesures prises et sur la nécessité d’une implication plus directe des communautés affectées dans le processus de réparation.

Notre réponse Noire&Fière…

Nous, la communauté noire d’Europe, sommes à un tournant historique. Face aux excuses présentées par divers pays pour leur rôle dans l’esclavage et la colonisation, il est temps pour nous d’agir de manière unie et déterminée. Ces excuses ne doivent pas être perçues comme une fin en soi, mais plutôt comme le début d’un processus de guérison et de réparation16. Nous devons saisir cette opportunité pour exiger des réparations tangibles et des actions concrètes qui vont au-delà des mots. Organisons-nous en manifestations, en initiatives éducatives, et en forums pour renforcer notre unité et sensibiliser davantage à notre histoire.

C’est le moment de promouvoir l’autodétermination17 économique et politique de notre communauté. Engageons-nous dans des dialogues directs et significatifs avec les gouvernements, en veillant à ce que les voix de notre communauté soient entendues et prises en compte. Notre lutte va au-delà de la reconnaissance des torts passés ; elle aspire à un avenir où l’héritage de l’esclavage et du colonialisme est non seulement reconnu, mais aussi activement rectifié. Unissons-nous dans cette quête d’équité et de dignité, car c’est ensemble que nous trouverons la force de bâtir un avenir meilleur pour nous-mêmes et les générations futures.

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Notes et références

  1. Traite transatlantique des esclaves : La traite transatlantique des esclaves, également connue sous le nom de commerce triangulaire, a été un système de commerce d’esclaves qui a eu lieu du XVIe au XIXe siècle. Elle impliquait le transport massif d’Africains, capturés et vendus comme esclaves, vers les Amériques. Les esclaves étaient principalement utilisés dans les plantations de produits tels que le tabac, le sucre, le coton et le café. Cette traite a été l’une des plus grandes déportations forcées de l’histoire de l’humanité, avec des estimations indiquant que plus de 12 millions d’Africains ont été transportés vers le Nouveau Monde. La traite transatlantique des esclaves a eu des conséquences dévastatrices sur les sociétés africaines et a joué un rôle central dans l’économie des empires coloniaux européens. Elle a également laissé un héritage durable de racisme et d’inégalité. La traite a progressivement pris fin au XIXe siècle, avec l’abolition de l’esclavage dans les principales puissances coloniales. ↩︎
  2. Tony Blair (né en 1953) : Homme politique britannique, Tony Blair a été Premier ministre du Royaume-Uni de 1997 à 2007, sous l’étiquette du Parti travailliste. Pendant son mandat, il a été connu pour ses réformes intérieures et sa politique étrangère active. En 2007, Blair a exprimé des regrets au nom du Royaume-Uni pour le rôle du pays dans la traite transatlantique des esclaves. Cette déclaration, bien qu’elle ne soit pas une excuse formelle, a été un moment significatif dans la reconnaissance du passé esclavagiste du Royaume-Uni. Blair a également joué un rôle clé sur la scène internationale, notamment en participant à l’intervention en Irak en 2003, une décision qui reste controversée. ↩︎
  3. « Blair ‘sorry’ for UK slavery role« , .bbc.co.uk, 14 mars 2007 ↩︎
  4. Loi Taubira (2001) : Officiellement connue sous le nom de « Loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité », cette loi française a été adoptée le 21 mai 2001. Portée par Christiane Taubira, députée de Guyane à l’époque, la loi Taubira reconnaît la traite négrière transatlantique et l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Elle a été une étape majeure dans la reconnaissance officielle de ces tragédies historiques en France. La loi prévoit également des mesures pour l’enseignement de l’histoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions dans les écoles, ainsi que pour la commémoration annuelle de leur abolition. La loi Taubira a ouvert la voie à un dialogue plus large sur l’histoire coloniale de la France et ses répercussions contemporaines. ↩︎
  5. Christiane Taubira (née en 1952) : Femme politique française originaire de Guyane, Christiane Taubira est surtout connue pour avoir été à l’origine de la loi du 21 mai 2001, dite loi Taubira, qui reconnaît la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité en France. Cette loi a marqué un tournant dans la reconnaissance officielle de l’histoire de l’esclavage dans le pays. Taubira a également occupé diverses fonctions politiques importantes, notamment celle de Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sous la présidence de François Hollande. Elle est une figure emblématique de la gauche française et est reconnue pour son engagement en faveur des droits de l’homme et de la justice sociale. ↩︎
  6. Colonisation Belge au Congo (fin XIXe siècle – 1960) : La période de colonisation belge au Congo, qui a débuté à la fin du XIXe siècle et s’est poursuivie jusqu’à l’indépendance du Congo en 1960, est une ère marquée par une exploitation et des abus sévères, en particulier sous le règne de Léopold II. Initialement administré comme une propriété personnelle du roi Léopold II sous le nom d’État indépendant du Congo, le territoire a été le théâtre d’atrocités massives, notamment des travaux forcés, des mutilations et des massacres, dans le cadre de l’extraction de ressources naturelles comme le caoutchouc. La gestion du Congo par Léopold II a suscité une indignation internationale, conduisant finalement à la prise de contrôle du territoire par l’État belge en 1908. La période coloniale qui a suivi a continué d’être caractérisée par une domination et une exploitation économique, bien que les abus les plus flagrants aient été atténués. La colonisation a pris fin avec l’indépendance du Congo en 1960, un événement qui a marqué un tournant majeur dans l’histoire de la région. ↩︎
  7. Roi Léopold II (1835-1909) : Léopold II fut roi de Belgique de 1865 à 1909. Il est tristement célèbre pour son régime brutal en État indépendant du Congo, une région qu’il contrôlait personnellement et qui est devenue plus tard la République démocratique du Congo. Sous son règne, le Congo a été le théâtre d’atrocités massives et d’une exploitation extrême. Les politiques de Léopold en matière de collecte de caoutchouc et d’ivoire ont conduit à des abus systématiques, y compris des mutilations, des massacres et des conditions de travail inhumaines, causant la mort de millions de Congolais. Sa gestion du Congo est souvent citée comme un exemple parmi les plus brutaux de l’ère coloniale. La pression internationale a finalement forcé Léopold à transférer le contrôle du Congo à l’État belge en 1908. ↩︎
  8. Roi Philippe de Belgique (né en 1960) : Philippe est l’actuel roi des Belges, ayant accédé au trône en 2013. En 2020, il a marqué l’histoire en exprimant, pour la première fois de la part d’un souverain belge, des regrets pour les actes de violence et de cruauté commis pendant la période coloniale au Congo. Cette période, particulièrement sous le règne de Léopold II, a été caractérisée par une exploitation et des abus extrêmes, entraînant des souffrances et des pertes humaines considérables parmi la population congolaise. Les déclarations du roi Philippe ont été perçues comme un pas important vers la reconnaissance et la réconciliation pour les atrocités commises pendant cette période coloniale. ↩︎
  9. Compagnie néerlandaise des Indes occidentales (1621-1791) : La Compagnie néerlandaise des Indes occidentales (WIC) était une compagnie commerciale chartered créée par les Provinces-Unies (aujourd’hui les Pays-Bas) en 1621. Elle avait pour but de mener des activités commerciales dans les Amériques et en Afrique de l’Ouest. La WIC a joué un rôle majeur dans le commerce atlantique, y compris dans la traite transatlantique des esclaves. Elle était responsable du transport de nombreux esclaves africains vers les Amériques, notamment vers les colonies néerlandaises dans les Caraïbes et au Brésil. La compagnie a également été impliquée dans des activités militaires et coloniales, notamment la prise de contrôle de territoires en Amérique du Sud et dans les Caraïbes. La WIC a été dissoute en 1791, à la suite de difficultés financières et de la perte de ses monopoles commerciaux. ↩︎
  10. Mark Rutte (né en 1967) : Homme politique néerlandais, Premier ministre des Pays-Bas depuis 2010. Sous sa direction, le gouvernement néerlandais a présenté des excuses pour le rôle du pays dans le commerce transatlantique des esclaves, marquant une étape importante dans la reconnaissance de ce passé historique. ↩︎
  11. Empire Colonial Espagnol (1492-1975) : L’Empire colonial espagnol, initié avec le voyage de Christophe Colomb en 1492, représente l’une des plus grandes expansions impériales de l’histoire. Cet empire s’étendait sur de vastes régions des Amériques, des Philippines, de parties de l’Afrique et même de territoires dans l’Océanie. La période coloniale espagnole est marquée par la conquête et la colonisation de vastes territoires, l’exploitation des ressources naturelles et humaines, ainsi que la conversion forcée des populations autochtones au christianisme. L’empire a eu un impact profond sur les cultures mondiales, notamment à travers la diffusion de la langue espagnole et du catholicisme. La décolonisation a commencé au début du 19ème siècle avec les guerres d’indépendance en Amérique latine et s’est poursuivie jusqu’au milieu du 20ème siècle, avec la perte des dernières colonies en Afrique, notamment le Sahara occidental et la Guinée équatoriale en 1975. ↩︎
  12. Colonisation Italienne de la Libye (1911-1943) : La période de colonisation italienne en Libye a débuté en 1911, lorsque l’Italie a envahi et occupé la région, alors sous contrôle de l’Empire ottoman. Cette occupation s’est transformée en une administration coloniale qui a duré jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période, l’Italie a mis en œuvre des politiques de colonisation et d’assimilation forcée, accompagnées de répression militaire et de discrimination contre la population locale. La colonisation a également été marquée par des projets d’infrastructure et de modernisation, mais ceux-ci étaient souvent au service des intérêts italiens et se faisaient au détriment des populations et cultures locales. La résistance libyenne à la domination italienne a été notable, notamment sous la direction de figures comme Omar Al-Mukhtar. La colonisation a pris fin avec la défaite de l’Italie lors de la Seconde Guerre mondiale en 1943. ↩︎
  13. Silvio Berlusconi (1936-2023) : Homme politique italien et entrepreneur médiatique, Silvio Berlusconi a été Premier ministre de l’Italie à plusieurs reprises. Il a joué un rôle notable dans les relations internationales de l’Italie, notamment en présentant des excuses formelles à la Libye pour les souffrances infligées pendant la période de colonisation italienne. Berlusconi était également connu pour son style de leadership controversé et son impact significatif sur la politique et les médias italiens. ↩︎
  14. Génocide des Herero et Namaqua (1904-1908) : Ce génocide, perpétré par les forces coloniales allemandes dans ce qui est aujourd’hui la Namibie, est considéré comme le premier génocide du 20ème siècle. Il a été dirigé contre les peuples autochtones Herero et Namaqua. Suite à une série de rébellions contre la domination coloniale allemande, les forces allemandes ont répondu par une campagne de répression brutale, entraînant la mort de dizaines de milliers d’Herero et de Namaqua par le biais de massacres, de déplacements forcés dans le désert (où beaucoup sont morts de soif), et de conditions inhumaines dans des camps de concentration. Les estimations suggèrent que jusqu’à 80% de la population Herero et 50% de la population Namaqua ont été tués. ↩︎
  15. Heiko Maas (né en 1966) : Homme politique allemand, membre du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD). Il a été ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne de 2018 à 2021. Pendant son mandat, il a joué un rôle clé dans la reconnaissance par l’Allemagne du génocide des Herero et Namaqua en Namibie, contribuant à l’établissement d’un accord de réparation et à la présentation d’excuses officielles pour ces crimes historiques. ↩︎
  16. Réparations : Compensation pour l’injustice et les dommages causés par l’esclavage et la colonisation, pouvant inclure des mesures financières, des excuses officielles, et des politiques de restitution. ↩︎
  17. Autodétermination : Principe selon lequel les peuples ont le droit de choisir librement leur statut politique et de poursuivre leur développement économique, social et culturel. ↩︎

