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La place de la sorcellerie chez les peuples noirs : entre culture et déformation

Culture

La place de la sorcellerie chez les peuples noirs : entre culture et déformation

Par SK 17 octobre 2014

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La conception de l’idée de sorcellerie chez les peuples d’Afrique met en lumière une lutte constante entre tradition et soumission forcée aux religions monothéïstes.

Un héritage culturel

Le vaudou : découvert à partir du VIII ème siècle par les explorateurs, c’est la plus connue des formes de sorcellerie, découlant directement des divinités Yorubas, Fon et Ewe et est surtout répandu en Afrique de l’Ouest (Togo Bénin majoritairement). Il est l’affirmation que ces puissances occultes existent. Le vaudou regroupe l’organisation des rites qui permettent de les maîtriser et en découle une hiérarchie des divinités et des hommes et femmes plus ou moins initiés qui officient lors des cultes.

Mais plus généralement, la sorcellerie, est un concept qui se retrouve chez toutes les populations noires, d’Afrique ou des Caraïbes. Il n’est pas péjoratif mais simplement l’expression d’une réalité à laquelle l’homme noir croit et qui tient une place dans son fonctionnement et sa façon d’appréhender les éléments. Avec le temps, ce concept a évolué pour dériver au fil des siècles. La pratique du vaudou a également évolué, notamment chez les descendants d’esclaves, qui n’ont pu conserver que des bribes de cet héritage et ont recréé un vaudou « à eux ».

Quoiqu’il en soit, en Afrique, plus particulièrement, le concept de sorcellerie  est aujourd’hui utilisé à tort et à travers ou pour certaines vanités égoïstes, loin de la grandeur des rites surnaturels d’antan.

Le lien entre magie et spiritisme

On peut tenter d’expliquer l’importance des pratiques dites obscures par la place des ancêtres dansla communauté noire, et donc, l’importance des esprits. Les ancêtres sont les piliers de la famille; leur âge leur confère sagesse et respect. Dans la tradition, ils sont ceux dont la parole est presque sacrée, ceux dont l’autorité est incontestée. Ces ancêtres, dieux sur la terre, transmettent le savoir du monde passé aux générations suivantes et connaissent les secrets de la nature, aussi bien pour la guérison que pour les conseils et l’organisation de la société. Parfois, ils sont même ceux que l’on appelait oracles dans la Grèce Antiques, c’est-à-dire, ceux qui apportent les visions. Une fois morts, ils sont enterrés selon des rituels spécifiques qui varient d’une contrée à l’autre: un nombre de jours de deuil à respecter, les réjouissances pour les accompagner dans leur dernière demeure ; et le rituel perdure même après la mise en terre.

La coutume veut que les vivants continuent à s’occuper de leurs aïeux avec le plus grand soin, s’ils souhaitent que les bénédictions pleuvent sur eux. On peut aussi les consulter dans l’au-delà et ils peuvent punir et maudire.

Aux Antilles par exemple, on verse les premières gouttes de ce que l’on boit afin de partager avec les ancêtres enterrés. La croyance veut que les agissements se répercutent d’une génération à l’autre et que les mauvaises actions infligées rejaillissent sur les descendants; ainsi, on attribue aux anciens et aux morts, la malchance, les échecs et les événements heureux.

Les usages

Avec la traite négrière et la colonisation, elle est devenue hérésie, car en opposition avec un christianisme imposé et mal assimilé ; bien que les cultures occidentales aient eut elles aussi leurs épisodes de magie noire. Le terme lui-même, empreint d’une vision péjorative et méprisante vient des langues gréco-romaine et annule le sens premier auquel l’entendent les africains.

Toutefois, réalité en Afrique, ce concept tire ses origines dans la culture primaire de l’Homme noir et correspond originellement à l’ensemble des forces invisibles, en présence dans le monde, desquels les hommes cherchent à s’attirer la bienveillance ou qu’ils tentent de repousser.

Ainsi, si le mot sorcellerie est idiotie en Occident, il est profondément ancré dans la culture africaine. Traditionnellement, le sorcier jouait un rôle politique dans l’organisation des communautés : Sage, Guérisseur ou Oracle.

Toutefois, l’allégeance aux esprits des défunts a été amalgamée et déformée. Par conséquent, cela s’est éloigné de l’idée de maintient d’une harmonie entre morts et vivants, pour devenir quelque chose de plus personnel. On parlera donc de sorcellerie pour désigner les pratiques obscures individuelles qui sont les forces que les hommes détournent pour servir leurs intérêts.

