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Moi président, je dis oui au franc CFA

Politique

Moi président, je dis oui au franc CFA

Par Mathieu N'DIAYE 22 décembre 2016

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Reçu cette semaine à Paris pour une «visite d’Etat» de cinq jours, Macky Sall le Président de la République du Sénégal à défendu le franc CFA lors d’un entretien pour le Point Afrique.

L’ancien franc des Colonies Françaises d’Afrique, désormais plus sous le nom de franc de la coopération/communauté Financière d’Afrique est selon l’avis de nombre d’intellectuels africains un véritable poison. Nous pourrions citer en exemple l’éminent économiste camerounais, Joseph Tchundjang Pouemi qui affirmait dans son ouvrage Monnaie, servitude, liberté : la répression monétaire de l’Afrique que cette devise coloniale n’est qu’un « instrument de répression monétaire de l’Afrique« .

En effet, l’impact de la France dans les affaires des nations de la zone CFA est insupportable. Comment expliquer que trois banques centrales africaines [1] soient sous le contrôle de l’ancienne puissance coloniale ? Comment expliquer que les représentants français de ces banques aient un droit de veto concernant les affaires africaines ? Les Nations de la zone CFA ne possèdent pas leur propre monnaie. Est-ce cela la véritable indépendance ?

Telle une hydre à quatre têtes, le Franc de la coopération/communauté Financière d’Afrique attaque sur plusieurs fronts :

  • la centralisation des resserves de change, le compte d’opération
  • la libre convertibilité du franc CFA en €
  • le principe de la fixité des parité
  • la libre transférabilité de la zone CFA vers la France

En clair, ce système oblige les banques centrales africaines à déposer au moins 50% de leurs réserves de change  au Trésor français. Avec le franc CFA, les nations africaines sont réduites à mendier pour bénéficier de leur propre richesse. Le développement des pays de la CEMAC et de l’UEMOA est sous la tutelle coloniale de la France.

La comparaison avec les pays d’Afrique anglophone lusophone devrait nous faire prendre conscience que le franc CFA est un véritable frein au développement de l’Afrique. Cet état de fait dramatique nécessite que les chefs africains mus par une réelle vision d’autodétermination se battent pour accéder à la souveraineté monétaire.

Après avoir intégré les éléments ci-dessus, il est difficile de comprendre les propos du président Macky Sall au sujet du CFA sans penser directement à la Françafrique. En effet, aux questions de Malick Diawara pour Le Point Afrique, au sujet de de la zone CFA, le président sénégalais a répondu :  

La monnaie CFA a des avantages. Elle a peut-être aussi des inconvénients, mais peut-on tout de suite la jeter et engager une aventure ? Je ne sais pas. Je n’ai pas les arguments qu’il faut pour aller dans cette direction. Par contre, nous devons améliorer le fonctionnement de la zone monétaire. Par exemple, la manière dont la Banque centrale doit accompagner les États dans leur politique de développement. C’est là une question de fond. Nous avons une institution forte et crédible. Et il ne faut pas la déstabiliser, car, quoi que l’on dise, le franc CFA est une monnaie stable. Cela dit, si on arrive à nous prouver, sans considération politicienne, de lutte anti-coloniale par exemple, qu’il faut choisir une autre voie, nous sommes assez autonomes et responsables pour l’emprunter. Pour le moment, j’aimerais qu’on nous éclaire davantage. En attendant, je dis que le franc CFA est une bonne monnaie à garder.

Ces déclarations sont  bien loin de l’anti-impérialisme d’un Thomas Sankara ou du panafricanisme monétaire d’un Mouammar Kadhafi. C’est à se demander si le Sénégal est une nation indépendante où une filiale de la France à laquelle les chefs de magasin rendraient régulièrement des comptes. A l’heure où de plus en plus de voix s’insurgent contre cette monnaie coloniale qui vampirise les peuples, les propos de Macky Sall semblent totalement déconnectés des aspirations populaires. Sans doute qu’être fait docteur honoris causa du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris, comme c’est le cas désormais, est-il plus important.

Toutefois, cela rappelle qu’il est grandement temps pour les économistes africains de plancher sur la question d’une éventuelle sortie du Franc CFA.

 [1] La Banque des États de l’Afrique Centrale  (BEAC), la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et la Banque centrale des Comores