Boomerang, la Bible du Mâle par Eddie Murphy

Sorti à la rentrée 1992, le film Boomerang est un classique du cinéma afro-américain. Plus que cela, il est un véritable guide en matières d’hommes, de relations hommes-femmes et de rapports de domination entre les deux sexes. Avant le Bro Code de Barney, il y eu le mode d’emploi des mâles par Marcus Graham aka Eddie Murphy. Etudions ensemble quelques leçons de vie essentielles à travers l’oeil juste du réalisateur Reginald Hudlin.

Lorsque Boomerang arrive dans les salles de cinéma, au début des années 1990, une brèche s’ouvre dans l’imaginaire des diasporas afro de France: pour la première fois, elles découvrent des Noirs socialement accomplis, évoluant dans un milieu aisé sans qu’aucun des rôles campés ne représente un dealer ou un proxénète. Personne ne va ou ne sort de prison, personne ne vole ou ne se shoote. Ils sont beaux, ils ont de l’argent, ils ont fait de longues études et ont recrée une élite qui, comme toutes les autres, s’entre-fréquente. Le tout rehaussé par un casting de choc: Halle Berry, Robin Givens, Martin Lawrence, Eartha Kitt, David Alan Grier, Chris Rock dans ses premiers pas sur grand écran et l’inimitable Eddie Murphy, qui incarne le rôle principal de Marcus Graham et a écrit et produit le film.

Martin Lawrence et Tisha Campbell forment un couple d’enfer dans la série « Martin » ! Crédit photo: The Enquirer

C’est aussi l’occasion de découvrir une équipe prometteuse d’acteurs qui se donnent la réplique dans d’autres productions: à l’écran, Tisha Campbell est Gina, la femme de Martin Lawrence dans sa série « Martin »(été 1992). Robin Givens sera la fiancée plaquée par Chris Rock dans « Président par accident »(2003). Quelques années plus tard, lorsqu’il est rediffusé à la télévision, le sentiment de fierté reste intacte. Pour les plus jeunes, si on vous avait obligé à changer de chaîne à cause des scènes suggestives (beaucoup trop explicites) et donc interdites par la pudeur, sachez que vous avez raté quelque chose. Maintenant que vous êtes adulte, nous espérons sincèrement que vous vous êtes rattrapé car Boomerang est une véritable Bible ! Décodage des relations hommes-femmes dans une atmosphère hyper-sexualisée.

Nous passerons sur le synopsis car, ce décryptage ne concerne que les membres du club, c’est-à-dire, ceux qui ont vu le film. Attention, spoiler !!!

Le contexte

Avant d’entrer dans le vif du sujet, analysons le contexte. Il s’agit ici  de Noirs américains exclusivement. Aussi, la réussite sociale a toujours représenté pour eux un graal et surtout un combat. S’ils en sont là, c’est qu’ils se sont battus contre les innombrables entraves que représentent la société, leur histoire, leur condition. Ils sont méritants et dans ce parcours, gagner devient nécessairement un mode de vie. Dans une scène du film, Marcus arbore un sweat de l’université Howard, première et seule université noire des Etats-Unis, symbole de la lutte pour les Droits civiques et de l’excellence. Tyler porte un sweat représentant un homme Noir, lance à la main, estampillé « WARRIOR« (Guerrier). Cette configuration guide les relations qu’ils entretiennent entre eux, les déforment, et d’instinct chacun cherche à asseoir son pouvoir sur l’autre. Tout est défi. Ils sont autoritaires et imbus d’eux-mêmes car  malgré leur accomplissement, cette société leur rappelle constamment qu’ils sont Noirs. La scène de racisme ordinaire dans la boutique de prêt-à-porter haute-couture Matsuda le démontre bien: le vigile (blanc) les surveille, persuadé qu’ils n’ont les moyens de s’offrir aucune des pièces en rayon, sinon en recourant à un crédit… Cette réussite ils la brandissent comme une armure. Ce n’est pas un hasard si les protagonistes travaillent dans le domaine de la communication et du marketing: la guerre de l’image et celle de l’argent.

