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Dr Khalid Abdul Muhammad, le « Black Power General »

Culture

Dr Khalid Abdul Muhammad, le « Black Power General »

Par Mathieu N'DIAYE 12 janvier 2017

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Le 12 janvier 1948, l’un des leaders les plus charismatiques du monde afro-conscient venait au monde. Le Dr Khalid Abdul Muhammad. Il aurait eu 69 ans cette année. Par ses actions, le défunt leader du New Black Panther Party for Self-Defense (NBPP) avait su inspirer toute une génération de jeunes noirs dans l’implication communautaire.

« Avez-vous oublié, qu’une fois que nous avons été amenés ici, on nous a volé  nos noms, dépouillés de notre langue, nous avons perdu notre religion, notre culture, notre Dieu, et beaucoup d’entre nous par la façon dont nous agissons, avons même perdu l’esprit! » ~ Dr Khalid Abdul Muhammad

Cela fait maintenant 16 ans que le « Black Power General » nous a quittés. Beaucoup de ses camarades, protégés et  partisans réfléchissent souvent à l’impact qu’il a eu sur eux, et à sa contribution à la libération des Africains de toute la diaspora du colonialisme mental.

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Shaka Shakur, coordinateur du Programme de Survie des Peuples (PSP) et militant respecté du Bronx et  de Harlem disait de lui :

« Dr. Khalid était influent auprès de la jeunesse parce qu’il est arrivé à un moment où nous n’avions rien. On n’a eu aucune structure ni d’unité à cause de la guerre biologique appelée «crack». Il a non seulement remis de la virilité chez les hommes noirs, il nous a aussi donné le sens de l’estime de soi« .

C’est en 1970 que Khalid Abdul Muhammad a rejoint les rangs de la Nation of Islam (NOI) après avoir entendu discourir le Ministre Louis Farrakhan à l’Université Dillard de Louisiane. Alors connu sous le nom de Harold X, il se distingua par ses compétences de recruteur au sein de l’organisation politico-religieuse. De part ses qualités oratoires hors du commun et sa solide formation universitaire, il gravit sans mal les échelons de la NOI, jusqu’à devenir au début des années 80, « Supreme Captain of the F.O.I.« . Dès 1984 il devint l’un des plus proches conseillers de Louis Farrakhan qui le nomma Représentant National et Porte-Parole de la NOI en 1985. Occupant le même poste que Malcolm X en son temps, il œuvrait à l’élévation des siens dans le mythique Temple # 7 de Harlem, où son illustre prédécesseur avait officié.

Khalid Abdul Muhammad alors "Supreme Captain" de la Nation of Islam et principal conseillé de Louis Farrakhan.

Khalid Abdul Muhammad (à droite) alors « Supreme Captain » de la Nation of Islam et principal conseillé de Louis Farrakhan.

«Le terroriste des uns, est le combattant de la liberté des autres!» ~ Dr Khalid Abdul Muhammad

Le Dr. Muhammad était foncièrement panafricain et eut l’opportunité de voyager dans plusieurs pays du continent afin d’y accomplir sa mission. Il se rendit en Afrique de l’ouest, en Égypte, en Afrique du Sud, en Libye où il fit la connaissance de Muammar Kadhafi et en Ouganda où il rencontra Idi Amin Dada. A ce sujet, l’ancien ministre de la Défense et de l’éducation du NBPP affirma que le «Dr. Khalid forma l’armée ougandaise sous Idi Amin, lorsqu’il fut invité au palais d’Amin durant deux ans» et «[qu’] il entraîna également l’armée libyenne à la demande de Muhammar Khadafi».

Celui que se surnommait lui-même le « Terroriste de la Vérité » défraya la chronique suite à son discours enflammé du 29 Novembre 1993 au Kean College. Ce discours dérangea les plus hautes instances du pays au point que Bill Clinton et son vice président Al Gore condamnèrent publiquement Muhammad. Le sénat des USA vota à l’unanimité sa censure faisant de lui ainsi que de Louis Farrakhan les deux seuls hommes de l’histoire des USA à avoir été censurés par la chambre haute du Congrès des États-Unis.

En 1994, à l’université Howard, Khalid Muhammad enflamma de nouveau l’auditoire lors d’une conférence historique sur «l’Holocauste Noir». La verve de ce leader charismatique ébranla le système impérialiste. Au mois de mai, la même année, le Docteur Muhammad réchappa, indemne, d’une tentative d’assassinat. Les polémiques autour de ses prises de parole furent telles que le dirigeant de la Nation of Islam, Louis Farrakhan n’eut d’autre choix que de destituer son champion et de la bannir de l’organisation.

