Dans un rapport publié le 19 janvier dernier, l’organisation non gouvernementale Amnesty International et Afrewatch ont dénoncé les mauvaises conditions d’extraction du cobalt dans lesquelles travaillent les enfants de la République Démocratique du Congo (RDC) pour les deux leaders de téléphonie Apple et Samsung, mais aussi pour des constructeurs automobiles comme Daimler (Mercedes, Smart) et Volkswagen.
Intitulé » Voici pourquoi nous mourrons : les violations des droits humains dans le commerce globalisé du cobalt en RDC« , le rapport d’Amnesty International et African Resources Watch (Afrewatch) publié mardi dernier, pointe du doigt 16 multinationales (Ahong, Apple, BYD, Daimler, Dell, HP, Huawei, Inventec, Lenovo, LG, Microsoft, Samsung, Sony, Vodafone, Volkswagen et ZTE) qui ont recours au travail d’enfants dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo. Ces enfants, qui le plus souvent ont à peine sept ans lorsqu’ils commencent à travailler, sont exposés à des conditions d’hygiène et de sécurité périlleuses. Ils travaillent 12h par jour pour un salaire dérisoire de 1 ou 2 dollars.
L’exposition quotidienne à la poussière du cobalt entraîne plusieurs maladies pulmonaires dont une mortelle connue sous le nom de « fibrose pulmonaire aux métaux durs ». Le cobalt est le minerai utilisé dans la fabrication des batteries pour les smartphones, tablettes, ordinateurs mais aussi pour les voitures électriques. 50 % de la production mondiale du cobalt provient de la République Démocratique du Congo. L’un des clients principaux de la RDC est la Congo Dongfang Mining (CDM), filiale détenue à 100 % par Zhejiang Huayou Cobalt Ltd (Huayou Cobalt), le géant chinois de l’exploitation minière. Huayou Cobalt fournit ensuite le cobalt » à trois fabricants de composants de batteries lithium-ion » basés en Chine et en Corée du Sud.
« Ces trois fabricants ont acheté pour plus de 85 millions d’euros de cobalt à Huayou Cobalt en 2013. À leur tour, ceux-ci vendent leurs composants à des fabricants de batteries qui affirment fournir des entreprises du secteur de la technologie et de l’automobile, notamment Apple, Microsoft, Samsung, Sony, Daimler et Volkswagen » indique le rapport d’Amnesty International et d’Afrewatch.
Sur les 16 multinationales accusées, certaines disent ne pas savoir d’où vient le cobalt dont elles se servent et d’autres comme Apple répliquent » Le travail des enfants dans nos chaînes de productions ne sera jamais toléré et nous sommes fiers d’être les premiers à avoir mis en place des garde-fous ». En effet, si la firme remarque qu’un de ses sous-traitants exploite des enfants, elle l’oblige à payer leurs études puis à leur proposer un travail à leur majorité. D’autres enseignes comme Sony et Samsung ont déclaré avoir une «tolérance zéro» à propos du travail des enfants.
« En raison des risques pour la santé et la sécurité, l’extraction minière est l’une des pires formes de travail des enfants. Comment des entreprises dont les profits à l’échelle mondiale se montent à 125 million de dollars (115 milliard d’euros) osent elles affirmer qu’elles sont incapables de vérifier d’où proviennent des minerais essentiels à leur production » s’interroge Mark Dummett, le spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière des droits humains à Amnesty International.
Souvenez vous que Nestlé Mars et Hersey’s avaient utilisé la même excuse pour se défendre alors lorsqu’ils étaient accusés de traite d’enfants esclaves.
Sur 87 employés dans 5 sites mineurs congolais 17 sont des enfants. En 2014, l’UNICEF avait déjà estimé que 40 000 enfants travaillaient dans les mines au sud de la République Démocratique du Congo dont la majorité dans l’extraction du cobalt. Parmi eux, au moins 80 sont décédés entre septembre 2014 et décembre 2015. « De nombreux accidents ne sont pas signalés et les cadavres restent ensevelis sous les décombres » affirme l’ONG.
Paul, orphelin de 14 ans, a commencé à travailler dans les mines à l’âge de 12 ans. Il a raconté aux chercheurs de l’ONG qu’il est malade en permanence depuis qu’il a travaillé sous terre pendant plusieurs heures. « Je passais 24 heures d’affilée dans les tunnels. J’arrivais le matin et repartais le lendemain matin… Je devais me soulager dans les tunnels… Ma mère adoptive voulait m’envoyer à l’école, mais mon père adoptif était contre, il m’exploitait en m’envoyant travailler dans la mine« .
Alors que les Etats-Unis votent des lois sur des sujets assez légers, aujourd’hui encore l’extraction du cobalt n’est toujours pas réglementée dans la catégorie « des minerais du conflit » -or, coltan, étain et le tungstène- en provenance de la RDC.
« Tant que les entreprises ne seront pas tenues légalement de contrôler la provenance des minerais et leurs fournisseurs et de rendre ces informations publiques, elles continueront de tirer profit de violations des droits humains. Les gouvernements doivent en finir avec ce manque de transparence, qui permet aux entreprises de tirer profit de la misère » précise Mark Dummett.
Afin de veiller au respect des droits humains, Amnesty International demande que les entreprises qui utilisent du cobalt dans leur production soient désormais transparentes sur leur chaîne d’approvisionnement.