Secte, école, loge… beaucoup fantasment sur la Nation of Islam. Mais qu’est-elle en réalité et pourquoi cristallise-t-elle toute l’agressivité, la méfiance et le rejet du peuple, depuis sa fondation vers 1930 ? Intéressons-nous à cette organisation qui tient une place incontournable dans l’histoire Noire.
Les origines de la Nation of Islam
Fard Muhammad est le fondateur de la Nation of Islam (NOI), une organisation communautaire ayant pour objectif de créer une nouvelle Nation de Noirs, à travers l’Islam. Pour les adeptes de l’organisation, il est celui qui apporta l’Islam aux afro-américains pour les libérer. C’est en tout cas avec cette mission qu’il se présenta à celui qu’on appelle « l’Honorable Elijah Muhammad ». Il est difficile de trouver des informations fiables sur sa naissance et son origine. Il disait à l’époque être né en 1877 et venir de la Mecque, terre sainte des Musulmans. Toutefois, le FBI en fait une description tout à fait différente de son parcours. Fard Muhammad était assurément un métisse, qui disparut mystérieusement en 1934, laissant le soin à Elijah Muhammad de pérenniser l’institution et de guider les FOI.*
Un enseignement
« Nous ne pouvons pas avoir de pouvoir sans connaissance correcte (…) », Louis Farrakhan, banquet annuel de l‘Université de l’Islam, 15 août 1992. La particularité de la Nation, son essence même, est son combat pour l’émancipation et la revalorisation de l’Homme Noir (entendons évidemment par-là, de l’Homme et de la Femme noire), à travers l’enseignement dudit « Honorable Elijah Muhammad », qui les tint lui-même de Fard Muhammad. Aujourd’hui, cette parole est diffusée par son successeur, le dit « Honorable Ministre Louis Farrakhan ». Des principes de vie, principalement tirés de l’Islam bien-sûr, mais aussi de la Science et de l’Histoire. Ainsi le message s’applique à tous les domaines qui régissent notre vie : la politique, la spiritualité (religion), l’économie, l’éducation, les relations.
En s’appuyant sur le Coran, la Bible et même la Torah, la Nation décrypte et analyse les phénomènes de la destruction du peuple Noir. La destruction de ses valeurs, de sa santé, de sa pensée et de sa cohésion. L’islam est la condition sine qua none d’adhésion à la Nation. Toutefois, elle n’est pas un obstacle pour quiconque veut faire son introspection et évoluer dans sa condition : « Si le Musulman suit la loi enseignée par le prophète Muhammad du Saint-Coran, comment peut-il être différent des Chrétiens et des Hébreux ? » Louis Farrakhan, (Survie de la Nation Noire) 1979. Des éléments qui nous enjoignent à réfléchir constamment autour de la question : comment pouvons-nous nous améliorer en tant qu’individus et en tant que communauté ?
Le rassemblement identitaire
« Il n’y a pas de survie possible à moins que nous nous unissions ». Louis Farrrakhan (La survie de la Nation Noire), 1979. Ce n’est pas l’apparence qui permet de se connecter à sa véritable nature. L’apparence et le cliché du « Black ». Notre véritable nature s’exprime malgré nous lorsque nous nous rassemblons entre noirs par exemple. On nous exhorte donc à ne pas nous perdre dans ces détails que sont nos cheveux, nos tenues vestimentaires ou tout autre accessoire qui nous donne l’illusion d’être des noirs « éveillés ». La Nation affirme que notre état mental nécessite que nous puissions communier pour remédier à notre situation, entre êtres humains originels. Cela, sans interférences d’autres personnes extérieures à la Nation originelle (noire), et des caucasiens en particulier. Car l’Histoire enseigne que le Blanc fut et continue d’être un prédateur naturel pour l’Homme Noir. C’est pourquoi il est essentiel de l’écarter de ce projet. D’autant que par les signes du temps, la civilisation occidentale serait arrivée à son terme (cf « The time and what must be done* », discours du Ministre Louis Farrakhan). En somme, l’heure est venue de faire les choses par nous et pour nous et de renaître : Black is beautiful, Black and proud, par exemple, sont des leitmotivs insufflés par la Nation of Islam.
Ces figures que la NOI a façonné
Indéniablement, l’enseignement dispensé par la Nation of islam a façonné de grandes figures noires. Malcolm X, dans ses débuts, a été édifié et élevé par les enseignements d’Elijah Muhammad. « X » est la lettre qui remplace le nom emprunté des afros américains et des Antillais, pour symboliser l’inconnu de leurs racines et se défaire du patronyme de l’ancien maître de la plantation. En s’appuyant sur les écritures saintes (Coran, Bible), sur les sciences et la situation politique des afro-américains, Malcolm X donc, est devenu ce militant à qui nous continuons de rendre hommage. Même lorsqu’il prit ses distances avec l’institution, il en conserva la base, ainsi que le mode d’organisation. Notamment pour ce qui concernait la sécurité (un homme de chaque côté, deux hommes à l’arrière). L’Honorable Elijah Muhammad donna également le nom Muhammad Ali à la légende Cassius Clay. A ce propos, au sein de la Nation, on plaisante sur le lien entre le nom de Clay et son destin retentissant. Car il lest écrit dans le Coran : « Je vais créer d’argile un être humain. Quand Je l’aurai bien formé et lui aurai insufflé de Mon Esprit, jetez-vous devant lui, prosternés. » (Coran, 38 : 71-72) et en anglais « argile » se dit « Clay ».
Parmi les personnalités membres de la Nation, on retrouve par exemple le rappeur Jay Electronica, Kool and the Gang, Chuck D du groupe Public Enemy. D’autres célébrités ont côtoyé le ministre Louis Farrakhan et soutiennent son travail au sein de la Nation of Islam, bien qu’ils n’y appartiennent pas : Ice Cube, Snoop Dogg, Queen Latifah, Eryka Badu, Jill Scott, Will Smith et son épouse, India Arie, Stevie Wonder (dont la première épouse est une MGT), Steve Harvey, Russel Simmons, Shaquille O’Neal, Jay-Z. Dautres ont été directement influencés par les enseignememts du Ministre comme Jermaine Jackson, Michael Jackson et Janet Jackson. Le célèbre groupe de rap Public Enemy (Ennemi public), a choisit son nom en hommage à Louis Farrakhan, ainsi surnommé par les médias américains.
Par ailleurs, la discipline et le mode d’organisation qu’elle transmet a inspiré beaucoup d’autres organisations. Quelque soit l’idée que chacun se fait de ces hommes aujourd’hui, force est de constater que la Nation of Islam fait office d’école de la lutte pour la revalorisation et l’émancipation de la communauté noire.
En plus de la Maison mère située à Chicago aux Etats-Unis, une succursale à Londres et à Paris. Ainsi, il est compréhensible que le gouvernement américain et les institutions occidentales voient d’un mauvais œil cette organisation. Elle n’a en effet pas intérêt à ce qu’émergent d’elle d’autres leaders noirs capables d’inspirer, de fédérer et d’élever la communauté.
*FOI : Fruit of Islam (Fruits de l’Islam). Sont appelés ainsi les hommes appartenant à la Nation of Islam.
MGT: Muslim Girl’s Training (femmes musulmanes entraînées)