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Molefi Kete Asante et Ama Mazama, le souffle de l’Afrocentricité

Politique

Molefi Kete Asante et Ama Mazama, le souffle de l’Afrocentricité

Par Atouma NKeussi 14 février 2018

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Molefi Kete Asante et Ama Mazama, sont les combattants des premières heures de l’afrocentricité. Militants pan-africains, ils œuvrent, depuis des années, à éveiller les consciences enfouies de leur peuple afin de le mener à la victoire. Ensemble, ils ont créés en 2011 l’organisation Afrocentricity International à l’image de l’UNIA de Marcus Garvey.

Molefi Kete Asante

© afrocentricityinternationalcameroun

Né sous le nom d’Arthur Lee Smith, Molefi Kete Asante a vu le jour au début des années 1940, aux États-Unis. Il est le fondateur du Journal Of Black Studies et auteur de nombreux ouvrages. Professeur et président du département des études Africaines-Américaines à Temple University (Philadelphie), il a fondé le doctorat en études-afro-américaines et préside l’institut Molefi Kete Asante. Il est également le concepteur de l’Afrocentricité. C’est d’ailleurs en 1980 qu’il théorise dans l’un de ses ouvrages « Theory of social change », l’idéologie afrocentrique. Il recrute Ama Mazama dans son département d’enseignement en qualité d’universitaire dans les années 1990.

Molefi Kete Asante est diplômé de l’Oklahoma Christian College en 1964. Il obtient sa maîtrise en sciences à l’Université Pepperdine en 1965. Il a obtenu son doctorat de l’UCLA à l’âge de 26 ans en 1968 et a été nommé professeur titulaire à l’âge de 30 ans, à l’Université d’État de New York à Buffalo. En 1969, il était le co-fondateur avec Robert Singleton du Journal of Black Studies. Asante a dirigé le Centre d’études afro-américaines de l’UCLA de 1969 à 1973. Il a présidé le Département des communications de SUNY-Buffalo de 1973 à 1980. Il a travaillé au Zimbabwe en tant que formateur de journalistes de 1980 à 1982. À l’automne 1984, M. Asante est devenu président du programme d’études afro-américaines de l’Université Temple, où il a créé le premier doctorat Programme en études afro-américaines, en 1987. Il a dirigé plus de 140 doctorats. Il a écrit plus de 550 articles et essais pour des revues, des livres et des magazines.

 Asante a publié plus de 70 livres, dont les plus récents sont « Le Génie Dramatique » de Charles Fuller, « Les Traditions Afro-Américaines », « Facing South to Africa », « The History of Africa » « Courir vers l’Afrique », « Le peuple afro-américain », « Maulana Karenga: Un portrait intellectuel », « Manifeste Afrocentrique », « Encyclopédie de la religion africaine », co-édité avec Ama Mazama, « Cheikh Anta Diop: Un portrait intellectuel », « Manuel des études noires », co-édité avec Maulana Karenga, « Encyclopédie des études noires », co-édité avec Ama Mazama, « Race, Rhétorique et Identité: L’architecture de l’âme », « L’effacement du racisme: la survie de la nation américaine », « Les philosophes égyptiens antiques, dispersés au vent » et « 100 plus grands Afro-Américains ». Le texte de l’école secondaire d’Asante, African American History: Journey of Liberation, 2e édition, est utilisé dans plus de 400 écoles en Amérique du Nord.

Ama Mazama

© bcdlabel.com

Née sous le nom de Marie-Josée Cérol, sa prise de conscience l’a très vite invitée à redéfinir par elle-même son identité nominale, élément déterminant pour l’affirmation d’une personne au sein de sa communauté, mais aussi face au monde entier. Après avoir obtenu sa thèse de doctorat à la Sorbonne Nouvelle, elle se rend aux États-Unis. Spécialiste en linguistique créole, en histoire et en spiritualité africaine, elle rejoint très vite la vision du professeur Asante et œuvre à ses côtés en qualité d’enseignante et de directrice de programmes en maîtrise et en doctorat dans le domaine de l’africologie, à Temple University, depuis les années 90. Elle est aussi Mambo (prêtresse Vaudou), initiée en Haïti et au Bénin.

Parmi ses œuvres les plus connues, on compte: « Une introduction au créole guadeloupéen », « Langue et identité en Guadeloupe : une perspective afrocentrique », « L’impératif afrocentrique », « Kwanzaa ou la Célébration du Génie Africain ». Ama Mazama a très souvent abordé le thème de la similitude entre les langues africaines et le créole guadeloupéen. Elle a démontré à travers certains de ses ouvrages la racine africaine des langues dites créoles. Elle a également défendue l’afrocentricité face au courant de la créolité prônée par Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant et Jean Bernabé. Bien qu’elle se sente panafricaine, elle affirme que le panafricanisme est une impasse, un projet n’ayant pas réussi à relever le défi d’unir la communauté noire autour de valeurs communes, car des africains et des afrodescendants de tous horizons peuvent facilement s’identifier à ce mouvement, sans pour autant être en accord sur les bases, une ligne idéologique claire. C’est à cette problématique que l’afrocentricité serait en mesure de répondre.