Le célèbre test des poupées de Mamie et Kenneth Clark

Plongez dans l’histoire du « test des poupées » de Mamie et Kenneth Clark, une étude pionnière révélant l’impact du racisme sur la perception de soi chez les enfants afro-américains. Cette recherche a joué un rôle crucial dans le jugement historique de Brown contre Board of Education, marquant un tournant dans la lutte contre la ségrégation raciale.

Le test des poupées : une fenêtre sur les cœurs et les esprits des enfants face au racisme

Sans titre, Harlem, New York, 1947

Un tournant historique dans la lutte pour les droits civiques

Dans l’histoire passionnante de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, un épisode particulier se démarque : l’affaire « Brown contre Board of Education« 1. Cette décision historique de la Cour suprême, rendue le 17 mai 1954, a mis fin à la ségrégation raciale2 dans les écoles américaines. Au cœur de cette révolution, on trouve un couple de scientifiques extraordinaires, Mamie et Kenneth Clark3. Ces deux psychologues noirs ont consacré leur vie à étudier et à combattre les préjugés raciaux chez les enfants. Leur outil ? Un test simple mais révélateur, connu sous le nom de « test des poupées ».

Le test des poupées : miroir des perceptions enfantines

Imaginez la scène : un enfant noir assis à une table, face à quatre poupées. Deux de ces poupées ont la peau brune et les cheveux noirs, tandis que les deux autres sont blanches aux cheveux blonds. Le psychologue pose alors une série de questions à l’enfant, chacune visant à comprendre ses préférences et perceptions :

  1. « Montre-moi la poupée avec laquelle tu préfères jouer. »
  2. « Montre-moi la poupée que tu trouves la plus jolie. »
  3. « Montre-moi la poupée qui, selon toi, n’a pas l’air bien. »
  4. « Montre-moi la poupée qui a une belle couleur. »
  5. « Montre-moi la poupée qui ressemble à un enfant blanc. »
  6. « Montre-moi la poupée qui ressemble à un enfant de couleur. »
  7. « Montre-moi la poupée qui ressemble à un enfant noir. »
  8. « Montre-moi la poupée qui te ressemble. »

Une réalité surprenante : les préférences des enfants

Les réponses de ces jeunes participants, toutes soigneusement enregistrées, ont révélé des vérités surprenantes. Que ce soit dans les écoles du Sud ou du Nord, les préférences des enfants étaient étonnamment similaires : une majorité d’entre eux choisissaient les poupées blanches. 67 % préféraient jouer avec la poupée blanche, 59 % la trouvaient « sympa », tandis que seulement 17 % pensaient que la poupée blanche avait mauvaise mine. À l’inverse, 59 % des enfants qualifiaient la poupée brune de « moche ». Et n’oublions pas, tous ces enfants étaient noirs.

L’impact invisible du racisme sur les jeunes esprits

Ce test, simple en apparence, a révélé l’impact profond et souvent inconscient du racisme sur les jeunes esprits. Il a non seulement éclairé la compréhension des préjugés raciaux chez les enfants, mais a également joué un rôle clé dans l’une des décisions judiciaires les plus importantes de l’histoire américaine.

Le miroir de l’âme : révélations et émotions dans le test des poupées

test des poupées
Sans titre, Harlem, New York, 1947

Une question, des émotions inattendues

La dernière question du test des poupées a révélé un aspect particulièrement émouvant et troublant.

« Peux-tu me montrer la poupée qui te ressemble ? » demandait le psychologue. Face à cette question, la réaction de certains enfants était bouleversante. Mamie et Kenneth Clark ont observé que plusieurs enfants, submergés par l’émotion, ont éclaté en sanglots. Certains étaient tellement bouleversés qu’ils ont quitté la pièce en pleurs, incapables de se calmer.

Comprendre l’impact de la couleur de peau

Ces moments poignants ont profondément marqué le Dr Kenneth Clark. Il a plus tard réfléchi à ces expériences et en a tiré une conclusion importante :

« la couleur dans une société raciste était une composante très perturbante et traumatisante du sentiment d’estime de soi et de valeur d’un individu ».

Cette réaction des enfants, si sincère et si intense, met en lumière les effets psychologiques profonds du racisme dès le plus jeune âge. Elle souligne combien il est fondamental de comprendre et de combattre ces préjugés pour construire une société plus juste et plus bienveillante.

Au-delà du test : une exploration de la conscience raciale chez les enfants

Le « test des poupées » est une expérience qui a marqué l’histoire, surtout pour son impact énorme dans le mouvement des Droits Civiques aux États-Unis. Imaginez : Mamie et Kenneth Clark, deux psychologues, ont posé une série de questions à 253 enfants, âgés seulement de 3 à 7 ans. Leur but ? Comprendre comment la ségrégation influençait la façon dont ces enfants voyaient les races différentes, y compris la leur.

Les questions étaient réparties en trois catégories : les préférences raciales (questions 1 à 4), la conscience de leur propre race (questions 5 à 7) et comment ils se voyaient eux-mêmes (question 8). C’était comme une fenêtre ouverte sur leur petit monde intérieur, influencé par la société autour d’eux.

Des écoles séparées aux réponses unifiées

La moitié de ces enfants venait des écoles séparées par races dans le sud de l’Arkansas, où ils avaient peu ou pas de contact avec des enfants blancs. L’autre moitié, elle, fréquentait des écoles où tous les enfants, quelle que soit leur couleur de peau, apprenaient ensemble dans l’État du Massachusetts, au nord.

Cette expérience, simple en apparence, a révélé des vérités profondes sur l’impact de la ségrégation et a aidé à changer le cours de l’histoire aux États-Unis.

Réflexions critiques sur le test des poupées : complexités et questionnements

Des réactions variables selon l’environnement scolaire et influence de l’ordre des questions

Bien que le test des poupées ait joué un rôle crucial dans l’histoire des droits civiques, il n’est pas sans susciter quelques interrogations et critiques.

Un fait intrigant et non expliqué à l’époque est que les enfants des écoles mixtes, où cohabitaient différentes races, avaient tendance à porter un jugement plus négatif sur les poupées brunes. Cela soulève une question intéressante : pourquoi donc ? De plus, il semble que l’ordre dans lequel les questions étaient posées pouvait aussi influencer les réponses des enfants. C’est un peu comme si changer l’ordre des questions changeait la manière dont les enfants réfléchissaient.

Considérations sur la méthodologie de l’étude

Il y a aussi des points à considérer sur la manière dont l’étude a été menée. Par exemple, les chercheurs, Mamie et Kenneth Clark, étaient eux-mêmes noirs. Cela aurait-il pu, sans le vouloir, influencer les résultats ? Et puis, il y a le fait que les poupées brunes utilisées dans le test étaient en réalité des poupées blanches peintes en brun, car à l’époque, il n’existait pas de poupées brunes. Ces poupées « transformées » pouvaient sembler étranges aux enfants, ce qui aurait pu affecter leur choix.

Toutes ces petites nuances montrent que même les expériences les plus célèbres et les plus influentes peuvent avoir leurs propres complexités et défis.

Leçons durables du test des poupées : construire un avenir plus juste

test des poupées

En conclusion, le test des poupées de Mamie et Kenneth Clark est bien plus qu’une simple expérience avec des jouets. C’est une fenêtre ouverte sur les pensées et les sentiments des enfants face à des questions complexes sur la race et l’identité. Bien que l’étude ait ses limites et suscite des questions, elle reste un témoignage puissant de l’impact du racisme et de la ségrégation sur les jeunes esprits.

Cette expérience nous rappelle que les enfants, même très jeunes, perçoivent et sont influencés par les attitudes et les préjugés de la société qui les entoure. Elle souligne l’importance de créer un environnement plus juste et plus inclusif pour tous, où chaque enfant peut se sentir valorisé et accepté tel qu’il est.

Le test des poupées n’est pas juste une page de l’histoire ; c’est une leçon qui continue de résonner aujourd’hui. Il nous encourage à réfléchir sur nos propres préjugés et à travailler ensemble pour construire un monde où la couleur de la peau ne détermine pas la valeur d’une personne. Un monde où chaque enfant peut choisir sa poupée préférée, non pas à cause de la couleur de sa peau, mais simplement parce qu’elle lui plaît.

