1963. Dans une ferme discrète de Rivonia, les leaders de l’ANC préparaient la libération de l’Afrique du Sud. Arrêtés, torturés, condamnés à vie, ils firent pourtant de leur procès un acte fondateur de la démocratie sud-africaine. Voici l’histoire bouleversante du procès de Rivonia, entre silence, résistance et vérité.
Une ferme, une cachette, une guerre à venir
Il y a des matins où l’Histoire hésite encore. Où le silence d’un lieu contient déjà le fracas à venir. Ce matin-là, à Liliesleaf Farm, en banlieue de Rivonia, tout semblait tranquille. La rosée s’accrochait aux feuilles de maïs. Une radio grésillait doucement à l’intérieur de la maison. Dans le jardin, un homme en bleu de travail arrosait les plants de tomates. Il s’appelait David Motsamayi, du moins officiellement. En réalité, c’était Nelson Mandela, déjà recherché, déjà condamné, déjà l’un des hommes les plus dangereux du pays selon le pouvoir blanc sud-africain.
La ferme n’était pas un lieu ordinaire. C’était une planque stratégique, un sanctuaire clandestin, mais aussi un laboratoire révolutionnaire. C’est là que se réunissaient, depuis des mois, les têtes pensantes de la lutte anti-apartheid : des leaders de l’ANC, du Parti Communiste Sud-Africain, des syndicalistes, des intellectuels, des activistes indiens, juifs, africains. Unis dans la clandestinité, ils formaient le noyau dur d’un projet qui allait faire trembler l’État raciste sud-africain.
C’est ici, dans cette maison à toit de chaume, que naquit uMkhonto we Sizwe (“La lance de la nation”), bras armé de l’ANC. Ce n’était plus l’heure des pétitions ni des sit-ins. Après le massacre de Sharpeville et l’interdiction de toute opposition politique noire, le choix de la résistance armée s’était imposé comme une nécessité. Pas pour tuer. Pas encore. Mais pour saboter. Faire sauter des pylônes électriques, perturber les lignes de train, attaquer symboliquement l’appareil d’État ; sans verser de sang. C’était, disaient-ils, une guerre de conscience avant d’être une guerre de feu.
Mandela, Sisulu, Mbeki, Kathrada, Goldberg, Bernstein… Tous vivaient entre deux mondes : celui du repli discret et celui de la lutte souterraine. Leur quotidien était une corde raide tendue au-dessus de l’abîme. Une vie de fausses identités, de réunions secrètes, de manuscrits dissimulés et de nuits sans sommeil.
Mais le 11 juillet 1963, à l’aube, cette illusion de contrôle s’effondra.
La police investit Liliesleaf. Brutalement. Précisément. Elle savait. Quelqu’un avait parlé. En un instant, la cache devint prison. Le QG devint pièce à conviction. Et ceux qui rêvaient de libération furent menottés, un à un, sous l’œil satisfait du régime.
Ce matin-là, la clandestinité prit fin. Mais la guerre, elle, ne faisait que commencer.
De la cache à la cage : arrestations, détentions et trahisons
Le piège s’était refermé comme une mâchoire. En quelques heures, les principaux cerveaux de la résistance anti-apartheid tombèrent un à un. Nelson Mandela était déjà en détention, capturé l’année précédente sur une route entre Durban et Johannesburg. Mais ce 11 juillet 1963, à Liliesleaf Farm, l’appareil sécuritaire de l’État frappa au cœur du dispositif de l’ANC.
Ils furent quatorze à être arrêtés ou traqués immédiatement : Walter Sisulu, Govan Mbeki, Ahmed Kathrada, Denis Goldberg, Raymond Mhlaba, Elias Motsoaledi, Andrew Mlangeni, Arthur Goldreich, Harold Wolpe, Abdulhay Jassat, Moosa Moolla, Lionel Bernstein, Bob Hepple, et James Kantor. Militants noirs, juifs, indiens, communistes, libéraux… Ce n’était pas une arrestation, c’était un coup de filet politique. La haute direction de uMkhonto we Sizwe (MK), bras armé de l’ANC, venait d’être décapitée.
Ils furent détenus sans inculpation, sans avocat, sans contact avec l’extérieur, grâce à la terrible General Law Amendment Act (loi 37 de 1963), qui autorisait jusqu’à 90 jours d’isolement total, renouvelables à volonté. Un mécanisme légal pour faire taire sans juger, torturer sans témoin, briser sans bruit. Certains furent battus. Menacés. Privés de sommeil. Déracinés psychologiquement.