Afrocentricity International, organisation mondiale créée en 2011

Afrocentricity International (AI) est une organisation afrocentrique et panafricaine. L’afrocentricité est le principe directeur, idéologique, sur lequel est fondée la structure internationale. C’est une philosophie ou un paradigme qui postule que les africains doivent penser et agir en se prenant comme point de référence, vivre à partir de la vision du monde, de la culture, des réalités historiques, culturelles biologiques de l’Afrique. Les quatre domaines de prédilection d’AI sont la spiritualité, l’éducation, la politique et l’économie. Selon AI, le retour à l’émancipation africaine passera nécessairement par l’autonomie totale de ces 4 principes. La spiritualité: vise à rompre avec les religions importées au sein de la civilisation noire (islam et christianisme en particulier), afin d’épouser le corpus spirituel ancestral et afin de se reconnecter aux ancêtres. L’éducation: vise à recouvrer le corpus intellectuel africain (les humanités classiques africaines) afin d’aborder la vie sous un prisme endogène (Kamit). Concernant la politique, le projet d’AI est d’être présent dans toutes les communautés noires, et acquérir une puissance économie pour l’autofinancement des projets. Tout ceci servira à réaliser la renaissance africaine et participera à la création des États-Unis d’Afrique.

Les divisions d’Afrocentricity International

La maison-mère se trouve à Philadelphie, aux USA. Il existe des divisons à Cleveland, en Guadeloupe, en Martinique, en Haïti, en Guyane, à Montréal, en Colombie, à Rio de Janeiro, à Bahia, en France, en Suisse, en Allemagne, en Belgique, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Zimbabwe, à Kalamazoo, au Nigéria, en Afrique du sud, en Australie… d’autres ouvertures de sections, notamment en Asie, sont en cours.

Dans son autobiographie sélective, Ama Mazama précise: « La langue sacrée d’Afrocentricity International est le Ci-luba. Nous avons choisi cette langue après avoir été assurés par le professeur Bilolo, dont nous respectons l’immense savoir, que le Ci-luba est aujourd’hui la langue la plus proche parlée par nos ancêtres à Kemet… La prochaine phase absolument nécessaire, est que nous arrêtions de prier dans les langues des colonisateurs et esclavagistes ». La doctrine d’Afrocentricity International est « L’Unité est notre But, la Victoire est notre Destinée ! » Aujourd’hui, Afrocentricity International compte plus de 10 sections dans le monde, que ce soit sur le continent Africain ou dans la diaspora.

Afrocentricity International inspirée par l’UNIA de Marcus Garvey

L’honorable marcus Garvey © worldatlas.com

AI a été créée en prenant exemple sur l’UNIA de Marcus Garvey mais en tentant de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Marcus Garvey était un intellectuel activiste jamaïcain du début XXème siècle, qui avait à cœur de sortir son peuple de la situation sociale, politique et économique catastrophique dans laquelle les avaient plongés l’esclavage et la colonisation. Pour cela, il crée en 1914 l’Universal Negro Improvement Association and African Communities League (UNIA), dans le but de mettre en place une vision du monde et un projet civilisationnel pour tous les africains. La devise de l’organisation est « Un Dieu ! Un but ! Un destin ! » Garvey prônait l’amélioration du sort des noirs partout où ils se trouvent, les indépendances africaines et le retour des noirs américains en Afrique. Le 11 janvier 1921, Marcus Garvey comptabilise 6 millions d’adhérents au sein de l’UNIA à travers le monde. L’UNIA créa des organisations et des entreprises satellites, parmi lesquelles la « légion africaine universelle », un groupe paramilitaire, les infirmières de la croix noire africaine, la société de la croix noire africaine, la Universal African Motor Corps, le Black Eagle Flying Corps, la Black Star Steamship Line (la ligne maritime de l’étoile noire), la Black Cross Trading and Navigation Corporation (la société de commerce et de navigation de la croix noire), et the Negro Factories Corporation (la société des usines nègres). Marcus Garvey sera arrêté par le gouvernement américain en 1925, puis expulsé vers la Jamaïque en 1927. Après son expulsion, le mouvement américain connaîtra des divisions et des scissions qui l’affaibliront. Après la mort de Garvey en 1940, l’UNIA perd de son influence, même si elle existe toujours. Pendant les années 1920 et 1930, l’UNIA a été le principal moteur du nationalisme noir, dans les Caraïbes mais surtout aux États-Unis.

Les conventions annuelles et les séminaires spirituels

Chaque année, AI organise une convention annuelle  d’environ une semaine, dans un pays donné, visant à découvrir les cultures kamites à travers le monde. Les Conventions débutent par deux jours de conférence et sont suivi d’un pèlerinage. L’an dernier, la convention se tenait à Haïti, du 25 Mai au 6 Juin 2017. Cette année, elle aura lieu en Australie. Des séminaires spirituels ont également lieu au sein d’Afrocentricity International. Chaque été a lieu la cérémonie du Dina, qui est la célébration de la renaissance à travers un nouveau nom d’origine africaine que l’on s’attribue. AI célèbre également le Mwikadilo Muya (la voie de la moralité), une cérémonie spirituelle s’appuyant sur les traditions ancestrales, visant à se réapproprier les modes de rituels endogènes à l’Afrique. Selon les fondateurs d’AI, la renaissance du peuple kemite passe impérativement par une reprise en compte et en charge de la dimension religieuse de l’existence et de la spiritualité africaine.

 

© Afrocentricity International

Afrocentricity International reste à ce jour la seule organisation panafricaine a être déployée sur tous les continents du monde.

« L’Afrocentricité exige un retour à la tradition/religion africaine pour ceux et celles qui s’en étaient détournés pour deux raisons très simples: d’une part, parce que les traditions africaines sont tout à fait adéquates, et d’autre part, parce que ce sont les meilleures traditions pour nous, puisqu’elles ont été créées à partir de notre propre réalité historique et culturelle ».

Sources:

Autobiographie sélective d’Ama Mazama: « Moi, Mambo Ama, Per-Aat Universelle…

Dyabukam

Le Journal de l’Afrique: Investig’Action

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