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Notes et références

  1. Brown contre Board of Education (1954) : Cette décision historique a été prise par la Cour suprême des États-Unis. En 1954, les juges ont statué que séparer les enfants dans les écoles publiques en fonction de leur couleur de peau était inconstitutionnel. Cela signifie que la loi ne pouvait plus permettre des écoles séparées pour les enfants blancs et noirs. Cette décision a marqué un tournant majeur dans la lutte pour l’égalité des droits aux États-Unis, en mettant fin officiellement à la ségrégation dans les écoles. C’était un grand pas vers une société où chaque enfant, quelle que soit sa race, a le droit à la même éducation de qualité. ↩︎
  2. Ségrégation raciale (1877 – 1964) : La ségrégation raciale était une pratique courante, surtout aux États-Unis, qui consistait à séparer les personnes en fonction de leur race ou de leur couleur de peau. Cette séparation se manifestait dans la vie quotidienne, comme dans les écoles, les transports publics, les restaurants et même les fontaines d’eau potable. Les lois soutenant cette ségrégation, connues sous le nom de lois Jim Crow dans le Sud des États-Unis, ont été en vigueur jusqu’au milieu du 20e siècle. La ségrégation était basée sur l’idée que les races étaient naturellement différentes et devaient être séparées, une idée qui a été largement discréditée et condamnée pour son caractère injuste et discriminatoire. La lutte contre la ségrégation raciale a été un élément central du mouvement des droits civiques, menant à des changements législatifs majeurs pour promouvoir l’égalité et la justice pour tous, indépendamment de la race. ↩︎
  3. Mamie (1914 – 2005) et Kenneth Clark (1917 – 1983) : Mamie Phipps Clark et Kenneth Clark étaient un couple de psychologues afro-américains très influents. Ils sont surtout connus pour leurs recherches révolutionnaires sur les effets du racisme et de la ségrégation sur les enfants noirs. Leur étude la plus célèbre est le « test des poupées », où ils ont utilisé des poupées de différentes couleurs de peau pour étudier les perceptions et les préférences des enfants en matière de race. Leurs travaux ont eu un impact considérable, notamment en contribuant à la décision historique de la Cour suprême dans l’affaire Brown contre Board of Education. Mamie et Kenneth Clark ont non seulement aidé à changer les lois, mais aussi à ouvrir les yeux de nombreuses personnes sur l’impact psychologique profond du racisme dès le plus jeune âge. ↩︎

Drapétomanie : aperçu historique d’une pseudo-science raciste

Découvrez l’histoire troublante de la drapétomanie, un concept raciste du XIXe siècle utilisé pour justifier l’esclavage des Noirs en Amérique. Nofi vous dévoile les idées fausses de Samuel Cartwright et examine l’impact de ces croyances sur la perception de la race et de la médecine. Découvrez comment ce chapitre sombre de l’histoire continue d’influencer les discussions sur la race et la santé aujourd’hui.

Samuel Cartwright et la naissance de la drapétomanie

Drapétomanie

En 1849, aux États-Unis, l’esclavage était une réalité brutale, particulièrement en Louisiane. C’est dans ce contexte que Samuel Cartwright, un médecin connu pour ses idées esclavagistes, fut choisi pour diriger une étude sur les maladies prétendument spécifiques aux Africains-Américains. En 1851, Cartwright dévoile ses conclusions lors d’une conférence médicale, et c’est là que l’histoire prend un tournant pour le moins surprenant.

Imaginez un instant : un médecin sérieux, devant une assemblée de professionnels, affirmant avoir découvert une nouvelle maladie. Mais pas n’importe laquelle ! Une maladie qui pousserait les esclaves à fuir leur condition. Il l’appelle « drapétomanie« , un terme qu’il invente en combinant des mots grecs pour décrire cette soi-disant pathologie. Selon lui, les esclaves qui tentaient de s’échapper étaient en réalité… malades !

Cette théorie, aussi absurde qu’elle puisse paraître aujourd’hui, était prise au sérieux à l’époque. Elle reflète une époque où la science était malheureusement utilisée pour justifier des croyances racistes et soutenir un système inhumain. Alors, accrochez-vous bien, car cette histoire est un véritable voyage dans les méandres de la pseudoscience et de la négrophobie de l’époque.

Dans son étonnant rapport intitulé « Diseases and Physical Peculiarities of the Negro Race« , le Dr Samuel Cartwright prétendait que les personnes noires étaient physiologiquement différentes des personnes blanches. Imaginez un peu : il soutenait que les Noirs avaient des cerveaux plus petits, une peau plus sensible et un système nerveux particulièrement développé. Selon lui, ces caractéristiques expliqueraient pourquoi les Noirs étaient, d’après ses dires, naturellement enclins à la servitude. Oui, vous avez bien lu !

Cartwright, considéré à l’époque comme une autorité en médecine, n’hésitait pas à affirmer ces idées avec une assurance déconcertante. Ses théories, qui nous semblent aujourd’hui complètement absurdes, étaient alors prises au sérieux et reflétaient les préjugés raciaux profondément ancrés dans la société de l’époque :

« Si l’homme blanc tente de s’opposer à la volonté de la divinité, en essayant de faire en sorte que le nègre soit autre chose que « le plié-genou soumis » (que le Tout-Puissant a déclaré qu’il devrait être), en essayant de l’élever à un niveau égal à lui-même, ou se mettre sur un pied d’égalité avec le nègre; ou s’il abuse du pouvoir que Dieu lui a donné sur son prochain, en le cruel, en le punissant de colère, ou en négligeant de le protéger des abus injustifiés de ses semblables et de tous les autres, ou en le privant du confort habituel et des nécessités de la vie, le nègre s’enfuira; mais s’il le maintient dans la position que nous apprenons des Écritures qu’il était destiné à occuper, c’est-à-dire la position de soumission; et si son maître ou son surveillant est gentil et compatissant dans son audition envers lui, sans condescendance, et en même temps il répond à ses besoins physiques et le protège des abus, le nègre est enchanté par les sorts et ne peut pas fuir »

S. L. Chorover. From Genesis to Genocide (Cambridge, Massachusetts: MIT Press 1974). p. 150.

La Drapétomanie : définition et origines

Samuel Cartwright, dans un élan de créativité pour le moins discutable, a forgé le terme « Drapétomanie« . Ce mot, qui semble sorti tout droit d’un roman de science-fiction, est en fait un assemblage de deux mots grecs : δραπέτης (drapetes, signifiant « esclave en fuite ») et μανία (manie, signifiant « folie »). Son idée ? Décrire une prétendue maladie mentale, une invention de son esprit influencé par ses croyances esclavagistes.

Selon Cartwright, si un esclave africain captif était atteint de cette « drapétomanie », il ressentait une envie irrépressible de s’échapper de sa condition d’esclave pour chercher la liberté. Oui, vous avez bien lu : dans son esprit, le désir de liberté était considéré comme une pathologie. Une idée qui, aujourd’hui, nous semble totalement absurde, mais qui à l’époque était prise au sérieux par certains.

Drapétomanie

Pour ce médecin de pacotille, l’origine de cette soi-disant maladie, résidait dans la manière dont les esclaves étaient traités par leurs maîtres. Il avançait l’idée surprenante que si les esclaves se mettaient à fuir, c’était parce qu’ils étaient traités trop humainement, voire comme des égaux par leurs maîtres. Oui, c’est bien ce qu’il pensait !

Cartwright soutenait que cette égalité de traitement, cette humanité excessive, était la cause profonde de la drapétomanie. Il argumentait que si les esclaves étaient maintenus dans un état de soumission et traités de manière strictement inférieure, ils ne chercheraient pas à s’échapper. Cette perspective, totalement inimaginable aujourd’hui, reflète les croyances déformées et les justifications de l’esclavage de l’époque :

« S’ils sont bien traités, bien nourris et habillés, avec assez de carburant pour garder un petit feu qui brûle toute la nuit (séparés dans des familles, chaque famille ayant sa propre maison) ayant interdiction de courir ça et là dans la nuit pour visiter leurs voisins, de recevoir des visites ou d’utiliser des boissons enivrantes, et non surchargés de travail ou exposés trop le temps, ils sont très facilement contrôlables ; plus que tout autre peuple au monde. Si l’un ou plusieurs d’entre eux, à tout moment, sont enclins à lever la tête au niveau de leur maître ou du surveillant, l’humanité et leur propre bien exige qu’ils soient punis jusqu’à ce qu’ils retombent dans cet état de soumission qui a été conçu pour eux. Ils doivent uniquement être gardés dans cet état, et traités comme des enfants pour prévenir et les guérir de l’envie de fuguer. »

Cartwright, Samuel A. (1851). « Diseases and Peculiarities of the Negro Race ». DeBow’s Review.

Dans cette étrange logique de Cartwright, il existait un « remède » pour la drapétomanie, aussi cruel qu’absurde. Il préconisait des méthodes brutales telles que l’administration de sévères coups de fouet ou même l’amputation des orteils du malheureux esclave atteint de cette prétendue maladie. Selon lui, ces traitements barbares étaient censés « guérir » l’esclave de son désir de liberté, permettant ainsi aux maîtres de dormir tranquilles, convaincus que leur « patient » était remis de sa « folie ».

Cette vision déformée et inhumaine est un rappel sombre de la façon dont la médecine a été détournée pour soutenir des systèmes oppressifs. L’histoire de la drapétomanie illustre comment, dans un contexte de pouvoir et de domination comme l’esclavage, les idées les plus ridicules et les plus cruelles peuvent être avancées pour justifier l’injustifiable. Cela souligne l’importance de rester vigilant et critique face aux discours dominants, comme le rappelait le groupe Public Enemy en 1988 : « Don’t believe the hype!« 

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Notes et références

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

Nofi Explore les huit principales façons dont les personnes noires font face aux discriminations en France, un sujet crucial pour comprendre et combattre le racisme dans la société moderne.

Au pays des « Lumières », nous autres, membres de la communauté afro, sommes confrontés à diverses formes de discriminations et de « maltraitances » qui façonnent notre quotidien et notre expérience collective. Ces pratiques, enracinées dans une histoire longue et complexe de racisme, continuent de nous affecter dans plusieurs domaines de la vie.

1. Discrimination à l’emploi :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

En tant que communauté Afro-descendante en France, nous sommes souvent confrontés à des stéréotypes professionnels emprunt de racisme. Il est fréquent que nos compétences et qualifications soient sous-évaluées par rapport à celles de nos collègues blancs. De plus, des idées fausses sur notre fiabilité et notre éthique professionnelle circulent, nuisant à notre réputation dans le milieu de travail.

Nous sommes également confrontés à des stéréotypes nuisibles nous dépeignant comme agressifs ou difficiles à gérer, ce qui peut limiter nos opportunités d’emploi, en particulier dans des rôles nécessitant des interactions fréquentes avec les clients ou au sein d’équipes. Par ailleurs, il y a des suppositions erronées sur notre maîtrise de la langue française, surtout pour ceux d’entre nous ayant des noms à consonance africaine ou musulmane, même si nous sommes nés et éduqués en France.

Enfin, notre apparence physique, y compris nos styles de cheveux naturels comme les coupes afros ou les locks, est parfois jugée moins professionnelle. Ces stéréotypes et préjugés constituent des barrières significatives dans notre vie professionnelle et nécessitent une prise de conscience et des actions pour promouvoir l’égalité et la diversité sur le lieu de travail.

2. Profilage racial par la police :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

Le profilage racial par les forces de l’ordre est un défi quotidien pour nous. Nous sommes régulièrement ciblés lors de contrôles, non pour notre comportement, mais en raison de notre apparence. Ces expériences, souvent traumatisantes, renforcent un sentiment de méfiance et d’injustice.

