Neïba

Kalash Criminel, la rafale montante du Rap game

Société

Kalash Criminel, la rafale montante du Rap game

Par Redaction NOFI 23 avril 2020

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

Par Pascal Archimède. Kalash Criminel est un rappeur d’origine congolaise qui, depuis quelques années, fait parler de lui sur la scène Rap française. Lors de cet entretien, le rappeur cagoulé de Sevran est revenu sur son parcours personnel et artistique. De multiples sujets tels que l’albinisme, la vie en banlieue, les relations Afrique-Occident ou encore ses projets musicaux ont été abordés.

Bonjour Kalash Criminel, d’où te vient ton nom de scène?

Salut Pascal, mon nom de scène me vient de mon frère. Plus jeune, j’aimais me bagarrer et je connaissais pas mal de choses sur les armes. Du coup, mon frère m’a blazé « Kalash ». Quand j’ai commencé à rapper, tout le monde disait que j’étais un tueur au micro. Comme le but, c’était de tout tuer, j’ai rajouté « Criminel », d’où « Kalash Criminel ».

Parle-nous de ton parcours personnel et artistique

Je suis né au Congo. Je suis arrivé en France à l’âge de 4 ans avec mes frères et sœurs. Au départ, on habitait chez des cousins à Pantin. Nous étions à peu près 14 ou 15 dans l’appartement. Ensuite, on a déménagé à Bagneux puis dans le 13ème arrondissement de Paris. Après s’être fait expulsés du 13ème, on a vécu chez ma tante à Epineux, puis chez mon oncle à Sarcelles. Par la suite, nous avons trouvé l’appartement à Sevran. Ça fait plus de 10 ans que je vis à Sevran dans le 93.

Artistiquement, j’ai commencé à rapper vers 14/15 ans. J’ai fait un premier clip avec mon groupe « Hall 14 ».

J’ai par la suite été invité au « Planète Rap » du rappeur Kaaris sur Skyrock. J’ai posé le morceau « 10-12-14 Bureau ». Ça a très bien marché. Nous avons eu de bons retours. Du coup, j’ai clippé le morceau, qui a super bien marché. J’ai ensuite enchaîné avec les morceaux « Sauvagerie 1 », « Sauvagerie 2 », « 93 Empire »  avec Fianco et « Arrêt du cœur » avec Kaaris. Mon 1er projet, « RAS » est sorti en 2016. Il s’agissait d’un EP[1] composé de 10 titres. En 2017,  j’ai sorti la Mixtape[2] « Oyoki ». Mon 1er album « La Fosse aux Lions » est sorti en 2018. On travaille actuellement sur mon 2ème album.

https://www.youtube.com/watch?v=UkUcIAzC5l8

Pourquoi portes-tu toujours une cagoule?

Au départ, mes parents ne voulaient pas que je rappe. Mon père, lui, ne savait pas et ma mère ne voulait pas en entendre parler. Passionné par le Rap, j’ai donc pratiqué mon art en portant une cagoule, histoire que personne ne me reconnaisse et ne me balance à mes parents. Un jour, ma tante a envoyé mes clips à ma mère qui, bien entendu, m’a reconnu. Quand mes parents ont réalisé que je rappais, je venais juste de clipper « Arrêt du coeur » avec Kaaris. J’en étais déjà à mon 5ème ou 6ème clip avec une cagoule.

Vu que mes parents étaient au courant et avaient accepté, j’ai pensé à l’ enlever. Mais comme le personnage cagoulé traçait sa route musicale, j’ai décidé de garder la cagoule et de continuer à la porter.

Certaines croyances sur l’albinisme ont la dent dure. Quel est ton ressenti?

Je trouve ça dommage et stupide toutes ces croyances sur les albinos ! On est des êtres humains comme tout le monde ! Ça me fait mal au cœur de voir comment les albinos sont stigmatisés, surtout en Afrique. Nous Africains, nous plaignons souvent d’être victimes de racisme. Mais la façon dont sont traités certains albinos peut être considérée comme une forme de racisme. Pire, ça peut être vu comme une espèce de xénophobie ! Je trouve ça dommage ! C’est trop triste !

Adolescent, tu as perdu en très peu de temps ton grand frère et ton oncle. Comment as-tu vécu cette période?

Je l’ai très mal vécue. Dieu merci, ma famille était à mes côtés. Malgré le soutien familial, je devenais de plus en plus agressif, de plus en plus sombre. Ça me faisait très mal. C’était une période durant laquelle je ne me sentais pas bien. Je n’arrivais pas à « digérer » ce qui s’était passé. J’étais de plus en plus méchant et violent avec les gens.

https://www.youtube.com/watch?v=UCdmhsbNLGo

Est-ce que ces épreuves ont forgé l’homme que tu es aujourd’hui?

