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La sémantique de l’être Noir ou la construction d’une condition raciale /Partie 3

Culture

La sémantique de l’être Noir ou la construction d’une condition raciale /Partie 3

Par SK 31 mai 2017

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Par Ghyslain Vedeux. [Noir(e)] Signifiant-signifié. Naître, être noir(e), quel(s) sens ? conscient-inconscient ? Sémantique. Naître puis être (dans le sens de « devenir ») [noir(e)] initialement dans le contexte eurasiatique-occidental est une condition sociale que l’idéologie racialiste a transformée en condition raciale.

L’historicité (2)

Donc oui celle ou celui qui disait-dit [je suis un marron…] peut et doit être très fier [d’être un noir] quand il connait le sens de ce mot ainsi que sa signification et compréhension de l’environnement dans lequel il évolue. Justement une nouvelle version du code noir de 1724 a été réécrite spécialement pour s’adapter aux esclaves venus du commerce de la  « traite négrière » comme l’atteste le préambule de cette nouvelle version:

« …Louis, par la grâce de Dieu , roi de France et de Navarre : à tous, présents et à venir, salut. Les Directeurs de la Compagnie des Indes nous ayant présenté que la province et colonie de la Louisiane est considérablement établie par un grand nombre de nos sujets, lesquels se servent d’esclaves [nègres]… »

…lequel se servent des « nègres » en référence aux nouveaux esclaves arrivés d’Afrique.

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Ce qui prouve bien que « le premier code noir » de 1685 n’était pas pour les ‘Noirs’ africains mais bien pour les « Noirs » eurasiatiques. Noirs simplement par leurs conditions sociales d’ex serfs-pauvres-mal nés-non libres. Donc naître-être « Noir » est d’abord une condition sociale et un(e) afro descendant(e) qui ne se définit pas comme « Noir(e) », se reconnaîtra si dans un environnement on parle des « Noirs ». Il saura que c’est de lui qu’on parle.  Donc la question n’est pas tant qu’on soit ou qu’on se définisse « Noire » « marron’’ ou autres. La question n’est pas seulement de se définir soi-même (à ne pas confondre avec l’autodétermination) car l’on ne peut ignorer l’environnement qui conditionne et participe à façonner l’image de l’afro descendant dans le contexte eurasiatique-occidental. Il s’agit aussi de comment [je me vois] et comment l’environnement [me perçoit]. Il faut prendre en compte les deux points de vue sur le même plan et sans gradation. Nous sommes dans la perception. Ce qui ne signifie pas acceptation, mais permet une meilleure compréhension de l’organisation sociétale primaire eurasiatique qui nous conditionne encore de nos jours.

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Cette perception n’est pas le reflet d’une identité car si un afro descendant ne se perçoit pas comme ‘Noir’, il comprend de facto que c’est lui que cette perception sociétale désigne. L’enjeu n’est pas seulement celui ‘du signifiant’, il est aussi celui ‘du ‘signifié’. Il est tant ce que [je dis de moi] que [ce que je comprends de moi], sur [ce que je reflète] et [sur ce que je dégage] dans un environnement qui a passé et passe son temps à m’observer, à me codifier, à m’étudier à me ‘définir’ tout en me niant le droit de m’auto-définir.


Par ailleurs, les enfants afro descendants disent souvent candidement dans les langues occidentales cette phrase qu’aucun ne parviendrai pourtant à  traduire dans sa langue maternelle : [je ne suis pas noir, je suis marron], ce qui est vrai visuellement pour ces derniers qui ne comprennent pas encore les codes sociétaux. D’autres, en grandissant rejettent complète l’appellation « noire » car ce mot, pensent-ils, les figent dans à une ‘identité’ à connotation péjorative qui leur est imposée. Or pour se définir soi-même l’on ne s’aurait s’arrêter à d’uniques critères physiques, psychologiques et psychiques ou à des charges émotionnelles imposées par un environnement hiérarchisant, catégorisant et déshumanisant.

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Donc oui, celle ou celui qui disait-dit [je suis un marron…] peut et doit être très fier [d’être un noir] quand il connaît le sens de ce mot ainsi que sa signification et compréhension de l’environnement dans lequel il évolue. Avec ce concept de « Noir », la condition désignée initialement est celle nous le savons maintenant de l’ancien [serf – mal né- pauvre blanc], qui voulant échapper à sa condition a psychiquement fait un transfert de ses stigmates et complexe d’infériorité à celui venu d’ailleurs, soit à l’afro descendant qu’il a d’abord vu réduit à une condition sociale similaire à lui, puis inférieur à lui puisque chosifié (désigné par les textes de « loi » de l’époque comme ‘des biens meubles’ dans le code noire de 1724) quand le serf jouissaient d’une ‘protection’ du seigneur de son domaine ou était invité à devenir un colon après sa période d’engagisme. Il est important de noter qu’officiellement la fin de l’engagisme (1882) correspond à la mise en place des lois et statuts de l’indigénat (code de l’indigénat 1881) qui légitimera le ‘travail forcé’ en vigueur depuis la fin de l’abolition de la traite transatlantique (1848). Travail forcé qui n’est en fait que la suite de l’esclavagisme et de l’exploitation des africains sur leur territoire qui prendra fin officiellement en 1946 et réellement au début des années 1960.

