L’Empire de Ghana (Wagadou)

Fondé au début du premier millénaire de notre ère sur les territoires des actuels Mauritanie et Mali par les ancêtres des actuels Soninkés, Ghana est considéré comme le premier empire d’Afrique de l’Ouest. Sa renommée a notamment conduit le premier président du premier pays africain décolonisé, Kwame Nkrumah, à utiliser son nom pour nommer la république du Ghana.

Par Sandro CAPO CHICHI / Nofipedia

Origines
L’histoire de l’empire de Ghana nous sont connues par les textes des auteurs arabophones médiévaux, par la tradition orale et l’archéologie. Ghana est mentionné pour la première fois vers la fin du 8ème siècle de notre ère par l’érudit al-Fazari. Il y est décrit comme ‘pays de l’or’. Bien que Ghana soit toujours donné comme nom au pays et à sa capitale par les écrivains arabophones comme al-Bakri au 11ème siècle, il n’est que le titre donné au roi. Le véritable nom de l’état de Ghana selon al-Bakri serait Awkar, qui a été rapproché d’une actuelle région de Mauritanie, mais qui pourrait être une déformation du nom soninké Wagadu. Ce dernier est le nom d’un royaume ancestral des Soninkés connu à partir de leur tradition orale. Cette dernière fait venir les fondateurs de Wagadou de l’est et parfois plus clairement de la ville de Sonna, décrite comme correspondant à la ville d’Assouan de l’époque de l’Egypte pharaonique sous la conduite d’un certain Dinga.

L'actuelle ville d'Assouan, Egypte
L’actuelle ville d’Assouan, Egypte

Certains éléments de cette légende, analysée par l’égyptologue sénégalais A.M. Lam trouve des échos dans les faits égyptiens anciens qui en font l’une des plus solides traditions orales africaines modernes parlant d’une origine égyptienne. Cette tradition reste toutefois à être confirmée par l’archéologie ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Certains archéologues voient Ghana / Wagadu comme l’état successeur de la civilisation de Tichitt (entre 2600 avant notre ère et 400 de notre ère) qui connaissait la culture du millet, la poterie et l’architecture en pierre et dont les habitants auraient été progressivement amenés à migrer vers le sud sur le territoire de Ghana devant l’évolution des conditions climatiques et la pression de nomades.

objets de pierre utilisés dans la culture de Tichitt
objets de pierre utilisés dans la culture de Tichitt

D’après le Tarikh al-Sudan, une chronique ouest-africaine datant du 17ème siècle, 22 rois auraient régné avant 622 et 22 après, la dynastie ayant selon lui été fondée par des ‘Blancs’. Selon d’autres écrits de voyageurs arabes du 11ème et du 13ème siècle, les rois de Ghana à cette époque prétendaient descendre du Prophète Mohammed. Ces opinions sont aujourd’hui majoritairement rejetées par la plupart des spécialistes qui associent la fondation de Ghana avec les ancêtres biologiques et culturels des actuels Soninkés.

La tradition de ce peuple fait de Diabe, un des fils du fameux Dinga, le premier Kaya Maghan ou Tounka (souverain) du Ghana et fondateur de la dynastie des Cissé, bien qu’aucune date ne puisse être attribuée avec certitude à cette fondation.

L’histoire

Comme on l’a dit, les premières mentions écrites de Ghana datent du 8ème siècle. L’empire est parvenu à son apogée au 11ème siècle en servant d’état intermédiaire dans le commerce de l’or entre les régions de l’Afrique de l’Ouest saharienne et sub-saharienne. En s’approvisionnant en or auprès du peuple appelé ‘Lam Lam’ habitant une zone mal définie mais correspondant sans doute aux régions du Bambouk et de Bouré, et en le vendant aux régions plus au nord, il allait considérablement s’enrichir, son roi allant même jusqu’à être décrit comme ‘le plus riche des rois de la terre’ au 10ème siècle par Ibn Hawkal.

Ruines d'Aoudaghost (crédit photo : Will Doherty)
Ruines d’Aoudaghost (crédit photo : Will Doherty)

Ghana allait aussi s’enrichir en contrôlant le commerce du sel au 11ème siècle en s’assurant la soumission de la ville berbère d’Awdaghost. Au 11ème siècle, l’empereur de Ghana possède une armée de 200000 hommes dont 40000 archers ainsi que des cavaliers. La capitale du royaume, que les traditions locales appelaient Kumbi est souvent identifiée à la ville de Kumbi Saleh en Mauritanie. Toutefois, récemment, des archéologues ont contesté cette identification et ont proposé une localisation aux alentours du Moyen Niger, près d’Akoumbou, de Méma ou de la région des Lacs dont les vestiges d’agglomérations les plus importants remontent au début du premier millénaire alors que Kumbi Saleh n’a que peu de vestiges d’avant le onzième siècle.

ruines de Kumbi Saleh (crédit photo : Will Doherty)
Ruines de Kumbi Saleh (crédit photo : Will Doherty)

Dès cette époque toutefois, la plupart des ministres du roi était choisie parmi les musulmans et un siècle plus tard environ, au 12ème siècle, le roi est décrit comme étant musulman. Le roi aurait été très proche du peuple, s’attachant dans plusieurs contextes à régler personnellement les litiges entre ses sujets. Au 11ème siècle, d’après al-Bakri qui avait recueilli des témoignages de première main sur Ghana sans toutefois quitter son Andalousie natale, le roi était le Tunka Menin et son prédécesseur s’appelait Bassi.

La fin

Grâce aux témoignages arabes, on sait que Ghana était à son apogée entouré par des royaumes puissants comme celui de Tekrur et de Silla.

 

Carte de Ghana à son extension maximale (crédit: metmuseum)
Carte de l’empire de Ghana à son extension maximale (crédit: metmuseum)

On sait toutefois que Ghana va perdre de son pouvoir après le 11ème siècle après des troubles causés par les envahisseurs almoravides. Ibn Khaldun, un historien du 14ème siècle décrit l’affaiblissement du royaume sous la pression des Susu, peuple du célèbre souverain de l’épopée de Soundjata, Soumaoro Kanté. Par la suite, Ghana devient une province de l’empire de Mali, perdant totalement son influence dans ce commerce de l’or dans la région qui avait autrefois assuré sa prospérité.

Bibliographie

« The conquest that never was: Ghana and the Almoravids, History in Africa / David C. Conrad, Humphrey J. Fisher

L’empire de Ghana  : le Wagadou et les traditions de Yéréré / Germaine Dieterlen, Diarra Sylla

Les Chemins du Nil : Les relations entre l’Egypte ancienne et l’Afrique Noire / Aboubacry M. Lam

Corpus of Early Arabic Sources for West Africa / Nehemia Levtzion, John F.P. Hopkins (éds)

Medieval West Africa: Views from Arab Scholars and Merchants / Nehemia Levtzion, Jay Spaulding (éds)

The Oxford handbook of african archaeology /  Peter Mitchell, Paul Lane (éds)

L’Afrique soudanaise au Moyen âge : le temps des grands empires (Ghana, Mali, Songhaï) / Francis Simonis

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