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Idi Amin Dada, le président à vie de l’Ouganda

Politique

Idi Amin Dada, le président à vie de l’Ouganda

Par SK 26 septembre 2014

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 « Son excellence le Président à vie, Maréchal  Alhadji Docteur Idi Amin Dada, titulaire de la Victoria Cross, DSO, titulaire de la Military cross et Conquérant de l’Empire britannique. »

Idi Amin Dada, le président à vie de l’Ouganda

C’est avec toute cette déférence qu’il faut le nommer. Idi Amin Dada restera, de mémoire africaine, l’un des dictateurs les plus sanguinaires et fous de l’histoire de la politique. C’est en Ouganda, son pays, qu’il exercera pendant huit ans, du 25 janvier 1971 au 11 avril 1979, une répression sans limites, mettant les citoyens au service de sa mégalomanie et de sa cruauté

Le contexte politique ougandais difficile imposé par Dada, a fait que toute autobiographie de lui fut interdite. Ainsi, il est ardu d’avoir des éléments précis sur sa vie, sinon en se basant sur les travaux du chercheur ougandais Fred Guweddeko qui, à ce jour, présente l’autobiographie la plus complète et la plus vraisemblable concernant l’ex-président.

Idi Amin Dada serait né le 17 mai 1928 dans le village de Kampala (Ouganda), sous l e nom d’Idi Awo-Ongo Angoo. Son père se serait convertit à l’Islam en 1910 et aurait alors prit le nom d’Amin Dada. Après une carrière de soldat dans l’armée britannique, il rentre en Ouganda et intègre la police. Sa mère serait originaire du Congo Kinshasa, et guérisseuse-chamane, fille d’un chef tribal. Elle sera pendant des années au service de la famille royale traditionnelle du pays. En 1931, ses parents se séparent, Amin soupçonnant sa femme de le tromper avec le roi, qui est selon lui le père d’Idi Amin et de ses cadets. Elevé seul par une mère aux pratiques mystiques, il baigne durant toute son adolescence dans un monde entre occultisme et réalité, ce qui influence certainement sa stabilité psychique.

Idi Amin effectue différentes tâches avant d’être recruté comme aide-cuisinier par un régiment colonial britannique de la King’s African Rifles en 1946. Comme il est robuste et impressionnant (1m91 pour 100 kg), il est démit de ses fonctions à la cuisine et à la buanderie pour être réquisitionné comme soldat. Il combattra en Somalie et au Kenya et demeurera plusieurs années dans ce dernier. C’est d’ailleurs au Kenya qu’il acquiert le grade de Caporal puis de Sergent, en 1953. Soldat docile, champion de boxe ougandais (catégorie poids-lourds), champion de natation mais  surtout analphabète, il prend rapidement du galon au sein de l’armée après son retour au pays en 1954. En 1958, il est nommé chef de peloton puis atteint le plus haut grade de l’armée pour un noir au sein d’un régiment coloniale. Etant donné son faible niveau scolaire, c’est grâce à des pitreries et à une efficacité sans failles, qu’il obtient de l’avancement, échouant à tous les examens formels.

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Tournant politique

L’indépendance est proclamée le 9 octobre 1962 et le roi Mutesa II devient le premier président de la République. Soutenu par Idi Amin, il le récompense en étendant son pouvoir au sein de l’armée. Il le nomme capitaine en 1963, puis, commandant-adjoint de l’armée ougandaise l’année suivante. Milton Oboté, le premier ministre, entretient une proximité  corrosive avec Idi Amin et très vite, les deux sont impliqués dans une affaire de trafique de matières premières en provenance du Congo Kinshasa. Irrité par l’ingérence de Mutesa II, Oboté fomente un coup d’Etat : Idi Amin, le  nouveau chef des Etats-Majors, le soutient et se rend au Bouganda, fief du roi et président, avec l’armée en 1966. Le Roi est destitué, plusieurs ministres sont arrêtés et Oboté suspend la constitution de 1962, abolissant le fédéralisme, les royaumes et anéantissant ainsi le pouvoir du roi. Mutesa II sera contraint à l’exile chez ses anciens colons, en Grande-Bretagne, où il décède en 1969.