Et pourtant, la prison ne fut pas un tombeau. Elle devint aussi un lieu d’évasion.
Le 11 août, un mois après les arrestations, Arthur Goldreich, Abdulhay Jassat, Moosa Moolla et Harold Wolpe s’échappèrent de la prison de Johannesburg en soudoyant un gardien. Déguisés en prêtres, ils traversèrent clandestinement la frontière. Leur fuite rendit le pouvoir fou de rage. Surtout celle de Goldreich, que les autorités considéraient comme “l’architecte principal de la conspiration”.
Mais tous n’eurent pas cette chance.
Bob Hepple, un avocat engagé, fut brièvement inculpé avant de voir ses charges abandonnées ; il quitta le pays sans témoigner, pour ne pas être instrumentalisé. James Kantor, son associé, fut arrêté par vengeance politique. Il n’était pas membre du MK, mais frère de cœur de Harold Wolpe. Pour le régime, cela suffisait.
Le pouvoir, humilié par les évasions et les fuites, décida alors de reconstruire le procès avec une rigueur clinique. Le but n’était plus simplement de condamner : il s’agissait de démolir, d’exhiber, d’avilir. La justice devenait arme. Le tribunal, scène. Les prévenus, symboles à abattre.
Face à cela, une autre figure émergea : le “communiquant” traqué. Avocats, juristes, intellectuels (Bram Fischer, Joel Joffe, George Bizos, Arthur Chaskalson) hommes blancs, souvent juifs ou progressistes, risquaient leur carrière, leur liberté, leur vie, pour défendre Mandela et les siens. Ils furent surveillés, intimidés, menacés. Mais ils tinrent.
Car ce procès n’était pas qu’un procès. C’était un combat narratif. L’État voulait imposer un récit : celui d’une “organisation terroriste” manipulée par des communistes, financée par l’étranger, déterminée à plonger l’Afrique du Sud dans le chaos. Mais ce que les accusés allaient construire, face aux juges, c’était une autre vérité. Une vérité plus vaste, plus dangereuse, plus belle : celle d’un peuple qui avait décidé de refuser l’humiliation, même au prix de sa vie.
Un procès pour faire peur : stratégie de l’État sud-africain
À Pretoria, le Palace of Justice n’a jamais aussi bien porté son nom. Tout y était chorégraphié : les toges, les postures, la mise en scène. Mais derrière le décorum juridique, ce n’était pas la justice qui se jouait ; c’était la peur. Une peur mise en spectacle, pour que chaque Noir, chaque Indien, chaque Blanc progressiste, comprenne que la rébellion se paie cher.
Le metteur en scène de cette pièce d’intimidation s’appelait Percy Yutar, procureur général du Transvaal. Petit homme nerveux, habité par une ambition froide, Yutar voulait faire du procès de Rivonia un tremplin personnel, et une démonstration de force nationale. Il savait que tous les regards étaient tournés vers lui : le gouvernement sud-africain, les colons blancs, l’opinion internationale ; et il entendait bien leur prouver qu’il tenait les rênes.
Devant les caméras du monde entier, il brandit des cartons de preuves, des cartes, des plans, des explosifs, des documents saisis à Liliesleaf. Il parla d’un complot subversif, d’un réseau international de révolutionnaires, de l’aide venue d’Algérie, de l’Ouganda, du Ghana, de l’URSS. Il insista sur la quantité de matériel :
“Suffisamment d’explosifs pour raser une ville de la taille de Johannesburg.”
Il décrivit les accusés comme des conspirateurs marxistes, déterminés à renverser l’État par le feu, le sabotage, et le sang. Il voulait faire peur, pas seulement au juge, mais à tout le pays.
Les chefs d’accusation étaient clairs :
- recrutement pour la guerre de guérilla,
- planification d’une insurrection armée,
- actes de sabotage contre des infrastructures stratégiques,
- collecte de fonds auprès de pays étrangers,
- diffusion d’idéaux communistes.
En filigrane : l’accusation de haute trahison. Et avec elle, la menace d’une peine capitale. Yutar ne demanda pas explicitement la mort. Il n’en avait pas besoin. Il construisit son dossier pour que la sentence paraisse évidente, automatique, presque raisonnable.
