Styliste, entrepreneure et visionnaire, Laëtitia Kandolo incarne la renaissance de la mode africaine. De Rihanna à Kinshasa, elle impose un style libre, audacieux et engagé. En 2025, sa nomination à la tête de l’Institut Régional de la Mode en Afrique (IRMA) consacre son influence : celle d’une femme qui ne se contente plus de créer, mais qui structure l’avenir du textile africain.
De Rihanna à Kinshasa, Laëtitia Kandolo incarne la mode africaine du futur et prend la tête de l’IRMA, première école panafricaine du style

Elle a commencé dans l’ombre des coulisses, là où se façonnent les images qui marquent des générations. Aujourd’hui, Laëtitia Kandolo appartient à cette courte liste de créatrices capables de relier la scène mondiale du spectacle, l’entrepreneuriat de mode et la construction d’institutions pérennes en Afrique. Française d’origine congolaise, fondatrice de la marque Uchawi, directrice artistique passée par les plus hautes sphères du show-business, elle vient de franchir un palier décisif : sa nomination comme directrice exécutive de l’Institut Régional de la Mode en Afrique (IRMA), inauguré à Kinshasa fin septembre 2025. À travers elle, c’est une certaine idée de la mode africaine qui s’affirme : professionnelle, ambitieuse, structurée, connectée au monde sans renoncer à ses codes.
La trajectoire de Kandolo illustre un mouvement profond. Pendant des années, la mode africaine a été sollicitée comme réservoir d’inspirations (tissus, couleurs, silhouettes, rythmes) sans toujours bénéficier d’infrastructures locales solides. L’ascension de créatrices comme elle, couplée à la naissance d’institutions dédiées, signale une bascule : l’Afrique ne veut plus seulement inspirer, elle veut produire, former, employer, exporter. L’IRMA, installé sur le site de l’Onatra au cœur de Kinshasa, concrétise cette ambition en offrant ateliers, machines, espaces d’exposition et parcours de formation entre design, confection et business de la mode. La nomination de Kandolo à sa tête n’est pas qu’un symbole : c’est la mise en responsabilité d’un profil capable de faire dialoguer terrain, création et stratégie.
D’un carnet d’adolescente à l’arène mondiale

Née et élevée à Paris dans une famille congolaise, Laëtitia Kandolo grandit avec l’œil curieux de celles et ceux qui voient la mode comme une langue. Elle s’oriente vers le « fashion business » après le bac, mais sa véritable école se joue dans les studios, les backstage et les salles de répétition. Très tôt, elle travaille en freelance comme styliste et se frotte à l’exigence du direct, où un vêtement doit survivre à la sueur, aux projecteurs, aux chorégraphies ; et raconter quelque chose en une seconde de caméra. Les opportunités s’enchaînent : des collaborations avec Rihanna, Kanye West, Madonna, Will.i.am, Sting, puis un périmètre élargi qui touche autant au stylisme de scène qu’à la direction artistique et au brand content. Ces jalons, documentés dès 2015, l’installent dans le cercle des talents afro-descendants qui savent manœuvrer sur la scène globale sans diluer leur singularité.
Dans ses dossiers de références, on retrouve des missions aux côtés de l’équipe de Kanye West entre 2013 et 2016, sur des segments aussi variés que les shows, les apparitions, les partenariats de marque et des recherches pour Yeezy. Cette période, très formatrice, l’initie aux contraintes des grandes machines culturelles et à la fabrique d’icônes : comment un look s’intègre à une narration scénique, comment une coupe réagit sous une lumière rasante, comment un textile se comporte à la caméra ou explose en gros plan. C’est une académie officieuse, mais implacable.
Uchawi : une marque afro-urbaine comme manifeste