L’intrigue se situe à plusieurs niveaux: enjeux sexuels, sentimentaux et professionnels s’entre-mêlent. Les rapports de domination sont donc d’ordre sexuel mais aussi hiérarchiques et celui qui au travail devient le supérieur de l’autre, le domine.  Ces relations sont symbolisées par la fusion-acquisition de l’entreprise Lady Eloïse, qui avale la boîte dans laquelle travaille Marcus. Ce moment représente LE tournant du film, en ce qu’il remet en question la position de notre cher coq, aussi bien au lit qu’au bureau. L’ambiance ultra-masculine et sexiste du départ, au sein de laquelle il est le maître incontesté des lieux s’estompe au profit d’une ambiance plus colorée, de l’arrivée de plus de salariées presque toutes insensibles au charme de Marcus. Ce renversement signe aussi la fin du sexisme. En effet, Graham, dont les uniques collègues féminines sont des secrétaires, avait d’emblée pris miss Jacqueline pour… un top model !  Il va apprendre à ses dépens que ce n’est pas toujours celui qu’ont croit qui commande.

Les trois hommes « type »

Marcus Graham (Eddie Murphy), cadre dans le marketing, séducteur invétéré qui plaît et le sait. Dragueur, baratineur, bourreau des coeurs,  il est l’archétype du mâle dominant. Marcus est aussi le leader de sa bande de copains: avec Tyler et Gérard, ses amis d’enfance, il forme un trio hétérogène et finalement, équilibré. Tyler (Martin Lawrence) est le « relou » de service: lourd avec ses prises de positions (il voit le racisme partout), il est surtout lourd avec les femmes, dont il n’a de cesse de parler. Pour résumer, Tyler c’est le pote qui galère avec le sexe opposé. Gérard (David Alan Grier) est l’anti-Marcus: romantique, stable, maladroit et sensible, il ne fait pas une consommation frénétique du sexe. La première scène importante du film est le déjeuner entre les trois amis. C’est cette ambiance de garçonnière, loin de celle calfeutrée du bureau et pendant que Gérard l’invite à « explorer les côtés féminins de son caractère » que Marcus dispense sa première leçon sur l’Art de séduire une femme.

Martin Lawrence est Tyler.

Au cours de votre vie, mesdames, vous croiserez le plus régulièrement ces trois types d’hommes, d’intérêt relatif certes, mais qui ont chacun leur importance. Les trois peuvent hypothétiquement représenter une facette différente du même animal, disons, le même homme à différents stades de sa vie. Quoiqu’il en soit,  ils représentent chacun une relation importante pour votre éducation sentimentale. Car, qui dit Bible du Mâle dit évidemment conseils pour le sexe opposé.

Eartha Kitt est Lady Eloïse.

Quand les femmes prennent le pouvoir

Les hommes ne sont pas les seuls à jouer au jeu de l’amour. Dans cette loterie où le premier qui s’attache à l’autre a perdu, les femmes sont plus redoutables que leurs alter-ego lorsqu’elles décident de parier. Dans Boomerang, il est question de ravissantes créatures toutes plus magnifiques et soignées les unes que les autres. Comme c’est rarement le cas, elles jouent dans la même cour que les hommes (les talons aiguilles et les tailleurs moulants en plus): elles sont indépendantes financièrement, elles ont des postes à responsabilités, elles sont sûres d’elles et sexuellement libérées du carcan sociétal. C’est en l’assumant, et même en le revendiquant, qu’elles se prêtent au jeu de la séduction, inversant les rapports de domination.

Eartha Kitt; Robin Givens; Grace Jones; Halle Berry (en arrière-plan) et Eddie Murphy.

