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« Nkosi Sikelel’ iAfrika », l’hymne panafricain de libération

Histoire

« Nkosi Sikelel’ iAfrika », l’hymne panafricain de libération

Par Mathieu N'DIAYE 19 mars 2024

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Découvrez l’histoire de « Nkosi Sikelel’ iAfrika », un hymne composé par Enoch Sontonga devenu le symbole de la libération et de l’unité panafricaine, et aujourd’hui hymne national de plusieurs pays africains.

« Nkosi Sikelel’ iAfrika« , traduit par « Que Dieu bénisse l’Afrique » en Xhosa, est bien plus qu’un hymne ; c’est un puissant cri de ralliement qui a traversé les frontières et les générations, symbolisant la lutte pour la liberté et l’unité panafricaine. Composée en 1897 par Enoch Sontonga, cette mélodie émouvante est devenue l’incarnation musicale de l’aspiration à la libération, résonnant au cœur de mouvements de résistance à travers le continent africain. Adoptée par cinq pays africains comme hymne national, sa portée va bien au-delà de ses origines, capturant l’esprit d’une Afrique unie dans sa diversité et sa quête d’indépendance.

Nofi explore l’histoire captivante de « Nkosi Sikelel’ iAfrika« , de ses humbles débuts à son statut d’hymne panafricain de libération, témoignant de son impact indélébile sur l’identité africaine et la conscience collective.

Origines et signification de Nkosi Sikelel’ iAfrika

"Nkosi Sikelel' iAfrika", l'hymne panafricain de libération

En 1897, Enoch Sontonga1, enseignant dans une école méthodiste aux abords de Johannesburg, créa l’hymne emblématique « Nkosi Sikelel’ iAfrika« . Initialement, la composition incluait une strophe et un chœur, tous deux rédigés en Xhosa. Trente ans plus tard, en 1927, le célèbre poète Samuel Mqhayi2 enrichit l’œuvre en y ajoutant sept strophes supplémentaires, également en Xhosa, élargissant ainsi la profondeur et la portée de cet hymne devenu un symbole de l’unité et de la libération africaine.

Rapidement adoptée par les églises sud-africaines, « Nkosi Sikelel’ iAfrika » a gagné en popularité et a été intégrée au répertoire du chœur de l’Ohlange High School, établissement cofondé par le futur premier président de l’African National Congress (ANC)3. Symbolisant l’unité et l’espoir, cet hymne a marqué la clôture du congrès de l’ANC en 1912. En 1925, « Nkosi Sikelel’ iAfrika » a été officiellement adopté comme hymne de l’ANC, renforçant son rôle dans le mouvement de libération en Afrique du Sud.

Impact culturel et politique de l’hymne

Dévoilée au grand public en 1927, « Nkosi Sikelel’ iAfrika » est rapidement devenue un emblème de la résistance contre l’apartheid, incarnant les aspirations et la souffrance des opprimés en Afrique du Sud. Pendant des années, elle a été perçue comme l’hymne national non officiel du pays, en raison de son profond lien avec les idéaux de liberté et d’égalité portés par l’African National Congress (ANC). Toutefois, sa forte association avec l’ANC a conduit à son interdiction par le régime de l’apartheid, soulignant son impact et son importance dans le mouvement de libération.

En 1994, marquant la fin de l’apartheid, Nelson Mandela4, le nouveau président de l’Afrique du Sud, a proclamé « Nkosi Sikelel’ iAfrika » et « Die Stem van Suid-Afrika5 » (l’ancien hymne national afrikaner) comme les hymnes nationaux officiels du pays. Cette décision de conserver « Die Stem » aux côtés de « Nkosi Sikelel’ iAfrika » reflétait la détermination du gouvernement Mandela à engager un processus de réconciliation nationale, visant à unir toutes les communautés au sein de la nouvelle « Nation arc-en-ciel ».

L’hymne « Nkosi Sikelel’ iAfrika » célèbre la richesse linguistique de l’Afrique du Sud en intégrant plusieurs langues nationales. Les premières lignes de la strophe initiale sont en Xhosa, suivies de Zulu. La strophe suivante est interprétée en Sesotho, témoignant de la diversité culturelle du pays. La troisième strophe emprunte à « Die Stem van Suid-Afrika« , l’ancien hymne national, et est chantée en Afrikaans, tandis que la quatrième et dernière strophe, inspirée également de « Die Stem« , est exprimée en anglais. Cette composition polyglotte symbolise l’unité dans la diversité de la nation sud-africaine.

