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L’uranium du Niger et ses conséquences sanitaires et environnementales

Société

L’uranium du Niger et ses conséquences sanitaires et environnementales

Par Anne Rasatie 3 mars 2018

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Le Niger est le quatrième producteur mondial d’uranium et le deuxième fournisseur de l’entreprise française Areva, devenue Orano depuis janvier 2018. Cela signifie qu’une ampoule sur trois en France fonctionne grâce à l’uranium du Niger.

Le 2 février 1969, Diori Hamani, premier président de la République du Niger indépendant depuis 1960, se rend à Arlit. Il y pose la première pierre des installations de la première mine d’uranium à ciel ouvert du Niger. Il revient le 2 février 1971 pour l’inaugurer. Cette année là, la première tonne d’uranium nigérien a alimenté les centrales nucléaires de France. Cette-dernière leur avait promis la prospérité et la naissance d’un « deuxième Paris ».

Orano extrait le minerai du Niger depuis 50 ans. Ses deux filiales, la SOMAÏR et la COMINAK, exploitent les mines d’uranium à Arlit et Akokan, à 240 km au nord d’Agadez, la porte du désert. L’extraction du minerai, aussi appelé Yellowcake (« le gâteau jaune »), contamine l’environnement et les habitants de la région.

« A Arlit, les gens boivent de l’eau contaminée par la radioactivité »

L’exploitation de l’uranium consomme énormément d’eau. 7 à 10 millions de M3 par an qui sont utilisés pour le traitement du minerai à Arlit. Rappelons que cette zone est un désert immense. Ce sont donc les nappes fossiles qui sont vidées ou contaminées. Depuis un demi-siècle, Orano détient le monopole de l’eau au détriment des populations qui n’ont pour la plupart, par accès à l’eau potable. Quotidiennement, populations et animaux consomment de l’eau radiologiquement contaminée.

« Quand on boit l’eau d’Arlit, on sent qu’elle n’est pas tout à fait potable, qu’elle est différente du reste du pays. Les femmes parlent des employés d’Areva qui ne boivent que de l’eau minérale, alors qu’elles n’ont pas les moyens. Une des mines se trouve en dessous de la nappe phréatique. Certains se font donc livrer l’eau des régions voisines. Un château d’eau vient d’être construit, mais il n’est pas suffisant pour alimenter toute la ville. »[1]

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La mine d’uranium à ciel ouvert de Tamgak à Arlit

« À Arlit, il y a beaucoup de problèmes de santé »

Avant que le gouvernement nigérien n’organise l’extraction de l’uranium, la région d’Arlit était un territoire où transitaient librement les peuples nomades du désert. Les Touaregs, chassés par l’arrivée d’Orano (anciennement Areva), doivent cohabiter près des sites d’extraction qui déforment les paysages naturels. Au fil du temps, les gens sont venus s’installer pour y travailler, espérant profiter de la manne financière promise. Aujourd’hui, ce sont près de 150 000 habitants qui peuplent la région, dont environ 4 000 travailleurs de la mine. En effet, Areva a créé cette ville de toutes pièces: des écoles et des hôpitaux ont été construits pour que les travailleurs restent sur place.

Depuis lors, les populations vivant aux abords de la région connaissent des problèmes sanitaires. Difficultés respiratoires, cancers, accouchements d’enfants mal formés… Mais ce sont surtout les retraités de la mine qui sont touchés. Beaucoup d’entre eux meurent de paralysies et de maladies étranges.

Pis encore, la ville a été construite avec la terre contaminée. Les maisons sont fabriquées avec l’argile radioactif et les outils de la vie quotidienne (marmites, ustensiles) sont forgés avec la ferraille de la mine. Dans son film La Colère dans le vent, présenté à Dakar dans le cadre du festival Films Femmes Afrique, la réalisatrice nigérienne Amina Weira, dénonce les conséquences de l’extraction sur les populations d’Arlit.