La chef de file de cette guerre des sexes c’est la très âgée mais étrangement coquine Lady Eloïse. Une cougar assumée avant l’heure, une espèce de reine de Blanche-Neige, qui rêve de jeunesse éternelle et respire la concupiscence. Elle a donné son nom a une entreprise fructueuse. Fortunée, puissante, elle se sert de son influence pour mettre dans son lit les jeunes mâles séduisants. Si dans le monde du travail, généralement, la domination hiérarchique est masculine et l’avancement peut rimer avec « promotion canapé »; on assiste ici à une inversion de la dictature sexuelle et ce n’est plus Marie mais « Marcus-couhe-toi-là ».

Strangé (Grace Jones) est l’égérie choisie par la marque pour le lancement d’un parfum. Elle est extravagante, spectaculaire, vulgaire, masculine, magnétique. Une femme au tempérament de feu.

Jacqueline Boyer est l’avatar féminin de Marcus. En réalité, elle est même son maître: ambitieuse, sûre d’elle, incroyablement charismatique elle est une boss lady (avec UN secrétaire ! ) au physique parfait (de la tête aux fameux pieds). En fait, elle est même le maître des autres fréquentations de Marcus dont Christie (Lela Rochon), la jolie poupée aux cors aux pieds, un peu clichée, pas fût fût et  l’inoubliable Yvonne (Tisha Campbell), la voisine, la femme blessée parce qu’éconduite; aigrie parce que pas à la hauteur de l’objet de son désir. Comme lui, elle joue de son sex-appeal et met les hommes à ses pieds. Elle est la seule sur qui ses avances n’ont aucun effet; la seule qui ose le moquer et le ridiculiser, dans tous les domaines. Ce qui fait d’elle la proie idéale pour Marcus. Par attrait sexuel mais aussi (et surtout) par orgueil, la proie va  mordre à l’hameçon.

Christie (Lela Rochon) et Marcus (Eddie Murphy).

La quête de la perfection: de la tête aux PIEDS !

Marcus est d’apparence parfaite et il recherche la perfection chez ses conquêtes. Fétichiste, il est extrêmement pointilleux sur l’aspect de leurs pieds. Etrange critère n’est-ce pas ? En fait, pas tant que ça, car vos pieds en disent long sur vous, si l’on examine la lecture morpho psychologie podologique, en somme, la lecture de votre inconscient dans vos petons. D’après cette science, vos pieds révèlent votre historique, votre situation familiale, votre rapport à la société, vos émotions ainsi que vos qualités. Vos pieds sont votre caractère et la façon dont vous bordez la vie au quotidien, il renferme également le secret de vos blessures inconsciente. Ainsi, Marcus pourrait prédire juste à leur forme et la façon dont ils sont entretenus (ou non), le genre de femme que vous êtes. Il sait ainsi si vous celle d’une nuit ou celle pour la vie.

En dehors de ça, nos panards ont depuis la nuit des temps symbolisé notre ancrage à la terre, notre capacité de mouvement et d’immobilisme. Pour le côté Spirituel, les pieds ont un caractère sacré, dans la Bible comme dans le Coran; on lave et baise ceux qui appartiennent aux êtres qu’on honore. Dans l’islam, c’est d’ailleurs sous le pied de la mère (pied droit) que se trouverait l’accès au paradis. Dans l’Egypte Antique comme dans la Kabbale, le pied est vu comme « l’organe d’expression de la puissance divine », comme le relève Laetizia Puccio dans « Pieds et empreintes de pieds dans les cultes isiaques ». Enfin, dans les contes, le pied scelle l’union; comme pour Cendrillon, le mariage est consommé une fois que le prince trouve chaussure à son pied. Le pied nu représente une intimité,  une mise à nu de soi. C’est pourquoi longtemps, en France, il était perçu comme indécent de le montrer et qu’il est quasi sacré en Inde. Par conséquent, si ces demoiselles, aussi ravissantes soient-elles, traînent de vilaines pattes, Marcus prendra la poudre d’escampette après avoir pris son pied.

