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Lénaïck Adam, le plus jeune député de l’histoire de la Guyane

Politique

Lénaïck Adam, le plus jeune député de l’histoire de la Guyane

Par Mathieu N'DIAYE 21 juillet 2017

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Député de la 2e circonscription de la Guyane depuis le 21 juin 2017 , Lénaïck Adam est  le plus jeune député de l’histoire de la Guyane, de l’Outre-Mer et l’un des plus jeunes députés de l’histoire de la Ve République. A tout juste 25 ans, ce natif de St Laurent-du-Maroni représente fièrement les couleurs du département français d’Amérique Sud, malgré les polémiques stériles que semblent vouloir alimenter les médias traditionnels.

Qui est Lénaïck Adam ?

Né il y a 25 ans à St Laurent du Maroni, la deuxième commune la plus peuplée de Guyane après Cayenne, Lénaïck Adam est issu d’un milieu modeste. Il fait de brillantes études et intègre, après l’obtention de son baccalauréat en 2010, l’Institut d’études politiques de Paris (Science Po). Malgré les difficultés, il ne s’avouera pas vaincu :

 “J’ai grandi entre La Charbonnière, un quartier défavorisé, quasiment ghettoïsé, de Saint-Laurent, et la campagne. Mon père avait réussi professionnellement, mais en termes de niveau de vie, on vivait comme les autres familles de La Charbonnière. J’ai vu une vidéo dans laquelle Richard Descoings disait que Sciences Po formait à la fois l’élite intellectuelle française et des citoyens du monde. J’avais envie d’en faire partie, j’ai passé le concours des Conventions d’éducation prioritaire et j’ai été pris. Mais une fois arrivé à Sciences Po, ça a été compliqué. C’était une autre culture, une autre manière de faire, une autre manière d’apprendre. Je n’avais pas l’habitude de travailler comme ça en Guyane, donc j’ai raté la première année. Après, j’ai compris qu’il fallait aller à la bibliothèque et bosser dur.[1]

En 2013, il s’installe au brésil durant un an, un pays qui partage 730 km de frontière avec la Guyane, afin de parfaire sa maîtrise du portugais. Il dira à ce sujet:

“Je voulais abattre la barrière de la langue pour permettre les échanges commerciaux et favoriser l’intégration régionale.” [1]

L’année suivante, il entre en master finance et stratégie à Sciences Po Paris. En 2015, il fait ses premiers pas en politique comme conseiller à l’Assemblée de Guyane. Il est ensuite élu député de la seconde circonscription de la Guyane sous la bannière « La République en marche !« . Lénaïck Adam devient ainsi le plus jeune député de l’histoire du département ultramarin d’Amérique du Sud. Il est de surcroît le tout premier « Bushinengue » [2], ces fiers descendants des Nègres Marrons des rives du fleuve Maroni, à siéger au Palais Bourbon.

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Toutefois, le jeune député guyanais n’est pas là pour faire de la figuration mais bien pour améliorer les conditions de vie de ses compatriotes :

« Je pense que quand on fait ce type d’études, c’est pour contribuer au développement de son territoire, explique Lénaïck Adam. Je pense que j’ai quelque chose à apporter à la Guyane, que j’arriverai à tenir un discours fondé sur la proximité et la sincérité. A ma naissance, mon territoire avait 25 ans de retard économique. Aujourd’hui que j’en ai 25, il accumule 50 ans de retard. La Guyane a besoin de personnes capables de plaider sa cause. Et ça passe par la création d’un réseau dans l’Hémicycle, au gouvernement, dans les ministères. J’ai pas mal de négociations à mener pour que la Guyane soit enfin considérée. C’est un mandat national que j’ai ici. Je ne suis pas là pour être un député exotique. » [1]

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A peine élu et déjà en proie aux polémiques

Depuis quelque temps, une polémique montée de toutes pièces enfle sur la toile. De quoi souhaiter la bienvenue au jeune Adam dans l’impitoyable monde médiatico-politique. L’objet ? Un absentéisme chronique supposé. C’est le journal l’Express qui a ouvert le bal en accusant le 19 juillet dernier le benjamin de l’Assemblée nationale de bouder les sessions parlementaires :

