L’histoire de la reine Njinga de Ndongo et Matamba : Partie 2, les premiers faits d’armes

Njinga de Ndongo et de Matamba est probablement l’une des reines les plus connues de l’histoire de l’Afrique. DiabolisĂ©e aprĂšs sa mort par les EuropĂ©ens, elle est aujourd’hui souvent prĂ©sentĂ©e comme une icĂŽne de la lutte africaine contre l’esclavage et la colonisation europĂ©ens. On propose de revenir ici sur ses premiers faits d’armes prĂ©cĂ©dant son accession au pouvoir.

Premiers faits d’armes

Njinga de Ndongo
Crédit : Unesco
http://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi

TrĂšs tĂŽt, Njinga prend part Ă  des activitĂ©s militaires. Entre 1602 et 1603, durant le rĂšgne de son pĂšre, elle a ainsi aidĂ© des seigneurs de guerre sous autoritĂ© portugaise Ă  se rebeller, puis lors d’une bataille, Ă  mobiliser la rĂ©sistance de ses compatriotes alors que les Portugais avaient rĂ©ussi Ă  conquĂ©rir une grande partie du pays. Deux ans avant la mort de son pĂšre en 1617, elle est Ă  nouveau mentionnĂ©e dans un rĂ©cit de guerre, dĂ©crite par les Portugais comme ‘jamais Ă  court d’idĂ©e pour [leur] nuire’ en incitant sans cesse le peuple Ă  la rĂ©sistance.

Njinga Ă  la mort de son pĂšre

Peu avant la mort de Mbande a Ngola, le royaume de Ndongo est presque entiĂšrement en possession des Portugais. La rĂ©sistance du roi vieillissant consiste alors essentiellement Ă  attaquer des marchĂ©s d’esclaves mis en place par des Portugais au dĂ©triment de membres de la classe mbundu des Kijiko, Ă©quivalente aux serfs europĂ©ens. Alors que la coutume mbundu d’alors les interdisait d’ĂȘtre vendus comme esclaves, les Portugais les utilisaient comme tels dans leurs plantations, en Afrique ou aux AmĂ©riques.

Contrairement Ă  celui de son pĂšre et prĂ©dĂ©cesseur Kasenda, le rĂšgne de Mbande a Ngola sera marquĂ© par une tentative de rĂ©sister Ă  l’invasion portugaise par la diplomatie. Cette approche sera toutefois un Ă©chec. Le pĂšre de Njinga mourra assassinĂ© par certains de ses hommes.

Sous le rĂšgne de son frĂšre

Lorsque le pĂšre de Njinga meurt en 1617, c’est son fils aĂźnĂ©, Ngola Mbande, qui prend le pouvoir. Njinga est alors ĂągĂ©e d’environ 35 ans.  Contrairement Ă  la coutume qui voit le choix du souverain par un collĂšge d’Ă©lecteurs, Ngola Mbande prend les devants et cherche Ă  se dĂ©barrasser de ses concurrents au trĂŽne. Il assassine un de ses demi-frĂšres et toute sa famille maternelle, ainsi que plusieurs membres de la cour. S’il ne tue pas Njinga, il la craint suffisamment pour assassiner le fils auquel elle venait de donner naissance. Il aurait aussi ordonnĂ© la stĂ©rilisation de Njinga et de ses soeurs, qui aprĂšs cette date, n’auraient plus donnĂ© naissance.

Njinga de Ndongo
Crédit : Unesco
http://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi

Cet acte implique sans doute un refus de soumission, voire une volontĂ© de revendiquer le trĂŽne de la part de Njinga. Chez les souverains de Ndongo, tuer le fils d’une personne refusant de reconnaĂźtre l’autoritĂ© royale semble avoir Ă©tĂ© passible de mort. L’assassinat par Njinga durant son rĂšgne du fils d’un dignitaire critiquant la libertĂ© de ses moeurs sexuelles le montre. Pourquoi Ngola Mbande a-t-il tuĂ© son demi-frĂšre mais pas sa demi-soeur? Respectait-il un tabou relatif aux femmes de sang royal de Ndongo? Historiquement, avant le rĂšgne de Njinga, celles-ci ne prenaient pas part aux campagnes militaires contrairement aux femmes ‘roturiĂšres’ du royaume. Etait-il conscient des qualitĂ©s de Njinga qu’il espĂ©rait pouvoir utiliser Ă  ses propres fins? Craignait-il son influence au sein de la cour et du peuple? Les rĂ©cits des premiers faits d’armes de  Njinga dans les textes portugais donnent au moins partiellement du crĂ©dit Ă  cette derniĂšre hypothĂšse. BientĂŽt, Njinga se rĂ©fugiera dans l’Ă©tat de Matamba, situĂ© Ă  l’est de Ndongo.

