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Décryptage du ‘Discours sur le colonialisme’ d’Aimé Césaire : une lecture incontournable pour comprendre l’héritage colonial

Littérature

Décryptage du ‘Discours sur le colonialisme’ d’Aimé Césaire : une lecture incontournable pour comprendre l’héritage colonial

Par Mathieu N'DIAYE 3 janvier 2024

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Nofi vous invite à lire l’essai révolutionnaire d’Aimé Césaire, ‘Discours sur le colonialisme‘ ! Découvrez comment cet ouvrage puissant dénonce le colonialisme et ses effets dévastateurs, tout en célébrant l’identité et la résilience des peuples colonisés. Parfait pour les passionnés d’histoire, de littérature et de mouvements sociaux. Lisez notre fiche de lecture complète pour un aperçu captivant de cette œuvre majeure.

Dans un monde où les discussions sur l’histoire coloniale et ses répercussions contemporaines gagnent en importance, « Discours sur le colonialisme » d’Aimé Césaire se présente comme une lecture essentielle. Publié en 1950, cet essai incisif et profondément éclairant offre une critique sans concession du colonialisme européen1. À travers cette fiche de lecture, nous plongeons dans l’univers de Césaire, explorant comment son œuvre déconstruit les mythes du colonialisme et met en lumière les injustices infligées aux peuples colonisés. Cet article vise non seulement à fournir un aperçu détaillé de l’essai, mais aussi à encourager nos lecteurs à découvrir par eux-mêmes la puissance et la pertinence de ce texte, qui reste d’une actualité brûlante dans les débats sur le post-colonialisme et la justice sociale.

Titre et date de l’œuvre :

Discours sur le colonialisme

« Discours sur le colonialisme » est un essai écrit par Aimé Césaire, publié pour la première fois en 1950. Ce texte est souvent associé au courant littéraire de la Négritude2, un mouvement qui valorise l’identité noire et critique la colonisation. Cet essai a été réédité plusieurs fois, reflétant son importance continue dans les études postcoloniales et littéraires.

Courte biographie de l’auteur et ses autres œuvres majeures :

Aimé Césaire (1913-2008) était un poète, écrivain, et homme politique martiniquais, co-fondateur du mouvement de la Négritude. Son œuvre a grandement influencé la littérature francophone et les mouvements anticoloniaux. Voici une frise chronologique simplifiée retraçant les moments clés de la vie d’Aimé Césaire :

  • 1913 : Naissance d’Aimé Césaire à Basse-Pointe, en Martinique.
  • 1931 : Césaire quitte la Martinique pour poursuivre ses études en France.
  • 1935 : Il rencontre Léopold Sédar Senghor3 et ensemble, ils développent le concept de négritude.
  • 1939 : Publication de son œuvre majeure, « Cahier d’un retour au pays natal« .
  • 1945 : Césaire est élu maire de Fort-de-France, un poste qu’il occupera jusqu’en 2001.
  • 1946 : Il joue un rôle clé dans la transformation de la Martinique en département d’outre-mer français4.
  • 1950 : Publication de « Discours sur le colonialisme« , un essai influent critiquant le colonialisme.
  • 1956 : Césaire rompt avec le Parti communiste français et fonde le Parti progressiste martiniquais.
  • 1960 : Publication de « Discours sur le négritude« , affirmant l’importance de l’identité noire.
  • 1963 : Il écrit « La Tragédie du roi Christophe« , une pièce de théâtre sur la révolution haïtienne.
  • 1981 : Césaire démissionne de son poste de député pour protester contre la politique française envers les départements d’outre-mer.
  • 2008 : Décès d’Aimé Césaire à Fort-de-France, en Martinique.

Résumé de « Discours sur le colonialisme » :

Cet ouvrage d’Aimé Césaire, publié pour la première fois en 1950, est un essai puissant et incisif qui offre une critique virulente du colonialisme européen. Césaire, un intellectuel martiniquais et l’un des fondateurs du mouvement de la négritude, utilise cet essai pour dénoncer les horreurs et les injustices du colonialisme, remettant en question la prétendue mission civilisatrice des puissances coloniales.

Dans cet essai, Césaire argumente que le colonialisme n’est pas seulement un acte d’oppression économique et politique, mais aussi une forme de déshumanisation tant pour les colonisés que pour les colonisateurs. Il soutient que le colonialisme corrompt les sociétés colonisatrices elles-mêmes, les rendant moralement faibles et hypocrites. Césaire dépeint le colonialisme comme un système fondé sur le racisme et la supériorité raciale, où les Européens se considèrent comme supérieurs et justifient ainsi l’exploitation et la brutalisation des peuples non-européens.

L’essai est également remarquable pour sa critique de l’Europe. Césaire accuse l’Europe de perdre ses valeurs humanistes en perpétrant des actes de barbarie dans les colonies. Il remet en question la prétention de l’Europe à être le berceau de la civilisation, soulignant les contradictions entre ses idéaux proclamés et ses actions coloniales.

Enfin, « Discours sur le colonialisme » est un appel à la reconnaissance et à la valorisation des cultures et des peuples colonisés. Césaire plaide pour une prise de conscience de l’humanité commune et pour la fin de l’oppression coloniale. Son essai reste un texte fondamental pour comprendre les impacts du colonialisme et continue d’influencer les débats sur le post-colonialisme et les mouvements antiracistes.

