L’Empire du Mali : histoire, culture et héritage d’un géant d’Afrique de l’Ouest

L’Empire du Mali, une civilisation emblématique d’Afrique de l’Ouest, est célèbre pour sa richesse, sa culture florissante et ses dirigeants puissants. Cet empire, qui a prospéré du 13ème au 16ème siècle, a laissé une empreinte indélébile sur l’histoire mondiale.

L’Empire du Mali, fondé par les ancêtres des populations mandingues modernes (Malinke, Bambara, Dioula, Mandinka, etc.), a dominé une grande partie de l’Afrique de l’Ouest du Moyen Âge. S’étendant du Sénégal à l’ouest au Niger à l’est et de la Mauritanie au nord à la Côte d’Ivoire au sud, cet empire avait son centre au Mali et en Guinée-Conakry. À son apogée au 14ème siècle, il couvrait plus d’un million de km², devenant l’un des plus vastes et prospères empires de l’histoire africaine.

Empire du Mali : histoire, culture et héritage d'un géant de l'Afrique de l'Ouest
L’empire du Mali vers 1350.

Connu sous le nom de Manden par les populations mandingues, l’Empire du Mali pourrait avoir été appelé ainsi par des populations étrangères comme les Peuls. Les écrivains arabes l’ont également désigné par divers noms tels que Malel, Malal, Mellal, Mellit ou Mallei. Le nom « Mali » apparaît pour la première fois sous la forme « Mellal » au 9ème siècle.

Au 11ème siècle, Al-Bakri1 mentionne les villes de Mellal et Daw, proches de mines d’or, situées dans la région qui deviendra le cœur de l’Empire du Mali. Au siècle suivant, Al-Idrisi2 décrit Mallal comme un vassal de l’empire du Ghana, impliqué dans le commerce d’esclaves avec le Maghreb, et mentionne le grand royaume voisin de Daw, que certains chercheurs associent à l’empire de Soussou.

L’émergence de Soundjata, le héros mandingue et la naissance d’un empire

L'Empire du Mali : histoire, culture et héritage d'un géant de l'Afrique de l'Ouest

Aux alentours du XIIIe siècle, Soundjata Keïta, un prince mandingue, a mené une révolte victorieuse contre l’autorité du Soussou, dirigé par l’empereur Soumahoro Kanté, s’appropriant ainsi son territoire. Le règne de Soundjata est marqué par la conquête de nombreux territoires, y compris celui du Djoloff (l’actuelle Sénégambie), ce qui a laissé un héritage positif encore célébré dans la tradition orale.

Soundjata est également reconnu pour avoir établi la Charte du Kouroukan Fouga3, considérée par certains comme la plus ancienne déclaration des droits de l’homme, abolissant potentiellement l’esclavage. Cependant, des doutes subsistent quant à son authenticité, car des manuscrits arabes ultérieurs mentionnent la présence continue d’esclaves.

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La porte du Kouroukan Fouga, dans l’actuelle Kangaba, en République du Mali

Alors que la tradition mandingue aurait voulu qu’un des frères de Soundjata lui succède, c’est son fils, Wulen, qui prit le pouvoir. Cela pourrait indiquer une influence musulmane déjà présente, d’autant plus que le célèbre explorateur Ibn Battuta4 mentionne que Soundjata s’était converti à l’Islam. Cependant, l’Islam n’était qu’une religion adoptée partiellement par les souverains du Mali, certains empereurs refusant délibérément d’islamiser leurs sujets, notamment ceux travaillant dans les mines d’or, pour maximiser le rendement.

Illustration du livre de Jules Verne « Découverte de la terre » dessinée par Léon Benett.
Ibn Battuta (1304-68/69) était un érudit et voyageur berbère marocain.

Après une guerre de succession, le pouvoir fut usurpé par un ancien esclave nommé Sakoura. Son règne fut marqué par de riches conquêtes, incluant les cités de Tombouctou, Gao, et Tekrour. Sakoura entreprit même le pèlerinage à la Mecque, mais fut assassiné par des guerriers afars lors de son retour dans la Corne de l’Afrique.

Une exploration vers les Amériques ?

Selon le récit de l’historien arabe Al-Umari5, le prédécesseur du célèbre empereur Kankou Moussa aurait lancé une audacieuse expédition maritime pour découvrir ce qu’il y avait de l’autre côté de l’Atlantique.

Lors de son pèlerinage à la Mecque en 1324, Mansa Moussa raconte à l’émir du Caire qu’il est devenu roi après que son prédécesseur ait équipé une flotte de 200 navires pour explorer l’Atlantique. Un seul navire est revenu, rapportant qu’une mystérieuse rivière dans l’océan avait englouti le reste de la flotte. Déterminé à trouver la fin de l’Atlantique, le roi a préparé 2 000 navires et a personnellement mené une deuxième expédition, dont il n’est jamais revenu.

Portrait présumé de Christophe Colomb, attribué à Ridolfo del Ghirlandaio : yeux bleus, visage allongé au front haut, nez aquilin, menton orné d’une fossette, cheveux devenus blancs dès l’âge de 30 ans.

Bien que ce récit soit le seul témoignage connu de cette expédition, certains historiens prennent au sérieux la possibilité de ce voyage. Des descriptions d’hommes noirs par les explorateurs européens comme Christophe Colomb ont été interprétées comme une possible confirmation. Cependant, aucune preuve archéologique solide n’a encore été trouvée pour soutenir cette théorie.