Chasse et pêche

D’entrée de jeu, Jacqueline Boyer prend le contrôle. Marcus est vaincu, sauf qu’il ne le sait pas encore. Lorsque l’ego s’en mêle, la simplicité et la félicité d’une liaison sentimentale sont totalement inhibées par le cirque ridicule du « fuis-moi je te suis ». S’il est vrai que cela peut parfois ajouter du piment, il l’est d’autant plus qu’il s’agit d’un jeu dangereux auquel tout le monde perd finalement. Marcus croit lancer sa ligne pour ferrer le poisson Jacqueline mais en fait c’est Jacqueline qui tend son fil pour piéger Marcus dans ses filets.Vous suivez ?

L’ambiance change au fur à mesure que la prédatrice gagne du terrain. Aveuglé par son désir, le mâle ne se rend pas compte qu’il est train de se faire broyer (sans mauvais jeu de mots). Son entourage s’interroge car Marcus rame, d’ailleurs, le constat est souligné par la scène à la salle de sport où Marcus et ses trois potes les trois sont train de faire…du rameur !  Lorsqu’à la Nouvelle-Orléans, ville a l’atmosphère chargée d’histoire et de chaleur torride, il accède enfin au fruit défendu, l’ambiance a complètement changé. Non plus de phase de séduction maîtrisée sur « End of the road » de Boys II Men mais de la passion sur « Feels like heaven » de Kenny Vaughan. Atteignant l’extase au moment du « It’s so sweet », en effet, Marcus croit être au Paradis. Cependant, le péché menant inévitablement aux tourments, il sombre en fait dans les affres de l’enfer. La couleur est annoncée parce que la nuit est noire et peu éclairée et surtout parce que c’est Jacqueline qui prend littéralement le dessus. La tempête s’annonçait dès les prémices de leur aventure et la foudre, qui frappe sans distinction, va tous les anéantir par ricochet.

Le dilemme d’Angela

Plutôt discrète au départ,  Angela Lewis (Halle Berry), la sobre employée à la direction artistique, arrive subtilement. Artiste douce et optimiste, son personnage va gagner en consistance et en importance au fil de l’intrigue. Angela est l’anti-Jacqueline comme Gérard le contraire de Marcus. Belle, simplement, elle est la bonne copine, celle qui cherche à arrondir les angles. Généreuse, elle est dévouée à sa communauté,  surtout aux enfants. Et des enfants, elle en veut une tripotée ! Poussée dans les bras du malhabile Gérard  par Marcus, elle ne met pas longtemps avant de l’enfermer dans la « Friend Zone ». Leur premier rencard se déroule en parallèle de celui de son entremetteur et de sa patronne.

Angela (Halle Berry) et Jacqueline (Robin Givens).

Leur rendez-vous ressemble à celui de deux adolescents sages, inexpérimentés tandis que celui de leurs amis respectifs est un fiasco. C’est aussi l’occasion pour elle de dégommer les clichés que Gérard l’américain véhicule sur l’Afrique.  Par la suite, Angie la bonne amie va intervenir à plusieurs reprises pour que le couple Boyer-Graham existe. Cependant, ces dernier sont dans un jeu de dupes alors que Marcus symbolise pour Angela  un objet inaccessible pour lequel elle ne peut rivaliser avec Jacqueline… en théorie ! Ne pouvant l’accrocher par sa seule beauté, elle va se battre à coup de gentillesse et de compréhension. Gérard est gentil mais Marcus est envoûtant. Mais Marcus est le meilleur ami de Gérard et Jacqueline est sa supérieure…. Qu’importe la trahison, l’amour n’a pas de loi à ce que l’on dit 😉

Boomerang

La scène de la conversation intime entre Angela et Jacqueline répond à celle de la bande des trois potes au resto, au début du film. Ici, c’est elles qui commentent les exploits de leurs partenaires et font des commentaires salaces sur le physique. Jacqueline piétine les sentiments de Marcus et moque leur semblant de relation. Elle se révèle ainsi dans toute sa cruauté, le faisant mariner, espérer. Comme un homme, elle raconte à tous leur intimité. Elle retourne ses tactiques contre lui; le traite comme il traite lui-même les femmes. Elle l’a vampirisé, complètement infantilisé. Après qu’il a sucé son pouce, elle s’en va dans la nuit en lui laissant de argent sur la table basse…. Oui, je crois que ça nous évoque à tous la même idée. C’est le retour du boomerang !  Il n’est plus que l’ombre de lui-même,  vulnérable, pitoyable, sans attrait et du coup… à la portée d’Angela ! C’est donc doucement qu’elle s’érige en rivale de Jacqueline et s’insinue dans le coeur de celui qu’elle aime. Et ça marche !

