Behind The Silence, le film de Yannick Bandolo et Junior Foka, brise le tabou de l’exploitation des migrants en Europe. Un drame puissant et nécessaire.
Certains films cherchent à émouvoir, d’autres à déranger. Behind The Silence, premier long-métrage du réalisateur camerounais Yannick Bandolo, appartient à la seconde catégorie. Produit par TDS Prod, porté par Junior Foka qui y tient également le rôle principal, ce drame franco-camerounais s’annonce comme l’une des œuvres les plus percutantes de l’année. L’avant-première est prévue le 20 septembre au cinéma Le Mas à Paris.
Un récit d’exil et de désillusion
Le film suit Akim (Junior Foka), un jeune Camerounais qui décide de rejoindre clandestinement l’Europe pour subvenir aux besoins de sa mère malade, Mama Thérèse, et de sa sœur Annie. Mais l’Europe qu’il découvre n’a rien du rêve qu’il imaginait. Pris en charge par Madame Laurent (Coco Mendy), femme d’affaires raffinée, il se retrouve enfermé dans un système où son corps devient objet de désir et de consommation.
Surveillé par Hassan (Thierry Atangana), un homme de main implacable, Akim est pris dans un engrenage silencieux d’exploitation et de domination. Pendant ce temps, sa sœur et sa mère luttent pour survivre à Yaoundé, dans une pauvreté extrême. Le film met ainsi en parallèle deux réalités : celle d’un exil brutal et celle d’un quotidien étouffant resté au pays.
Tourné entre Yaoundé et Paris, Behind The Silence juxtapose deux univers. Les quartiers populaires camerounais, filmés avec une lumière chaude et organique, contrastent avec les intérieurs bourgeois parisiens, froids et oppressants. La caméra de Aboubakar Sidiki Njoya privilégie la proximité : gestes, silences, regards. Le spectateur est happé dans un huis clos où chaque détail pèse plus lourd qu’un dialogue. La musique originale d’Ayissi Charles accentue cette tension, oscillant entre mélancolie et urgence dramatique.
Behind The Silence a l’audace d’aborder un sujet encore largement absent du cinéma : l’exploitation sexuelle des hommes migrants. En inversant les représentations habituelles, le film met en lumière un angle mort des violences contemporaines. Il ne s’agit pas de provoquer gratuitement, mais d’ouvrir une réflexion sur la manière dont les corps, masculins comme féminins, peuvent être réduits à des instruments de survie et de domination.
À travers le parcours d’Akim, le film questionne la diaspora et plus largement le spectateur : jusqu’où peut-on se taire pour survivre ? Que reste-t-il de soi quand le silence devient une arme imposée ? Ce n’est pas seulement l’histoire d’un homme, mais celle de milliers de jeunes Africains partis dans l’espoir d’un avenir meilleur, confrontés à une réalité implacable.
La force du film repose également sur une distribution et une équipe technique profondément investies. Coco Mendy incarne une prédatrice complexe, Thierry Atangana un exécutant glaçant, Thérèse Ngono et Kaprice Akamba portent à l’écran les visages de celles qui restent et qui subissent.
Derrière la caméra, Yannick Bandolo, formé entre le Cameroun, l’Allemagne et la France, apporte une rigueur cinématographique nourrie par une vision politique. Junior Foka, acteur et producteur, met toute son intensité au service d’un rôle viscéral, à la croisée de l’engagement social et de la performance artistique.
Verdict

Behind The Silence n’est pas un film de divertissement. C’est une œuvre de rupture, une expérience cinématographique qui cherche à éveiller les consciences. En brisant le tabou de l’exploitation des hommes migrants, Bandolo et Foka offrent au cinéma africain contemporain un projet rare : frontal, dérangeant, profondément humain.
Le 20 septembre, au cinéma Le Mas, le silence sera rompu.
Notes et références
- Entretien avec Yannick Bandolo – Note d’intention du réalisateur, dossier de presse Behind The Silence (août 2025).