Le royaume de DMT

Au 1er millénaire avant notre ère s’est développé en Erythrée et au nord de l’Ethiopie actuelles le royaume de DMT. Mêlant traits culturels africains et sudarabiques, il est à l’origine de la création des plus anciens monuments et traces d’écriture d’Ethiopie. 

Par Sandro CAPO CHICHI / nofipedia

Les origines

Avant le 8ème siècle avant notre ère s’était mis en place un important réseau commercial qui s’étendait de l’actuel Soudan au royaume à Arabie du Sud. De ce réseau émergeait notamment le royaume de Napata dans l’actuel Soudan et le royaume DMT en Erythrée et en Ethiopie du Nord. Avec sa capitale probablement située dans l’actuelle Yeha (actuelle région du Tigray en Ethiopie), son territoire se situe plus précisément dans l’actuelle région de Rore en Erythrée et d’Enderta en Ethiopie. DMT, dès les origines, présente de clairs traits culturels communs avec le royaume sudarabique de Saba comme par exemple des textes idéologiques écrits en écriture sudarabique. Comme pour de nombreuses cultures africaines, ce scénario offrait la possibilité aux premiers chercheurs africanistes racistes de prétendre à une invasion de Sémites blancs d’Arabie du Sud qui auraient apporté la civilisation à une Ethiopie peuplée de Noirs africains inférieurs. La réalité semble aujourd’hui avoir été différente. La présence de traits culturels sabéens à DMT serait le résultat d’une zone commerciale partagée par les deux états plus que par une colonisation. Preuve de l’évolution des pensées sur la question, le linguiste anglais Roger Blench a récemment émis l’hypothèse que des textes écrits en écriture sudarabique dans une langue inconnue et trouvés à Marib, capitale du royaume de Saba, seraient des langues nilo-sahariennes, un groupe de langues exclusivement parlées en Afrique ce qui impliquerait que la présence d’émigrants africains occupant des fonctions importantes à Saba.

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DMT à travers l’archéologie

Les noms de quatre rois de DMT nous sont connus. Il s’agit de WR’N HYWT, de RD’M, de RBH et de LMN.Alors que le premier porte le titre de MLK (roi dans les langues sémitiques), les trois autres portent celui de MKRB, qui décrit un roi unificateur. Ce titre pourrait expliquer que le roi soit qualifié soit de roi de DMT soit de roi de DMT et de SBH (Saba) : le roi de DMT aurait par la suite étendu son autorité sur Saba et l’influence de Saba sur DMT aurait graduellement diminué. Comme on l’a mentionné plus haut, la concentration de sites archéologiques d’importance dans la ville de Yeha semble indiquer qu’elle eût été la capitale de l’état. Parmi ces sites, le plus célèbre est celui d’un temple probablement dédié à la divinité lunaire sud-arabique LMQ, le plus ancien monument encore debout d’Ethiopie (ca. 700 avant notre ère). On y trouve aussi des traces de systèmes d’irrigation complexes et des tombes qui attesteraient de pratiques mortuaires à DMT. D’autres complexes religieux ont été trouvés sur le territoire de DMT. C’est le cas du site de Malazzo et de celui, voisin, d’Hawelti. Bien que ces trois temples trahissent de fortes influences sabéennes, le site d’Hawelti semble intégrer une base africaine plus significative avec une plus grande importance accordée au bétail. Outre des motifs représentant ce dernier, Hawelti a fourni deux remarquables artefacts : une statue de 8à centimètres d’une femme avec une robe de lin blanc dont le style rappellerait le style de l’art du royaume de Méroé et un trône d’un mètre quarante de haut représentant des personnages dans un style apparemment égyptien mais mêlant aussi des influences sabéennes et méditerranéennes.

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La fin de DMT

Le déclin de DMT commence au début de la deuxième moitié du 1er millénaire avant notre ère. Il est probablement du à l’émergence d’autres états à la même période comme le royaume ptolémaïque en Egypte et du déplacement du pouvoir de Napata vers Méroé dans le royaume de Kouch qui vont réorganiser les réseaux commerciaux dont DMT était bénéficiaire. Yeha va s’appauvrir et être abandonné au profit d’un exode rural où vont se former trois chefferies autour de la région d’Aksoum vers 150 avant notre ère. Ces cultures, associées à d’autres, allaient contribuer à l’émergence de l’empire d’Aksoum, la grande puissance qui allait dominer l’Ethiopie, l’Erythrée et même l’Arabie lors du millénaire suivant.

Bibliographie :
The archaeology of Ethiopia  / Niall Finneran
Histoire de l’Éthiopie, d’Axoum à la révolution  / Berhanou Abebe

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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