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Claude Jean-Pierre : Bavure policière en Guadeloupe ?

Société

Claude Jean-Pierre : Bavure policière en Guadeloupe ?

Par Mathieu N'DIAYE 4 février 2021

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Propos recueillis par Pascal Archimède : Le 21 novembre 2020, Claude JEAN-PIERRE, retraité de 68 ans est interpellé par des gendarmes lors d’un contrôle de police dans la commune de Deshaies en Guadeloupe. Hospitalisé suite à ce contrôle, il décédera 12 jours plus tard. Pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, Nofi a rencontré la fille de Claude, Fatia JEAN-PIERRE ainsi que son gendre Christophe SINNAN. Fatia et Christophe ont accepté de parler d’une seule voix.

Bonjour Fatia et Christophe. Que s’est-il passé le 21 Novembre 2020 à Deshaies en Guadeloupe ?

Bonjour Pascal. Le 21 novembre 2020, Claude JEAN PIERRE, notre père et beau père, jeune retraité de 67 ans, rentre chez lui, aux environs de 14H. Il est contrôlé par des gendarmes, dans le centre-ville de Deshaies , commune où il réside. A la suite de ce contrôle, il est admis au CHU de Pointe à Pitre. Les médecins décèlent 2 cervicales cassées et une compression de la moelle épinière entraînant une tétraplégie.

Le contrôle routier a eu lieu en Guadeloupe. Vous vivez en France hexagonale. Comment vous sont relayés les faits du point de vue de la gendarmerie ?

Nous n’avons pas eu d’échange avec la gendarmerie de Deshaies. Les faits nous ont été relayés par un membre de la famille vivant sur place.

Claude Jean-Pierre décédera 12 jours plus tard, le 03 Décembre 2020 au CHU de Pointe-à-Pitre. Quelles sont les causes de ce décès ? Quels sont les résultats de l’autopsie ?

Il y est stipulé dans le rapport d’autopsie, que les lésions constatées sont compatibles avec les conditions de son extraction du véhicule. Des compléments ont été demandés par le médecin légiste, nous sommes en attente de ces derniers.

Au bout de plus d’un mois, le collectif d’avocat(e)s qui s’est constitué pour faire la lumière sur cette affaire ainsi que vous-même avez enfin accès au contenu d’une caméra de télésurveillance qui a enregistré la scène. Qu’avez-vous vu ?

Le 5 Janvier 2021, nous avons pu visionner la vidéo de télésurveillance de la ville, en présence de deux des avocats du collectif, Maître Bernier, et Maître Chevry. Sur ces images, nous voyons le véhicule de Claude, suivi d’un véhicule de la gendarmerie, se garer au niveau d’un abri de bus. Les deux agents sortent de leur véhicule. Il y a un échange calme et courtois, sans aucune animosité ou signe de violence. Claude est assis dans son véhicule, portière avant gauche ouverte, une jambe au sol, il n’y aucune notion de fuite ou de refus d’obtempérer. C’est alors qu’arrive une deuxième voiture de gendarmerie, l’un des mis en cause se dirige vers ce véhicule et discute. Suite à ce bref échange, le second véhicule repart, preuve qu’il n’y a aucune notion de danger. L’agent déjà sur place se dirige alors vers son véhicule et enfile son gilet par balles. Ils décident à ce moment de l’extraire, de manière extrêmement violente. On voit clairement que la partie supérieure de son corps coince, il y a un choc si violent que le véhicule fait un soubresaut. Une fois à l’extérieur du véhicule, il tombe au sol, inerte, comme mort. Un des deux gendarmes essaie de le relever, sa tête heurte le sol lors de ce geste. Il restera allongé au sol, par 30°, sans assistance, ni protection, en attendant les services de secours, qui arriveront une vingtaine de minutes plus tard.

Xavier Sicot, procureur de Basse-Terre a déclaré à nos collègues de Médiapart qu’au contraire, ces images ne montreraient « pas d’action de violence volontaire des gendarmes. Les éléments ne permettent absolument pas d’aller dans cette voie là, c’est une évidence. ». Que pensez-vous de ses déclarations ? Est ce que ce sera « parole contre parole »?

Xavier Sicot est responsable de ses propos, et ils n’engagent que lui. Il n’y a pas à entrer dans le « parole contre parole », les faits sont indéniables.

D’un point de vue judiciaire, vous avez porté plainte auprès du procureur de la république qui a ouvert une enquête pour « homicide involontaire ». Vous avez également saisi l’IGGN (Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale) en charge d’enquêtes internes. Vous avez aussi adressé une lettre au Ministère de l’Intérieur. Qu’en est-il actuellement de ces démarches ?

La procédure judiciaire suit son cours. L’IGGN nous a répondu, et indique qu’elle n’interviendra pas, et ne se prononcera pas. Le Ministère de l’Intérieur reste muet. La défenseure des droits, saisie par la famille mène son enquête.

Un mois pour avoir accès au contenu de la vidéo, un procureur qui contredit ce que vous avez vu sur cette vidéo, une lettre adressée au Ministère de l’Intérieur restée sans réponses, une enquête sur des gendarmes menée par d’autres gendarmes. Faîtes-vous confiance à la « justice française » ? Avez-vous l’impression qu’ils jouent la montre et tentent d’étouffer cette affaire ?

Certains éléments de l’enquête nous montrent que rien ne sera facile et que nous sommes engagés dans une longue procédure. Peu importe les obstacles qui nous feront face, nous sommes déterminés à obtenir justice.

À ce stade de l’enquête, peut-on parler de « bavures policières » ?

Il est clairement question de violences et donc d’une bavure des forces de l’ordre. A aucun moment, un contrôle ne doit et ne peut entraîner de telles blessures, et encore moins un décès.

Avez-vous rencontré les 2 gendarmes qui ont contrôlé Claude Jean-Pierre ? Sont-ils encore en service ?

Non, nous n’avons eu aucun contact avec eux. A notre connaissance, ces derniers sont toujours en service, et aucune mesure n’a été prise à leur encontre.

Comment réagit la population guadeloupéenne face à cette affaire ?

Un comité de soutien composé d’organisations culturelles, sociales, politiques et syndicales s’est constitué pour défendre cette cause. La population guadeloupéenne fait front et a spontanément été touchée par ces faits. Plusieurs manifestations ont été organisées par ce comité, des meetings dans différentes villes de l’île, une marche blanche a eu lieu dans la ville de Deshaies le 10 Janvier 2021. La population de guadeloupéenne et Deshaiesienne est solidaire et veut comprendre pourquoi, comment de tels actes envers une personne calme, joviale, et autant appréciée de tous. La presse et les chaînes de télé locales (France Antilles), ont suivi cette affaire et relayé les différentes évolutions.