Neïba

Republic of New Africa : un mouvement pour un état Noir autonome aux États-Unis

Politique

Republic of New Africa : un mouvement pour un état Noir autonome aux États-Unis

Par Mathieu N'DIAYE 28 décembre 2023

Pour ne rien manquer de l'actualité,
téléchargez l'application depuis ce lien
Recevez du contenu exclusif, de l'actualité, des codes promos Nofi Store ainsi que notre actualité évenementielle chaque week-end !

Au cœur des années 60, une période marquée par la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, naît un chapitre peu connu de l’histoire afro-américaine : la formation de la Republic of New Africa (RNA). Ce mouvement, fondé lors de la « Black Government Conference » à Detroit le 31 mars 1968, revendiquait l’établissement d’un état autonome pour les Noirs américains.

Fondation et idéaux de la Republic of New Africa

La Republic of New Africa (RNA), sous la direction d’Imari Obadele1, fut fondée avec l’objectif de créer un territoire souverain pour les Afro-Américains dans le sud des États-Unis. La vision de la RNA englobait des États à forte population noire, notamment la Louisiane, le Mississippi, l’Alabama, la Géorgie, les Carolines, l’Arkansas, le Texas, le Tennessee et la Floride.

Republic of New Afrika
États américains identifiés comme territoires nationaux assujettis lors de la conférence fondatrice de 1968.

Robert F. Williams, un président engagé

À la tête de cette république naissante, Robert F. Williams, ancien président de la NAACP de Monroe2, en Caroline du Nord, et défenseur de la défense armée de la communauté noire. La RNA, dotée d’une constitution et d’une structure gouvernementale, a élu Williams président, faisant de lui le symbole de la lutte pour l’autodétermination.

Republic of New Africa
Robert F. Williams président de la section de Monroe, en Caroline du Nord, de la NAACP dans les années 1950 et jusqu’en 1961.

Des revendications économiques et sociales fortes

La Republic of New Africa ne s’est pas contentée de revendications territoriales. Elle a exigé des réparations financières pour les sévices de l’esclavage et de la ségrégation, et a appelé à un référendum exclusif aux Afro-Américains pour décider de leur indépendance. Inspirée par l’Ujamaa de Julius Nyerere3, la RNA a cherché à établir un modèle politico-économique centré sur la communauté et l’autosuffisance.

Republic of New Africa
Julius Kambarage Nyerere4, premier ministre de la Tanzanie de 1960 à 1961

La répression et la résistance

Face à l’inévitable opposition du gouvernement américain, la RNA a envisagé des stratégies de résistance, y compris la formation de la « Black Legion« , une milice d’autodéfense. Les affrontements avec la police ont été inévitables, entraînant des arrestations et des accusations graves contre les membres de la RNA.

L’héritage de la Republic of New Africa

Drapeau de la Republic of New Afrika

Malgré la répression, les arrestations et la surveillance par le programme COINTELPRO5 du FBI, la RNA a survécu. Aujourd’hui, elle continue de militer et revendique des milliers de membres, perpétuant l’esprit de résistance et la quête d’autodétermination de la communauté afro-américaine.

Pour plus d’informations sur les mouvements de libération afro-américains et les luttes pour les droits civiques, suivez PANAFRICANISME D’HIER ET D’AUJOURD’HUI.

Notes et références

  1. Imari Obadele (1930-2010) était un militant politique afro-américain, principalement connu comme leader de la Republic of New Africa (RNA). Il a joué un rôle clé dans la promotion de l’idée d’un état souverain pour les Afro-Américains dans le sud des États-Unis. Obadele était un défenseur influent de l’autodétermination et des droits des Noirs, et son action a marqué l’histoire des mouvements de libération afro-américains. ↩︎
  2. Robert F. Williams (1925-1996) était un militant des droits civiques afro-américain, connu pour son approche militante contre le racisme et la ségrégation aux États-Unis. Il a préconisé l’auto-défense armée contre les attaques racistes et a été président de la branche de Monroe, en Caroline du Nord, de la NAACP. Williams s’est également exilé à Cuba et en Chine pendant la période de forte tension raciale aux États-Unis. Son approche radicale a influencé d’autres mouvements de libération noirs, dont le Black Panther Party. ↩︎
  3. L’Ujamaa était une politique de développement social et économique mise en œuvre en Tanzanie par le président Julius Nyerere. Basée sur des principes socialistes et africains traditionnels, l’Ujamaa visait à créer une société égalitaire et autonome à travers l’agriculture collective et l’auto-dépendance. Nyerere a cherché à éliminer les inégalités et à renforcer l’unité nationale, mais malgré ses intentions, l’Ujamaa a rencontré des défis économiques et n’a pas atteint tous ses objectifs. ↩︎
  4. Julius Kambarage Nyerere (1922-1999) était un homme d’État tanzanien, premier président de la Tanzanie après son indépendance. Figure clé du panafricanisme, il a joué un rôle majeur dans le mouvement pour l’indépendance africaine. Nyerere est surtout connu pour sa politique d’Ujamaa, un modèle de développement socialiste visant à créer une société égalitaire basée sur des principes de coopération et d’auto-suffisance. Il reste une figure respectée pour son intégrité et son dévouement au bien-être de son peuple et à l’unité africaine. ↩︎
  5. COINTELPRO, acronyme de Counter Intelligence Program, était un ensemble d’activités secrètes et souvent illégales menées par le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis. Lancé en 1956 par J. Edgar Hoover, ce programme visait à surveiller, infiltrer, discréditer et perturber les organisations politiques américaines internes. COINTELPRO ciblait des groupes et des individus considérés comme subversifs par le FBI, notamment les militants des droits civiques et d’autres mouvements progressistes. Ce programme est notoire pour ses méthodes qui violaient souvent les droits constitutionnels des individus ciblés. ↩︎