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La Mûlatresse Solitude

Histoire

La Mûlatresse Solitude

Par Naya 15 février 2018

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Nous ne saurons jamais de quelle partie de l’Afrique cette histoire tient sa genèse, l’on sait néanmoins que tout commence vers 1750.

Par Natou Seba Pedro Sakombi

Une enfant voit le jour, elle s’appelle Bayangumay. Elle connaît une enfance plutôt joyeuse et, se conformant aux traditions de son peuple, accepte sans drame de devenir l’épouse du compagnon de son père, Dyadyu. Elle est plutôt heureuse et le futur semble brillant. Mais l’arrivée des Blancs va tâcher ce tableau, avec l’enlèvement de la jeune épouse et son départ vers l’île de Gorée, sur les côtes du Sénégal, l’un des principaux centres de la traite des esclaves. Le voyage, dans un navire négrier pestilentiel, a pour destination finale les Caraïbes.

Violée par un marin pendant le voyage, Bayangumay arrive en Guadeloupe vers 1772. Son nom d’esclave est Babette.

Suite à ce viol, elle donne naissance à Rosalie. La couleur de peau de cette enfant issue du viol est une barrière à l’affection maternelle. Bayangumay ira jusqu’à rouer de coups la fillette qui, pourtant, ne cessera de venir à elle, même si à maintes reprises elles ont failli être séparées. La veille de son « marronnage », Bayangumay laissera toutefois s’exprimer son instinct maternel en caressant la fillette avant de partir.

Après le départ de sa mère, Rosalie devient la « cocotte » de Xavière, la fille de son maître. Sa beauté se fait remarquer, et ses yeux clairs de couleurs différentes ne laissent personne indifférent. Plus elle grandit, plus elle est séduisante.

Au départ, Rosalie se montre très docile. Mais petit à petit, comme sa mère, elle songe à se révolter.

Survient alors la révolution et l’abolition de l’esclavage décrétée par la Convention de Victor Hugues en 1794. Le maître de Rosalie, le chevalier Dangeau, s’enfuit, la laissant ainsi libre. La jeune femme assiste aux exécutions de la place de la Victoire à Pointe-à-Pitre et aux combats auxquels se livrent les Blancs. Elle ne réalise pas toujours ce qui se passe autour d’elle, pas plus que ce qui lui arrive.

Soudainement et brutalement, elle constate qu’elle est remise en esclavage et veut comprendre. On lui parle d’un certain Richepanse qui aurait débarqué pour exécuter les ordres de Bonaparte qui a rétabli l’esclavage en 1802.

Un jour, Rosalie est témoin de la descente d’une bande de marrons sur une habitation. Ils sont regroupés autour du Moudongue Sanga, leur leader. Elle, qui comprend sa condition et celle des siens, est fascinée par cet esprit de courage et de révolte.

Tout cela lui fait repenser à sa mère et comprendre le pourquoi de son départ, et c’est ainsi qu’elle décide, elle aussi, de rejoindre les Nègres marrons.

Sur les hauteurs où les marrons se rassemblaient, Rosalie fait enfin connaissance avec la liberté, le bonheur, et l’amour. Elle rencontre Sanga, personnage qui lui révèle l’espérance de tout un peuple. Elle découvre les joies de l’amour avec Maïmouni, un esclave récemment venu d’Afrique, avec qui elle ravivera cette négritude que compromettait son métissage. Celle qui ne répond plus au nom de Rosalie se fait désormais appeler Solitude, un nom qui lui va bien et qui reflète son histoire. Elle tombe enceinte.

Malgré sa grossesse, elle participe à tous les combats que livrent les marrons et, dans une sorte de transe, se jette avec fureur sur des Blancs sidérés par son courage, ou son inconscience.

Elle se retrouve parmi les combattants de Louis Delgrès, qui font face aux troupes de Richepanse. Alors que ses compagnons, défenseurs de la liberté des Noirs, périssent dans une explosion, Solitude survit.

En novembre de la même année, Solitude met au monde son enfant, qu’on lui arrache aussitôt au profit d’un propriétaire d’esclaves. Elle aurait dû être exécutée six mois plus tôt, mais les colons avaient pensé que ce ventre animé pouvait rapporter deux bras de plus à une plantation. Elle sera finalement arrêtée, condamnée à mort et exécutée, le 19 novembre 1802.

La Mulâtresse Solitude deviendra vite une héroïne de l’histoire de la Guadeloupe où une statue lui est dédiée à Baimbridge, à Pointe-à-Pitre.

Bien que prénommée « Solitude », la jeune femme au courage admirable n’était  pas seule : elle avait été adoptée par une nouvelle famille, car c’est ce qu’étaient devenus les marrons.

Et puis sa vision, ce rêve de liberté qui l’habitait de façon obsessionnelle, sa fidélité envers sa mère et son Afrique perdue occupaient continuellement ses pensées. Solitude a lutté pour la cause sans jamais perdre courage.