« La BBC m’a piégé pour dire que je suis un violeur en série dans son reportage »

Un homme sud-africain était apparu  dans ‘My Neighbour The Rapist’, un reportage de la BBC sur les viols en Afrique du sud où il se vantait d’être un violeur en série. Quelques jours plus tard, il a affirmé avoir été payé par la BBC pour tenir ces propos dans ce qu’on lui avait dit être une fiction.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media

Début août 2018. Ralliées autour du hashtag #TotalShutDown, des femmes sud-africaines manifestent dans leur pays pour dénoncer les violences contre les femmes.

C’est dans ce contexte opportun qu’a été diffusé à la mi-juillet 2018 un reportage intitulé ‘My Neighbour The Rapist’ sur BBC News Africa et centré sur Dieplsoot, un des townships les plus pauvres de Johannesburg où en novembre 2017, 40% des hommes auraient admis avoir violé au moins une femme durant les douze mois précédents.

Ce reportage mené par le journaliste Golden Mtika dure un peu moins de 43 minutes. Il évoque le phénomène des meutes se faisant elles-mêmes justice après avoir ‘identifié’ un violeur. Des membres de ces meutes expriment sans aucun complexe le sens de leurs chasses à l’homme, faisant remarquer calmement qu’elles touchent parfois des innocents.

Sont aussi interviewés, toujours face caméra, des violeurs en série. L’entretien avec l’un d’entre eux, David, est particulièrement effrayant, surréaliste diront certains. Sans ‘cligner des yeux’, ce dernier admet avoir violé une précédente intervenante du reportage, se déclare satisfait d’avoir violé une vingtaine de femmes  et revendique vouloir continuer à transmettre le VIH, ce qui lui fait se sentir bien  car « il ne mourra pas seul ».

Quelques jours plus tard, nos confrères du célèbre magazine sud-africain Drum diffusaient à leur tour un court reportage sur leur chaîne Youtube. Dans le cadre de celui-ci, le journaliste de Drum se rendait chez David Moroa, l’homme cité plus haut comme se vantant sur la BBC d’être un violeur en série toujours sain, sauf et en liberté.

Dans cette nouvelle interview toutefois, David dit avoir été floué à bien des égards par Golden Mtika, le journaliste auteur de ‘My Neighbour is a rapist’. Selon David Moroa, Golden Mtika l’aurait payé 350 rand (environ 22 euros ~ 14 871 francs CFA) pour réciter face caméra un script déjà existant dans le cadre d’une série. Mtika lui aurait assuré que la série serait diffusée en Grande-Bretagne, pas en Afrique du Sud. Si la série rencontrait du succès là-bas, Mtika lui offrirait une somme d’argent supplémentaire. Quelques jours plus tard, Golden Mtika serait revenu voir David lui disant que le reportage serait finalement diffusé en Afrique du Sud et qu’il lui fallait mieux s’enfuir au plus vite, sa vie étant désormais en danger. Après avoir découvert sa photo et son interview sur les réseaux sociaux, David Moroa dit désormais avoir peur pour sa sécurité et pour son travail. Il a déclaré s’être plaint à la police et nie toutes les propos qu’il a tenu dans le reportage. « Tout cela est la faute de Golden et de ses (amis) Blancs » a-t-il déclaré.

Qui dit vrai?

Il peut effectivement paraître très surprenant qu’un homme se vante froidement face caméra d’avoir violé 24 femmes et de leur avoir transmis le VIH sans crainte d’ennuis, notamment judiciaires. Cela dit, comme on l’a fait remarquer, Dieplsoot est un endroit ‘particulier’ où près de la moitié des hommes avait récemment reconnu avoir violé une femme rien que durant l’année précédente.

Cela dit, un autre témoignage vient donner du crédit à la version de David Moroa. Celui d’une femme présentée dans My Neighbour, The rapist, comme la victime et ancienne petite amie de David.

Ndivhuwo Ramaphalala, prétend aussi avoir été dupée par Golden Mtika. Payée 200 rand (environ 13 euros~8500 FCFA) par ce dernier , la jeune femme se dit aujourd’hui en colère, affirmant que Golden n’en est pas à son premier incident de ce type. Il lui aurait par exemple proposé dans le passé d’incarner une immigrante zimbabwéenne en Afrique du Sud. Après s’être présentée comme ayant contracté le VIH sur la BBC, Ndivhuwo Ramaphalala est aujourd’hui l’objet de nombreuses discussions dans sa communauté où certaines personnes se demandent s’il ne s’agit pas de la réalité. Elle espère, comme des membres de sa famille, que Golden Mtika paiera pour ce qu’elle lui reproche.

Ce dernier n’a pas souhaité s’exprimer suite à un coup de téléphone d’un journaliste de Drum. La BBC a aussi nié tout trucage dans ce reportage qui à la date du  4 août 2018, reste accessible sur la chaine Youtube de BBC News Africa.

Qu’il y ait ou non eu des trucages dans ce reportage, ceux-ci n’enlèvent rien sur la terrible réalité des viols en Afrique du Sud en général et à Dieplsoot en particulier. Mais si trucage il y avait, le journaliste aurait privé les véritables victimes  de visages et de voix représentant leurs expériences les plus traumatisantes, le tout pour une vulgaire course au profit.

 

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