Petite leçon pour vous les filles: la ruse peut s’avérer un moyen efficace lorsque le reste ne suffit pas forcément (lol). Certes, Angie passe clairement pour une roue de secours mais, l’amour a ses raisons que la raison ignore et blablabla. Bref, elle est comblée, Jacqueline défiée et Marcus coincé dans le transfert de ses sentiments pour Jacqueline sur Angela. Tel est pris qui croyait prendre.

L’âge de raison

Aussi tordus que soient ces rapports, ils sont bénéfiques. Comme dans un conte (avec ou sans fées), après la traversée des dangers, le protagoniste triomphe. Toutefois, ici, pas de la façon qu’on croit. La leçon la plus douloureuse que va apprendre Marcus est qu’il faut parfois perdre pour gagner. Angela, qui devait lutter contre les démons du séducteur déchu et le spectre dévastateur de Jacqueline, grandit. Elle s’affirme et prend conscience de son talent et de son potentiel. Plus mature, elle devient plus égoïste pour enfin penser à son bonheur.

C’est ainsi qu’elle change d’entreprise pour embrasser un poste plus élevé. De son look décontracté mi-femme mi-fille, elle passe à des tenues plus classes et adaptée à ses nouvelles ambitions. Les choses rentrent dans l’ordre pour Marcus également, avec ses amis mais aussi avec lui-même et cette conscience qui se faisait muette jusqu’alors. Il quitte l’antre du diable, le royaume de Jackie, pour une  nouvelle vie, plus simple, plus franche. On sort enfin des cocons tapissé de moquette pour des espace plus épurés, plus aérés, affranchis de toute cette débauche. Marcus aime, oui, et c’est Angela qu’il aime. Il se détache ds futilités et on ne prête même pas attention aux pieds nus d’Angela, qui n’apparaissent d’ailleurs pas à l’écran. De charmeur puérile il devient un homme prêt pour l’engagement et la fidélité. Il fallait qu’il soit pris à son propre jeu pour réaliser l’évidence et mûrir.

Références et clés de compréhension

  • Le sexe: le sexe est omniprésent dans le film et la tension est renforcée par le fait que les personnages évoluent toujours dans des endroits confinés, entre chambres d’hôtels, appartements cosy et bureaux. Les accessoires respectent également le thème. Par exemple, la maison coquette de Lady Eloïse, où elle reçoit Marcus pour le dévorer, ressemble à un château. Les murs sont ornés de velours et les pièces sont couleur or et rouge. Un immense lit à baldaquins trône dans la chambre à coucher. Parce qu’elle déballe son attirail complet de séduction, un symbole phallique se glisse lors de la scène du dîner, où elle grignote nonchalamment une asperge. Il est en outre suggéré par les talons aiguilles, qui accentuent les robes très courtes et près du corps. Le sexe fait vendre, aussi, dans les premières minutes du film, Nelson montre un spot à Marcus: on y voit des mannequins s’introduire dans la bouche des bananes

  • La couleur rougele rouge est la couleur de la passion et de la luxure. Dans le film, il est utilisé à outrance: les ongles, les rouges à lèvre et les tenues. Lorsque Lady Eloïse reçoit Marcus, elle porte du rouge. Le soir où Angela séduit Marcus, elle porte également une robe rouge (c’est d’ailleurs la première scène  dans laquelle elle crève l’écran). Christie, le premier rencard d’Eddie Murphy dans le film, est entièrement de rose vêtue; associée aux petites filles, cette couleur insiste sur son côté naïf: elle n’est pas dans la séduction-manipulation comme ses rivales, mais dans une démarche sincère.

