Les années sud-africaines de Mohandas K. Gandhi révèlent une facette largement méconnue de son parcours : une vision hiérarchisée des races et un discours ouvertement dépréciatif envers les Africains noirs. À partir de citations authentifiées issues de ses écrits, pétitions et correspondances entre 1893 et 1914, Nofi revient sur une part sombre de sa trajectoire, bien souvent occultée dans la mémoire populaire.
Les déclarations authentifiées qui alimentent le débat sur son rapport aux Africains noirs

La figure de Mohandas Karamchand Gandhi occupe une place centrale dans l’histoire politique mondiale. Symbole de la résistance non violente contre l’Empire britannique, il n’en demeure pas moins un personnage dont les années sud-africaines (1893–1914) révèlent une vision raciale nettement hiérarchisée. L’étude directe de ses écrits (correspondances, pétitions, articles du Indian Opinion) montre qu’il évolua, dans cette période, au sein d’une logique de distinction entre Indiens et Africains.
Voici les citations authentifiées qui nourrissent encore aujourd’hui la controverse autour de son rapport aux communautés noires d’Afrique australe.
« The Indian is being dragged down to the position of a raw Kaffir. » Source : Collected Works of Mahatma Gandhi, cité par le Washington Post (2015).
Gandhi déplore ici que les Indiens soient classés dans la même catégorie administrative que les Africains. Le terme « raw Kaffir » (insulte racialement chargée) témoigne d’une hiérarchie raciale implicite.
« It is one thing to register Kaffirs, but it is another to compel Indians to carry passes like them. » Source : Collected Works, cité par le Washington Post (2015).
Gandhi critique l’obligation du passbook imposé aux Indiens, tout en affirmant que les Africains peuvent, eux, être soumis à ce traitement. La distinction entre les deux groupes est revendiquée.
« We believe as much in the purity of races as we think they do. We believe also that the white race in South Africa should be the predominating race. » Source : Gandhi, Indian Opinion, cité et analysé dans Al Jazeera (2021).
Un positionnement souvent ignoré : Gandhi reconnaît et valide alors la prétendue « prééminence » blanche dans l’ordre colonial sud-africain.
« Kaffirs are as a rule uncivilised ; the convicts even more so. They are troublesome, very dirty, and live almost like animals. » Source : Collected Works, cité par le Washington Post (2015).
Cette phrase, l’une des plus explicites, intervient alors que Gandhi est emprisonné en 1908. Il y décrit les prisonniers africains en reprenant les stéréotypes coloniaux les plus classiques.
« I feel most strongly about the mixing of the Kaffirs with the Indians. » Source : Collected Works, cité par le Washington Post (2015).
Dans un contexte de demande séparée de quartiers résidentiels, Gandhi exprime clairement son refus de cohabitation, considérant ce voisinage comme une « entrave » à la dignité indienne.
« The white man’s civilisation is suited for the white man. » Source : Gandhi, cité dans l’analyse d’Al Jazeera (2021).
Cette idée témoigne de sa perception d’une différence fondamentale entre civilisations, dans la droite ligne des hiérarchies morales héritées de l’idéologie coloniale.
« The Indian belongs to an ancient civilisation. The Kaffir has none. » Source : citation rapportée et analysée dans Al Jazeera (2021).
Gandhi oppose une Inde supposée « civilisée » à des Africains qualifiés d’“acivilisés”. Cette grille de lecture reprend les schémas évolutifs du XIXᵉ siècle.
Un contexte qui n’efface pas la dimension raciale

Les défenseurs de Gandhi invoquent souvent des facteurs de contexte :
- jeunesse intellectuelle ;
- influence du milieu colonial ;
- évolution progressive de sa pensée après 1915.
Cependant, les documents écrits ne laissent aucun doute sur ce point : entre 1893 et 1914, Gandhi conçoit les Indiens comme un groupe intermédiaire entre Européens et Africains, revendiquant une forme de supériorité culturelle.
Réduire Gandhi à un raciste serait ignorer son rôle majeur dans l’histoire de l’anticolonialisme. Le présenter comme un saint en dehors de tout contexte historique serait tout aussi erroné. Ses écrits sud-africains montrent un homme pris dans les tensions raciales de l’époque, mais qui en adopte également les présupposés.
Étudier ces citations, les documenter et les confronter à la mythologie contemporaine, c’est rappeler que les figures historiques (même les plus célébrées) doivent être appréhendées dans toute leur complexité, sans effacement ni anachronisme.
Notes et références
- The Washington Post – Rama Lakshmi, “What did Mahatma Gandhi think of black people?”, 3 septembre 2015.
- Al Jazeera – Tamoghna Halder, “Coming to terms with Gandhi’s complicated legacy”, 7 avril 2021.
- Collected Works of Mahatma Gandhi (CWMG)
- Indian Opinion (journal fondé par Gandhi en 1903)
