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L’histoire de la reine Njinga de Ndongo et Matamba : Partie 2, les premiers faits d’armes

Histoire

L’histoire de la reine Njinga de Ndongo et Matamba : Partie 2, les premiers faits d’armes

Par Sandro CAPO CHICHI 14 février 2018

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Njinga de Ndongo et de Matamba est probablement l’une des reines les plus connues de l’histoire de l’Afrique. Diabolisée après sa mort par les Européens, elle est aujourd’hui souvent présentée comme une icône de la lutte africaine contre l’esclavage et la colonisation européens. On propose de revenir ici sur ses premiers faits d’armes précédant son accession au pouvoir.

Premiers faits d’armes

Njinga de Ndongo

Crédit : Unesco
http://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi

Très tôt, Njinga prend part à des activités militaires. Entre 1602 et 1603, durant le règne de son père, elle a ainsi aidé des seigneurs de guerre sous autorité portugaise à se rebeller, puis lors d’une bataille, à mobiliser la résistance de ses compatriotes alors que les Portugais avaient réussi à conquérir une grande partie du pays. Deux ans avant la mort de son père en 1617, elle est à nouveau mentionnée dans un récit de guerre, décrite par les Portugais comme ‘jamais à court d’idée pour [leur] nuire’ en incitant sans cesse le peuple à la résistance.

Njinga à la mort de son père

Peu avant la mort de Mbande a Ngola, le royaume de Ndongo est presque entièrement en possession des Portugais. La résistance du roi vieillissant consiste alors essentiellement à attaquer des marchés d’esclaves mis en place par des Portugais au détriment de membres de la classe mbundu des Kijiko, équivalente aux serfs européens. Alors que la coutume mbundu d’alors les interdisait d’être vendus comme esclaves, les Portugais les utilisaient comme tels dans leurs plantations, en Afrique ou aux Amériques.

Contrairement à celui de son père et prédécesseur Kasenda, le règne de Mbande a Ngola sera marqué par une tentative de résister à l’invasion portugaise par la diplomatie. Cette approche sera toutefois un échec. Le père de Njinga mourra assassiné par certains de ses hommes.

Sous le règne de son frère

Lorsque le père de Njinga meurt en 1617, c’est son fils aîné, Ngola Mbande, qui prend le pouvoir. Njinga est alors âgée d’environ 35 ans.  Contrairement à la coutume qui voit le choix du souverain par un collège d’électeurs, Ngola Mbande prend les devants et cherche à se débarrasser de ses concurrents au trône. Il assassine un de ses demi-frères et toute sa famille maternelle, ainsi que plusieurs membres de la cour. S’il ne tue pas Njinga, il la craint suffisamment pour assassiner le fils auquel elle venait de donner naissance. Il aurait aussi ordonné la stérilisation de Njinga et de ses soeurs, qui après cette date, n’auraient plus donné naissance.

Njinga de Ndongo

Crédit : Unesco
http://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi

Cet acte implique sans doute un refus de soumission, voire une volonté de revendiquer le trône de la part de Njinga. Chez les souverains de Ndongo, tuer le fils d’une personne refusant de reconnaître l’autorité royale semble avoir été passible de mort. L’assassinat par Njinga durant son règne du fils d’un dignitaire critiquant la liberté de ses moeurs sexuelles le montre. Pourquoi Ngola Mbande a-t-il tué son demi-frère mais pas sa demi-soeur? Respectait-il un tabou relatif aux femmes de sang royal de Ndongo? Historiquement, avant le règne de Njinga, celles-ci ne prenaient pas part aux campagnes militaires contrairement aux femmes ‘roturières’ du royaume. Etait-il conscient des qualités de Njinga qu’il espérait pouvoir utiliser à ses propres fins? Craignait-il son influence au sein de la cour et du peuple? Les récits des premiers faits d’armes de  Njinga dans les textes portugais donnent au moins partiellement du crédit à cette dernière hypothèse. Bientôt, Njinga se réfugiera dans l’état de Matamba, situé à l’est de Ndongo.

L’approche de Ngola Mbande face à la présence portugaise fut différente de celle de son père. Plutôt qu’à la diplomatie, il eut recours au conflit armé. Avec celui-ci, il rencontra un succès bien plus grand de celui de son père.  Toutefois, malgré une résistance acharnée, le conflit commença à tourner en sa défaveur. Il se résout par conséquent à envoyer une ambassade à Luanda afin de négocier avec les Portugais.

Njinga prend l’avantage sur son frère

Pour diriger l’ambassade, Ngola Mbande choisit Njinga alors en exil à Matamba. Ses qualités de diplomate et la détermination qu’elle a montré très tôt dans la résistance aux Portugais ont probablement motivé ce choix de Ngola Mbande, qui a peut-être sous estimé l’inimitié et la soif de pouvoir de sa soeur.

Njinga de Ndongo

Crédit : Unesco
http://fr.unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi

Celle-ci va en effet véritablement mettre en scène son rôle dans l’ambassade. Accompagnée d’une délégation aussi importante que luxueuse, elle allait laisser une forte impression sur les populations locales croisant son chemin de Kabasa à Luanda, comme sur les Portugais. Lors de son arrivée, son hôte, João Correia de Sousa lui accordera à elle et à sa délégation un accueil digne d’une grande puissance. Toutefois, comme le montre ce qui est probablement la scène la plus célèbre de la vie de Njinga, João Correia De Sousa considérait Ndongo comme un état s’apprêtant à se soumettre au Portugal.

Njinga de Ndongo
Lors de l’arrivée de Njinga dans la salle de négociation, le gouverneur portugais assis sur une chaise lui présente un tissu posé sur le sol pour s’asseoir. Cette position est censée illustrer l’asymétrie entre le vainqueur assis plus haut que son vaincu. Njinga, qui a tout prévu appelle immédiatement une de ses servantes qui, se mettant à quatre pattes, lui servira de siège durant tout l’entretien. Ce dernier sera un succès. Il permettra la signature d’un traité de paix entre le Portugal et Ndongo. Elle accepta, en contrepartie être baptisée. Bien qu’il fut ravi de l’obtention du traité signé par Njinga et les Portugais, Ngola Mbande allait bientôt être manipulé par les deux. Les Portugais allaient d’abord tenter de changer les termes du traité, imposant au roi d’être baptisé. Ils allaient ensuite capturer plusieurs gouverneurs locaux, les déporter en esclavage au Brésil et récupérer leur territoire.  De son côté, Njinga allait publiquement remettre en question les capacités de leadership et la virilité de son frère, face à ce qu’elle considérait être un manque de respect de la part des Européens. Dépressif, Ngola Mbande se suicidera en 1622, probablement avec le concours de Njinga, à qui il avait déjà confié sa succession en tant que régente de son fils.

Références:

Linda M. Heywood / Njinga of Angola

unesco.org/womeninafrica/njinga-mbandi