Au Tchad, deux des cinq présumés violeurs de Zouhoura se sont échappés de la prison de N’Djamena ce lundi 13 juin en fin de journée. Les accusés ont prétexté une visite pour s’évader. Ils ont escaladé le mur de la maison d’arrêt avant de prendre la fuite à bord d’une moto, malgré les tirs de sommation des gendarmes.
« J’étais retournée au Tchad l’été dernier pour mon année de terminale. Ce jour-là, je me rendais au lycée avec une amie. Une voiture s’est arrêtée à ma hauteur et on m’a poussée dedans. À l’intérieur, il y avait sept garçons, quatre portaient des armes. Je les connaissais de vue et je savais que j’étais en danger. Ils ont commencé par me chahuter en me disant « pourquoi tu ne nous dis jamais bonjour quand on passe devant toi ? Tu te prends pour qui ? « raconte Zouhoura…
C’était le 8 février, que Zouhoura de son vrai nom Zahara Mahamat Yosko, une jeune fille de 16 ans avait été kidnappée, sequestrée et violée par des fils de personnalités politiques tchadiennes. La publication sur les réseaux sociaux du viol collectif de la victime avait suscité de l’indignation dans le pays et dans le monde entier. Plusieurs jeunes femmes et des étudiants avaient manifesté dans les rues de N’Djamena pour demander que justice soit rendue pour Zouhoura mais aussi pour toutes les victimes de viol. Sur Facebook, de nombreux messages de soutien à l’adolescente avaient été publiés. Un hastag #jesuistchadienjesuisZouhoura avait été crée. A Paris, le Comité d’Initiative citoyenne avait organisé une marche blanche, le 18 février au Trocadéro.
Alors que l’élection présidentielle était prévue pour le 10 avril 2016, la mobilisation internationale a eu un tel impact, que le président Idriss Deby Itno avait affirmé sur le compte Facebook de la Présidence de la République du Tchad « justice sera rendue (…) « . Quelques jours plus tard, le procureur de N’Djamena, Bruno Louapambe Mahouli, annonce que cinq violeurs présumés, dont trois enfants de généraux qui avaient posté sur les réseaux sociaux des images de l’adolescente nue et en larmes ont été arrêté. Quatre autres personnes considérées comme des complices, dont Salahadine Moussa Faki, fils du ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahama, ont également été interpellés. Peu de jours après, Salahadine Moussa Faki, avait été envoyé en France (Argenteuil) chez un proche de la famille…
Fin février, à la demande du chef de l’Etat tchadien, les violeurs présumés de Zouhoura sont transférés à la prison de Koro Toro dans le désert tchadien. Il y a quelques semaines, ils ont été ramenés à la prison de Ndjamena en attente de leur jugement.
« Au Tchad, il n’y a pas de justice. Je veux la justice et revivre en paix »
De retour en France, où elle vivait depuis 2009 chez des parents avant de repartir au Tchad, Zouhoura s’est exprimé devant la presse à Paris le 18 mars dernier. « Il n’y a jamais eu de justice avant (pour punir) le viol d’une femme tchadienne« , a t’elle dit à l’AFP, « Je ne suis pas la seule victime. Il y a d’autres femmes, des filles qui ont été violées – que je connais – et elles sont restées anonymes, elles n’ont rien dit. »
Soutenue par son père, un candidat de l’opposition à la présidentielle, installé en France depuis plusieurs années -à qui on a proposé 1 million d’euros pour étouffer l’affaire- et son oncle, un ancien officier de police du Tchad, Zouhoura a déclaré « Au Tchad, il n’y a pas de justice. Je veux la justice et revivre en paix. » Encore sous le choc de ce qui lui est arrivé, la lycéenne Tchadienne ne passera pas son bac cette année.
Au Tchad, lundi soir, un mandat d’arrêt a été lancé contre les fugitifs, des mesures conservatoires ont été prises contre les responsables de la prison d’Amsinéné à N’Djamena pour vérifier toute complicité dans cette évasion.
Nous savons ce qu’est la justice africaine dans le cas des affaires qui incluent les enfants dits « de », mais pensez-vous que le viol de Zouhoura fera l’exception ?