Le profilage racial par la police se manifeste de diverses manières. Nous sommes régulièrement soumis à des contrôles d’identité disproportionnés, des fouilles corporelles et des interrogatoires, simplement en raison de notre couleur de peau. Ces interactions, loin d’être neutres ou justifiées, reflètent une discrimination institutionnalisée et un racisme systémique au sein des forces de l’ordre.

Ces pratiques ne sont pas seulement humiliantes ; elles renforcent également un sentiment d’injustice et d’exclusion au sein de notre communauté. Elles contribuent à un climat de peur et de méfiance envers les autorités, compromettant ainsi notre sentiment de sécurité et de citoyenneté dans notre propre pays.

De plus, le profilage racial a des répercussions sur notre vie quotidienne, limitant notre liberté de mouvement et notre capacité à participer pleinement à la société. Il est essentiel de reconnaître et de combattre ces pratiques discriminatoires pour assurer l’égalité de traitement et le respect des droits fondamentaux pour tous, indépendamment de la couleur de peau.

3. Accès limité au logement :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

Dans notre quête d’un logement, nous faisons face à la discrimination et au racisme immobilier. Ces obstacles entravent notre accès à des logements de qualité et abordables, reflétant un racisme systémique dans le secteur immobilier.

Lors de nos démarches pour louer ou acheter un logement, nous faisons souvent face à des refus implicites ou explicites basés sur notre origine ethnique. Ces refus ne sont pas toujours ouvertement justifiés par des motifs raciaux, mais les motifs sous-jacents de discrimination sont évidents. Par exemple, il nous arrive de recevoir des réponses négatives ou de ne pas être rappelés après avoir soumis une candidature pour un logement, surtout lorsque nos noms révèlent notre origine africaine ou afro-caribéenne.

En outre, nous sommes parfois confrontés à des conditions de location ou de vente défavorables, telles que des demandes de garanties excessives ou des prix majorés, qui ne sont pas exigées des candidats d’autres origines. Ces pratiques discriminatoires limitent nos options de logement et nous confinent souvent dans des quartiers moins favorisés, exacerbant ainsi les inégalités sociales et spatiales.

Le racisme immobilier ne se limite pas seulement à l’accès au logement, mais affecte également la qualité des logements qui nous sont accessibles. Nous sommes plus susceptibles de nous voir proposer des logements en mauvais état ou situés dans des zones défavorisées, ce qui a un impact direct sur notre qualité de vie et notre bien-être.

4. Inégalités éducatives :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

Nos enfants subissent des inégalités dans le système éducatif, ce qui affecte négativement leur développement et leur avenir. Ces disparités se manifestent à plusieurs niveaux, contribuant à un cycle continu d’inégalité.

Tout d’abord, nos enfants sont souvent confrontés à des attentes plus basses de la part de leurs enseignants, basées sur des stéréotypes raciaux. Cette perception biaisée peut limiter leur accès à des opportunités éducatives enrichissantes et affecter négativement leur estime de soi et leur motivation. De plus, les écoles situées dans des quartiers à forte population Afro-descendante sont souvent moins bien dotées en ressources, tant en termes de matériel pédagogique que de personnel qualifié, ce qui entrave l’accès à une éducation de qualité.

Notons enfin que le manque de représentation dans les programmes scolaires et les matériaux éducatifs contribue à un sentiment d’aliénation et d’invisibilité. L’histoire et les contributions des Afro-descendants sont souvent négligées ou mal représentées, ce qui empêche nos enfants de se voir reflétés positivement dans leur parcours éducatif.

Les inégalités éducatives ont également des répercussions à long terme, influençant les perspectives d’emploi et la mobilité sociale de nos jeunes. Sans un accès équitable à une éducation de qualité, ils se retrouvent désavantagés dans un marché du travail de plus en plus compétitif.

5. Représentation médiatique et stéréotypes :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

La représentation des Afro-descendants dans les médias français est souvent truffée de stéréotypes, ne reflétant pas adéquatement notre diversité. Cette représentation biaisée influence la perception que la société a de nous et notre propre image.

Dans les médias français, les personnages noirs sont fréquemment cantonnés à des rôles stéréotypés. Ces rôles se limitent souvent à des personnages de sportifs, d’artistes, ou à des figures liées à des problématiques de délinquance ou de pauvreté. Cette représentation unidimensionnelle ne capture pas la richesse et la complexité de nos expériences et de nos contributions à la société française.

De plus, les médias ont tendance à aborder les questions raciales et les communautés Afro-descendantes sous un angle problématique, se concentrant sur les conflits, les difficultés ou les différences culturelles, plutôt que sur les réussites, les contributions positives ou les histoires de réussite. Cette approche renforce les préjugés et les malentendus au sein de la société plus large.

La sous-représentation des Noirs dans les rôles de décision et de création dans les médias est également un problème. Le manque de diversité parmi les journalistes, les rédacteurs et les producteurs se traduit par un manque de perspectives Afro-descendantes dans le contenu médiatique, ce qui contribue à une vision biaisée et incomplète de notre communauté.

6. Harcèlement et violence raciste :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

Le harcèlement et la violence raciste font malheureusement partie de notre réalité. Des insultes aux agressions physiques, ces actes de racisme affectent notre sentiment de sécurité et notre dignité.

Le harcèlement raciste se manifeste souvent par des remarques et des blagues offensantes, des insultes ou des commentaires dégradants sur notre apparence, notre culture ou notre origine ethnique. Ces expériences, bien que parfois minimisées, ont un impact psychologique profond, engendrant un sentiment d’insécurité et d’exclusion.

La violence raciste, quant à elle, est une réalité encore plus alarmante. Des incidents où des individus de notre communauté sont physiquement attaqués en raison de leur couleur de peau sont rapportés dans les médias et par des organisations de défense des droits de l’homme. Ces actes peuvent aller de l’agression physique à des attaques plus graves, parfois même mortelles.

Les statistiques sur le harcèlement et la violence raciste en France montrent une tendance inquiétante. Selon les rapports d’organisations telles que la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), les actes racistes, antisémites et xénophobes ont tendance à augmenter, soulignant l’urgence de s’attaquer à ce problème.

7. Barrières dans le système de santé :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

Nous faisons face à des barrières significatives dans le système de santé, allant de l’accès limité aux soins à la discrimination dans le traitement médical. Ces obstacles ont un impact considérable sur notre santé et notre bien-être.

L’un des principaux problèmes que nous affrontons est l’accès limité aux soins de santé de qualité. Dans certains cas, cela est dû à la localisation géographique, les quartiers à forte population Afro-descendante étant souvent moins bien desservis en termes d’infrastructures médicales. De plus, la barrière linguistique peut être un obstacle pour ceux d’entre nous qui ne maîtrisent pas parfaitement le français, entravant notre capacité à communiquer efficacement avec les professionnels de la santé.

Le racisme dans le traitement médical est également une réalité préoccupante. Nous pouvons être confrontés à des préjugés et des stéréotypes de la part du personnel médical, qui peuvent influencer la qualité des soins que nous recevons. Par exemple, il y a des cas où nos plaintes et symptômes sont minimisés ou non pris au sérieux, ce qui peut retarder le diagnostic et le traitement appropriés.

Les femmes Afro-descendantes font face à des défis supplémentaires, en particulier dans le domaine de la santé reproductive. Elles peuvent rencontrer des professionnels de la santé qui ne sont pas sensibilisés aux spécificités culturelles et physiologiques, ce qui peut affecter la qualité des soins et du suivi pendant la grossesse et l’accouchement.

8. Isolement social et racisme :

8 formes courantes de racisme envers les Noirs en France

Toutes ces formes de discrimination contribuent à notre isolement social et à notre exclusion. Elles nous empêchent de participer pleinement à la société et de nouer des relations intercommunautaires saines et enrichissantes.

En conclusion, ces huit formes de discrimination et de maltraitance soulignent la nécessité urgente de sensibilisation et de changement. Nous appelons à une action collective pour lutter contre le racisme et promouvoir un changement social qui reconnaît et valorise la diversité et l’égalité. Ensemble, nous pouvons bâtir une société où chacun de nous est respecté et valorisé, indépendamment de la couleur de sa peau.

Le communautarisme, la solution

Il est temps pour nous d’agir avec détermination et solidarité face aux multiples formes de discrimination que nous subissons au quotidien. Notre force réside dans notre unité et notre capacité à nous soutenir mutuellement dans la lutte pour l’égalité et la justice.

Nous devons nous engager activement dans l’émancipation économique. Cela signifie créer et soutenir des entreprises noires, investir dans notre éducation financière et établir des coopératives économiques. Ces actions sont essentielles pour renforcer notre autonomie économique et promouvoir la prospérité au sein de notre communauté.

Il est également crucial de nous former et de nous sensibiliser aux droits civiques et aux stratégies de résistance au profilage racial. Participons activement à des ateliers et des formations, collaborons avec des avocats et des organisations de défense des droits pour mieux comprendre et gérer nos interactions avec les forces de l’ordre.

Dans le domaine du logement, impliquons-nous dans le développement de coopératives de logement. Ces initiatives offrent non seulement des options de logement abordables, mais elles nous permettent également de soutenir les membres de notre communauté dans leur recherche de logement, luttant ainsi contre la discrimination dans ce secteur.

Soutenons nos jeunes en mettant en place des programmes de tutorat et de mentorat. Concentrons-nous sur l’amélioration des performances scolaires et l’accès à des opportunités éducatives de qualité pour briser les cycles d’inégalités éducatives et ouvrir des voies vers un avenir meilleur.

Créons et soutenons des médias communautaires qui reflètent la diversité et la richesse de notre culture. En combattant les stéréotypes et en offrant des récits alternatifs, ces médias jouent un rôle crucial dans la redéfinition de notre image dans la société.

Formons des réseaux de soutien pour aider les victimes de harcèlement et de violence raciste. Ces réseaux offrent un espace sécurisé pour partager des expériences et développer des stratégies de résilience, renforçant ainsi notre solidarité et notre capacité à faire face collectivement à ces défis.

Engageons-nous pour un accès équitable aux soins de santé. Collaborons avec des professionnels de la santé noirs pour des services de santé culturellement sensibles et accessibles, tout en luttant contre la discrimination dans ce domaine.

Enfin, renforçons notre communauté. Organisons des événements communautaires, des forums et des ateliers pour renforcer les liens au sein de notre communauté, promouvoir l’inclusion sociale et lutter contre l’isolement.

