Juste Shani : FOMO, l’angoisse transformée en hymne

Le 17 septembre 2025, Juste Shani sort FOMO, un single coup de poing qui transforme l’angoisse générationnelle en manifeste. De ses débuts en Essonne aux scènes majeures, portrait d’une rappeuse qui refuse les cases et impose sa voix.

Une voix qui capte l’instant

Il est minuit passé à Paris. Dans les stories qui défilent sans fin, les rires paraissent plus éclatants, les fêtes plus folles, les vies plus complètes que la nôtre. C’est la tyrannie silencieuse du Fear Of Missing Out. Mais soudain, dans ce flux d’images standardisées, une autre voix s’impose : grave, claire, urgente. Celle de Juste Shani.

Son nouveau single, FOMO, sorti ce 17 septembre 2025, ne se contente pas de surfer sur un acronyme devenu banal. Elle le retourne comme un gant, en fait une arme poétique. Là où le FOMO étouffe une génération prisonnière de l’écran, Shani le transforme en confession et en résistance. Elle parle pour celles et ceux qui doutent, qui comparent, qui se sentent en marge ; et les rassemble dans un chœur de vérité.

Née en Essonne, façonnée par le rap et les tremplins de banlieue, Shani n’est pas une artiste construite en laboratoire. Sa musique porte les cicatrices de la route, les espoirs d’une jeunesse qu’on regarde trop peu, et les colères d’une femme qui refuse d’être réduite au silence. Avec FOMO, elle dépose un miroir devant nous. Et nous oblige à y plonger.

Juste Shani : FOMO, l’angoisse transformée en hymne

Wissous, petite ville d’Essonne. C’est là que grandit Shani, fille d’une diaspora congolaise où les mots comptent autant que les gestes. L’enfant observe, écoute, note. Les carnets se remplissent de phrases griffonnées à la hâte, de poèmes à peine raturés. Elle ne sait pas encore que ces mots deviendront des punchlines.

Avant le rap, c’est le R’n’B américain des années 2000 qui l’élève : les voix de Brandy, Aaliyah, Beyoncé. Des femmes qui osaient raconter l’amour et la douleur avec audace. Puis vient la découverte du rap, comme une révélation : la possibilité de dire l’indicible, de cracher les vérités que personne ne veut entendre. L’écriture devient un refuge et une arme.

2018, Shani termine un master en marketing. Un diplôme solide, un avenir tracé. Mais son instinct lui murmure autre chose. Elle ose un pas de côté : une année sabbatique. Pendant que d’autres cherchent des CDI, elle explore : danse hip-hop, chant, football dans un club parisien. Mais c’est le rap qui s’impose.

Les open mics deviennent sa seconde maison. Les freestyles postés sur les réseaux sociaux circulent, s’échangent, créent une petite communauté fidèle. L’Essonne connaît bien cette histoire : le rap comme rite d’initiation, comme baptême du feu. Mais Shani y injecte une singularité : une voix de femme qui n’imite pas, qui ne quémande pas sa place. Elle s’impose.

Juste Shani : FOMO, l’angoisse transformée en hymne

Dans le rap français, les femmes doivent souvent passer par un double parcours du combattant. Shani le sait. Elle s’y confronte avec rage et lucidité.

  • 2019 : Lauréate Give Me Five du Réseau MAP, elle attire les premiers regards.
  • 2021 : Finaliste Buzz Booster Île-de-France. La preuve qu’elle ne lâche pas.
  • 2021 encore : première partie d’IAM à l’Olympia, soutenue par RIFFX. Symbole fort : une jeune femme rappeuse sur la scène mythique où les légendes du rap français ont écrit leur histoire.
  • 2022 : Lauréate du dispositif Rappeuses en Liberté, conçu pour redonner de la place aux voix féminines.
  • 2022 encore : gagnante de la tournée RADAR, foulant les scènes de Solidays et Lollapalooza.
  • 2023 : gagnante Giveme5 avec Renault, qui l’amène à son premier Planète Rap aux côtés de Youssoupha. Validation suprême dans une industrie encore sceptique.
  • 2023 : sélectionnée par le FAIR, dispositif d’accompagnement des artistes émergents.

Chaque étape est un combat. Chaque victoire, une brèche ouverte dans un système qui invisibilise encore les rappeuses. Là où certains voient une suite logique, Shani voit une conquête.

Juste Shani : FOMO, l’angoisse transformée en hymne

Si Shani n’était qu’une artiste de scène, elle aurait déjà marqué. Mais c’est dans ses textes que se loge sa force politique.

En 2020, elle sort Bonne Fête. Derrière le titre faussement léger, une critique tranchante des récupérations commerciales du 8 mars. Là où d’autres se contentent de roses, elle offre des rimes acérées.