En effet, car en même temps, cette traversée du désert m’a renforcé. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de l’existence de la mort. Avant, j’entendais que celui-ci ou celui-là était mort, mais ça ne touchait pas mon entourage proche. Par contre, quand mon frère et mon oncle sont partis, j’ai alors réalisé que la mort était bien réelle et qu’elle pouvait toucher tout un chacun.

Cette expérience m’a énormément affecté et m’a fait mûrir en tant qu’homme. J’ai pris conscience de pas mal de choses. Leurs départs m’ont rendu plus fort, c’est sûr et certain !

Il y a quelques années, tu as signé avec le label Def Jam. Comment s’est présentée cette opportunité?

J’ai signé chez Def Jam en 2016. Ils voulaient me signer depuis un certain temps mais ne savaient pas comment me contacter. Vu que je vivais dans le quartier de Kaaris, ils lui ont demandé de nous mettre en contact. Ce qu’il a fait ! Mon entourage et moi sommes alors partis chez Def Jam et avons accepté le contrat qu’ils nous ont proposé.

Tu as par la suite monté ton propre label  » Sale Sonorité Records ». Qu’est ce qui a motivé ce choix? Que fais-tu exactement au sein de cette structure?

J’ai monté « Sale Sonorité Records » parce que j’en avais marre que les gens me dictent ma conduite. En plus, ceux qui me disaient quoi faire faisaient souvent les mauvais choix et n’assumaient pas. J’ai donc décidé de me prendre en main, de prendre moi-même des décisions concernant ma carrière en créant mon propre label. En étant acteur décisionnaire de ma carrière, je suis devenu maître de mes décisions. Je prends mes responsabilités à 100 %.

Au sein de « Sale Sonorité Records », je fais tout de A à Z. J’ai la casquette de producteur. C’est moi le patron quoi !

Tu as récemment signé un contrat juteux avec le label « Believe ». Peux-tu nous en parler?

Je viens effectivement de signer chez « Believe ». Je ne peux pas rentrer dans les détails du contrat, mais c’est vrai que c’est un très très gros deal ! Je suis hyper satisfait. Le travail paie. Je pense qu’on va faire du bon boulot avec « Believe ».

Dans tes morceaux, tu dénonces souvent la situation des jeunes en banlieue. Qu’est-ce que c’est que d’être un jeune issu de l’immigration vivant en banlieue?

Ce n’est pas facile tous les jours ! C’est vrai que les médias aiment parler de ce qui ne va pas dans les banlieues. Mais il y a beaucoup de solidarité dans ces quartiers. On rencontre des gens issus de l’immigration comme nous. Du coup, il y a beaucoup d’entraide et ça, c’est important de le souligner ! Quand tu sors de la banlieue, tu as plus de détermination, plus la rage de réussir car c’est deux fois plus dur que si tu étais issu de quartiers plus favorisés ou plus huppés. Et ça, on ne le met pas assez en évidence, je pense !

Dans certaines de tes chansons, tu parles de deals de drogue et d’armes. Encourages-tu les jeunes à dealer et à s’armer?

Oh non ! Jamais je n’ai encouragé qui que ce soit à s’armer ou à dealer ! Dans mes chansons, je parle de mon vécu et je dis surtout qu’il faut assumer pleinement les conséquences de ses choix et de ses actes. Si tu deales ou si tu montes au braquage, tu sais que tu risques lourd. Souvent, quand tu prends de lourdes peines, il n’y a pas grand monde pour toi. Ils resteront à ton chevet 1 ou 2 ans, mais après ils disparaîtront. Donc, je dis juste que dans la vie il faut faire les bons choix. Et, au risque de me répéter, je le redis haut et fort, jamais de la vie je ne conseillerai aux jeunes de dealer ou de braquer. C’est faux ça !

Quelles sont, selon toi,  les meilleures façons de tirer son épingle du jeu quand on est un jeune Noir en France?

Rester focus et déterminé dans ce qu’on entreprend. La réussite suivra. Si tu réussis, ton travail sera reconnu et tu seras respecté.

Dans le morceau « Polémique » en featuring avec Kalash, tu déclares  » L’occident tue l’Afrique ». Comment peut-on interpréter cette phrase?

Ce n’est que la triste réalité ! L’occident tue l’Afrique. Prenons le cas de mon pays, le Congo. C’est un grand pays. Comme par hasard, les régions qui regorgent de richesses minières telles que le coltan, sont les secteurs touchés par la guerre et les pillages. L’occident a la main mise sur l’Afrique en entretenant et en alimentant ces conflits.