Ensemble, nous pouvons construire une communauté forte, résiliente et unie, capable de surmonter les obstacles et de prospérer dans une société plus juste et inclusive. L’heure est à l’action. Unissons-nous et agissons pour un avenir meilleur pour nous tous.

En adoptant ces solutions, nous pouvons non seulement combattre les formes de discrimination que nous rencontrons, mais aussi renforcer notre communauté de l’intérieur, en promouvant l’autonomie, la solidarité et l’unité.

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Lisez ‘Africa Must Unite’ de Kwame Nkrumah

‘Africa Must Unite’ est un appel passionné de Kwame Nkrumah, premier président du Ghana indépendant, pour une Afrique unie et libre de l’emprise coloniale. Publié en 1963, ce livre visionnaire reste une référence incontournable pour comprendre le panafricanisme et les défis politiques et sociaux auxquels le continent est confronté.

Dans un climat mondial où les questions d’unité et d’autodétermination des nations prennent une importance croissante, « Africa Must Unite » de Kwame Nkrumah se dresse comme une lecture incontournable. Publié en 1963, ce livre visionnaire offre une analyse perspicace et un appel passionné à l’unité africaine dans le sillage de la décolonisation1. À travers cette fiche de lecture, nous plongeons dans l’esprit de Nkrumah, explorant ses arguments convaincants pour une Afrique unifiée et économiquement indépendante. Cet article vise non seulement à fournir un aperçu détaillé de l’œuvre, mais aussi à encourager nos lecteurs à découvrir par eux-mêmes la puissance et la pertinence de ce texte, qui continue de résonner dans les discussions actuelles sur le panafricanisme2 et l’avenir du continent africain.

Titre et date de l’œuvre :

Africa Must Unite

« Africa Must Unite » (l’Afrique doit s’unir en français) est un ouvrage écrit par Kwame Nkrumah, publié en 1963. Ce livre, relevant du genre politique et historique, aborde le thème de l’unité africaine et de la décolonisation. C’est devenu un texte fondamental dans la littérature panafricaine, reflétant la vision de Nkrumah pour une Afrique unie et indépendante.

Courte biographie de l’auteur et ses autres œuvres majeures :

Africa Must Unite

Kwame Nkrumah (1909-1972) était un homme politique ghanéen, leader du mouvement pour l’indépendance du Ghana, et son premier président après l’indépendance en 1957. C’est une figure clé du panafricanisme et a joué un rôle majeur dans la promotion de l’unité africaine. Parmi ses autres œuvres importantes, on trouve « Consciencism: Philosophy and Ideology for Decolonization » (1964) et « Neo-Colonialism, the Last Stage of Imperialism » (1965). Voici une frise chronologique simplifiée retraçant les moments clés de la vie de Kwame Nkrumah :

  • 1909 : Naissance de Kwame Nkrumah à Nkroful, Gold Coast3 (actuel Ghana).
  • 1935-1945 : Études aux États-Unis, où Nkrumah est influencé par les idées panafricaines et anticoloniales.
  • 1945 : Participation au 5ème Congrès Panafricain4 à Manchester, en Angleterre, aux côtés de W.E.B. Du Bois5 et George Padmore6.
  • 1947 : Retour à la Gold Coast et implication dans le mouvement pour l’indépendance.
  • 1949 : Fondation du Convention People’s Party (CPP)7, un parti politique militant pour l’indépendance.
  • 1951 : Nkrumah devient le premier Premier ministre de la Gold Coast.
  • 1957 : La Gold Coast obtient son indépendance et devient le Ghana, avec Nkrumah comme premier Premier ministre et plus tard président.
  • 1960 : Le Ghana devient une république avec Nkrumah comme premier président.
  • 1963 : Publication de « Africa Must Unite« , plaidant pour l’unité africaine.
  • 1966 : Renversement de Nkrumah par un coup d’État militaire pendant qu’il est en voyage en Chine.
  • 1966-1972 : Exil en Guinée, où Nkrumah continue de promouvoir le panafricanisme.
  • 1972 : Décès de Kwame Nkrumah à Bucarest, en Roumanie.

Résumé d' »Africa Must Unite » :

C’est un ouvrage influent écrit par Kwame Nkrumah, publié en 1963. Dans ce livre, Nkrumah, alors président du Ghana, expose sa vision pour l’avenir de l’Afrique dans le contexte postcolonial. Il plaide pour l’unité politique et économique de l’ensemble du continent africain, considérant cela comme essentiel pour la prospérité, la stabilité et l’autodétermination de l’Afrique face aux influences extérieures et au néocolonialisme8.

Nkrumah commence par analyser la situation de l’Afrique à l’époque, marquée par la fragmentation politique et la dépendance économique. Il souligne que les frontières héritées du colonialisme ont divisé le continent en petits États, souvent trop faibles pour être économiquement viables ou pour exercer une influence significative sur la scène mondiale. Pour Nkrumah, cette division est un obstacle majeur au développement et à l’unité africaine.

L’ouvrage aborde également le concept de néocolonialisme, où les anciennes puissances coloniales continuent de contrôler et d’exploiter les économies africaines, malgré l’indépendance politique formelle des nations africaines. Nkrumah soutient que l’unité africaine est le seul moyen de résister efficacement à cette forme de domination et d’assurer un développement économique autonome.

Nkrumah propose des solutions concrètes pour atteindre l’unité africaine. Il préconise la création d’un gouvernement fédéral pour toute l’Afrique, avec des politiques économiques et des systèmes de défense communs. Il insiste sur la nécessité de planifier le développement économique à l’échelle continentale, en mettant l’accent sur l’industrialisation et l’autosuffisance.

Somme toute, « Africa Must Unite » est un appel à l’action pour les dirigeants et les peuples africains. Nkrumah exhorte à la solidarité et à la coopération pour surmonter les divisions ethniques, régionales et nationales, et pour réaliser la vision d’une Afrique unie et forte.

Ce livre est considéré comme un texte fondamental dans la littérature panafricaine et reste pertinent pour comprendre les défis et les aspirations de l’Afrique contemporaine.

Les thèmes principaux :

L’unité africaine, le néocolonialisme, le développement économique, la politique africaine

Analyse et réflexions autour de chaque thème :

L’unité africaine : Nkrumah insiste sur l’importance de l’unité africaine pour la libération et le progrès du continent. Il argumente que sans unité, les pays africains resteront faibles et divisés, incapables de résister à l’influence extérieure ou de réaliser leur plein potentiel. Nkrumah envisage une union politique et économique africaine, similaire à une fédération, qui pourrait défendre les intérêts du continent sur la scène mondiale.

« Nous, qui luttons pour l’unité de l’Afrique, sommes parfaitement conscients de la bonté de nos intentions. Nous avons besoin de la force combinée de nos peuples et de nos ressources pour nous protéger du danger imminent d’un retour du colonialisme sous une fausse apparence. Nous avons besoin de cette force pour lutter contre les puissances enracinées qui divisent notre continent et continuent à maintenir des millions de nos frères dans l’esclavage. Nous avons besoin de cette force pour décréter la libération totale de l’Afrique et pour faire avancer la construction d’un système socio-économique qui permettra à la grande masse de notre population, en augmentation constante, d’atteindre des niveaux de vie comparables à ceux des pays les plus avancés. »

Africa Must Unite (1963), Kwame Nkrumah, ed. Présence Africaine, 2009, p. 329

Le néocolonialisme : Nkrumah aborde le concept de néocolonialisme, où les anciennes puissances coloniales maintiennent leur influence économique et politique en Afrique, malgré l’indépendance formelle des pays. Il met en garde contre les dangers de cette nouvelle forme de domination, qui entrave le développement véritable et l’autonomie des nations africaines.

« Alors qu’ici en Afrique, où l’objectif d’unité est incontournable, nous faisons de notre mieux pour concentrer nos efforts dans cette direction, les néocolonialistes recourent à tous les moyens pour les contrecarrer, en encourageant la formation de communautés basées sur l’identité linguistique de leurs anciens colonisateurs. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être aussi désorganisés et divisés. Le fait que je parle anglais ne fait pas de moi un citoyen anglais. De même, le fait que certains d’entre nous parlent français ou portugais ne fait pas de nous des citoyens français ou portugais. Nous sommes des Africains, un point c’est tout ; et en tant qu’Africains, nos intérêts les plus élevés ne peuvent être promus que par notre union en une communauté africaine, que ni le Commonwealth ni une communauté franco-africaine ne peuvent remplacer.

Pour nous, l’Afrique et ses îles forment un tout. Nous rejetons l’idée de toute subdivision. De Tanger ou du Caire au nord, au Cap au sud, du Cap Guardafui à l’est, aux îles du Cap Vert à l’ouest, l’Afrique est une et indivisible. »

Africa Must Unite (1963), Kwame Nkrumah, ed. Présence Africaine, 2009, p. 328

Le développement économique : L’accent est mis sur la nécessité d’une stratégie de développement économique autonome pour l’Afrique. Nkrumah prône l’utilisation des ressources africaines pour le bénéfice des Africains et suggère que l’unité économique est cruciale pour surmonter la pauvreté et le sous-développement.

« En dépit de toutes les oppositions, hostilités flagrantes et machinations qui ont sapé son succès, en dépit de l’effroyable dévastation et des pertes matérielles et humaines causées par la Seconde Guerre mondiale, l’Union soviétique est parvenue en un peu plus de trente ans à construire une machine industrielle si puissante et si avancée qu’elle a pu lancer le Spoutnik et, peu de temps après, le premier vol habité dans l’espace. On ne peut ignorer que des prouesses de cette ampleur ont été rendues possibles par un système de planification continentale, soutenu par des programmes d’inspiration socialiste clairement définis, et c’est un fait que je prends comme exemple de ce qu’un programme économique intégré pourrait représenter pour l’Afrique. »

Africa Must Unite (1963), Kwame Nkrumah, ed. Présence Africaine, 2009, p. 263

La politique africaine : Nkrumah explore les défis politiques auxquels l’Afrique est confrontée dans sa quête d’unité. Il discute de la nécessité de surmonter les divisions ethniques et régionales et propose la création d’institutions panafricaines pour faciliter la coopération et l’intégration.

