La Chine exporte ses techniques de surveillance numérique en Afrique

La Chine exporte ses méthodes de surveillance stricte de l’Internet aux gouvernements africains. Ces derniers les utilisent pour étouffer la dissidence et la libre circulation de l’information, et ainsi augmenter leur pouvoir de contrôle…

La police d’Internet en Chine

La censure d’Internet en République Populaire de Chine est l’une des plus répressive au monde, du fait de la grande variété de son arsenal juridique et administratif. Le gouvernement chinois a notamment créé plus de 60 restrictions d’Internet. Elles sont mises en œuvre par les antennes provinciales des fournisseurs d’accès Internet, les sociétés et les différentes organisations appartenant à l’État [1]. Selon la chaîne de télévision payante américaine CNN, l’appareil de contrôle d’internet de la Chine est considéré comme plus étendu et plus avancé que dans n’importe quel autre pays du monde [2]. Les autorités gouvernementales chinoise bloquent non seulement le contenu des sites Web mais surveillent également l’accès des particuliers à Internet [3].

Pour Amnesty International la Chine compte « le plus grand nombre de journalistes emprisonnés et de cyberdissidents au monde » [4]. L’ONG Reporters sans frontières, basée à Paris, a déclaré en 2010 et 2012 que « la Chine est la plus grande prison du monde pour les internautes » [5]. Les infractions incriminées incluent la communication avec des groupes à l’étranger, la signature de pétitions en ligne, l’appel à une réforme et la fin de la corruption. Les efforts du gouvernement pour neutraliser l’opinion critique en ligne et la syndicalisation interviennent après une série de manifestations de grande ampleur. Celles-ci concernent la pollution, la corruption et les émeutes ethniques. D’ailleurs, beaucoup ont été organisées ou diffusées à l’aide de services de messagerie instantanée, de bavardoirs et de messages. Les médias d’Etat chinois ont rapporté que la police chinoise d’Internet représentait 2 millions d’agents en 2013 [6].

La Chine exporte ses techniques de surveillance numérique en Afrique

Nous pourrions nous dire qu’il s’agit là du problème du pays le plus peuplé du monde. Mais là où le bât blesse, c’est que selon un nouveau rapport de l’ONG américaine Freedom House qui étudie l’étendue de la démocratie dans le monde, la Chine exporte désormais certaines de ces techniques autoritaires en Afrique. L’étude a évalué les développements liés à la liberté d’internet qui se sont déroulés entre juin 2017 et mai 2018 dans 65 pays du monde.

L’année dernière, la Chine a organisé des démonstrations de son système de censure et de surveillance pour les responsables des médias de pays tels que le Maroc, l’Égypte ou la Libye. En novembre 2017, elle a également organisé un séminaire de deux semaines intitulé « Cyberspace Management for Officials of Countries along the Belt and Road Initiative« . Freedom House a déclaré que « ce qui se passe au cours de tels séminaires n’est pas toujours clair » [7]. Des lois sur la cybersécurité suivent la tenue de ces réunions. Elles ressemblent d’ailleurs beaucoup à la loi chinoise, notamment en Ouganda et en Tanzanie.

Une influence chinoise grandissante

Les entreprises chinoises jouent également un rôle de premier plan dans l’installation d’équipements Internet et de réseau mobile en Afrique. Par exemple, Transsion Holdings, établie à Shenzhen, est maintenant le plus grand fabricant de téléphones en Afrique [8]. Des startups comme CloudWalk ont lancé un important programme de reconnaissance faciale au Zimbabwe. Le réseau multinational chinois d’équipements de télécommunications Huawei conseille le Kenya sur son projet des NTIC.

La République Populaire de Chine prend ces mesures alors même que les gouvernements africains considèrent Internet comme une menace. En effet, ces derniers ont recours à une multitude d’arrêts ciblés, de surveillance et de législations arbitraires pour réduire au silence les utilisateurs numériques. Invoquant de fausses informations, multipliant les «Tchat» en ligne et prévoyant d’accroître les recettes intérieures, les gouvernements ont également commencé à taxer les offres Internet. Cette mesure a de nombreuses répercussions. En premier lieu, la démocratie et la cohésion sociale en sont altérées. De plus, la croissance économique, l’innovation et la neutralité du réseau d’information sont également affectés.

Lorsque l’on sait que sur le continent africain, il n’est pas rare que le pouvoir en place bloque internet, notamment dans les périodes électorales, cette exportation du savoir-faire chinois en matière de censure parait particulièrement liberticide. On se rappellera du cas du Gabon, du Cameroun ou encore de la République démocratique du Congo en janvier 2018.

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Notes et références

[1] « II. How Censorship Works in China: A Brief Overview« , hrw.org, publié le 14 mars 2015.

[2] « Internet censorship in China« , Ireport.cnn.com, 6 juillet 2004.

[3] « La Chine durcit encore sa censure d’Internet, imitée par la Russie« , nouvelobs.com, publié le 01 août 2017.

[4] « Firewall of Shame« , internetfreedom.org, publié en 2008.

[5] Miles Yu ~ « Inside China« , washingtontimes.com, publié le .

[6] « La Chine emploie deux millions de personnes pour censurer Internet« , lexpress.fr, publié le 5 octobre 2013.

[7] « China is exporting its digital surveillance methods to African governments », qz.com, publié le 1er novembre 2018.

[8] « Stratégie : le chinois Transsion veut détrôner Samsung« , jeuneafrique.com, 17 novembre 2017.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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