En 2023, elle célèbre les footballeuses avec Joga Bonito, hymne joyeux et militant pour le Mondial féminin. La chanson devient un défi viral sur les réseaux. Derrière le rythme festif, une déclaration : le sport féminin n’est pas secondaire, il est essentiel.

Sa musique est traversée de cette tension : célébrer et dénoncer, danser et résister. C’est ce qui la relie à la tradition afro-diasporique où la musique est toujours plus qu’un divertissement : un manifeste.

L’année 2024 voit la sortie de Nuits Blanches, son premier EP. Exploration des insomnies modernes, des amours contrariés, de la solitude urbaine. La plume est intimiste mais jamais refermée sur elle-même.

En 2025, elle enchaîne avec Diamant Noir, deuxième EP. Une métaphore de son identité : dureté et éclat, résistance et beauté. On y retrouve ses “Cartes Blanches”, véritables laboratoires créatifs où elle revisite des figures populaires : MufasaReine des NeigesPaëlla. Des références pop détournées en punchlines acérées.

Musicalement, Shani ne se laisse enfermer dans aucun carcan : toplines chantées, flows serrés, beats trap, touches afro. Elle jongle, hybride, casse les codes. C’est ce mélange qui fait sa singularité.

Et voici donc FOMO. Le titre arrive comme une réponse à l’époque. Une époque où chacun guette les écrans des autres pour mesurer sa propre valeur.

Shani, elle, choisit d’affronter ce vertige. La prod, sombre et immersive, installe une tension quasi cinématographique. Son flow alterne entre confidences chantées et rafales de rimes. Le texte explore cette peur d’être à côté, de rater l’instant, de ne pas être assez. Mais il transforme cette angoisse en libération.

Car FOMO n’est pas qu’un constat. C’est un exorcisme. Un rappel que l’authenticité ne se trouve pas dans les feeds, mais dans la chair et les rêves qu’on ose poursuivre.

Juste Shani : FOMO, l’angoisse transformée en hymne

Le morceau touche juste parce qu’il s’adresse à une jeunesse prise en étau : entre hyperconnexion et solitude, entre visibilité et effacement. Dans la diaspora, chez les jeunes femmes noires, FOMO résonne comme une thérapie collective.

Là où certains rappeurs masculins glorifient la consommation ou l’ego-trip, Shani choisit de montrer les failles. Elle transforme la vulnérabilité en puissance. Et c’est précisément cette honnêteté qui crée la connexion avec son public.

Dans ses interviews (France Inter, Brut, Riffx), elle rappelle souvent que son rôle n’est pas seulement d’occuper une scène, mais de la redessiner. De prouver que le rap féminin n’est pas un sous-genre, mais une avant-garde.

À 29 ans, Juste Shani construit déjà une œuvre cohérente : des textes engagés, une identité sonore forte, une présence scénique affirmée. Mais plus encore, elle façonne un héritage. Celui d’une rappeuse qui n’a pas attendu l’autorisation pour prendre sa place.

Ses prochains projets (tournées, collaborations, nouveaux EP) s’annoncent comme des jalons d’une carrière appelée à durer. Car Shani n’est pas qu’un phénomène éphémère. Elle incarne une bascule.

Avec FOMO, elle offre à sa génération un hymne paradoxal : le chant d’une peur partagée, mais aussi la promesse qu’on peut la dépasser.

Le futur est déjà là

Juste Shani : FOMO, l’angoisse transformée en hymne

On dit souvent que le rap français est saturé, qu’il a tout dit. Juste Shani prouve l’inverse. Avec FOMO, elle capte l’air du temps, en révèle les fissures, et y glisse sa voix.

Sa trajectoire, de l’Essonne aux grandes scènes, des open mics aux tremplins, raconte plus qu’une success story. Elle raconte une lutte : celle des femmes noires pour exister dans un milieu qui les invisibilise, celle des jeunes artistes pour se faire entendre sans se perdre, celle d’une génération qui refuse de disparaître dans le bruit numérique.

Le futur du rap français ? Il porte sans doute le visage et la voix de Juste Shani. Et il s’appelle FOMO.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

Soutenez un média engagé !

Chez NOFI, nous mettons en lumière la richesse et la diversité des cultures africaines et caribéennes, en racontant des histoires qui inspirent, informent et rassemblent.
Pour continuer à proposer un regard indépendant et valoriser ces héritages, nous avons besoin de vous.
Chaque contribution, même modeste, nous aide à faire vivre cette mission.
 
💛 Rejoignez l’aventure et soutenez NOFI ! 💛
 
👉 Faire un don 👈

News

Inscrivez vous à notre Newsletter

Pour ne rien rater de l'actualité Nofi ![sibwp_form id=3]

You may also like