« Dans un monde divisé entre des fronts opposés et des factions en guerre, si l’Afrique est désunie, elle ne peut que succomber. Patrice Lumumba, qui avait vu et vécu de près les maux engendrés par la désunion au Congo, a défendu ce point de vue avec beaucoup de conviction lorsqu’il est venu à Accra en août 1960. Tout le monde ne sait peut-être pas qu’à cette occasion, il s’est dit prêt à collaborer le plus étroitement possible avec les autres États africains indépendants pour créer une Union des États africains.
Les divergences entre les États africains indépendants ne manquent pas. Nous avons des différends frontaliers et une multitude d’autres problèmes interterritoriaux qui ne peuvent être résolus que dans le cadre d’une unité africaine. »

Africa Must Unite (1963), Kwame Nkrumah, ed. Présence Africaine, 2009, p. 238

Dans « Africa Must Unite« , Nkrumah utilise son expertise et son expérience en tant que leader politique pour offrir une vision profonde et pragmatique de l’avenir de l’Afrique. Son plaidoyer pour l’unité africaine reste une référence importante pour les discussions sur le panafricanisme et le développement du continent.

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Notes et références

  1. Décolonisation : Processus historique par lequel les colonies ont acquis leur indépendance des puissances coloniales européennes, principalement après la Seconde Guerre mondiale. Ce mouvement a été marqué par une série de luttes nationales, des négociations politiques et, dans certains cas, des conflits armés. La décolonisation a conduit à la redéfinition des frontières politiques, à l’émergence de nouveaux États-nations et à des changements significatifs dans les relations internationales. Elle a été influencée par divers facteurs, y compris les changements dans les attitudes mondiales envers l’impérialisme, l’évolution des économies coloniales, et les idéaux de liberté et d’autodétermination. Des figures telles que Mahatma Gandhi en Inde, Kwame Nkrumah au Ghana, et Nelson Mandela en Afrique du Sud ont été des leaders emblématiques de ce mouvement. La décolonisation a également eu un impact profond sur les sociétés coloniales et postcoloniales, entraînant souvent des défis politiques, économiques et sociaux. ↩︎
  2. Panafricanisme : Mouvement politique, culturel et social qui a émergé au début du XXe siècle, promouvant l’unité et la solidarité des peuples africains et de la diaspora africaine. Il vise à encourager et à renforcer les liens de solidarité entre tous les peuples d’origine africaine, à lutter contre le colonialisme et le néocolonialisme, et à promouvoir l’autodétermination et le développement économique de l’Afrique. Des figures emblématiques comme W.E.B. Du Bois, Marcus Garvey, et plus tard Kwame Nkrumah, ont été des acteurs clés dans la promotion et l’évolution de ce mouvement. ↩︎
  3. Gold Coast : Ancien nom de la région qui est aujourd’hui connue sous le nom de Ghana, en Afrique de l’Ouest. La Gold Coast était une colonie britannique établie au XIXe siècle, connue pour ses richesses en or, d’où son nom. La région a joué un rôle important dans le commerce transatlantique, notamment dans le commerce des esclaves. Au cours du XXe siècle, la Gold Coast est devenue un centre de l’activisme anticolonial, menant à son indépendance de la Grande-Bretagne en 1957. Cette indépendance, largement attribuée au leadership de Kwame Nkrumah, a marqué un tournant dans l’histoire de la décolonisation africaine, la Gold Coast étant le premier pays d’Afrique subsaharienne à obtenir son indépendance de la domination coloniale européenne. Le pays a alors été rebaptisé Ghana, en référence à l’ancien Empire du Ghana, symbolisant ainsi un nouveau départ et une reconnexion avec l’héritage précolonial africain. ↩︎
  4. 5ème Congrès Panafricain : Important événement dans l’histoire du mouvement panafricain, le 5ème Congrès Panafricain s’est tenu à Manchester, en Angleterre, en octobre 1945. Ce congrès a marqué un tournant décisif dans le mouvement panafricain, car il a mis l’accent sur la lutte pour l’indépendance et la fin du colonialisme en Afrique. Des figures clés telles que Kwame Nkrumah du Ghana, Jomo Kenyatta du Kenya, et W.E.B. Du Bois des États-Unis, ainsi que d’autres leaders africains et de la diaspora africaine, y ont participé. Le congrès a adopté une approche plus radicale et militante, appelant à l’indépendance immédiate des pays africains et à la fin de la domination raciale. Les résolutions et les discussions de ce congrès ont eu une influence significative sur les mouvements d’indépendance ultérieurs dans de nombreux pays africains. ↩︎
  5. W.E.B. Du Bois : William Edward Burghardt Du Bois (1868-1963) était un intellectuel, sociologue, historien, et militant des droits civiques afro-américain. Pionnier dans l’étude des problématiques afro-américaines, il a été le premier Afro-Américain à obtenir un doctorat de l’Université Harvard. Co-fondateur de l’Association Nationale pour la Promotion des Gens de Couleur (NAACP) et éditeur de son magazine, « The Crisis« , Du Bois a joué un rôle crucial dans le mouvement des droits civiques aux États-Unis. Il est également reconnu pour son implication dans le mouvement panafricain, ayant organisé plusieurs congrès panafricains et promu l’unité et la solidarité entre les peuples africains et de la diaspora. Ses œuvres les plus célèbres incluent « The Souls of Black Folk » et « Black Reconstruction in America« . En fin de vie, déçu par le racisme persistant aux États-Unis, il s’est installé au Ghana, où il a continué son travail jusqu’à son décès. ↩︎
  6. George Padmore : Né Malcolm Ivan Meredith Nurse en 1903 à Trinidad, George Padmore était un écrivain, journaliste et militant politique influent. Il est reconnu pour son rôle majeur dans le mouvement panafricain et son engagement dans la lutte anticoloniale. Padmore a travaillé étroitement avec Kwame Nkrumah et a joué un rôle clé dans l’organisation du 5ème Congrès Panafricain à Manchester en 1945. Ses écrits et son activisme ont fortement influencé les mouvements d’indépendance en Afrique et dans les Caraïbes. Padmore est également connu pour ses critiques du communisme stalinien et pour son plaidoyer en faveur de l’unité africaine et de l’autodétermination des peuples africains. Il est décédé en 1959 à Londres. ↩︎
  7. Convention People’s Party (CPP) : Le Convention People’s Party (CPP) est un parti politique du Ghana, fondé par Kwame Nkrumah en 1949. Le CPP a été créé dans le but de lutter pour l’indépendance du Ghana, alors connu sous le nom de Gold Coast, de la domination coloniale britannique. Sous la direction de Nkrumah, le CPP a adopté une approche panafricaine et anticoloniale, prônant l’unité africaine et l’émancipation des peuples africains. Le parti a joué un rôle central dans le mouvement d’indépendance du Ghana, qui a abouti à l’indépendance du pays en 1957. Après l’indépendance, le CPP est devenu le parti dominant au Ghana, avec Nkrumah comme premier président. Le parti a mis en œuvre des politiques de développement économique et social, mais a également été critiqué pour son autoritarisme. Le CPP a été interdit après le coup d’État de 1966 qui a renversé Nkrumah, mais a été par la suite réhabilité et reste actif dans la politique ghanéenne contemporaine. ↩︎
  8. Néocolonialisme : Terme utilisé pour décrire une forme de domination, souvent économique et politique, exercée par d’anciennes puissances coloniales ou d’autres influences extérieures sur des pays indépendants, en particulier dans le contexte postcolonial. Le néocolonialisme se manifeste par le contrôle indirect, où les pays anciennement colonisés restent dépendants et influencés par les pays développés, malgré leur indépendance politique formelle. Cette influence peut se faire à travers divers moyens, tels que les investissements économiques, les prêts, les conditions de commerce, ou la culture. Le terme a été popularisé par Kwame Nkrumah dans le contexte de l’Afrique postcoloniale pour décrire la continuation de l’exploitation et de l’ingérence des anciennes puissances coloniales dans les affaires des nations nouvellement indépendantes. ↩︎

‘Discours sur le colonialisme’, un cri contre l’injustice

Notre fiche de lecture complète vous offre une analyse détaillée des idées puissantes de Césaire, leur contexte historique et leur pertinence actuelle. Découvrez les passages clés de l’essai, les arguments majeurs et les répercussions durables de cette œuvre fondamentale.

Dans un monde où les discussions sur l’histoire coloniale et ses répercussions contemporaines gagnent en importance, « Discours sur le colonialisme » d’Aimé Césaire se présente comme une lecture essentielle. Publié en 1950, cet essai incisif et profondément éclairant offre une critique sans concession du colonialisme européen1. À travers cette fiche de lecture, nous plongeons dans l’univers de Césaire, explorant comment son œuvre déconstruit les mythes du colonialisme et met en lumière les injustices infligées aux peuples colonisés. Cet article vise non seulement à fournir un aperçu détaillé de l’essai, mais aussi à encourager nos lecteurs à découvrir par eux-mêmes la puissance et la pertinence de ce texte, qui reste d’une actualité brûlante dans les débats sur le post-colonialisme et la justice sociale.

Titre et date de l’œuvre :

Discours sur le colonialisme

« Discours sur le colonialisme » est un essai écrit par Aimé Césaire, publié pour la première fois en 1950. Ce texte est souvent associé au courant littéraire de la Négritude2, un mouvement qui valorise l’identité noire et critique la colonisation. Cet essai a été réédité plusieurs fois, reflétant son importance continue dans les études postcoloniales et littéraires.

Courte biographie de l’auteur et ses autres œuvres majeures :

Aimé Césaire (1913-2008) était un poète, écrivain, et homme politique martiniquais, co-fondateur du mouvement de la Négritude. Son œuvre a grandement influencé la littérature francophone et les mouvements anticoloniaux. Voici une frise chronologique simplifiée retraçant les moments clés de la vie d’Aimé Césaire :

  • 1913 : Naissance d’Aimé Césaire à Basse-Pointe, en Martinique.
  • 1931 : Césaire quitte la Martinique pour poursuivre ses études en France.
  • 1935 : Il rencontre Léopold Sédar Senghor3 et ensemble, ils développent le concept de négritude.
  • 1939 : Publication de son œuvre majeure, « Cahier d’un retour au pays natal« .
  • 1945 : Césaire est élu maire de Fort-de-France, un poste qu’il occupera jusqu’en 2001.
  • 1946 : Il joue un rôle clé dans la transformation de la Martinique en département d’outre-mer français4.
  • 1950 : Publication de « Discours sur le colonialisme« , un essai influent critiquant le colonialisme.
  • 1956 : Césaire rompt avec le Parti communiste français et fonde le Parti progressiste martiniquais.
  • 1960 : Publication de « Discours sur le négritude« , affirmant l’importance de l’identité noire.
  • 1963 : Il écrit « La Tragédie du roi Christophe« , une pièce de théâtre sur la révolution haïtienne.
  • 1981 : Césaire démissionne de son poste de député pour protester contre la politique française envers les départements d’outre-mer.
  • 2008 : Décès d’Aimé Césaire à Fort-de-France, en Martinique.