Le mot Uchawi signifie « magie » en swahili. La magie, chez Kandolo, n’a rien de naïf : c’est la rencontre entre une esthétique urbaine internationale et des savoir-faire africains, entre l’envie d’écrire depuis Paris et la nécessité d’ancrer la production et la valeur sur le continent. Dès ses premières présentations publiques, Uchawi se positionne comme une proposition africaine, contemporaine, portable, qui refuse à la fois l’exotisme de pacotille et le mimétisme des capitales de mode. Les pièces mélangent l’aisance street (hoodies, bombers, coupes amples) et les accents artisanaux, invitant à porter le continent non comme citation folklorique, mais comme langue maternelle du style.
Porter une marque, c’est autre chose que réussir un look : c’est créer une chaîne de valeur. Kandolo s’y attelle en tissant des liens avec des écoles et ateliers, en prêchant la cause d’une production locale crédible et en assumant les difficultés bien réelles de l’industrialisation textile en Afrique centrale. La logique est claire : former, équiper, faire monter en gamme, consolider les réseaux de distribution. Uchawi devient ainsi un laboratoire de ce que pourrait être un luxe africain à l’ère post-inspiration : créé ici, produit ici, rayonnant partout.
Ce qui distingue Kandolo de nombreuses consœurs et confrères, c’est sa capacité à fabriquer de l’image pour des artistes dont l’ADN visuel compte autant que la discographie. Le stylisme de scène est une dramaturgie : on y raconte un album avec des tissus, un tube avec une épaule, une décennie avec une silhouette. Lorsque l’on collabore avec Rihanna, Madonna ou Beyoncé, on ne livre pas un « vêtement », on livre un moment. Ces expériences lui ont appris à tenir un calendrier impossible, un budget qui n’autorise pas l’erreur, une pression où la moindre couture défaillante peut faire dérailler un set. À ce niveau de jeu, l’éthique professionnelle devient un style en soi.
On pourrait croire que cette proximité avec les mégastars éloigne la créatrice de l’Afrique. C’est l’inverse. L’exposition internationale l’aura surtout armée pour revenir avec davantage d’outils : lecture des tendances globales, exigence de qualité, vision des circuits de diffusion, science des « drops » et du « storytelling » visuel. Ce capital d’expérience, elle s’apprête désormais à l’institutionnaliser via l’IRMA.
IRMA, Kinshasa : l’institution comme acte de foi

25 septembre 2025, Kinshasa. L’Institut Régional de la Mode en Afrique est inauguré dans l’enceinte de l’Onatra. Le projet, piloté par l’incubateur Kobo Hub avec l’appui de partenaires dont l’Ambassade de France en RDC, veut former les nouveaux professionnels de la mode en Afrique centrale : designers, patronniers, modélistes, responsables d’atelier, responsables de production, spécialistes du retail et du marketing. Au-delà des cours, l’IRMA offre des machines, des ateliers, un laboratoire culturel, des espaces d’exposition et un écosystème de mentorat.
Quelques jours plus tôt, Laëtitia Kandolo officialise sur ses réseaux sa nomination comme directrice exécutive du Kobo Fashion + IRMA. Le message est limpide : il ne s’agit pas d’une « école vitrine », mais d’un outil pour professionnaliser la filière, connecter les talents aux marchés et ancrer la création sur le continent. La presse régionale salue une nomination « logique », au regard d’un parcours qui unit mode, musique, entrepreneuriat et réseaux internationaux. Pour l’institution, la crédibilité d’une telle figure est un atout immédiat ; pour les étudiants, c’est un modèle tangible.
Ce que prépare l’IRMA, sous sa direction, c’est un changement d’échelle. Former à Kinshasa pour habiller le monde. Normaliser des standards de qualité, du premier croquis à la dernière surpiqûre. Arrêter de vendre la valeur brute de la créativité africaine au prix bas, et capter la valeur ajoutée par l’intégration de la chaîne ; design, prototypage, production, image, distribution. Dans une économie où la culture est une industrie, la mode est aussi un actif stratégique.
La nommer à la tête de l’IRMA, c’est reconnaître trois évidences. D’abord, que la scène afro-urbaine n’est pas un segment marginal de la mode mondiale : c’est un moteur de désir, de style, de business. Ensuite, que l’Afrique centrale a besoin d’institutions qui stabilisent la formation et la production : une école, c’est un rythme, des promotions, des standards. Enfin, que les femmes afrodescendantes occupent désormais des postes « d’architecture » dans l’industrie : non seulement elles créent, mais elles dessinent les cadres où d’autres créeront.
Laëtitia Kandolo n’est ni une caution, ni une exception exotique. Elle est une opératrice. Sur Instagram, lors de l’inauguration, on la voit circuler entre les ateliers, expliquer le sens des machines, parler d’employabilité, d’écosystème. Loin du « personal branding » creux, c’est la partie visible d’un travail d’ingénierie culturelle.
L’esthétique d’Uchawi (et plus largement la patte Kandolo) se déploie sur une ligne de crête : faire désir sans céder à l’ornemental, honorer l’héritage sans en faire un folklore. Ce positionnement est cohérent avec sa vision de l’IRMA. Pour elle, l’enseignement n’a de sens que s’il rencontre un marché. D’où l’importance, dans la pédagogie à venir, de modules consacrés à la supply chain, au pricing, à la distribution omnicanale, à l’image digitale, aux collaborations intelligentes avec la musique et l’audiovisuel ; ce qu’elle connaît intimement.
C’est aussi sur ce point qu’elle est attendue : amener la rigueur du monde des tournées et des shows vers les ateliers de formation. Un vêtement qui passe de la table au podium, c’est une équation technique et narrative. La normalisation de ces savoirs (du patronage à la coordination avec un directeur photo) fera la différence entre une école « passion » et une école professionnelle.
Une génération qui n’attend plus d’être invitée