Ce sont également les occidentaux qui décident qui sera au pouvoir en Afrique. D’où les élections truquées ! Ils mettent en place des marionnettes qui diront oui à tout ce qu’ils demandent. Donc, quand je dis que l’occident tue l’Afrique, je ne fais pas uniquement référence aux guerres ou à l’armement, mais également à tout ce qui se joue en coulisse.

**Dans la chanson « Arrêt du cœur » en feat avec Kaaris, tu as cette punchline:

 » Obama une carotte, il nous a fait roupiller, pendant ce temps en Afrique en train de tout piller »

Comment analyses-tu la relation Etats-Unis/Afrique pendant la présidence de Barack Obama?

Pour moi, Obama n’a pas apporté grand-chose à la Terre mère. Après, la relation Etats-Unis/Afrique privilégie depuis bien longtemps les Américains au détriment des Africains.

On sait par exemple que l’Amérique commandite la guerre à l’Est du Congo afin d’exploiter le coltan qui sert à fabriquer leurs téléphones portables.

Aujourd’hui, il semblerait que certains scientifiques français souhaiteraient utiliser l’Afrique comme un laboratoire afin de tester un éventuel vaccin contre le Coronavirus. Qu’en penses-tu?

Je m’y oppose fortement ! Je ne vois pas l’utilité d’aller faire des tests en Afrique. Surtout que c’est la-bas que les gens sont le moins touchés. Nous ne sommes pas des cobayes ou des rats de laboratoire !

La France semble prête à investir plus d’un milliard d’euros en Afrique pour lutter contre cette pandémie et a annoncé  annuler « massivement leurs dettes » vis à vis de la France. Toutes ces annonces arrivent alors que la France semble avoir des difficultés à gérer cette crise sur ses propres territoires. Considères-tu qu’il s’agisse là d’un geste de solidarité de la part de la France?

Pour moi, l’Afrique n’a pas besoin de l’aide de la France ou de son milliard pour lutter contre le coronavirus ou pour quoi que ce soit d’autre ! Nous sommes censés être des États indépendants. On devrait être en mesure de s’auto-gérer. Il y a beaucoup d’argent en Afrique. L’Afrique est un grand continent avec beaucoup de ressources. Malheureusement, ses dirigeants détournent l’argent public à des fins personnelles. Cet argent est censé améliorer le bien-être du peuple et supposé favoriser le développement de la Terre mère. Je ne crois pas non plus à la générosité sans intérêt de la France.

Que penses-tu de la gouvernance des pays africains francophones? Sont-ils vraiment indépendants?

Ces pays dits démocratiques et indépendants devraient être capables d’avancer et de se développer seuls. Je ne suis pas tout ce qui se passe dans les pays africains francophones. Mais si tu prends le cas du Congo, je considère que ce pays est mal gouverné. Ce gouvernement détourne énormément d’argent et ne pense pas à son peuple. J’ai appris dernièrement qu’un ministre congolais aurait détourné plus de 500 millions d’euros en moins d’un an. C’est énorme !

Dans certains pays africains, les présidents sont milliardaires alors que le peuple vit dans des conditions catastrophiques. Ce n’est pas cohérent tout ça ! Que ces (ir)responsables politiques cessent de détourner l’argent public et l’utilisent pour construire leurs pays !

Le franc CFA est en passe d’être remplacé par la monnaie ECO. Ces devises représentent-elles un atout ou un frein au développement de l’Afrique?

La France a instauré le Franc CFA, une monnaie qui ne sert à rien ! L’idée de changement de devise venant de la France, ce sera encore un frein car ils veulent avoir le monopole sur l’Afrique. Du coup, ils proposent des projets qui les arrangent au détriment du développement de l’Afrique.

Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui souhaite faire carrière dans la Musique?

Je lui dirai de croire en lui, de persévérer et de travailler dur car il n’y a que le travail qui paie. Qu’il reste déterminé, focus, qu’il ne lâche rien et s’il est bon, ça marchera un jour ou l’autre !

As-tu des projets musicaux ou autres à venir?

On est en train de bosser avec 26 Keuss, un artiste qu’on vient de signer sur le label « Sale Sonorité Records ».

Aussi, comme je l’avais déjà mentionné, je travaille d’arrache-pied sur mon 2ème album qui devrait être disponible pour Septembre 2020.

Après l’album, j’ai l’intention de sortir 2 ou 3 projets. On avisera en temps et en heure ! Musicalement, je suis bien. Je suis épanoui avec mon label. Pour le moment, priorité à mon prochain album. Ça va être très lourd. Stay connected !

[1]     EP (Extended Play) : Disque d’une durée plus longue que celle d’un single et plus courte que celle d’un album.
[2]          Une mixtape est une compilation de chansons ou autre type de pistes audio enregistrées dans un ordre spécifique.

 

VOUS AIMEREZ AUSSI:

Histoire de la musique noire: des plantations à la maison blanche