Ainsi, les africains vivant sur le continent, qui sont de fervents pratiquants des religions monothéistes (Islam, Christianisme), en priant un Dieu unique, accompagnent leur foi par une visite chez le marabout. Ce qui est normalement pêché selon la croyance manichéenne du bien et du mal, imposée par ces religions, qui veulent que le Bien soit l’oeuvre de Dieu et le Mal celle du diable. Ici, tout est plus nuancé et les adeptes de la divination associent volontiers ces deux versants : la sorcellerie peut donc être employée pour faire le mal comme pour le contraire.

Aujourd’hui, vulgairement employé, ce terme n’implique plus forcément la maîtrise des entités invoquées ou le respect de rituels complets ; on laisse le soin au sorcier de s’arranger avec les esprits et on ne retire que le bénéfice de cette magie, quelles qu’en soient les répercussions.

La sorcellerie est une alternative, un espoir, à une situation qu’il paraît impossible de débloquer. En effet, dans la temporalité religieuse, on ne sait quand les choses nous serons accordées, vérité qui s’oppose à l’impatience de l’homme, qui a trouvé dans ces pratiques obscures, pourtant condamnées par les religions chrétiennes et musulmanes, un moyen d’assouvir des désirs gourmands et vaniteux. Ainsi, une femme qui craint de voir son mari s’éloigner, ira demander un talisman, une poudre ou un onguent afin d’être sûre de le tenir « attaché ». Pareillement, un homme qui souffre de l’indifférence d’une femme qu’il aime ira chercher les mêmes « remèdes » pour enfin s’attirer les faveurs de la belle. Cela constitue le côté « positif » ou plutôt « arrangeant » de la sorcellerie.

De même, il y a son versant « négatif » qui permet de punir ou de profiter de son prochain: invoquer les esprits pour envoyer une maladie, provoquer l’infertilité, ect… Cependant, on ne sait si l’efficacité de ces « sorts » provient du fait que les gens y croient avec ferveur ou si cela fonctionne réellement.

Car, imagination ou réalité, l’instrumentalisation de ces puissances n’a profité en rien à ses usagers : les noirs, à travers le monde, ne souffrent pas moins, bien au contraire. S’ils arrivent à s’attirer des faveurs pour les futilités, ils n’ont pas réussit à contrer la famine, la sécheresse, la maladie ou les guerres…

On peut donc se poser la question de savoir si tout ceci n’est qu’imagination ou si  le fait que la pratique soit mal effectuée en réduit l’efficacité.

Toutefois, sont présentes dans la divination, les théories les plus rigoristes quant au fonctionnement de la nature: Le Bien et le Mal induisent la notion de retour naturel des choses et comme pour le Karma, les mauvaises actions se paient par ceux qui les ont perpétrées. C’est d’autant plus vrai en Afrique où le sort est rejeté sur celui qui a agi ou sur sa descendance. Cette configuration entraîne un va-et-vient de ces « croyants-païens » : ils pratiquent la sorcellerie mais prient lorsque les répercussions rejaillissent sur leurs familles.

Par ailleurs, la notion de sorcellerie trahit à la fois une ignorance et une impuissance des africains face aux événements qu’ils doivent surmonter. La misère et la pauvreté, les croyances tribales qui n’ont pu être contrebalancées par un rapport au monde, empêché par l’alphabétisation massive des populations, facilite la prolifération de cette dérive.

« Sorcier » est ainsi devenu la pire insulte et explique l’inexplicable: Une mauvaise récolte, un décès brutal, une incapacité à procréer, sont le fait de la sorcellerie.

Originellement, le fait de ne pas satisfaire les esprits de la nature, de ne pas invoquer les divinités de la fertilité, pouvait, selon les croyances ancestrales, empêcher l’harmonie des éléments. Ainsi la famine était punition et une bonne récolte récompense ; les habitants devaient alors remercier ces forces tantôt malignes, tantôt bienveillantes, pour les bénéfices. Mais aujourd’hui, tout événement incontrôlé est le fait de la sorcellerie. Si cela peut paraître insensé, c’est un phénomène grave qui entraîne des clivages et des rejets dans le voisinage et au sein des familles.

Quand la croyance irrationnelle devient fléau

 

Selon l’Inter Press Service News Agency (IPS), plus de 9000 enfants sont chassés car désignés comme « sorciers » par leurs familles. Pour un comportement étrange, pour une façon de dormir, une démarche ou  simplement parce que la famille a des difficultés, l’enfant est désigné comme sorcier pour être le bouc-émissaire de tous les maux. D’abord indexés, martyrisés puis finalement jetés dehors  et livrés à eux-mêmes dans les rues dangereuses de l’Afrique ; ces « shegué », comme on les appelle au Congo, deviennent prostitués, voleurs ou sont enrôlés comme enfants soldats… (Cf Survivre pour voir ce jour de Rachel Mwanza).

