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Quand la Guadeloupe s’embrase: mai 1967, trois jours de sanglante répression

Société

Quand la Guadeloupe s’embrase: mai 1967, trois jours de sanglante répression

Par SK 13 mai 2016

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« Dis bonjour au nègre ! », et l’île s’embrasa. Les 25, 26 et 27 mai 1967, la Guadeloupe est secouée par de violentes émeutes. Elles feront plusieurs morts et autant de blessés. Partis d’un incident raciste, ces événements, comme ceux de 2009, marquent un tournant dans l’histoire moderne de l’île.

Tout commence par un événement de racisme ordinaire, le 20 mars 1967, à Basse-Terre. Vladimir Snrsky, commerçant, lâche son molosse sur un vieil homme handicapé alors en train de monter son étal, en face du magasin. « Dis bonjour au nègre ! » lance-t-il à son chien. Vladimir Snrsky est un Blanc, propriétaire d’un grand magasin. Droitiste et Gaulliste convaincu, il milite au sein de l’Union pour la Nouvelle République (UNR). Raphaël Balzinc, la victime, est un Noir. Une foule se rassemble autour de la scène, Snrsky, perché sur son balcon, la nargue avec aplomb. Cet incident, celui de trop, va déboucher sur une révolte de la population guadeloupéenne contre le système colonial, post-esclavagiste de la Métropole. L’île s’organise, une partie de ses habitants veut mettre à bas ce système qui, après les avoir déportés, les utilise et les humilie. Dans la nuit du 23 au 24 mars, une bombe éclate à Pointe-à-pitre (capitale). Paris ouvre une enquête. La sédition est actée, KaruKera ne reculera pas.

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L’insurrection programmée

En 1962, l’autonomiste Albert Béville et le guyanais Justin Catayée, meurent  dans un étrange accident d’avion. En 1963, quelques citoyens créent le GONG, Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe. Aussitôt, la structure prend ses distances d’avec les partis classiques, notamment le parti communiste Guadeloupéen, avec lequel il rompt en 1965.  Faire valoir le droit des Antillais et s’élever contre l’oppression ; une démarche que la Métropole observe d’un œil inquiet. Le Gong est surveillé et soupçonné à la moindre agitation. Lorsque la bombe éclate, c’est naturellement cette piste que suit la Direction de la surveillance du territoire (DST). Les gendarmes sont déployés en escadrons. La tension s’accentue jusqu’au mois de mai. Des grèves s’organisent*, l’île suffoque. Les revendications des ouvriers se font plus fermes : augmentation des salaires, égalité des droits.

Stèle en hommage aux 4 morts de la répression de mai 1967

Stèle en hommage aux 4 morts de la répression de mai 1967

Le brasier

Le 24 mai 1967, les grèves généralisées se poursuivent. Une manifestation s’organise à Pointe-à-Pitre, deux jours plus tard, devant la Chambre de commerce. Les négociations entre syndicats et patronat piétinent. Elles tournent court. Le préfet a ordonné aux gendarmes de disperser les manifestants : si la foule attaque, ils doivent tirer. Les affrontements commencent dans un nuage de gaz lacrymogène. Les grévistes ripostent à l’aide de projectiles (cailloux, bouteilles, bâtons). Dans l’après-midi, un agent retire son casque ; il est prend un coup à la tête. La garde ouvre le feu. Jaques Nestor, militant du Gong prend une balle en plein ventre et s’écroule. Il sera le premier mort. S’ensuivront trois jours de répression sanglante. Ces événements tragiques ne seront pas officiellement évoqués. Ce n’est que 42 ans plus tard, en 2009, lorsque la Guadeloupe s’embrase à nouveau, qu’il en est fait mention. Aucune source n’est en mesure de fournir un nombre précis de morts et de blessés. L’Etat dira moins d’une dizaine, les syndicats guadeloupéens parleront de centaines.

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* Le 14 février 1952: Depuis le 16 mars 1956, les Antilles sont des départements français. Pourtant rien ne change dans l’application des lois. En 1951, des salariés des plantations de Grande-Terre exigent la diminution de leurs tâches, l’augmentation de leurs salaires et donc une hausse du prix de la canne sucre (à la tonne). Un mouvement de grève est lancé. Le 14 février 1952, au Moule les salariés de la sucrerie Gardel (usine Sainte-Marie), soutenus par les fonctionnaires, barricadent l’accès au bâtiment, . Les CRS tirent sur la foule, désarmée. Quatre guadeloupéens meurent, quatorze autres sont blessés. Cet événement reste dans l’histoire sous le nom de Massacre de la Saint-Valentin.