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Jacques Foccart, l’énigmatique « Monsieur Afrique » de l’Elysée

Politique

Jacques Foccart, l’énigmatique « Monsieur Afrique » de l’Elysée

Par Mathieu N'DIAYE 6 février 2018

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Secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches entre 1960 et 1974, Jacques Foccart est souvent décrit comme l’homme le plus puissant de la V° République française, pour le rôle centrale qu’il a joué dans les relations obscures entre la France et l’Afrique. Il fut l’artisan de la dépendance et de la françafrique, d’abord sous la présidence De Gaulle, puis sous Georges Pompidou et enfin sous Jacques Chirac.

Qui est Jacques Foccart ?

Jacques Foccart est une figure incontournable du gaullisme, à qui l’on doit la Françafrique. Fils d’un planteur/exportateur de bananes, consul de la principauté de Monaco en Guadeloupe, maire de Gourbeyre (Guadeloupe) de 1908 à 1921 et d’Elmire Courtemanche de la Clémandière, une Béké guadeloupéenne [1]. Celui que l’on nommera plus tard « Monsieur Afrique » avait pour ainsi dire l’exploitation des Noirs dans le sang.

Jacques Foccart

Jacques Foccart est considéré comme l’un des « barons du gaullisme ». Lorsqu’il accède au pouvoir, le Général De Gaulle, lui confie la mission essentielle de traiter les questions africaines. Chaque soir ou presque Foccart faisait son rapport à De Gaulle et le conseillait sur les politiques à mener. En pleine période de luttes anticoloniales, Foccart s’évertuera à nouer des relations ambiguës avec les chefs d’État du continent africain. Les anciennes colonies n’étaient certes plus la France, en théorie, mais dans les faits, les nouvelles nations prétendument « indépendantes » faisaient figures de DOM-TOM… La préservation des intérêts français en Afrique sera une manière pour l’ancienne puissance coloniale de continuer à peser lourdement sur l’échiquier international, au détriment des populations africaines. 

Jacques Foccart : l’architecte de la Françafrique

On aurait puis imaginer que l’homme de l’ombre du Général De Gaulle, caché dans les coins sombres de la présidence, dont les méthodes extrêmement directives et expéditives étaient fréquemment à la limite de la légalité (voir souvent illégales), ait pris soin d’effacer toutes les traces de ses exactions sur le continent africain. Au contraire, Foccart, personnage central dans la création du concept de Françafrique s’est appuyé sur la cellule africaine de l’Élysée, appelée au moment de sa création en 1960, le secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches. Le rôle de cette administration était de veiller à la sauvegarde des intérêts de la France en Afrique en maintenant les dirigeants des anciennes colonies dépendants de l’ancienne puissance coloniale.  

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« Monsieur Afrique » murmurant à l’oreille du francophile Leopold Sedar Seghor.

Le secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches nourrira les analyses stratégiques de Jacques « Monsieur Afrique » Foccart et l’aidera aussi à gérer les actions clandestines de la France en Afrique. Via son réseau, Foccart est à même de centraliser de nombreux documents émanant des services secrets, ou des ambassades. Il pouvait disposer du soutien financier d’Elf. Le tout a été archivé et permet ainsi de rendre compte de ses méfaits jusqu’à la dissolution du secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches en 1974. 

Les opérations clandestines de Jacques Foccart en Afrique

Foccart et son équipe ont, par exemple, organisé une action « subversive » en Guinée-Conakry, suite au refus d’Ahmed Sékou Toure en 1958, d’adhérer à une union-partenariat avec la France et ainsi poursuivre un pacte post-colonialiste avec l’ancienne métropole. Toure préféra l’indépendance totale de son jeune pays, qu’il obtiendra le 2 octobre 1958, malgré le flot de difficultés qui s’en suivie. C’est à cette occasion que le le 1er président de la République de Guinée affirmera:

« Je préfère la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage« …

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Jacques Foccart et Amadou Ahidjo, premier président de la République du Cameroun et grand admirateur du Général De Gaulle.

On peut aussi mentionner le soutient du « réseau Foccart« , dès 1967, aux indépendantistes du Biafra [2] en leur livrant notamment des armes et en leur fournissant des mercenaires, dont le tristement célèbre Bob Denard. On pourrait enfin parler du soutien de la République Française au Maréchal Mobutu Sese Seko en République Démocratique du Congo. C’est, en outre, encore à Foccart que l’on doit l’ascension politique d’Omar Bongo qui dirigea le Gabon d’une main de fer durant 41 ans, 6 mois et 6 jours. 

Selon certaines sources, les services secrets français auraient, sur ordre de Jacques Foccart, éliminé le leader marxiste camerounais Félix-Roland Moumié en 1960. Les mêmes sources, en se basant sur des archives, affirment que :

« Foccart et Houphouët parlaient au téléphone tous les Mercredi, et il ne fait aucun doute qu’il considérait le chef d’État ivoirien comme la pièce maîtresse africaine de son réseau. Ils ont travaillé ensemble sur un certain nombre de questions. Des opérations comme celles du Gabon en 1964 et du Tchad en 1969 ont été encouragées par le tandem Foccart-Houphouet. »[3]

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Le fameux tandem Foccart-Houphouet …

Notes et références

[1] Béké est un terme kréyol désignant les descendants des premiers colons européens, habituellement français et esclavagistes, dans les Antilles françaises. Dans les années 90’s, les Békés représentaient moins de 1 % de la population et contrôlaient 29,2 % des entreprises de plus de vingt salariés de Martinique et 16,5 % des entreprises de plus de dix salariés en Guadeloupe.

[2] La république du Biafra était de 1967 à 1970, un État sécessionniste situé dans le sud-est du Nigeria. C’était la région la plus riche en réserves de pétrole du pays. 

[3] Pascal Geneste et Jean-Pierre Bat ~ Archives du secrétariat général des Affaires africaines et malgaches et de la Communauté, publié en 2015