Crédit photo: Pixabay

Cette période (1876 à 1964) correspond aussi à la mise en place des lois Jim Crow aux Etats-Unis. C’est aussi en exportant la condition de mise en esclavage des africains des Amériques vers l’Afrique via [le travail forcé] que les africains deviendront [des noirs] socialement sur leur propre territoire. Exploités par le capital des nations européennes, des descendants d’anciens serfs deviendront des ‘citoyens-blancs’ et même des bourgeois-nouveaux riches car envoyés en première ligne. Leurs « expéditions », sources de colossales fortunes, seront gage pour eux de titre de noblesse, privilèges et garanties de profit pour leur sponsors-financeurs. L’africain privé de tous droits et initialement désigné comme [bien meuble] devenait un ‘sujet’, condition de l’ancien serf. En se calfeutrant dans le manteau du « citoyen », l’ex-serf ne pense qu’a une seule chose : fuir sa condition sociale initiale de ‘noir-pauvres-mal né-non libre’.  Complexe d’infériorité intégré et mal masqué chez certains « penseurs/chercheurs », ayant pour aïeuls d’anciens « serfs » dont certains « affranchis », « embourgeoisés » ou « anoblis au fil des générations. Ils se rassureront en reléguant l’africain du statut de « sujet » à celui d’indigène (code de l’indigénat de 1881). Car conscients que bien que devenus des ‘citoyens-blancs’, ils n’en restent pas moins des sujets du capital et des politiques.

La ségrégation dans un bus, aux Etats-Unis, en 1956. (SIPA)

Pour masquer ce complexe infériorité, ces descendants des serfs/esclaves affranchis européens, discriminés chez eux par plus riches et plus nobles qu’eux se sont jetés et vautrés dans les privilèges que leur octroyait leur nouveau statut de ‘blancs’. Ceci d’abord chez eux, avant de l’exporter ‘dans les nouveaux mondes découverts’.  Identité dite « blanche/noble », compensant ce complexe d’infériorité par un complexe de supériorité acté et réglementé par les lois du système racialiste. Pour simple exemple, pour se libérer du joug britannique, tous les esclaves des Etats-Unis, les blancs, noirs, jaunes, rouges… ont combattu ensemble pendant la guerre de Sécession. Une fois victorieux contre les britanniques, les anciens esclaves de types européens des États-Unis ont revendiqué leur statut (social) de « blancs » en remettant en esclavage les africains-américains dans une condition (sociale) de noir-nègre-negro-nigger. Dès lors, la condition de l’africain-américain dans les Amériques et de tous les afro descendants dans le reste du monde devient celle d’une [race-sociale]. Race sociale dont plusieurs auteurs-penseurs-chercheurs-historiens-psychiatre-historiens ont écrit à propos.

 

Références:

De l’égalité des races humaines. [Joseph Antenor Firmin]
Histoire de l’homme et changement climatique. [Yves Coppens]
La condition noire. [Pap Ndiaye]
Codes noirs [de 1685 et 1724]
Code de l’indigénat [1881]
Nation Nègre et Culture [Cheik Anta Diop]
La traite des Slaves [Alexandre Skirda]
Traite des Blancs-Traites des Noirs [Rosa Amelia Plumelle Uribe]
Le péché du Pape contre l’Afrique.[Assani Fassassi]
The white slaves of England.[John C.Cobden]
La couleur de la justice-The New Jim Crow:Mass incarceration in the age of colorblindness
[Michelle Alexander]
Histoire de L’Afrique noire.[Joseph Ki Zerbo]
De l’esclavage aux réparations [Louis-Georges Tin]
The re-enslavement of blacks people.[Douglas A Blackmon]
La conscience noir [de Steve Biko]
Peaux noires, masque blanc. [Frantz Fanon]
L’afrique doit s’unir. [Kwame Krumah]
Africains si vous parliez.[Mongo Beti]
L’Europe des Ethnies.[Guy Heraud]
Histoire de l’esclavage dans l’antiquité.[Henri Wallon]
La férocité Blanche.[Rosa Amelia Plumelle Uribe]
Esclavage antique et Idéologie moderne.[Moses I Finley]
Les noirs au cœur d’une institution millénaire eurasiatique.[Amouna Ngouonimba]
La France noire. [Pascal Blanchard]
Mythe et épopée I, II et III  [Dumézil… où sont expliqués toutes ses classifications sociales en fonction des couleurs sociales où globalement noir signifie être pauvre;
rouge signifie être un guerrier; blanc signifie être riche…]
Par Ghyslain Vedeux