Les thèmes principaux :

La critique du colonialisme, la déshumanisation, le racisme, la critique de l’Europe

Analyse et réflexions autour de chaque thème :

Critique du colonialisme : Césaire dénonce le colonialisme comme un système brutal et exploiteur. Il conteste l’idée que le colonialisme apporte la civilisation aux peuples colonisés, soulignant plutôt comment il détruit leurs cultures et impose des systèmes de valeurs étrangers. Césaire met en évidence la cupidité et l’hypocrisie des puissances coloniales, qui se cachent derrière des justifications morales pour masquer leurs véritables intentions d’exploitation et de domination.

« La colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral […] Au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès, lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 12

Déshumanisation : Dans son essai, Césaire aborde la manière dont le colonialisme réduit les peuples colonisés à des objets ou à des êtres inférieurs. Il souligne la perte d’identité et la négation de l’humanité des colonisés, qui sont traités comme des moyens pour atteindre des fins économiques et politiques, plutôt que comme des individus à part entière.

« Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. […] J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. On m’en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d’hectares d’oliviers ou de vignes plantés. Moi, je parle d’économies naturelles, d’économies harmonieuses et viables, d’économies à la mesure de l’homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 23-24

Racisme : Césaire fait le lien entre le colonialisme et le racisme, montrant comment les idéologies racistes sont intrinsèquement liées à la pratique coloniale. Il critique la manière dont les notions de supériorité raciale sont utilisées pour justifier l’oppression et la violence contre les peuples colonisés, et comment ces idées racistes sont profondément enracinées dans la société colonisatrice elle-même.

« Les moralistes n’y peuvent rien.
La bourgeoisie, en tant que classe, est condamnée, qu’on le veuille ou non, à prendre en charge toute la barbarie de l’histoire, les tortures du Moyen-Âge comme l’inquisition, la raison d’État comme le bellicisme, le racisme comme l’esclavagisme, bref, tout ce contre quoi elle a protesté et en termes inoubliables, du temps que, classe à l’attaque, elle incarnait le progrès humain.
Les moralistes n’y peuvent rien. Il y a une loi de déshumanisation progressive en vertu de quoi désormais, à l’ordre du jour de la bourgeoisie, il n’y a, il ne peut y avoir maintenance que la violence, la corruption et la barbarie. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 58-59

Critique de l’Europe : L’auteur remet en question l’auto-proclamation de l’Europe en tant que centre de la civilisation et de la moralité. Il dépeint l’Europe comme hypocrite et moralement faillie, soulignant les contradictions entre ses idéaux proclamés de liberté, d’égalité et de fraternité, et ses actions dans les colonies. Césaire suggère que le colonialisme révèle la véritable nature de l’Europe, une nature marquée par la violence et l’avidité.

« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.
Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »

Discours sur le Colonialisme (1950), Aimé Césaire, éd. Présence africaine, 1989, p. 7

Ces réflexions montrent que « Discours sur le colonialisme » est un texte puissant qui remet en question non seulement les pratiques coloniales, mais aussi les fondements idéologiques et moraux sur lesquels elles reposent. Césaire utilise son œuvre pour éveiller les consciences et encourager une réflexion critique sur l’histoire et les impacts du colonialisme.

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Notes et références

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  1. Colonialisme européen : Période historique s’étendant du XVème au milieu du XXème siècle, caractérisée par l’expansion et l’établissement de colonies par les puissances européennes en Afrique, en Asie, en Océanie et dans les Amériques. Cette ère a été marquée par la recherche de nouvelles routes commerciales, l’accès à des ressources, la diffusion du christianisme, et la quête de puissance nationale. Le colonialisme a eu des impacts profonds sur les populations autochtones, incluant des pertes massives de vies dues aux maladies, aux conflits, à l’esclavage et à l’exploitation économique. Le commerce transatlantique des esclaves et l’imposition de structures culturelles et sociales européennes sont des aspects notables de cette période. Le XXème siècle a vu l’émergence de mouvements de résistance menant à la décolonisation et à l’indépendance de nombreuses colonies. ↩︎
  2. Mouvement de la Négritude : Mouvement littéraire et idéologique des années 1930, la Négritude visait à valoriser l’identité noire et à combattre le colonialisme. Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas en étaient les figures de proue. ↩︎
  3. Léopold Sédar Senghor : Né en 1906 à Joal, au Sénégal, et décédé en 2001, Senghor était un poète, philosophe, et homme d’État sénégalais de renom. Il est l’un des fondateurs du mouvement de la négritude, une idéologie qui valorise l’identité noire et la culture africaine, en réaction au colonialisme et à l’impérialisme. Senghor a été le premier président du Sénégal, de 1960 à 1980, jouant un rôle clé dans la transition du pays vers l’indépendance. En tant que poète, il est connu pour ses œuvres qui explorent et célèbrent l’héritage africain, tout en intégrant des influences occidentales. Senghor a également été le premier Africain à siéger à l’Académie française. Son travail et sa vie illustrent un pont entre l’Afrique et l’Europe, et entre la tradition et la modernité. ↩︎
  4. Loi de départementalisation : Adoptée le 19 mars 1946, la loi de départementalisation est un acte législatif français qui a transformé les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion en départements d’outre-mer (DOM) de la République française. Cette loi a marqué un tournant dans la politique coloniale française, intégrant ces territoires dans le système administratif français comme des départements à part entière. Elle a été conçue dans un contexte de réforme post-Seconde Guerre mondiale, visant à moderniser l’empire colonial français et à répondre aux revendications des populations coloniales pour plus d’égalité et de droits civiques. La départementalisation a entraîné une intégration politique et économique plus étroite de ces territoires avec la France métropolitaine, mais a également suscité des débats sur l’autonomie, l’identité culturelle et les disparités socio-économiques. ↩︎