L’hymne national de plusieurs pays africains

« Nkosi Sikelel’ iAfrika« , transcendant ses origines, s’est établie comme un hymne de libération panafricain et a été adoptée comme hymne national par plusieurs pays africains, soulignant son impact et sa résonance à travers le continent :

  • Zambie : Servi d’hymne national de 1964 à 1973, marquant les premières années de l’indépendance du pays.
  • Tanzanie : La version en swahili, « Mungu ibariki Afrika« , continue d’être l’hymne national, célébrant l’unité et la souveraineté tanzaniennes.
  • Namibie : Adopté comme hymne national provisoire lors de l’indépendance en mars 1990, témoignant de la transition vers la liberté.
  • Zimbabwe : « Ishe Komborera Africa« , chanté en Shona et en Ndebele, fut l’hymne national jusqu’en 1994, symbolisant l’espoir d’une nation nouvellement indépendante.

Ces adoptions reflètent la puissance de « Nkosi Sikelel’ iAfrika » en tant que symbole de lutte, d’espoir et d’unité pour l’Afrique.

Les paroles de « Nkosi Sikelel’ iAfrika« , un hymne emblématique et un appel à la bénédiction divine sur l’Afrique, résonnent profondément dans le cœur de nombreux Africains. Voici le texte et sa traduction, reflétant l’espoir et la prière pour l’unité et la prospérité du continent :

Nkosi Sikelel’ iAfrika

Nkosi sikelel’ iAfrika
Maluphakanyis’ uphondo lwayo
Yiva imithandazo yethu
Nkosi sikelela, Thina lusapho lwayo

[Chorus]

Yehla Moya, Yehla Moya,
Yehla Moya Oyingcwele

Traduction : 

Seigneur, bénissez l’Afrique
Que sa corne se lève haut
Ecoutez nos prières
Et bénissez-nous.

[Refrain]

Descendez, Ô Esprit
Descendez, Ô Esprit Saint

Ces paroles, exprimant à la fois une supplication et une célébration de la spiritualité africaine, capturent l’essence de la lutte pour la liberté et l’harmonie sur le continent. « Nkosi Sikelel’ iAfrika » demeure un symbole puissant de l’identité africaine et de l’aspiration à la paix et à la justice.

Le film britannique « Cry Freedom« , réalisé par Richard Attenborough en 1987 et dédié à la vie du militant anti-apartheid Steve Biko6, conclut de manière poignante sur l’hymne panafricain « Nkosi Sikelel’ iAfrika« . Cette œuvre cinématographique, qui retrace le combat courageux de Biko pour la liberté et l’égalité en Afrique du Sud, choisit cet hymne emblématique pour son générique de fin, soulignant l’esprit d’unité et de résistance qui anime le continent africain.

Notes et références

  1. Enoch Sontonga (1873-1905) : Enseignant et compositeur sud-africain, mieux connu pour avoir écrit « Nkosi Sikelel’ iAfrika » en 1897, qui est devenu un hymne de libération panafricain et l’hymne national de plusieurs pays africains. ↩︎
  2. Samuel Mqhayi (1875-1945) : Poète et écrivain sud-africain, considéré comme le « père de la poésie Xhosa ». Il a étendu « Nkosi Sikelel’ iAfrika » en 1927 en ajoutant sept strophes supplémentaires à la chanson originale de Sontonga. ↩︎
  3. African National Congress (ANC) : Fondé en 1912, l’ANC est le principal mouvement de libération en Afrique du Sud, ayant mené la lutte contre la politique d’apartheid. Nelson Mandela, l’une de ses figures les plus emblématiques, en est devenu le président en 1991 après sa libération de prison. ↩︎
  4. Nelson Mandela (1918-2013) : Leader anti-apartheid, Mandela a été le premier président noir de l’Afrique du Sud, servant de 1994 à 1999. Il a reçu le prix Nobel de la paix en 1993 pour son travail dans la fin pacifique de l’apartheid et l’établissement des fondations de la démocratie. ↩︎
  5. Die Stem van Suid-Afrika : L’hymne national de l’Afrique du Sud de 1957 jusqu’à la fin de l’apartheid en 1994. Il a été écrit par C.J. Langenhoven en 1918. « Die Stem » a été intégré avec « Nkosi Sikelel’ iAfrika » pour former le nouvel hymne national de l’Afrique du Sud post-apartheid. ↩︎
  6. Steve Biko (1946-1977) : Militant anti-apartheid et fondateur du Mouvement de Conscience Noire en Afrique du Sud. Biko est devenu un symbole de la lutte contre l’oppression raciale. Il est mort en détention policière, son décès devenant un point de ralliement contre l’apartheid. ↩︎