Oboté impose la dictature avec la naissance d’un parti unique exclusivement contrôlé par lui. Etant originaire du nord du pays, comme son compère Dada, ce coup d’Etat signifie également une revanche tribale sur les ethnies du Sud que les nordistes trouvent privilégiés. Dada a autorité pour choisir les membres de son armée. Ainsi, il privilégie les ougandais de son ethnies et quelques musulmans de la région du Nil.

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Divorce politique et mise en place du régime

Pourtant, les relations entre les deux hommes se détériorent rapidement. En effet, Oboté ne tarde pas à comprendre que Dada est un allié incontrôlable. Ce dernier rêve de pouvoir et prépare alors un coup d’éclat. En 1969, un coup d’état se prépare contre Milton Oboté. Le brigadier général Okoya en informe Idi Amin Dada et l’avertit qu’il s’apprête à déjouer le méfait, seulement, il est le seul opposant militaire déclaré de Dada. Le 25 janvier 1970, Okoya est assassiné à son domicile, avec son épouse ; ce drame dégrade définitivement l’entente entre Oboté et Dada… Le président soupçonne son sous-fifre de prendre des libertés et cherche alors à l’évincer de sa sphère politique. Il le fait d’abord placer en résidence surveillée, puis, le rétrograde en lui retirant le commandement de l’armée au profit de tâches administratives sans réelle envergure. La prochaine étape étant de l’arrêter pour le neutraliser définitivement, Idi Amin Dada réagit en lui arrachant le pouvoir par un Coup d’Etat le 25 janvier 1971, soit un an après le meurtre d’Okoya. Milton Oboté se trouve alors à Singapour afin d’assister à une réunion des états du Commonwealth.

Comme à l’accoutumée, la communauté internationale soutient Idi Amin Dada dans cette prise de pouvoir brutale. En effet, des la fin des années cinquante, l’indépendance des états d’Afrique s’annonce comme suite logique de la période de décolonisation. Les britanniques, comme les autres occidentaux, sont désireux de porter au pouvoir des pions sur lesquels ils pourront compter pour garder le contrôle de leurs anciennes colonies. Aussi, un analphabète tel que Dada, brutal et  intellectuellement limité, représente le candidat parfait pour donner au peuple ougandais l’illusion d’une souveraineté autonome, tout en gardant la mainmise sur l’Etat. Néanmoins, personne n’aurait pu prédire le carnage…

Au départ, il ne se montre pas le tyran sanguinaire qu’il sera durant huit années consécutives. Les ougandais placent également leur confiance en ce nouveau gouvernement. Idi Amin organise même des funérailles nationales pour le roi Mutesa II, libère des prisonniers, détruit la police secrète ougandaise et promet même d’organiser des élections libres. Mais, le vent tourne rapidement et, progressivement il révèle sa barbarie en montant un service d’intelligence nationale, The State Research Bureau. Ce dernier est chargé d’assassiner les opposants, avérés comme potentiels, d’emprisonner quiconque n’ayant pas soutenu sa venue au pouvoir ou proche de l’ex-président Oboté. Ce dernier tente d’ailleurs, depuis la Tanzanie où il est exilé, de reprendre le contrôle par invasion en 1972, sans succès. En représailles, Dada fait bombarder plusieurs villages tanzaniens et une véritable chasse ethnique est déclarée. Déjà psychologiquement perturbé, Dada devient paranoïaque à un degré tel que tous, même ceux de sa propre garde, sont suspectés de vouloir l’assassiner. Le 4 août 1972, il décrète que tous les asiatiques présents sur le territoire doivent partir sous 90 jours, d’après un rêve que dans lequel dieu lui serait apparu. 50 000 trouvent asile sur des terres britanniques, les autres, indiens, encore présents, seront en proie aux pillages et aux exactions. Le délire impériale du dictateur va jusqu’à déclarer qu’une grande partie du Kenya, ainsi qu’une grande partie du Sud Soudan appartiennent historiquement à l’Ouganda. Nairobi refuse et mobilise son armée, Dada abandonne cette idée de conquête. Le régime devient ultra-militaire et près de 20 000 personnes composent le staff de sécurité personnelle d’Amin Dada. Chaque jour, il se procure des armes et annonce des décrets, par voix radiophonique, qui entérinent la chasse à l’ennemi imaginaire et alourdissent la répression. La Grande-Bretagne interrompt ses financements et ferme son ambassade à Kampala en 1976, comme l’avaient fait  les Etats-Unis en 1973.