« Mais s’il a beaucoup arpenté la salle des quatre colonnes lors de la semaine de rentrée parlementaire, où patientent les journalistes, il est depuis très discret. Et absent de l’hémicycle comme des réunions en commission. » [3]

Lenaïck Adam lors de la rentrée administrative de l’Assemblée Nationale

L’absentéisme, avéré lui, de ténors de la politique est souvent tourné en gentille plaisanterie. Ce n’est point le cas ici et surtout, un facteur essentiel de mobilité du député français semble avoir échappé à l’auteur de cet article. Un point que Lénaïck Adam n’a pas manqué de relever dans sa mise au point avec le canard. En effet, afin de dissiper toute ambiguïté, il a déclaré sur sa page publique Facebook, le même jour:

« Suite à la publication de l’article dans le journal L’express concernant mes absences au sein de l’hémicycle, j’ai demandé à la rédactrice en chef du service web de publier, au titre du droit de réponse, ma réaction :

Ce mercredi 19 juillet, le journal L’express faisait la liste des « mauvais élèves » de l’hémicycle.

Ayant néanmoins relevé que le rôle d’un Député ne se cantonnait pas à sa simple présence sur les bancs de l’Assemblée, je souhaite apporter davantage d’informations sur l’étendue des tâches qui me sont conférées ainsi que sur la façon dont je m’y attarde.

Me sera t-il au préalable permis de rappeler à tous ceux qui en douteraient encore, que la Guyane est un département d’outre-mer situé sur le continent Sud-américain. Je suis donc, comme mes autres collègues cités, un ultramarin soumis aux mêmes difficultés géographiques.

Prenant note de cette considération de fait en tout point substantielle, vous comprendrez aisément qu’il est en effet plus difficile pour nous autres, ultramarins, d’effectuer des aller-retour entre Paris et nos circonscriptions respectives.

Par suite, me sera t-il permis d’indiquer que, depuis le début de cette mandature, j’ai fait le choix de rester sur Paris en vue d’assister aux différentes réunions, rencontres, séances et cérémonies.

Me sera t-il au surplus permis de relever que les journalistes n’ayant accès qu’aux seules salles des Quatre-Colonnes et des Pas-Perdus, il parait inéluctable qu’il ne leur ait été possible de m’interpeller que dans lesdites pièces.

Me sera t-il également permis d’indiquer que je suis certes un parlementaire représentant de la nation, mais que je demeure un homme de terrain à l’écoute des difficultés spécifiques rencontrées par les guyanais. Ces deux charges étant par ailleurs absolument consubstantielles au bon exercice de ma fonction.

Me sera t-il enfin permis de m’excuser aujourd’hui pour mon absence en cette date, ainsi que pour mes absences à venir durant l’intégralité de cette législature en raison des déplacements que j’effectue, et que je continuerai d’effectuer sur mon territoire qui s’étend sur une superficie de de 83 534 km2.

Certaines communes de Guyane, plus étendues que nombre de départements hexagonaux, n’étant accessibles qu’en pirogue, c’est avec le plus grand plaisir que je vous invite à venir vous rendre compte de l’étendue des difficultés que nous rencontrons chaque jour. »

Espérons que cette mise au point en bonne et due forme mettra un terme à cette polémique qui n’a d’objectif que de discréditer le jeune élu afrodescendant.

 

Notes et références :

[1] « Lénaïck Adam, le bal d’un débutant à l’Assemblée nationale« , Paris Match, publié le 26 juin 2017

[2] Le terme Bushinengue est un terme générique quelque peu péjoratif puisque ce terme est issu de Boshe Nenge signifiant « hommes de la forêt« . Il serait plus correct de parler de « communautés marronnes« , ou d’utiliser directement le nom de l’une des ethnies (Aluku ou Boni, Kwinti, Matawai, Ndyuka, Paramaka, Saramaka).

[3] Geoffrey Bonnefoy ~ « Ces députés qui boudent (déjà) les bancs de l’Assemblée nationale« , publié le 19 juillet 2017