« Ils ne mesurent pas le danger de cette activité. Lorsqu’ils fondent le fer, la radioactivité se libère. Pour construire, les habitants ont utilisé l’argile contaminée autour d’eux. Certains quartiers sont à moins de 200 mètres de la mine. Les normes ne sont pas respectées. Et les tempêtes de sable propagent la radioactivité dans la ville. »

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Campement Touareg près du gisement d’Imouraren © Patrick Chapuis / Magazine GEO

« Nous avons la richesse dans notre sous-sol, mais tout ce qu’on nous laisse, c’est la radioactivité. »

Les nombreux effets d’annonce tels que « le nucléaire est une énergie propre » ou « le nucléaire ne tue pas », propagés par les partisans du « tout nucléaire » force l’indignation. En effet, ces mensonges répandus lors d’évènements internationaux comme la COP 21, nient la réalité. Or, les populations locales sont victimes de répercussions sanitaires et environnementales par l’exploitation du minerai.

« Le calcul des émissions de CO2 engendrées par l’énergie nucléaire implique de prendre en compte toutes les émissions de CO2 du cycle de vie du combustible uranium (extraction, transformation, concentration, enrichissement du minerai, recyclage, gestion des déchets) et celui des centrales nucléaires (construction, transport, exploitation, démantèlement). Selon l’Ademe, ces émissions sont 8 fois plus importantes que celles engendrées par l’énergie éolienne. »[2]

Un patrimoine ancestral en danger

Dans le village de Teguidda-n-Tessoumt se trouvent des piscines d’évaporation d’eau salée, une industrie millénaire. La technique particulière d’extraction du sel ne se fait pas avec de l’eau, désert oblige, mais avec de l’argile. Ces salines, proches de la mine d’Azelik, font vivre des milliers de familles. Or, près des alvéoles où le sel est recueilli pour être vendu, le compteur de radioactivité présente des mesures alarmantes.

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Les salines de Teguidda-n-Tessoumt, proches de la mine d’Azelik

Au niveau du patrimoine culturel local, la région est un symbole de rassemblement. Teguidda-n-Tessoumt est également le lieu de départ de la Cure Salée. Cet évènement annuel réunit les éleveurs Peuhls et Touaregs autour d’une fête de trois jours se déroulant à Ingall, à environ 120 km à l’ouest d’Agadez. A la fin de la saison des pluies, l’herbe est abondante dans le Sahel mais répartie sur de grandes distances. Ainsi, les éleveurs guident leurs troupeaux dans une transhumance de 300 à 400 km pendant 2 à 3 mois. Puis, à la mi-septembre, tous les troupeaux convergent vers la ville d’Ingall pour se réunir dans les pâturages riches en sel de la plaine de l’Irazer. Parmi les moments les plus forts, on peut citer les courses effrénées des Touaregs à dos de dromadaires ou les danses des hommes Peuhls cherchant par leur beauté, leur maquillage et leurs parures excentriques, à séduire les plus belles des femmes.

 

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Festival de la Cure salée regroupant Touaregs et Peuls

En bref:

Avec un taux de pauvreté de 44,1% et un revenu moyen par habitant de 420 dollars, le Niger est l’une des nations les plus pauvres du monde. En 2016, il était avant dernier (187e sur 188 pays) du classement de l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (données 2017 de la Banque Mondiale). Aussi, les situations économiques et politiques instables du pays renforcent le pouvoir d’attraction d’une entreprise telle qu’Orano. En effet, la Somaïr et la Cominak, ses filières, qui emploient 99% de Nigériens, offre une opportunité et une assurance de salaire dans un pays en proie à des troubles réguliers. Cependant, comme dans d’autres régions en Afrique, le paradoxe du pompier pyromane offre un choix insoluble aux populations fragilisées.

Pour rappel, les conséquences de l’extraction de l’uranium au Niger:

  • Épuisement des nappes fossiles
  • Disparition de la faune
  • Dispersion des ferrailles et matériaux contaminés radiologiquement dans la ville d’Arlit et le reste du pays.
  • Apparition des maladies
  • Malformations congénitales et problèmes gynécologiques

 

Sources:

Le Monde [1]

CADTM [2]

Les Amis d’Aghirin’man

Niger Club des Voyages

La Banque Mondiale

Dossier de presse Areva au Niger