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Des jeunes filles contraintes à se prostituer pour des protections hygiéniques

Société

Des jeunes filles contraintes à se prostituer pour des protections hygiéniques

Par Sandro CAPO CHICHI 23 septembre 2018

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Dans le plus grand bidonville urbain d’Afrique, plus de 65% des jeunes filles auraient eu à vendre leur corps pour avoir accès à des serviettes hygiéniques. Heureusement, des Kényans plus fortunés se sont mobilisés de plusieurs manières pour combattre ce fléau.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media

Des jeunes filles contraintes à se prostituer pour des protections hygiéniques

La population de Kibera est estimée entre 170 000 et un million d’habitants, dépendant de quelles zones y sont incluses. Ce bidonville urbain situé au sud de Nairobi, la capitale du Kenya. Il est considéré comme le plus grand du continent africain. Vivant dans une extrême pauvreté, ses habitants sont régulièrement confrontés à de nombreux fléaux, comme les viols notamment infantiles qui restent souvent impunis.

En 2016, la pop-star américaine Madonna de passage au Kenya s’était émue du récit d’un habitant de Kibera. Il lui expliquait comment sa fille de 5 ans s’était faite violer par un homme resté impuni. Un autre problème frappant les femmes et filles de Kibera concerne l’impossibilité, pour elles, d’avoir accès à des protections hygiéniques. Pour ces femmes n’ayant pas accès à l’eau potable ou à l’électricité, les protections sont souvent hors de prix en plus d’être géographiquement inaccessibles. Résultat, elles ont recours à des chiffons usagés ou des morceaux de matelas sales en période de règles.

65% des jeunes filles auraient été contraintes à des rapports sexuels

Selon des statistiques de l’UNICEF révélées par nos confrères de The Independent, 65% des jeunes filles auraient été contraintes à des rapports sexuels pour en bénéficier. Les conducteurs de taxi-motos locaux, appelés boda boda, voyagent régulièrement en ville. Ils ont ainsi accès à des serviettes hygiéniques qu’ils remettent, lors de leurs passages à Kibera, aux jeunes filles et femmes en période de règles. Dans un premier temps, les protections sont offertes par les boda boda. Créant une habitude chez les jeunes filles autrement contraintes à manquer l’école, ils les échangent ensuite contre des relations sexuelles. Certaines jeunes filles tombent enceintes au terme de ces rapports. Elles doivent alors quitter l’école pour s’occuper d’enfants aux besoins desquels elles ne peuvent que difficilement subvenir.

Les solutions apportées par les Kényans

En juillet 2018, un article de nos confrères de TUKO.co.ke a décrit la difficulté des femmes de Kibera à avoir accès aux protections hygiéniques. Il s’en est suivi un élan de générosité de la part de Kényans plus fortunés qui ont fait des dons de protections hygiéniques. Si la démarche est la bienvenue, on se demande jusqu’à quand ces dons seront suffisants à Kibera. Avant même cette émission, 30% des écoles du pays délivraient des protections hygiéniques gratuitement à leurs élèves. Néanmoins, d’après l’UNICEF, cela ne se fait souvent qu’en cas de grave urgence.

Dans tout le pays, 65% des femmes n’ont pas accès aux protections hygiéniques

Les initiatives kényanes à ce sujet ont aussi été individuelles. Dans un précédent article, je rapportais le cas de Barclay Paul Okari. Ce jeune entrepreneur kényan avait créé Safi Pads, une marque de serviettes hygiéniques réutilisables et bon marché.

Cet homme a créé des serviettes hygiéniques réutilisables et abordables

Cependant, le problème avec l’utilisation de ce type de serviettes réutilisables est l’entretien. En effet, les femmes des bidonvilles n’ont pas accès à l’eau potable, à du savon ou à des salles de bain, pour pouvoir les nettoyer et en faire usage correctement.

Les Kényans devront donc redoubler d’ingéniosité et de solidarité pour régler ce problème. Les conséquences à l’échelle nationale et continentale est bien plus importantes que l’on pourrait le croire. Dans tout le pays, 65% des femmes ne pourraient avoir accès aux serviettes. Ce manque, qui conduit à des viols, des grossesses non-désirées et à la transmission de maladies, voit 60% des jeunes filles quitter l’école avant la fin du lycée, voire du collège. D’après les estimations de la Banque Mondiale, si toutes les jeunes Kényanes terminaient leurs études au lycée, le PIB du pays augmenteraient de 46% au cours de leur vie.

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