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Nok, l’une des plus anciennes civilisations africaines

Histoire

Nok, l’une des plus anciennes civilisations africaines

Par Sandro CAPO CHICHI 15 février 2018

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La culture de Nok du Nigéria, qui a émergé vers 1000 avant notre ère, se caractérise par une remarquable tradition de sculptures en terre cuite, ce qui en fait l ‘une des plus anciennes traditions artistiques d’Afrique de l’Ouest. La fin de cette culture, qui est aussi mystérieuse que son origine, a lieu vers le IXe siècle de notre ère et préfigure peut-être l’émergence des formes d’art ultérieures des Yorubas du Bénin et du Nigeria et des Bantous d’Afrique centrale.

Par Sandro CAPO CHICHI

Appellation et origines

L’appellation d’art nok est due au nom d’un village habité par les populations ham du plateau de Jos au Nigeria. La première statue de cette culture fut redécouverte en 1928, à la suite d’exploitations de minerais par les colons britanniques dans un site localisé autour de Nok. Les archéologues britanniques appelèrent l’ensemble des statues redécouvertes lors des décennies suivantes et présentant un style similaire par ce nom.
Bien que quelques œuvres aient été retrouvées à des centaines de kilomètres au nord-ouest du village, la plupart des centaines de statues nok le furent dans ses alentours. L’âge des premières œuvres de Nok est estimé à environ 1000 avant notre ère, mais le site lui-même semble avoir été habité depuis au moins le Ve millénaire avant notre ère.

Les œuvres

Les œuvres de Nok se caractérisent d’abord par leur réalisation en terre cuite à la main, sans moule ni tour de potier, et atteignent parfois plus d’un mètre. Elles représentent des êtres humains, des animaux, ou des êtres fabuleux.


Les statues humaines sont représentées par un canon qui voit le corps atteindre une taille de trois à quatre fois plus grande que la tête, contre sept fois dans la réalité. Elles représentent plus les hommes que les femmes, et chacun se voit attribué des attitudes particulières. Les hommes sont ainsi principalement représentés assis avec la tête sur les genouxrarement debout, contrairement aux femmes, qui peuvent aussi être assises, mais la tête droite. Ces attitudes témoignent certainement d’une réalité ou d’une distinction des fonctions sociales.
Les personnages humains sont représentés avec des coiffures aussi complexes que variées, des bijoux ou encore des amulettes, éléments qui étaient sculptés à part puis ajoutés au reste de la sculpture. La complexité de ces éléments laisse penser qu’il s’agirait de personnages d’importance, comme des rois ou des dignitaires.
Les personnages humains portent un cache-sexe ou un étui pénien, ce dernier attribut témoignant certainement d’une pratique de la circoncision.
On trouve représenté un cavalier, ce qui semble montrer l’utilisation du cheval chez les populations de Nok. Parmi les animaux, on trouve représentés des éléphants, des serpents, des singes et des félins. On trouve aussi des représentations de têtes mi-hommes mi-animaux, des sphinx et un homme-oiseau que certains chercheurs ont interprété par le résultat d’une pratique du chamanisme, c’est-à-dire par le voyage de prêtres vers le monde des divinités et leur rôle d’intermédiaire vers le monde visible. Le fait que ces statues n’aient jamais été retrouvées avec des ossements a conduit les spécialistes à conclure qu’il ne s’agissait pas d’un art funéraire.

Parallèles et héritiers

Les parallèles proposés entre l’art de Nok et les autres cultures ont été nombreux. Des œuvres d’art en terre cuite, issus des sites de Katsina et Sokoto au nord du Nigeria et datant vraisemblablement du premier millénaire de notre ère ont été présentés comme une extension de Nok, bien que des différences dans la moindre diversité des positionnements et la moindre complexité des coiffures trouvées à Katsina et à Sokoto aient conduit d’autres chercheurs à s’interroger sur l’existence d’un lien entre ces traditions.
Comme dans les masques gelede des Yorubas du Bénin et du Nigeria, on trouve une représentation des yeux avec un trou en guise de pupille.
Comme dans les civilisations yoruba d’Ife et edo de Bénin, la proportion du corps équivaut à trois ou quatre fois celle de la tête. La figure du sphinx rappelle évidemment l’Egypte ancienne. Une hypothèse audacieuse formulée par l’historien belge Bernard de Grunne suggère que les œuvres de Nok auraient été réalisées par les ancêtres des peuples bantous modernes. Les linguistes situent en effet l’origine de la langue ancêtre des langues bantoues à l’est du Nigeria, près des sites où ont été retrouvées les vestiges de la culture de Nok. Elles se seraient dispersées en même temps que les débuts de la civilisation de Nok, et De Grunne a pu relever des gestes typiques communs à des statues kongo, fang ou luba.

Ces quelques exemples de rapprochement entre Nok et les traditions d’autres cultures africaines ne font qu’illustrer le mystère qui règne encore sur les héritiers de cette culture qui a mystérieusement disparu vers la fin du Ier millénaire de notre ère.