Le juge, Quartus de Wet, président de la Cour suprême du Transvaal, observait. Implacable, mais prudent. Il savait que ce procès dépasserait les murs du tribunal. Que chaque mot résonnerait bien au-delà de Pretoria.
Car déjà, l’ONU s’était saisie de l’affaire. Des campagnes de soutien s’étaient organisées à Londres, à New York, à Dar es-Salaam. Des pétitions circulaient. Des étudiants manifestaient. La figure de Mandela, jusque-là surtout locale, commençait à incarner une cause mondiale.
Mais en Afrique du Sud, dans la presse blanche, la peur dominait. La peur du “chaos noir”, la peur du communisme, la peur d’un soulèvement. Et cette peur nourrissait la soif de punition. Le procès n’avait pas pour but d’établir la vérité. Il visait à étouffer un mouvement, dissuader les autres, marquer les esprits.
En exposant les corps, les visages, les noms de ces hommes, le régime pensait les briser.
Mais ce qu’il ne comprenait pas encore, c’est que ces visages deviendraient des symboles.
Et que ce procès, voulu comme une démonstration de force, allait devenir un acte de naissance politique.
Une défense héroïque : l’arme du droit face à l’injustice
Face à la machine judiciaire de l’apartheid, la tentation aurait pu être le silence. Ou la fuite. Ou pire : la résignation. Mais certains, peu nombreux, ont fait le choix de tenir la ligne, même quand la loi n’était plus qu’un instrument d’oppression.
Ils s’appelaient Bram Fischer, George Bizos, Arthur Chaskalson, Joel Joffe. Tous blancs. Tous juristes. Tous issus de milieux privilégiés. Et tous révoltés par l’injustice.
Le premier, Fischer, était une légende discrète : avocat renommé, intellectuel marxiste, descendant d’une des familles afrikaners les plus établies du pays. Il accepta de diriger l’équipe de défense au péril de sa carrière, de sa liberté, et de sa vie.
Joel Joffe, avocat d’affaires sans histoire, fut sollicité par la femme de Sisulu, Albertina, puis par Winnie Mandela. Il devint l’architecte silencieux de toute la ligne de défense.
George Bizos, arrivé enfant de Grèce, croyait au droit comme à une forme supérieure d’éthique. Il ne quitterait plus jamais Mandela. Arthur Chaskalson, méthodique et discret, futur président de la Cour constitutionnelle, posa déjà les bases d’un contre-récit juridique.
Dans un pays où défendre un “terroriste noir” pouvait vous valoir une mise sous surveillance, un attentat ou un exil forcé, leur engagement était plus qu’un acte professionnel : c’était un choix de camp.
Et ils choisirent l’Humanité.
Ils n’étaient pas naïfs. Ils savaient que la sentence serait lourde, que le régime voulait écraser. Mais ils décidèrent de se battre sur tous les fronts :
- en contestant la légalité des arrestations sous la General Law Amendment Act,
- en dénonçant les aveux obtenus sous la torture,
- en minant les preuves matérielles, souvent floues ou mal établies,
- en plaçant la morale et la vérité au cœur de la défense, quitte à provoquer.
Car l’objectif n’était plus seulement de sauver les accusés. Il s’agissait de dévoiler le système, de le forcer à se regarder, de lui montrer que même à genoux, la dignité noire ne pliait pas.
Et au centre de cette scène : Nelson Mandela, accusé numéro 1.
Déjà condamné à cinq ans de prison pour avoir quitté le pays illégalement et appelé à la grève des travailleurs noirs (alors même que ces grèves étaient interdites) Mandela devint ici l’incarnation de la lutte, l’homme que le régime voulait faire taire à tout prix.
Mais Mandela, au lieu de se défendre, allait accuser.
Il transforma le banc des accusés en tribune politique, en lieu de pédagogie et de conscience. Il savait que les murs du tribunal n’étaient qu’un écho. Ce procès n’était pas seulement juridique. Il était historique.
Et cette défense-là, héroïque, résolue, unie malgré les différences de race ou de religion, portait déjà en elle l’Afrique du Sud de demain : celle où un Noir et un Blanc pourraient s’asseoir côte à côte, non pour s’opposer, mais pour résister ensemble.
