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Afonso I de Kongo

Histoire

Afonso I de Kongo

Par Naya 2 octobre 2014

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Afonso Ier de Kongo (1456~1460-1543) est considéré comme l’un des plus grands souverains du royaume de Kongo. Il est connu pour avoir modernisé son royaume en bien des aspects et pour être l’un des premiers rois africains à avoir dénoncé ouvertement la traite négrière.

Par Sandro Capo Chichi

Afonso I de Kongo (mort en 1543) est, selon la tradition, le cinquième ou le sixième roi à la tête du royaume de Kongo.

Il succède à son père João Ier Nzinga a Nkuwu, et entreprend une christianisation du royaume, ainsi que sa modernisation inspirée du modèle portugais. Son règne, le plus long de l’histoire du royaume, en est aussi le plus significatif quant à  l’élaboration de sa structure économique et de son idéologie royale. Le souvenir d’Afonso en tant que plus grand et premier roi légitime de la nation perdurera au fil des siècles, la filiation à partir de ce souverain et à son administration servant de référence et de légitimité à des générations de rois et de nobles ultérieurs.

Les origines à l’arrivée des Portugais

Mvemba a Nzinga est né entre 1456 et 1460 du roi de Kongo João I, alias Nzinga a Nkuwu, et son épouse principale. Son prénom, Mvemba, est donné aux hommes au teint clair ou « au regard plein de franchise et d’audace ». À l’arrivée des Portugais dans la capitale de Mbanza Kongo, en 1691, Mvemba est gouverneur de la province de Nsundi depuis au moins 1686. Selon la tradition royale kongo de cette époque, l’épouse principale du roi ne peut pas lui donner d’héritier. Mvemba ne peut donc, théoriquement, pas hériter du trône. Quand son père Nzinga a Nkuwu est converti au catholicisme avec ses proches et adopte le nom de João Ier, Mvemba est baptisé sous le nom d’Afonso.

Très vite, João Ier subit la pression des prêtres chrétiens pour qu’il abandonne la polygamie, ne conserve que son épouse principale et que son successeur soit issu de leur union. Pour eux, Afonso est donc l’héritier légitime du trône de Kongo. Tandis que la majorité du royaume rejette le christianisme, Afonso reçoit le soutien des Portugais.

Prise et consolidation du pouvoir

En 1706, João Ier meurt. Afonso et son demi-frère Mpanzu a Kitima, à la tête de la faction hostile au christianisme, se disputent la succession. Bien que d’abord intronisé roi, Mpanzu a Kitima est vaincu par Afonso lors de la bataille de Mbanza Kongo. Afonso explique cette victoire par un événement miraculeux, à savoir l’apparition de saint Jacques et de cavaliers célestes qui auraient fait fuir les troupes adverses et conduit à la mise à mort de Mpanzu a Kitima. Une fois au pouvoir, la position d’Afonso n’est toutefois pas bien établie. Pour résoudre ce problème, Afonso a recours à plusieurs méthodes :

La première est de soumettre la population par la force.
La seconde est de la corrompre, avec des produits obtenus via le commerce avec les Portugais ou hérités de son lucratif gouvernorat dans la province de Nsundi, comme le cuivre.
La troisième est sa « réforme » de la chrétienté kongo. Alors qu’elle fut initialement rejetée en tant que culte mbumba, c’est-à-dire en tant que culte des divinités, elle est mieux acceptée dans le cadre du Nkadi Mpemba, qui relève davantage de la sorcellerie (magie blanche ou noire). Les nobles acceptent mieux ce christianisme réformé en ce sens qu’il ne menace pas les cultes mbumba, sous leur contrôle.
La quatrième consiste à ignorer la pratique de la monogamie imposée par les Portugais. Plutôt que de se marier avec des femmes de son clan, il épouse des femmes nobles, afin de conserver le soutien de ces derniers.