Ces croyances sont dangereuses car elles poussent à des massacres et des abandons. Les sacrifices d’enfants « sorciers » existent depuis le X ème siècle environ ; dans les empires  où la sorcellerie, en son sens originel prenait une place prépondérante dans la société, des enfants étaient sacrifiés aux divinités pour conjurer le mauvais sort ou pour attirer leurs bons soins. Comme par exemple pour l’histoire de la création du peuple baoulé (Côte d’Ivoire), où l’héroïne, La reine Pokou sacrifia son propre enfant pour le salut de son peuple (XIII ème siècle); tout cela en accord avec une logique de communion avec les sages et l’utilisation des éléments…

Mais ce phénomène d’accusation, à priori sans aucune preuve tangible, participe à la dégradation de la famille en Afrique et de l’ostracisme d’enfants, qui, déjà dans de mauvaises conditions de développement, voient leur avenir condamné. Bien que tout ceci puisse paraître ridicule, c’est une réalité et les africains qui sont sur place, pour la plupart, y croient dur comme fer.

 L’obscurantisme « glamour »

De ces croyances de tous temps, sont nées des spéculations qui mettent en lumière les personnalités influentes du monde. A l’origine, la Franc-Maçonnerie, organisation secrète, apparue vers la fin des années 1590 en Europe. Ce groupe est né d’une volonté des personnes influentes et occupant des postes clés de la société, de se regrouper afin de mutualiser leurs forces et asseoir leur domination. C’est un système que l’on intègre par cooptation, c’est-à-dire, qu’il faut qu’une personne y appartenant déjà vienne vous chercher pour vous y intégrer, après quoi on est soumit à une initiation. La théorie veut que tous les grands de ce monde, plus particulièrement les chefs d’états (tous continents confondus) y appartiennent. Beaucoup d’historiens et d’écrivains ont spéculé sur un lien entre les francs-maçons et les templiers qui étaient à la recherche du Graal au XVème siècle ; comme récemment l’auteur Dan Brown (Da Vinci Code ; Anges et Démons).

Faute de pouvoir exactement définir les activités annexes des adhérents, la légende leur prête des cultes, des symboles ; laissant ainsi une grande part d’ésotérisme, voire de satanisme, comme c’est le cas dans les croyances traditionnelles africaines. Ainsi, tout lieu secret tel que : le Vatican, le Panthéon ou encore le Louvre, en plus de renfermer les manuscrits relatant les épopées de ces élus, auraient un lien particulier avec cette secte.

 

La Kabbale, de laquelle se revendiquent Madonna et Tom Cruise, entre autres, serait le culte maléfique autour d’esprits de milliers d’années, ré-incarnés dans des corps d’êtres humains. La partie immergée de sa théorie est plus scientifique et part de la théorie du Big Bang et de la répartition des forces sur la terre.

Néanmoins, un certain niveau de sagesse et de maîtrise de ces forces naturelles est requis pour accéder au niveau ultime de la doctrine. Arrivés à ce stade d’ouverture, les élèves des enseignements de la Kabbale deviendraient des surhommes, proches des divinités et capables d’actions surnaturelles….

Néanmoins, ceci n’est qu’une des multiples versions de ce que doit apporter une telle connaissance à la vie de l’Homme et cette définition prendrait ses racines dans l’histoire des peuples noirs de l’Egypte ancienne. Avec la démocratisation de l’information, plusieurs écrits abordent le thème et donnent différentes explications à ce sujet : Mystères de la Kabbale, de Marc-Alain Ouaknin ; La Kabbale, Peter-E-Miller ; La Kabbale KVivante de Daniel Béresniak.

Enfin, plus récemment, est apparu le concept d’illuminatis, concept auquel on associe la quasi-totalité des célébrités du show-business américain (Beyoncé, Lady Gaga, Rihanna, etc…). Le culte des illuminatis serait celui du diable en personne et directement associé à la figure de la bête : Baphomet (XIX ème siècle). Des américains ont prétendu analyser les références au satanisme dans les différentes oeuvres artistiques des prétendus adeptes.

Vérité ou spéculation, il n’en demeure pas moins que la façon d’appréhender les croyances ésotériques en Afrique et en Occident, diffère du fait que les uns en tirent profit quant au pouvoir et à l’argent, tandis que les autres s’avilissent et régressent. Dans des sociétés aussi avancées que la société Occidentale, la présence de telles croyances ne constitue pas un frein à l’ascension. Etant un peuple déjà assit, de telles tergiversations ou l’aide de ces pratiques si elles sont véridiques, est une fantaisie supplémentaire. En revanche, au sein d’une nation déjà fragilisée et au plus bas de ses capacités comme l’est la Nation noire, cela, du moins utilisé de cette façon, est un dangereux mal qui nous éloigne de notre but et de notre avancement.

 

Par SK.