« I Am Prepared to Die » : Mandela, la voix d’un peuple debout
Le 20 avril 1964. Dans un tribunal écrasé de tension, Nelson Mandela se lève. Il ne porte pas la robe d’un avocat. Il ne lit pas un communiqué. Ce n’est pas une défense, c’est une déclaration d’existence. Pendant près de trois heures, il parle. Il ne demande rien. Il explique, révèle, accuse. Et surtout : il assume.
Le silence est total.
À ses côtés, ses compagnons de lutte. Devant lui, les juges du régime. Au-dessus de lui, l’ombre d’une potence. Et pourtant, il ne tremble pas.
« J’ai combattu la domination blanche, et j’ai combattu la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie. C’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »
La phrase traverse la salle comme une lame. L’avocat George Bizos, plus tard, dira avoir eu peur que ces mots ne scellent leur condamnation à mort. Mandela lui-même, dans un ultime compromis, avait accepté d’ajouter : « si cela est nécessaire ». Mais l’essentiel était là.
Ce discours, depuis, est connu sous un titre simple, brut, universel : « I Am Prepared to Die.«
Ce que Mandela fait à cet instant est inédit : il politise radicalement le procès. Il replace les actions du MK dans leur contexte historique : le racisme structurel, les violences de l’apartheid, l’interdiction des partis, la brutalité policière, la fermeture de tout espace démocratique pour les Noirs. Il ne nie pas les faits. Il les recontextualise. Il ne cherche pas à se sauver. Il cherche à sauver le sens.
Mandela raconte comment, face à l’impossibilité d’agir pacifiquement, l’ANC avait choisi une autre voie. Pas la guerre civile, mais le sabotage. Une forme de violence stratégique, visant les biens et non les vies. Une révolte pensée, contenue, assumée.
Il parle aussi de sa vision d’un pays réconcilié, non pas sur les ruines de l’apartheid, mais sur la reconnaissance mutuelle. Il cite le modèle britannique comme référence démocratique, s’éloignant des caricatures d’un communisme imposé. Il refuse le rôle du martyr mais endosse celui du libérateur conscient, même si la mort est au bout.
Pour les juges, c’est un défi.
Pour le peuple, c’est une révélation.
Pour le monde, c’est la naissance d’un symbole.
À cet instant, Mandela cesse d’être un homme pour devenir une idée. Il devient la voix d’un peuple qui a trop longtemps été privé de parole. La conscience d’une nation en gestation. Il sait qu’il ira en prison. Peut-être pour toujours. Mais il sait aussi que cette parole-là, personne ne pourra l’enfermer.
Et c’est cette parole, lancée depuis le banc des accusés, qui deviendra le socle moral d’une Afrique du Sud libre, trente ans plus tard.
La sentence : la vie au lieu de la mort, mais l’éternité dans les cœurs
12 juin 1964. Dans la salle d’audience du Palace of Justice, l’atmosphère est irrespirable. Les familles retiennent leur souffle. Les accusés sont debout. Le monde, à travers les radios, les câbles diplomatiques, les ambassades et les journaux, attend un mot. Un seul. Mort ou vie.
Le juge Quartus de Wet entre, robe noire sur épaules droites, visage fermé. Il lit longuement les attendus. Il parle de trahison. De violence. De conspiration. Il cite les preuves. Il parle de péril pour la République. Puis il s’interrompt.
Le moment que Mandela, Sisulu, Mbeki et les autres redoutaient depuis des mois est là.
Mais au lieu du mot attendu, tombe une alternative :
“La Cour vous condamne à la réclusion criminelle à perpétuité.”
Pas la mort.
La vie.
Une vie d’enfermement. De murs. De silence.
Mais une vie.
Dans les bancs du public, une mère s’effondre. Une militante pousse un cri étouffé. Denis Goldberg, seul accusé blanc, se tourne vers sa mère et lui lance dans un souffle :
“It’s life. Life is wonderful.”
Dehors, dans le monde, le soulagement est immense. L’ONU avait déjà condamné le procès. Des pétitions avaient circulé. Des campagnes avaient été menées. Le gouvernement sud-africain savait que fusiller Mandela aurait fait de lui un martyr mondial.
Mais ne nous y trompons pas. Ce verdict n’était pas une clémence. C’était une condamnation lente, un exil de l’intérieur. Robben Island deviendrait une forteresse d’isolement. Une île-prison pour les voix qu’on voulait taire à jamais.