« J’ai trouvé le discours, après avoir écouté les choses dans leur contexte, vil, répugnant, malveillant, mesquin et prononcé en se moquant des individus et des peuples, ce qui est contraire à l’esprit de l’Islam. Je me tiens à l’écart des vérités qu »il a prononcé, je dois condamner dans les termes les plus forts la manière dont ces vérités ont été exposées ». ~ Louis Farrakhan

Sa carrière de militant engagé au service de son peuple ne prit pas fin pour autant. En effet, il devint à la fin des années 90 le leader du New Black Panther Party for Self-Defense, créé par Aaron Michaels en 1989. Au sein de l’organisation, il dépassa les limites doctrinales de la NOI, et continua, en toute indépendance à élever les standards politiques de la jeunesse urbaine noire.

Quanell X et Malik Zulu Shabazz escortant le Dr Khalid Abdul Muhammad à Huston

Il marqua les mémoires une fois de plus  lorsqu’il conduisit, en 1998, une expédition punitive à Jasper au Texas afin d’affronter le Ku Klux Klan après le lynchage de James Byrd, un jeune afro-américain. La même année, il organisa la Million Youth March à New-York et rassembla  plus de 6000 personnes malgré le refus illégal du maire de la ville de l’époque, Rudolph Gulianni.

Khalid Abdul Muhammad fut aussi très influent dans le milieu Hip-Hop des années 90 et de nombreux artistes lui rendirent hommage tels :

  • Tupac Shakur
  • Sista Souljah
  • X-Clan
  • Public Ennemy
  • Scar-Face
  • Shaquille O’Neil
  • Erykah Badu
  • Lauren Hill
  • Dead Prez
  • Capone N’ Noriega
  • Black Lyrical Terrorist

Les puristes se souviendront également qu’avant leur brouille, le rappeur Ice Cube avait rendu hommage au Black Power General. Ce dernier fit de nombreuses apparitions sur les albums du rappeur californien : Death Certificate (1991) et Lethal Injection (1993).

 

https://www.youtube.com/watch?v=91gSrtSNdEU

Le disciple principal du Dr Khalid, l’avocat et ancien dirigeant de la NBPP, Malik Zulu Shabazz, explique d’ailleurs la démarche de son mentor vis à vis du « Rap Game » :

« Il tenait à rappeler aux rappeurs leur pouvoir et leur influence. Leur capacité à guérir ou à tuer notre peuple, avec ce qui sort de leurs bouches. L’attaque contre la culture hip-hop nous donne une version Amos et Andy, Jiggaboo, Step n Fetchit, ménestrel du hip-hop qui n’a pas de sens, et qui ne constitue pas une menace, tout en nous dépeignant devant le monde comme des outils et des imbéciles. » 

Khalid Abdul Muhammad et 2Pac

Khalid Abdul Muhammad et 2Pac

Le Dr. Muhammad livra sa dernière conférence, « No More Stuff Negro !« , au Harriet Tubman Learning Center de Harlem, le 10 Février 2001. Quelques jours plus tard, le 17 Février, il sera victime d’un anévrisme cérébral à Atlanta . Il y eut beaucoup de spéculations autour de son décès. Cependant les enquêtes privées n’ont apporté aucune réponse supplémentaire.

Quoiqu’il en soit, l’héritage de Khalid continuent à vivre au travers de nombreuses personnalités panafricaines et révolutionnaires. On citera notamment l’écrivain et activiste panafricaniste Kémi Séba, qui  fut nommé Ministre de la branche francophone de NBPP par Malik Zulu Shabazz.

Malgré son franc parler et son radicalisme parfois déroutant, le Dr Khalid Abdul Muhammad reste une figure emblématique de la lutte pour la libération des populations noires partout sur la planète. Son oeuvre, peu connue dans la sphère francophone, mérite une attention particulière tant son influence auprès de la jeunesse afro fut grande. Khalid Abdul Muhammad, qui se surnommait aussi Truth Terrorist, le Knowledge Gangsta, le Black History Hitman ou encore le Lie Killa, représentait d’après ses pairs, la virilité mise au service de  l’émancipation.

 

#PanafricainementVotre