  • Le jeu de dupes: Pour la référence au jeu; il y a les roses que Marcus fait systématiquement envoyer aux maîtresses qu’il a éconduites. Ce sont des roses Baccara, l’espèce la plus populaire et la plus vendue au monde mais surtout, elle tient son nom du jeu de cartes: les parieurs jouent sur les différents tableaux, contre le banquier. Comme tous les jeux de pari et les marchés, il y a donc un dupe face à un profiteur.
  • Le lieu de l’intrigue: deux indications sont données sur le lieu de l’intrigue: New York. Elle est représentée par la devanture du théâtre Apollo et la référence aux Knicks, l’équipe de basketball de la ville. New York, la ville de tous les possibles où Manhattan, le centre des affaires, côtoie les quartiers défavorisés de Harlem, du Bronx et de Brooklyn. Un lieu empli de symboles et qu’Eddie Murphy envahissait quelques années plus tôt en Prince Akeem de Zamunda (Un prince à New-York, 1988).
  • Le militantisme: beaucoup de films afro-américains traduisent un désir partagé par une partie des descendants d’esclaves: se reconnecter avec leurs racines africaines. Particulièrement à l’Afrique originelle, celle des Negus et des pharaons. C’est pourquoi on retrouve généralement-et Boomerang n’y déroge pas-le personnage de l’afro-américain, influencé par Africa bambaaata, qui compare les femmes noires aux reines africaines d’antan. Le personnage d’Angela représente aussi cette appétence: passionnée par l’Afrique, dont elle baragouine quelques dialectes, les murs de son appartement sont ornés de masques, héritages de tribus millénaires originaires du continent. Cette reconnexion va de paire avec le militantisme. A l’instar du clip « Remember the time » de Michael Jackson, réalisé par Spike Lee; Hudlin inverse les codes d’asservissement: lorsque Strangé (Grace Jones) entre en scène pour la première fois, elle débarque telle Strangé-Cléôpatre, sur son char, tiré par quatre hommes blancs (les chevaux) torses nus, qu’elle fouette vigoureusement.

  • La lumière: l’obscurité s’intensifie pendant la liaison destructrice entre Marcus et Jacqueline, contrastant avec le contexte chaleureux du début. La musique, annonciatrice des actions pose le décor: le générique s’ouvre sur des halètements de chiens du titre « Reversal of a dog » du nom de l’album éponyme de Reid et Edmonds qui ont participé à la  bande-original du film.  C’est en s’inventant un chien que Marcus réussit à draguer Christie… Reversal of a dog se traduirait ici par « inversion des rôles ». On dit souvent que certains hommes sont des chiens, par rapport à leur comportement envers les femmes. Ici, ce sont les femmes qui retournent la situation et se comportent comme certains hommes. Voici ce que dit le premier couplet:
Cadillac by her side (Accoudée sur une Cadillac)
She was looking to fly (elle avait l’air tellement fraîche)
Y’know I had to get that name and number (Tu sais qu’il fallait que j’ai son nom et son numéro)
Just like I did all the others (Comme pour toutes les autres)
I turned them all out (Je les ai toutes éteintes)
She played right into everything I said (Elle a bien retourné tout mon baratin contre moi )
Took me out and into bed (Elle m’a sorti et m’a mis dans son lit )
She was running things instead (Elle menait la danse en fait)
I never gave a second thought about it (Je ne m’en était jamais rendu compte)
Right then I knew she’d flipped it on me, (À ce moment-là, j’ai su qu’elle m’avait retourné le cerveau)
she was reversal of the dog (Elle me l’a fait à l’envers)

Et c’est comme ça que le jeu commence. So, who run the world ? Girls ! 

Testez cette analyse en vous refaisant une séance Boomerang (en couple c’est peut-être risqué) entre amis 😉

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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