Huit des accusés furent envoyés là-bas. Goldberg, parce qu’il était blanc, fut placé à Pretoria, séparé des siens, enfermé dans une autre forme de solitude.
La presse gouvernementale tenta de présenter l’affaire comme un succès : la “victoire de la justice”, l’“échec d’un complot terroriste”. Mais partout ailleurs, ce fut le contraire. Le procès de Rivonia avait transformé les condamnés en symboles vivants.
Mandela devint le prisonnier politique le plus célèbre de la planète. Son nom, interdit en Afrique du Sud, fut crié dans les rues de Londres, de Lagos, d’Accra, d’Harlem et d’Addis-Abeba. Sisulu, Mbeki, Kathrada, Mhlaba, Mlangeni, Motsoaledi… Tous devinrent les piliers silencieux de la résistance.
Le régime croyait avoir éteint la flamme. Il venait en réalité de lui donner une forme inextinguible.
Ils avaient condamné des corps. Mais ils avaient libéré des consciences.
Les années d’ombre : Robben Island, résistance derrière les barreaux
Robben Island. Un bout de roc balayé par le vent, à quelques kilomètres du Cap. Vue imprenable sur la ville… mais interdiction de la voir. Ce n’est pas une prison, c’est une tentative d’effacement. Un lieu choisi pour enterrer vivants ceux qui incarnaient l’avenir noir de l’Afrique du Sud.
Ici, les héros du procès de Rivonia sont enfermés dans des cellules minuscules, séparés, privés de journaux, de lettres, parfois de visites. Mandela, Sisulu, Mbeki, Kathrada, Mhlaba, Mlangeni, Motsoaledi… : tous condamnés à vivre sous un régime d’humiliation lente. Travail de force dans les carrières de chaux, repas indignes, lectures censurées, conversations espionnées.
Mais très vite, la prison devient autre chose.
Un séminaire. Une école. Un parlement. Un bastion.
Chaque matin, Mandela récite des poèmes à voix basse. Sisulu partage ses souvenirs politiques. Mbeki enseigne l’économie. Kathrada raconte l’histoire de l’islam en Afrique du Sud. Les murs se remplissent d’idées.
Robben Island devient l’université de la liberté. On y débat, on y lit clandestinement, on y pense un avenir. Ils sont coupés du monde, mais ils fabriquent un monde nouveau, en silence.
Le pouvoir, lui, continue sa propagande : « les terroristes sont en cage, tout est sous contrôle« . Mais la vérité est ailleurs. Dans chaque grève de la faim, chaque refus d’obéir à l’administration pénitentiaire, chaque message codé transmis à l’extérieur, la lutte continue.
Et au fil des années, le régime change. Les condamnés vieillissent, mais leur aura grandit.
Mandela, en particulier, devient le visage interdit de l’égalité. Aucun portrait de lui ne circule, mais son nom est une bannière. Il est à la fois absence et présence, silence et tonnerre.
Le régime sud-africain tente tout : isoler, manipuler, diviser. En vain.
Les hommes de Rivonia, derrière les barreaux, tiennent bon. Parce qu’ils savent. Ils savent que l’Histoire finit toujours par ouvrir la porte de la cellule,
et que la mémoire d’un peuple emprisonné ne meurt jamais.
Sommaire
Sources
- Broun, Kenneth S., Saving Nelson Mandela: The Rivonia Trial and the Fate of South Africa, Oxford University Press, 2012.
- Frankel, Glenn, Rivonia’s Children: Three Families and the Cost of Conscience in White South Africa, Jacana Media, 2011.
- Sisulu, Elinor, Walter & Albertina Sisulu, New Africa Books, 2011.
- Mandela, Nelson, I Am Prepared to Die, International Defence & Aid Fund for Southern Africa, 1979.
- Hepple, Bob, “Rivonia: The Story of Accused No. 11”, Social Dynamics, vol. 30, n°1, 2004, pp. 193–217.
- Clarkson, Carrol, Drawing the Line: Toward an Aesthetics of Transitional Justice, Oxford University Press, 2013.
- Davis, Dennis & Le Roux, Michelle, Precedent & Possibility: The (ab)use of Law in South Africa, Juta and Co., 2009.
- SA History Online (www.sahistory.org.za)
- Nelson Mandela Foundation (www.nelsonmandela.org)
- British Library / Dictabelts Archive Project
- UNESCO Memory of the World
- Wikipedia – “Rivonia Trial”