Résumé de « Discours sur le colonialisme » :

Cet ouvrage d’Aimé Césaire, publié pour la première fois en 1950, est un essai puissant et incisif qui offre une critique virulente du colonialisme européen. Césaire, un intellectuel martiniquais et l’un des fondateurs du mouvement de la négritude, utilise cet essai pour dénoncer les horreurs et les injustices du colonialisme, remettant en question la prétendue mission civilisatrice des puissances coloniales.

Dans cet essai, Césaire argumente que le colonialisme n’est pas seulement un acte d’oppression économique et politique, mais aussi une forme de déshumanisation tant pour les colonisés que pour les colonisateurs. Il soutient que le colonialisme corrompt les sociétés colonisatrices elles-mêmes, les rendant moralement faibles et hypocrites. Césaire dépeint le colonialisme comme un système fondé sur le racisme et la supériorité raciale, où les Européens se considèrent comme supérieurs et justifient ainsi l’exploitation et la brutalisation des peuples non-européens.

L’essai est également remarquable pour sa critique de l’Europe. Césaire accuse l’Europe de perdre ses valeurs humanistes en perpétrant des actes de barbarie dans les colonies. Il remet en question la prétention de l’Europe à être le berceau de la civilisation, soulignant les contradictions entre ses idéaux proclamés et ses actions coloniales.

Enfin, « Discours sur le colonialisme » est un appel à la reconnaissance et à la valorisation des cultures et des peuples colonisés. Césaire plaide pour une prise de conscience de l’humanité commune et pour la fin de l’oppression coloniale. Son essai reste un texte fondamental pour comprendre les impacts du colonialisme et continue d’influencer les débats sur le post-colonialisme et les mouvements antiracistes.

Les thèmes principaux :

La critique du colonialisme, la déshumanisation, le racisme, la critique de l’Europe

Analyse et réflexions autour de chaque thème :

Critique du colonialisme : Césaire dénonce le colonialisme comme un système brutal et exploiteur. Il conteste l’idée que le colonialisme apporte la civilisation aux peuples colonisés, soulignant plutôt comment il détruit leurs cultures et impose des systèmes de valeurs étrangers. Césaire met en évidence la cupidité et l’hypocrisie des puissances coloniales, qui se cachent derrière des justifications morales pour masquer leurs véritables intentions d’exploitation et de domination.

« La colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral […] Au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès, lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 12

Déshumanisation : Dans son essai, Césaire aborde la manière dont le colonialisme réduit les peuples colonisés à des objets ou à des êtres inférieurs. Il souligne la perte d’identité et la négation de l’humanité des colonisés, qui sont traités comme des moyens pour atteindre des fins économiques et politiques, plutôt que comme des individus à part entière.

« Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. […] J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. On m’en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d’hectares d’oliviers ou de vignes plantés. Moi, je parle d’économies naturelles, d’économies harmonieuses et viables, d’économies à la mesure de l’homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 23-24

Racisme : Césaire fait le lien entre le colonialisme et le racisme, montrant comment les idéologies racistes sont intrinsèquement liées à la pratique coloniale. Il critique la manière dont les notions de supériorité raciale sont utilisées pour justifier l’oppression et la violence contre les peuples colonisés, et comment ces idées racistes sont profondément enracinées dans la société colonisatrice elle-même.

« Les moralistes n’y peuvent rien.
La bourgeoisie, en tant que classe, est condamnée, qu’on le veuille ou non, à prendre en charge toute la barbarie de l’histoire, les tortures du Moyen-Âge comme l’inquisition, la raison d’État comme le bellicisme, le racisme comme l’esclavagisme, bref, tout ce contre quoi elle a protesté et en termes inoubliables, du temps que, classe à l’attaque, elle incarnait le progrès humain.
Les moralistes n’y peuvent rien. Il y a une loi de déshumanisation progressive en vertu de quoi désormais, à l’ordre du jour de la bourgeoisie, il n’y a, il ne peut y avoir maintenance que la violence, la corruption et la barbarie. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 58-59

Critique de l’Europe : L’auteur remet en question l’auto-proclamation de l’Europe en tant que centre de la civilisation et de la moralité. Il dépeint l’Europe comme hypocrite et moralement faillie, soulignant les contradictions entre ses idéaux proclamés de liberté, d’égalité et de fraternité, et ses actions dans les colonies. Césaire suggère que le colonialisme révèle la véritable nature de l’Europe, une nature marquée par la violence et l’avidité.

« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.
Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 7

Ces réflexions montrent que « Discours sur le colonialisme » est un texte puissant qui remet en question non seulement les pratiques coloniales, mais aussi les fondements idéologiques et moraux sur lesquels elles reposent. Césaire utilise son œuvre pour éveiller les consciences et encourager une réflexion critique sur l’histoire et les impacts du colonialisme.

VOUS AIMEREZ AUSSI

Notes et références

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  1. Colonialisme européen : Période historique s’étendant du XVème au milieu du XXème siècle, caractérisée par l’expansion et l’établissement de colonies par les puissances européennes en Afrique, en Asie, en Océanie et dans les Amériques. Cette ère a été marquée par la recherche de nouvelles routes commerciales, l’accès à des ressources, la diffusion du christianisme, et la quête de puissance nationale. Le colonialisme a eu des impacts profonds sur les populations autochtones, incluant des pertes massives de vies dues aux maladies, aux conflits, à l’esclavage et à l’exploitation économique. Le commerce transatlantique des esclaves et l’imposition de structures culturelles et sociales européennes sont des aspects notables de cette période. Le XXème siècle a vu l’émergence de mouvements de résistance menant à la décolonisation et à l’indépendance de nombreuses colonies. ↩︎
  2. Mouvement de la Négritude : Mouvement littéraire et idéologique des années 1930, la Négritude visait à valoriser l’identité noire et à combattre le colonialisme. Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas en étaient les figures de proue. ↩︎
  3. Léopold Sédar Senghor : Né en 1906 à Joal, au Sénégal, et décédé en 2001, Senghor était un poète, philosophe, et homme d’État sénégalais de renom. Il est l’un des fondateurs du mouvement de la négritude, une idéologie qui valorise l’identité noire et la culture africaine, en réaction au colonialisme et à l’impérialisme. Senghor a été le premier président du Sénégal, de 1960 à 1980, jouant un rôle clé dans la transition du pays vers l’indépendance. En tant que poète, il est connu pour ses œuvres qui explorent et célèbrent l’héritage africain, tout en intégrant des influences occidentales. Senghor a également été le premier Africain à siéger à l’Académie française. Son travail et sa vie illustrent un pont entre l’Afrique et l’Europe, et entre la tradition et la modernité. ↩︎
  4. Loi de départementalisation : Adoptée le 19 mars 1946, la loi de départementalisation est un acte législatif français qui a transformé les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion en départements d’outre-mer (DOM) de la République française. Cette loi a marqué un tournant dans la politique coloniale française, intégrant ces territoires dans le système administratif français comme des départements à part entière. Elle a été conçue dans un contexte de réforme post-Seconde Guerre mondiale, visant à moderniser l’empire colonial français et à répondre aux revendications des populations coloniales pour plus d’égalité et de droits civiques. La départementalisation a entraîné une intégration politique et économique plus étroite de ces territoires avec la France métropolitaine, mais a également suscité des débats sur l’autonomie, l’identité culturelle et les disparités socio-économiques. ↩︎

Pourquoi il est important de soutenir les entreprises appartenant à des Noirs

Dans un monde où l’égalité économique demeure un défi, Nofi explore la puissance transformatrice du soutien aux entreprises noires. Il aborde comment, à travers des actions concrètes et une solidarité communautaire, nous pouvons impacter positivement la prospérité des entreprises noires et, par extension, renforcer les communautés afro. Plongez dans une analyse profonde des raisons qui font de ce soutien un levier crucial pour l’équité et le progrès économique.

4 raisons de soutenir les entreprises noires

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Les petites entreprises et entrepreneurs sont essentiels dans la création de richesses transgénérationnelles. En mettant l’accent sur le soutien aux entreprises noires, vous jouez un rôle actif dans la création d’opportunités et de prospérité au sein des communautés noires. Cette démarche solidaire, loin d’être une simple tendance, devrait devenir un véritable engagement dans notre quotidien. Découvrez ici quatre raisons impérieuses de privilégier les achats auprès des entreprises noires, une action concrète pour le renforcement des communautés afro :

1. Unis pour la prospérité : le soutien aux entreprises noires

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Soutenir les entreprises noires est essentiel pour renforcer la communauté. Bien qu’il n’y ait pas de données précises sur le nombre d’entreprises noires en France, il est clair que beaucoup d’entre elles manquent de ressources. En réorientant les dépenses vers ces entreprises, non seulement nous soutenons leur croissance économique, mais nous contribuons aussi à créer une solidarité et un sentiment de fierté parmi les jeunes. Cela permet de recycler les dépenses au sein de la communauté, favorisant ainsi sa prospérité.

2. Briser les barrières : l’Évolution de l’entrepreneuriat Noir

La prospérité des entreprises appartenant à des Noirs a un impact direct sur la communauté. En soutenant ces entreprises, vous favorisez non seulement leur rentabilité mais aussi la création d’opportunités entrepreneuriales vitales. L’entrepreneuriat au sein de la communauté noire est un levier puissant pour l’ascension économique, notamment pour les familles à faible revenu aspirant à la classe moyenne. Face aux défis de la discrimination à l’embauche, il est essentiel pour la communauté noire de s’unir et de bâtir une réalité économique solide et autonome.

3. Investir dans la communauté : impact économique et social

Les inégalités sociales en France, particulièrement pesantes pour la communauté noire, impactent l’économie dans son ensemble. Sans approfondir toutes les barrières auxquelles les Noirs sont confrontés pour accéder à des emplois mieux rémunérés ou à la propriété, il est crucial de reconnaître leur existence. Soutenir les entreprises noires est un pas en avant significatif pour canaliser plus de richesse vers les familles et la communauté afro, contribuant ainsi à réduire progressivement l’écart de richesse raciale.

