Neïba

Le Kenya à l’honneur à l’UNESCO, ou comment préserver culture et identité africaine

Culture

Le Kenya à l’honneur à l’UNESCO, ou comment préserver culture et identité africaine

Par SK 23 novembre 2018

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

« Lorsqu’on perd ses valeurs et son mode de vie traditionnel, on perd son identité, en tant que nation mais aussi en tant qu’africain. »

Tous les deux ans, le Kenya est à l’honneur à l’UNESCO. Une semaine entière est consacrée à la valorisation de toutes les cultures qui composent le Kenya. Au programme, art, tourisme, rencontres. A cette occasion, nous avons rencontré Evangeline Njoka, secrétaire générale de la commission nationale permanente pour le Kenya à L’UNESCO et son collègue David Gerishom Otiato, secrétaire adjoint en charge de la coordination des services et des entreprises; qui nous parlent de leur travaille pour préserver cette identité unique.

Quel est le rôle de cette commission ?

DGO: La commission nationale fait le lien entre le gouvernement auquel nous appartenons et l’UNESCO. Nous avons cinq domaines compétences : l’éducation, la culture, la nature, les femmes, la communication et l’information. Nous faisons la promotion de notre véritable culture.

Que met en place le Kenya, localement, pour promouvoir l’histoire du pays ?

DGO: Nous avons une célébration culturelle nationale. Avant de venir ici, nous avons invité tous les pays africains, ainsi que leurs institutions du secteur privé, les ONG et les écoles, à assister à des universités autour de l’histoire. Parmi les initiatives multiples que nous mettons en place, nous travaillons aussi au sein de l’UNESCO à travers les clubs locaux. Au sein de ces clubs, nous essayons de rassembler ces différentes communautés. A la in de l’année, nous ferons une évaluation. Nous avons également mis a place des associations scolaire pour le réseautage. La culture concerne aussi la protection des terres. Nous avons des forêts et réfléchissons à comment nous pouvons les protéger.

David Gerishom Otiato, secrétaire adjoint en charge de la coordination des services et des entreprises. Crédit photo: Véronika Kariuki.

Que faites-vous pour promouvoir la culture du Kenya en Afrique ?

DGO: Nous avons fait des choses. En Afrique, il y a les pays francophones et les pays anglophones et il serait compliqué pour un pays comme le Kenya d’influencer les autres seulement avec sa culture. La seule chose que l’on peut faire est que chaque pays valorise toutes ses traditions. Chacun d’entre eux doit préserver son héritage et l’utiliser pour la diffuser à travers l’Afrique, sans qu’aucun n’en adopte une autre. Avec la commission des états d’Afrique de l’est qui siègent à l’UNESCO, nous souhaitons parler d’une seule et même voix.

La plupart des gens ne voient le Kenya que comme le pays des Masai. Cette image coloniale vous déssert-elle ?

DGO: Il est vrai que beaucoup de gens croient que tout les kenyans sont des Masaï. Mais nous ne le sommes pas tous. Il existe 42 tribus au Kenya et chacune de ces tribus a sa propre culture. Toutefois, le Kenya est la terre des Masaï depuis la création de la terre et avec la commission, nous essayons de préserver cette unicité. Quoiqu’il arrive, nous ne changerons pas et il est important pour nous de garder cela.

EN: Certains de nos jeunes ne s’identifient pas à leur culture et je crois que c’est une forme de complexe. Nous sommes tentés de favoriser la culture occidentale en oubliant notre éducation traditionnelle. C’est à ce moment que l’on intervient, en tant qu’institution pour commencer dire « Attention, nous sommes en train de nous perdre, il faut qu’on en parle, qu’on se re- connecte ».

Comment combinez-vous tradition et droit des femmes ?

EN: Il est vrai que certaines de nos traditions discriminent les femmes. A l’origine, dans la tribu à laquelle j’appartiens, les femmes ne vont pas à l’école. Elle ne valorise l’éducation pour les femmes. Ma mère me racontait que quand elle étai enfant, elle devait rester à l maison pour s’occuper des moutons pendant que mes frères allaient à l’école. Cependant, ça évolue. Le gouvernement est investi dans la lutte pour l’égalité des sexes. La nouvelle constitution le stipule et nous avons toute une commission qui œuvre pour évoluer les droits des femmes. De nos jours, on voit de plus en plus de femmes, issues de ces communautés sortir de l’ombre, s’éduquer, prendre position.

Artisanat kenyan.
Crédit photo: Nofi.

En 2017, le Kenya avait la meilleure connexion internet au monde. De quelle façon internet contribue à votre travail pour préserver la culture ?