Boycotté par l’oligarchie occidentale, Dada se rapproche de la Libye de Khadafi, ses relations avec Israël, anciennement ami, se dégradent au profit du rapprochement de Dada avec la Palestine, où il financera les nationalistes révolutionnaires. Il devient de plus en plus incontrôlable, faisant exécuter chaque jour des travailleurs libéraux (professeurs, journalistes, juges…) ; des villages sont rasés ; les tribunaux militaires remplacent les tribunaux civils.

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La folie de la conquête

C’est à partir de 1975 qu’il s’autoproclame d’abord maréchal, puis, président à vie et prend également la tête de l’OUA (Organisation pour l’Unité Africaine). Durant le sommet qui a lieu à Kampala, il organise des démonstrations de puissance et défile en automobile pour symboliser sa consécration. De plus en plus mégalomane, il s’invente différents titres, accompagnés de décorations militaires, et finit même par se proclamer Roi d’Ecosse. En 1977, alors que le Royaume-Uni a définitivement interrompu ses relations diplomatiques avec l’Ouganda, Idi Amin Dada retourne la situation et se convainc d’une victoire contre le régime britannique. Ainsi, il se fait décoré avec le titre de « Conquérant de l’empire britannique. Il souffre en effet de troubles mentaux qui ne vont qu’en s’aggravant.

Chute, exil et mort d’Idi Amin Dada

La situation économique du pays devient alarmante et atteint un point catastrophique en 1978, avec la chute du cours du café. Parallèlement, la Libye diminue son aide financière. Le tyran perd lentement son contrôle ; la même année, le sud-ouest de l’Ouganda est en proie à des mutineries. Les acteurs de ces perturbations se réfugient en Tanzanie, ce qui donne un prétexte à Idi Amin Dada pour attaquer le territoire de Nyerere, une guerre éclate entre les deux états. Ne pouvant éviter son inexorable renversement, Dada fuit la capitale le 11 avril 1979. Il s’exile d’abord en Libye, puis, en Arabie saoudite, qui l’accepte par solidarité islamique. La condition de sa prise en charge par le gouvernement saoudien est qu’il ne prenne plus part aux affaires politiques, les assaillants ougandais décident de ne pas engager de traque mais de le condamner pour tous les crimes commis, au nom desquels il devra se soumettre à une sentence en cas de retour. Yuweri Museveni prend la tête du pays.

Dix ans plus tard, en 1989, il tente de revenir en Ouganda en passant par la République Démocratique du Congo, qui le refoule et le renvoie en Arabie Saoudite. En juillet 2003, l’une de ses épouses (il en avait cinq en tout), prie le président Museveni de laisser son mari, gravement malade alors, rentrer mourir au pays. Le président ne refuse pas mais promet qu’il aura d’abord à répondre de ses actes devant la justice. Il ne rentre pas et meurt le 16 août 2003 en Arabie Saoudite. Le lendemain, le secrétaire d’état britannique aux affaires étrangères de l’époque, David Owen, admettra publiquement, lors d’une interview donnée à la BBC, avoir suggéré l’assassinat d’Idi Amin Dada (refusé par les autres membres du gouvernement) qui selon lui, n’aurait jamais dû rester aussi longtemps au pouvoir.

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Idi Amin Dada aura régné huit années consécutives sur l’Ouganda. Il aura fait assassiner des centaines de milliers d’ougandais et laissé le pays dans un état catastrophique : culturellement, économiquement, et industriellement.

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