L’approche de Ngola Mbande face Ă  la prĂ©sence portugaise fut diffĂ©rente de celle de son pĂšre. PlutĂŽt qu’Ă  la diplomatie, il eut recours au conflit armĂ©. Avec celui-ci, il rencontra un succĂšs bien plus grand de celui de son pĂšre.  Toutefois, malgrĂ© une rĂ©sistance acharnĂ©e, le conflit commença Ă  tourner en sa dĂ©faveur. Il se rĂ©sout par consĂ©quent Ă  envoyer une ambassade Ă  Luanda afin de nĂ©gocier avec les Portugais.

Njinga prend l’avantage sur son frĂšre

Pour diriger l’ambassade, Ngola Mbande choisit Njinga alors en exil Ă  Matamba. Ses qualitĂ©s de diplomate et la dĂ©termination qu’elle a montrĂ© trĂšs tĂŽt dans la rĂ©sistance aux Portugais ont probablement motivĂ© ce choix de Ngola Mbande, qui a peut-ĂȘtre sous estimĂ© l’inimitiĂ© et la soif de pouvoir de sa soeur.

Njinga de Ndongo
Crédit : Unesco
http://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi

Celle-ci va en effet vĂ©ritablement mettre en scĂšne son rĂŽle dans l’ambassade. AccompagnĂ©e d’une dĂ©lĂ©gation aussi importante que luxueuse, elle allait laisser une forte impression sur les populations locales croisant son chemin de Kabasa Ă  Luanda, comme sur les Portugais. Lors de son arrivĂ©e, son hĂŽte, JoĂŁo Correia de Sousa lui accordera Ă  elle et Ă  sa dĂ©lĂ©gation un accueil digne d’une grande puissance. Toutefois, comme le montre ce qui est probablement la scĂšne la plus cĂ©lĂšbre de la vie de Njinga, JoĂŁo Correia De Sousa considĂ©rait Ndongo comme un Ă©tat s’apprĂȘtant Ă  se soumettre au Portugal.

Njinga de Ndongo
Lors de l’arrivĂ©e de Njinga dans la salle de nĂ©gociation, le gouverneur portugais assis sur une chaise lui prĂ©sente un tissu posĂ© sur le sol pour s’asseoir. Cette position est censĂ©e illustrer l’asymĂ©trie entre le vainqueur assis plus haut que son vaincu. Njinga, qui a tout prĂ©vu appelle immĂ©diatement une de ses servantes qui, se mettant Ă  quatre pattes, lui servira de siĂšge durant tout l’entretien. Ce dernier sera un succĂšs. Il permettra la signature d’un traitĂ© de paix entre le Portugal et Ndongo. Elle accepta, en contrepartie ĂȘtre baptisĂ©e. Bien qu’il fut ravi de l’obtention du traitĂ© signĂ© par Njinga et les Portugais, Ngola Mbande allait bientĂŽt ĂȘtre manipulĂ© par les deux. Les Portugais allaient d’abord tenter de changer les termes du traitĂ©, imposant au roi d’ĂȘtre baptisĂ©. Ils allaient ensuite capturer plusieurs gouverneurs locaux, les dĂ©porter en esclavage au BrĂ©sil et rĂ©cupĂ©rer leur territoire.  De son cĂŽtĂ©, Njinga allait publiquement remettre en question les capacitĂ©s de leadership et la virilitĂ© de son frĂšre, face Ă  ce qu’elle considĂ©rait ĂȘtre un manque de respect de la part des EuropĂ©ens. DĂ©pressif, Ngola Mbande se suicidera en 1622, probablement avec le concours de Njinga, Ă  qui il avait dĂ©jĂ  confiĂ© sa succession en tant que rĂ©gente de son fils.

Références:

Linda M. Heywood / Njinga of Angola

unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi

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