EN: La technologie fait une énorme différence pour l’avancée du secteur de l’innovation. Le Kenya veut être le leader en la matière en Afrique et dans le monde entier. En réalité, au Kenya, les gens sont entrés dans cette ère de technologie avancée. Le gouvernement a a fourni aux citoyens la meilleure connexion internet. Avec cette commission, nous souhaitons vraiment promouvoir la conservation de nos documents historiques. De cette façon, les prochaines générations pourront accéder à la culture et c’est là l’aspect positif de l’innovation et d’internet. L’UNESCO est justement le premier promoteur de la culture et de sa protection. Des événements comme celui-ci, les semaines culturelles, les semaines kenyanes ou encore les festivités nationales que nous avons organisées en septembre où nous avons regroupés les différents pays d’Afrique pour célébrer nos cultures ; c’est ce que nous faisons avec la commission. Ainsi, nos traditions ne seront pas perdues ou oubliées. Nous avons besoin de pouvoir nous documenter car lorsqu’on perd ses valeurs et son mode de vie traditionnel, on perd son identité, en tant que nation mais aussi en tant qu’africain.

Préserver la culture implique également de préserver les terres. Comment le Kenya tente de résoudre le problème du « land grabbing » ?

DGO: L’une des choses que nous avons faites pour résoudre la question du land grabbing, est d’avoir mis en place une commission des terres indépendante. Il y a des terrains privés et des terrains publics. Cette commission est la seule habilitée à déterminer le statut des terrains et trancher en cas de litige en se référant au registre des terres. Avant qu’elle ne soit séparée du ministère, il était aisé de manipuler le système. Aujourd’hui il n’est pas évident de subtiliser des terrains. Vous pouvez toujours le faire mais à la finalité, nous le sauront et si vous vous faites attraper, vous irez directement en prison.

Mrs Evangeline Njoka, Secrétaire générale de la commission nationale permanente du Kenya à l’UNESCO. Crédit photo: Véronica Kariuki.

Le Kenya est désormais connu pour l’art du Flip Flop. L’écologie fait-elle partie des priorités ?

EN: Nous avons vraiment compris l’enjeu de l’écologie. Je veux dire, l’importance de préserver l’environnement. Le Kenya a pris à bras-le-corps le problème des déchets en plastique. Certaines ONG et institutions locales ont commencé à recycler des matériaux comme les tongs en plastique et en font de nombreuses choses comme de l’art, des décorations. Ils en ont même fabriqué un bateau avec lequel vous pouvez vraiment aller sur l’eau.

Le président a annoncé que le Kenya fournirait un visa à chaque africain désireux de s’installer dans le pays. Ce projet verra-t-il réellement le jour ?

EN: Si le président l’a dit, c’est que ça va se faire. L’Afrique est ouverte à cela et les pays travaillent ensemble. Bien sûr, cela commence par l’Afrique de l’est où ça se fait présentement. Le Kenya valorise le panafricanisme donc chaque africain est libre de développer son business n’importe où dans l’un de ces pays.

L’Afrique du sud a traversé quelques problèmes de xénophobie. Y êtes-vous également confrontés ?

EN: Non. Le Kenya a obtenu son indépendance très tôt et n’a pas subi l’apartheid contrairement à l’Afrique du sud. Donc je pense que ce pays doit affronter des défis uniques et pour longtemps. Ils ont probablement le sentiment de ne pas avoir suffisamment bénéficié de leurs ressources ; ils n’ont pas non plus leurs propres terres. Nous, nous n’avons pas fait cette expérience.

Comment cohabitent Blancs et Noirs sur place ?

EN: Très bien ! Nous avons appelé les kenyans à laisser le passé derrière eux, à se rassembler et à pardonner. Depuis ce temps, nous regardons vers l’avenir et travaillons au développement de notre pays. Des Blancs vivent au Kenya, sont propriétaires de leurs propres terres. C’est une question d’intégration et le Kenya est un pays très accueillant.

En termes de culture, nous connaissons la musique, l’afrofuturisme…qu’en est-il du cinéma ?

EN: Nous continuons de montrer des spectacles de danse ici, tous les deux ans, histoire d’emmener la véritable culture kényane à l’UNESCO.Durant les éditions précédentes, nous avons diffusé des films kenyans. Nous le referons à l’avenir. Nous devons raconter nos propres histoires de résilience, de paix et mettre en avant nos documentaires sur le Kenya qui montrent  les endroits qu’on peut y visiter, les cultures qu’on peut y découvrir, les danses.