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La trêve de Watts de 1992 : Quand Bloods et Crips s’unissaient contre le chaos

Société

La trêve de Watts de 1992 : Quand Bloods et Crips s’unissaient contre le chaos

Par Mathieu N'DIAYE 22 novembre 2016

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En cette époque où les bavures policières à l’encontre des afro-descendants se multiplient, l’appel à l’organisation communautaire semble de plus en plus entendu et compris. Il nous semblait donc judicieux de nous inspirer d’exemples du passé comme piste de réflexion afin de solutionner les problèmes du présent. C’est sur cette démarche que nous nous sommes penchés sur l’épisode méconnu dit de la « Trêve de Watts » de 1992.

Nous sommes en 1992. Quelques temps après le « cassage de  gueule » en règle de Rodney King par quatre policiers blancs. Les deux plus célèbres (et extrêmement violents) gangs de Los Angeles, les Crips et les Bloods se réunissent à Watts afin de mettre un terme aux violences au sein de la communauté. Le verdict de l’affaire Rodney King, à s’avoir l’acquittement des agresseurs est alors dans tout les esprits. La communauté noire (très remontée contre la LAPD, police de Los Angeles) était prête à défendre ses droits « by any means necessary*« .

C’est dans cette atmosphère électrique, précédant les émeutes de Los Angeles, que des centaines de Bloods et de Crips se ressemblent dans un gymnase de Watts (quartier majoritairement afro-américain de L.A). Ils conviennent d’un cessez-le-feu . Après avoir passé des décennies à s’entre-tuer, ils réalisent enfin que la police blanche et négrophobe est leur véritable ennemi. Selon certaines sources policières, le traité de paix vise essentiellement à focaliser la violence noire contre le police. Les chefs de gangs s’engagent donc à mettre sur pied un programme sportif pour la jeunesse. En cela, ils manifestent leur désir de passer du statut de destructeurs à celui de bâtisseurs de leur communauté.

L’unité et la paix comme solutions au chaos social

Après 20 ans de violences intestines, les frères ennemis ne l’étaient plus. Les relations se pacifièrent au point que le taux d’homicide baissa à l’époque de 44%. Par ailleurs, d’autres gangs californiens (les Latinos par exemple) enterrèrent eux aussi la hache de guerre. La trêve dura quelques années, mais comme souvent, l’unité noire est ressentie par les autorités comme une menace. Elle fut donc farouchement combattue. Ainsi, de nombreuses sources rapportent que les gangs furent infiltrés par la LAPD. Comme à la « belle époque » du programme COINTELPRO, ils semèrent le chaos en leur sein.

C’est une histoire qui ne sera jamais diffusée au JT de 20h, soyez-en sûr. On ne vous l’enseignera jamais au lycée ou à la fac non plus.

La trêve de Watts fut un symbole d’espoir pour la communauté noire. Elle fut l’expression de la volonté de ne plus attendre que d’autres fassent pour nous ce que nous sommes parfaitement capables de faire. La marque de l’autodétermination certaine d’une communauté débordante de potentiel et capable de s’élever par elle-même. Il ne s’agit pas là d’une utopie.C’est le résultat d’une sincère coopération communautaire. Puisse cet exemple nous servir dans notre démarche émancipatrice. Que cet exemple nous fasse comprendre que des frères et des sœurs  entièrement dévoués à l’unité de leur communauté s’avèrent souvent bien plus efficaces que quelques individus vindicatifs pris dans l’engrenage de la haine.

* »Par tous les moyens nécessaires »