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Entretien avec Benjamin Faleyras, le créateur de Gospel sur la colline

Société

Entretien avec Benjamin Faleyras, le créateur de Gospel sur la colline

Par SK 7 octobre 2015

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« Mettre en scène un révérend avec ses paroissiens, c’est déjà un spectacle en soi. »

NOFI a rencontré Benjamin Faleyras, le créateur de Gospel sur la colline. Pourquoi un spectacle sur le Gospel ? En France ? Aujourd’hui ?

Avec pour décor la ségrégation aux Etats-Unis au début des années 1950, Benjamin Faleyras met le doigt sur un sujet délicat. Sur plusieurs sujets à vrai dire : quelle est la place de l’église dans une communauté noire-américaine dévastée par l’esclavage, la négrophobie, la ségrégation ? Comment cohabitent des personnalités différentes sur les bancs de la maison de Dieu ? Un spectacle pour la tolérance et l’unité, porté par une troupe formidable et des chants profonds.

Entretien avec un esprit libre.

Pourquoi ce titre : Gospel sur la colline ?

Pour moi, la colline évoquait l’ascension. J’ai grandit à l’église et comme bien souvent, lorsque Jésus allait prêcher, il montait sur le mont des oliviers, pour se faire entendre, pour être vu.

La religion est un sujet peu commun pour ce type de spectacle. Pourquoi ce choix ?

Je suis né en Guadeloupe et j’ai grandi à Saint-Martin jusqu’à l’âge de dix ans. Là-bas, c’était vraiment le gospel à l’américaine. Ensuite, nous sommes venus en France, et arrivés à Paris, ce n’était pas pareil dans les églises (rires). J’essayais donc d’insuffler ce que j’avais vu dans mon enfance, mais ça ne prenait pas parce qu’ici on a toujours peur d’en faire trop.

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C’est comme ça que vous en êtes arrivé à monter des comédies musicales ?

J’ai d’abord monté des troupes, des groupes de chorale et je m’étais toujours dit qu’un jour  je mettrais en scène un spectacle dont l’intrigue se jouerait dans une vraie église à l’américaine. Ce genre de spectacle existe depuis longtemps aux Etats-Unis, avec Gospel caravane par exemple. Cela fonctionne parce que mettre en scène un révérend avec ses paroissiens, c’est déjà un spectacle en soi. Mais, je voulais faire quelque chose de plus fort parce qu’en France, pays catholique mais laïque, on ne fait pas ressortir ce côté très fervent.

Il y a l’église mais aussi le cabaret. Ce contraste était important pour vous ?

Tout à fait, parce que je ne veux pas représenter l’église uniquement comme  le lieu béni. Je voulais vraiment ce mélange des genres, c’est pourquoi vous retrouvez Suzie, la fille de joie du cabaret, dans l’église. Parce que la maison de Dieu est pour tous, normalement, on n’a pas à juger. Vous avez aussi le jeune estropié détesté par sa mère qui lui préfère sa sœur. Ce sont des gens qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. Je voulais les mettre dans la comédie pour montrer que l’on doit être tolérant. C’est le message fondamental de Gospel sur la colline.

 

Pourquoi avoir placé l’intrigue dans le contexte de la ségrégation aux Etats-Unis ?

Je n’ai pas voulu que ce soit exclusivement basé sur une histoire d’église parce que ça n’aurait pas intéressé grand monde, à part les chrétiens. Je voulais faire un spectacle qui ne ferait de prosélytisme pour une religion particulière, puisque je n’appartiens moi-même à aucune église.

C’est pourquoi j’ai recentré les choses sur les droits des Noirs, et qui mieux que Martin Luther King pour en parler ? C’est pour ça que mon révérend est un adepte de Luther King et que lui aussi, dans sa petite église, dans sa petite bourgade, veut adhérer à ce courant de pensée en créant une église où on mélangerait Blancs et Noirs.

 

Vous sentiez-vous concerné par ces problématiques raciales avant de faire ce spectacle?

Bien-sûr, parce que j’ai toujours été pro-black, depuis mon enfance. Parce je voyais l’inégalité qu’il y avait entre les Noirs américains et les Noirs de France. J’allais en vacances aux Etats-Unis quand j’étais jeune et j’en voyais partout, des directeurs, des cadres, des restaurants dans lesquels tous les employés étaient Noirs. Je me disais « super, je suis à la maison ! ». Arrivé en France, il n’y avait  pas ça, nous sommes à des années lumières en arrière. J’ai toujours voulu faire avancer les choses parce qu’on a du talent. La troupe que j’ai en est la preuve et je voulais monter ce spectacle pour que tout le monde sache que la communauté noire avait vraiment du talent.

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Avez-vous rencontré des difficultés pour monter ce projet ?

Oui. Qu’un Noir puisse vouloir mettre des Noirs en scène, ça a été compliqué. J’ai créé ce projet il y a dix ans, et depuis, je cours les productions et les décideurs politiques Noirs, qui eux-mêmes ne se sont pas senti concernés. C’est très dur de mettre en scène un tel spectacle. On n’a pas lâché l’affaire avec mes collaborateurs, donc on a décidé de le mettre en scène une fois, il y a trois ans au Casino de Paris, c’était moins élaboré mais ça a plu quand même. C’est comme ça qu’on a trouvé les financements pour  monter le Gospel sur la colline d’aujourd’hui.

Quel est le meilleur que vous pouvez retenir de cette aventure ?

Le plus gros cadeau que m’offre cette aventure, c’est cette fraternité entre les comédiens de la troupe. Nous sommes comme une famille et c’est merveilleux.