Kandolo est contemporaine d’une génération afrodescendante qui ne demande plus l’autorisation d’exister dans la mode globale. On n’attend plus que les grandes maisons « découvrent » un talent africain à la marge d’un défilé : on produit, on forme, on édite, on vendre. L’IRMA peut catalyser cette énergie à l’échelle régionale, à condition de tenir trois promesses : maintenir le niveau d’exigence, sécuriser des partenariats durables, garantir l’accessibilité sociale de la formation.
Sur ce dernier point, la crédibilité d’une école se mesure aussi au destin de ses diplômés : placements en maisons, création d’ateliers, labels qui survivent au-delà de la collection « capsule ». À Kinshasa comme ailleurs, l’approche « projet » doit rencontrer l’approche « entreprise ». C’est là que l’expérience de Kandolo (et ses réseaux) peuvent accélérer.
La photo de la créatrice posant devant une machine industrielle à Kinshasa résume une décennie de travail. On y lit Uchawi et sa grammaire afro-urbaine, les backstages internationaux, et désormais l’architecture d’une institution. Les prochains mois diront si l’IRMA parvient à sortir ses premières promotions avec des standards crédibles et des partenariats solides. Ils diront aussi si une école peut devenir un hub : accueillant conférences, expositions, résidences, passerelles avec la musique, le cinéma, le numérique.
Pour Kandolo, la responsabilité est immense, mais l’opportunité l’est tout autant : si l’IRMA réussit, il deviendra un modèle réplicable ailleurs en Afrique (Dakar, Abidjan, Douala, Cotonou) et une tête de pont pour des coopérations Sud-Sud en matière de mode. Former chez soi, réussir chez soi, rayonner partout : telle pourrait être la devise implicite de cette nouvelle ère.
Laëtitia Kandolo, la femme qui a remis la couture africaine au centre du monde.

Ce portrait serait incomplet s’il passait sous silence l’effort et la ténacité nécessaires à un tel parcours. Les premiers mails sans réponse, les castings où l’on attend une « touche africaine » au lieu d’une vision, les nuits sans sommeil pour boucler un fitting ou un board, tout cela fait partie de l’équation. Si Laëtitia Kandolo inspire aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle n’a pas confondu visibilité et légitimité. La première s’obtient ; la seconde se construit.
Il y a dix ans, Vogue Italia la présentait comme une jeune styliste à suivre, fondatrice d’un label connecté à ses racines congolaises et déjà active auprès des stars de la pop. En 2025, la voilà directrice exécutive d’un institut régional, à un poste où l’on ne « suit » plus, mais où l’on conduit. La boucle n’est pas bouclée, elle s’élargit. Et c’est toute une génération qui, à travers elle, gagne en horizon.
Où suivre l’actualité de Laëtitia Kandolo ?
Pour ne rien manquer de l’actualité de Laëtitia Kandolo, plusieurs espaces permettent de suivre ses créations, ses prises de parole et ses projets :
- Instagram (@titiakandolo) — son canal principal, où elle partage les coulisses de ses collections, ses collaborations avec des artistes et l’évolution de sa marque Uchawi ainsi que de l’IRMA à Kinshasa.
- Site officiel : titiakandolo.fr — biographie, réalisations, projets créatifs et portfolio professionnel.
- Facebook : Laëtitia Kandolo / The One — publications officielles, annonces d’événements et actualité institutionnelle.
À travers ces plateformes, Laëtitia Kandolo dévoile les multiples facettes d’une créatrice qui relie le style, la culture et l’Afrique contemporaine.