4. Renaissance économique : le mouvement #SupportBlackBusiness

entreprises noires

Le dicton ‘Il faut un village pour élever un enfant‘ illustre bien l’impact de la communauté sur le succès entrepreneurial. En soutenant les entreprises noires, vous valorisez la fierté, l’unité et l’autodétermination au sein de la communauté noire. Cette démarche, bien que potentiellement intimidante pour certains, revêt une grande importance pour de nombreuses familles et communautés. L’entrepreneuriat noir n’est pas seulement une activité commerciale, c’est un moyen de survie et une source d’inspiration pour la jeunesse noire, témoignant de la possibilité de réussir malgré les obstacles.

Vers une nouvelle ère de soutien aux entreprises Noires

L’essor du mouvement #SupportBlackBusiness sur les réseaux sociaux marque une évolution majeure : la communauté noire s’affranchit de mentalités coloniales limitatives pour dynamiser ses entreprises. Plutôt que de se tourner systématiquement vers de grandes marques, il est temps d’explorer et de privilégier les petites entreprises dynamiques comme Bao, le Marché du Soleil, Nofi Store, New Soul Food, et bien d’autres, qui illustrent la richesse et la diversité du monde entrepreneurial afro.

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https://www.nofi.media/2021/04/la-confiance-la-base-du-developpement-economique/52997

Le Moors Sundry Act de 1790 : quand la Caroline du Sud reconnaissait les droits des « Maures libres »

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Le Moors Sundry Act de 1790 est un jalon méconnu mais significatif de l’histoire juridique des États-Unis. Cette loi, adoptée en Caroline du Sud, a reconnu les droits des Noirs du Maroc, les distinguant ainsi des lois appliquées aux esclaves africains et aux Afro-Américains. Cet article plonge dans les détails de cette législation, explorant son impact sur les marocaines et son rôle dans le contexte plus large des droits civiques et de l’histoire raciale américaine.

Un acte méconnu : Le Moors Sundry Act de 1790

Le Moors Sundry Act de 1790 est une résolution consultative historique adoptée en Caroline du Sud, États-Unis. Ce texte législatif reconnaissait spécifiquement les droits des Noirs du Maroc, les distinguant des personnes noires et des esclaves. Il répondait aux inquiétudes des « Free Moors« 1 qui craignaient d’être réduits en esclavage ou privés de droits en raison de leur couleur de peau. Cette loi marque un moment important dans l’histoire juridique américaine, reflétant la complexité des identités raciales et le statut juridique des personnes dites « de couleur » à cette époque.

La condition des Maures en Amérique du Nord

Avant 1790, la situation des Noirs du Maroc en Amérique du Nord était complexe. En tant que sujets du sultan du Maroc, Sidi Mohammed ben Abdallah2, ils se distinguaient des esclaves africains et des Afro-Américains. Leur statut juridique était souvent flou, les exposant parfois à des traitements racistes similaires à ceux subis par les personnes dites « de couleur ». Leur relation avec les États-Unis, en tant qu’alliés via le Traité d’amitié maroco-américain de 17863, leur conférait une position unique mais pas toujours clairement définie dans le contexte juridique et social négrophobe de l’époque.

Moors Sundry Act
Le traité maroco-américain de paix et d’amitié, scellé par Mohammed III, signé par Thomas Jefferson4 et John Adams5, et ratifié par le Congrès américain le 18 juillet 1787. Le texte arabe se lit comme suit :
الحمد لله هذا تقييد شروط الصلح التي جعلناها مع الماركانوس وأثبتناها في هذا الدفتر ووضعنا طابعنا لتبقى مستمرة إن شاء الله وكتبت بحضرة مراكش في الخامسة والعشرين من شعبان المبارك عام مائتين وألف.
Loué soit le Seigneur, ceci est un accord sur les termes du partenariat que nous avons conclu avec les Américains (« les Mericanus ») et que nous affirmons dans ce document. Nous y avons apposé notre sceau afin qu’il perdure, si Dieu le veut. Rédigé dans la ville de Marrakech, le 25 du mois béni de Sha’baan, année 1200 (calendrier Hijri).

À cette époque, la Caroline du Sud avait un contexte socio-politique marqué par l’esclavage et la ségrégation raciale. La société était dominée par une élite blanche qui maintenait un système strict de discrimination raciale, et l’économie reposait largement sur l’asservissement des populations d’origines africaines. Les lois comme le Negro Act de 17406 étaient en place pour réglementer la vie des personnes noires et des esclaves, en réponse à la sanglante rébellion de Stono de 17397.

Moors Sundry Act
La rébellion de Stono (également connue sous le nom de conspiration de Cato ou rébellion de Cato)

Ce texte interdisait notamment aux Africains esclavagisés diverses libertés, comme se déplacer librement, se rassembler, cultiver leur nourriture, gagner de l’argent, ou apprendre à écrire. Les propriétaires avaient le droit de tuer des esclaves s’ils se rebellaient. Le Negro Act de 1740, en vigueur jusqu’en 1865, reflétait les restrictions sévères imposées aux esclaves et soulignait le racisme systématique dans le Sud.

Une loi pionnière : les Maures et la législation de Caroline du Sud

Le Moors Sundry Act de 1790 a été promulgué en réponse à une pétition présentée à la Chambre des représentants de Caroline du Sud8 par un groupe de huit personnes qui étaient sujets du souverain marocain résidant dans la colonie. Ces « Free Moors« , Francis, Daniel, Hammond et Samuel, ainsi que leurs épouses, adressèrent cette pétition après avoir été capturés par les Portugais et vendus comme esclaves en Caroline du Sud. Ils réussirent ensuite à racheté leur liberté et demandèrent à être jugés comme sujets libres de naissance du sultan Mohammed ben Abdallah, plutôt que selon le Negro Act que nous évoquions plus haut. Leur cas fut examiné par un comité influent, soulignant leur combat pour une reconnaissance juridique juste.

Moors Sundry Act
Sidi Mohammed ben Abdallah, sultan alaouite de l’Empire chérifien (Maroc) de novembre 1757 à avril 1790.

Finalement, l’ordre pour l’examen immédiat de la question des « Free Moors » établira que les lois de l’État de Caroline du Sud ne s’appliquaient pas à eux en tant que marocains. Ils ne furent donc pas soumis aux lois régissant les esclaves et les personnes noires dans l’État :

« Ils ont considéré la même chose et sont d’avis qu’aucune loi de cet État ne peut, dans sa construction ou son fonctionnement, s’appliquer à eux, et que les personnes qui étaient des sujets libres de l’empereur du Maroc dans cet État ne peuvent pas être jugées par les lois « pour le meilleur ordre et le gouvernement des nègres et autres esclaves »

En résumé

L’histoire du Moors Sundry Act de 1790 en Caroline du Sud est un témoignage fascinant de la complexité des identités raciales et juridiques dans l’Amérique précoce. Ce cas des Maures libres, luttant pour leur reconnaissance et leurs droits, illustre un aspect moins connu mais essentiel de l’histoire afro-américaine. Il nous rappelle l’importance de reconnaître et de comprendre toutes les facettes de l’histoire pour apprécier pleinement la diversité de l’expérience humaine.

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Notes et références

  1. Les « Maures Libres » (XVIIIe siècle) : Groupe d’individus marocains en Caroline du Sud, ayant sollicité la législature de l’État pour être reconnus comme sujets libres, distincts des esclaves africains. Leur démarche juridique a conduit à l’adoption du Moors Sundry Act de 1790, reconnaissant leur statut libre et les exemptant des lois discriminatoires appliquées aux Africains esclaves et aux Afro-Américains libres. ↩︎
  2. Sidi Mohammed ben Abdallah (1720-1790) : Sultan du Maroc de 1757 à 1790. Connu pour ses réformes et sa politique étrangère, il a notamment signé le Traité d’amitié maroco-américain en 1786, établissant des relations diplomatiques avec les États-Unis. Son règne a été marqué par des efforts de modernisation et une ouverture aux relations internationales, contribuant ainsi au développement historique et culturel du Maroc. ↩︎
  3. Le Traité d’amitié maroco-américain de 1786 : L’un des plus anciens traités des États-Unis toujours en vigueur, établissait des relations diplomatiques et commerciales entre le Maroc et les États-Unis. Signé par le Sultan du Maroc et les représentants américains, ce traité a joué un rôle important dans les relations internationales et le commerce transatlantique, et a influencé la situation juridique des Maures en Amérique, comme vu dans le Moors Sundry Act de 1790. ↩︎
  4. Thomas Jefferson (1743-1826) : Troisième président des États-Unis et principal rédacteur de la Déclaration d’indépendance. Diplomate influent, il a joué un rôle clé dans les relations internationales, notamment en tant que signataire du Traité d’amitié maroco-américain de 1786. Jefferson est également reconnu pour ses contributions intellectuelles et politiques, ayant profondément influencé l’histoire et la culture américaines. ↩︎
  5. John Adams (1735-1826) : Deuxième président des États-Unis et l’une des figures clés de la Révolution américaine. En tant que diplomate, Adams a joué un rôle important dans la formation des États-Unis, notamment en tant que signataire du Traité d’amitié maroco-américain de 1786. Il est également connu pour ses contributions à la rédaction de la Constitution américaine et son influence dans l’établissement des institutions gouvernementales du pays. ↩︎
  6. Le Negro Act de 1740 : Adopté en Caroline du Sud, fut une réponse à la rébellion de Stono de 1739. Cette loi restrictive et discriminatoire réglementait sévèrement la vie des esclaves africains et des Afro-Américains, interdisant entre autres leur liberté de mouvement, leur droit de se rassembler, de cultiver leur propre nourriture, de gagner de l’argent, et d’apprendre à écrire. Elle autorisait également les propriétaires à tuer des esclaves en cas de rébellion. Ce texte législatif est un exemple marquant des lois sévères sur l’esclavage en vigueur jusqu’en 1865. ↩︎
  7. La rébellion de Stono de 1739 : Une des plus grandes insurrections d’esclaves dans les colonies britanniques en Amérique du Nord. Débutée en Caroline du Sud, cette révolte menée par des esclaves africains a entraîné un durcissement des lois sur l’esclavage, notamment avec l’adoption du Negro Act de 1740. Cette rébellion a marqué un moment crucial dans l’histoire de la résistance des esclaves à l’oppression. ↩︎
  8. La Chambre des Représentants de Caroline du Sud : L’une des deux chambres de l’Assemblée générale de l’État de Caroline du Sud, aux États-Unis. Elle joue un rôle clé dans le processus législatif de l’État, y compris dans l’examen et l’adoption de lois telles que le Moors Sundry Act de 1790. Cette chambre est composée de membres élus représentant divers districts de l’État, et ses décisions ont un impact significatif sur la législation et la politique de la Caroline du Sud. ↩︎