Position par rapport à l’esclavage

À l’époque d’Afonso, la loi kongo interdit de vendre des hommes libres du royaume ; seuls les captifs de guerre peuvent légitimement être vendus. Lorsque le roi du Portugal cherche à développer un commerce d’esclaves avec Kongo, Afonso accepte, mais en ne vendant que des captifs de guerre, pour la plupart mbundu. Afonso essaie alors de monopoliser le commerce des esclaves.

Mais lorsque la demande en cuivre des Portugais diminue au profit d’une plus grande demande d’esclaves, il perd ce monopole.

Des hommes libres du royaume sont alors kidnappés, et Afonso se plaint, en 1526, auprès des Portugais de ces « hommes sans conscience et voleurs » qui se prêtent à ces activités illégales. Il fait même savoir au roi du Portugal sa volonté de ne plus recevoir de marchands portugais en son territoire ; qu’il n’y aurait plus de traite des esclaves dans le royaume de Kongo. Cette déclaration ne sera toutefois pas suivie d’actes. Quand il reprend le contrôle de l’économie du royaume, Afonso se prononce à nouveau, en 1540, en faveur d’un commerce avec les Portugais incluant les esclaves.

Réforme de la royauté et de la société kongo

Pour Afonso, la culture portugaise représente la modernité, qui se caractérise notamment par l’éducation chrétienne, la technologie militaire et l’alphabétisation. Pour la mener à bien, Afonso fait appel à un grand nombre de prêtres, construit des églises dans tout le royaume et fait venir des spécialistes de la grammaire afin de lettrer des membres de la noblesse. Il a aussi recours à une politique violente de destruction des icônes dans son entreprise de christianisation du royaume.

Il introduit le christianisme comme culte des ancêtres royaux, et s’arrange pour que ce culte soit celui de tous les nobles sous sa direction. Il introduit de nouvelles armoiries pour le royaume, basées sur le miracle de sa victoire sur Mpanzu a Kitima, et illustrant la victoire du christianisme sur « l’idolâtrie ». Au cours de son règne, il établit une nouvelle royauté basée sur son propre prestige. Tous ses successeurs sur le trône devaient être des descendants biologiques et porter son nom dans leur titulature.

Un personnage complexe

On présente souvent Afonso comme un roi naïvement idéaliste et européanisé, dont la crédulité aurait conduit son pays vers le déclin et la soumission aux Portugais.

La réalité semble plus complexe, puisque l’on sait qu’il n’empruntait pas tout ce qui était portugais. Il a, par exemple, rejeté la monogamie pour s’assurer le soutien des nobles du royaume. Il s’est aussi moqué de la rigidité de la loi portugaise, qui pourrait même interdire « de poser le pied sur le sol ».

D’autre part, les innovations qu’il introduit dans le royaume ont, à part le christianisme, prouvé leur efficacité, telles les armes à feu qui effrayent et chassent les envahisseurs Jaga sous Alvaro Ier, et l’alphabétisation qui permettra aux futurs rois du XVIIe siècle de lutter d’égal à égal face aux mensonges et aux manipulations de leurs ennemis européens.

Afonso reste l’un des premiers souverains africains à avoir élevé la voix contre le commerce d’esclaves et son caractère inhumain. Et s’il l’a finalement autorisé et pratiqué, ce fut toujours dans le respect de la loi de son pays et de son époque, qui interdisait aux hommes libres d’êtres vendus.

Si on peut lui reprocher un génie qui en aurait fait un visionnaire de l’unité des populations noires, il est, selon nous, impropre de le juger avec anachronisme sur des lois qui ne seront officialisées que deux siècles plus tard.

Sa conversion au christianisme était-elle réelle et sincère, ou motivée par des raisons politiques et égoïstes? Aucun élément ne nous permet de répondre à cette question avec certitude. On peut toutefois parfaitement imaginer un homme très croyant et remerciant un dieu, pour lui avoir donné le pouvoir dans son pays envers et contre tous, en lui offrant son royaume. C’est cette image compréhensible d’Afonso, le plus puissant et prestigieux roi de Kongo, que l’on espère voir confirmée par les découvertes futures.