Le récit d’Al-Umari, rapporté après une entrevue avec Mansa Moussa lors de son pèlerinage, fournit des détails fascinants sur cette expédition. Mansa Moussa aurait déclaré que son prédécesseur, probablement Abu Bakr II, était obsédé par la découverte de l’extrémité de l’Atlantique. Après l’échec de la première expédition, il aurait lui-même pris la mer avec une flotte massive, laissant le trône à Moussa.

Bien que ce récit soit intriguant, les preuves physiques manquent. Des recherches archéologiques et des études de documents historiques européens rapportent des mentions d’hommes noirs en Amérique avant Colomb, mais sans confirmation définitive. Certains historiens modernes, tels que Gaoussou Diawara6, soutiennent l’idée que les Maliens ont pu atteindre les Amériques, mais cette théorie reste débattue.

Le règne de Kankou Moussa, un âge d’or pour l’Empire du Mali

Détail de la feuille 6 de l’Atlas catalan montrant Mansa Musa

Lorsque le prédécesseur supposé, Aboubakri II, céda le trône à Kankou Moussa, ce dernier devint le souverain le plus célèbre de l’Empire du Mali. Selon le Tarikh el-Fettach (Chronique du chercheur), une chronique du XVIIe siècle, Moussa entreprit un pèlerinage à la Mecque après un accident tragique impliquant sa mère.

Son voyage à la Mecque est resté dans les annales pour son faste incroyable. Moussa distribua tant d’or durant son voyage qu’il fit chuter le cours de ce métal précieux. Ce pèlerinage mit en lumière la richesse et la puissance de l’Empire du Mali à travers le monde.

Sous son règne, l’empire atteignit son apogée territoriale, s’étendant de la côte atlantique à la ville d’Essouk, du Sahara aux forêts du Sud. Bien qu’il n’ait pas conquis de nouveaux territoires par la guerre, la portée de son influence était immense. Il invita l’architecte andalou Al-Sahili7, qui conçut de nombreux bâtiments, dont la célèbre mosquée de Djinguereber à Tombouctou.

Carte postale publiée par Edmond Fortier montrant la mosquée en 1905-1906

Moussa joua un rôle crucial dans la promotion de l’Islam au Mali, faisant construire des mosquées et des centres d’apprentissage à Tombouctou. Il envoya également des étudiants étudier à Fez, au Maroc. Un érudit de la Mecque, Abd al Rahman al-Tamimi8, nota que les savants de Tombouctou surpassaient ses propres connaissances en droit islamique.

La mosquée de Sankoré (photo par Fortier, vers 1905).

Moussa mourut en 1337 après avoir envoyé une ambassade au sultan du Maroc. Bien qu’il soit critiqué dans la tradition orale pour avoir dépensé les richesses de l’empire, entraînant ainsi son déclin, son règne reste une période emblématique de prospérité et d’influence culturelle pour l’Empire du Mali.

Le déclin de l’Empire du Mali

Après la mort de Kankou Moussa, son fils Maghan prend le pouvoir, mais subit une défaite face au royaume mossi de Yatenga (actuel Burkina Faso). Son frère, Souleymane, est décrit par Al-Umari comme le plus puissant roi d’Afrique noire musulmane. Sous son règne, l’empire compte 13 provinces, y compris les anciens territoires du Ghana, de Gao, et de Tekrour, avec la capitale à Niani. Cependant, des fouilles suggèrent que l’ancienne capitale pourrait être Sorotomo, près de Ségou au Mali.

La Grande mosquée de Djenné – Patrimoine mondial de l’Humanité.

À cette période, l’empire commence à perdre de son influence en raison des attaques des Touaregs, des Peuls et des Songhaïs, qui fondent l’Empire de Songhaï. Le dernier empereur, Mahmoud, déplace la capitale de Niani à Kangaba, siège de la famille royale des Kéita. Après la défaite de Songhaï par les Marocains, Mahmoud tente de reprendre Djenné mais échoue. L’Empire du Mali se divise alors en plusieurs entités politiques autonomes, marquant la fin de la dynastie Kéita et de l’empire.

Pour en savoir plus

Pour approfondir vos connaissances sur l’Empire du Mali et ses influences culturelles et historiques, consultez les ouvrages suivants :

  • In search of Sunjata : The Mande Oral Epic as History, Literature, and Performance, édité par Ralph A. Austen
  • In Quest of Susu, HA, 21(1994), par Stephan Bühnen
  • En finir avec l’identification du site de Niani (Guinée-Conakry) à la capitale du royaume du Mali, par F-X Fauvelle-Aymar
  • The History of Islam in Africa, édité par Nehemia Levtzion et Randall Pouwels
  • The Oxford Handbook of African Archaeology, édité par Peter Mitchell et Paul Lane
  • L’Afrique soudanaise au Moyen Âge : Le temps des grands empires (Ghana, Mali, Songhaï), par Francis Simonis

Notes de bas de page

  1. Al-Bakri : Al-Bakri (1014-1094) était un géographe et historien andalou. Ses écrits, notamment dans « Livre des Routes et des Royaumes« , offrent des descriptions précieuses des régions de l’Afrique de l’Ouest, y compris des premiers témoignages sur l’Empire du Ghana et les villes de l’Empire du Mali. ↩︎
  2. Al-Idrisi : Al-Idrisi (1100-1165) était un géographe et cartographe arabo-andalou. Il est célèbre pour son ouvrage « Nuzhat al-Mushtaq« , qui décrit de nombreuses régions du monde connu, y compris l’Afrique de l’Ouest, et pour ses cartes détaillées qui ont été utilisées pendant des siècles. ↩︎
  3. Kouroukan Fouga : La Charte du Kouroukan Fouga est une constitution orale attribuée à Soundjata Keïta, fondant l’Empire du Mali. Considérée comme l’une des premières déclarations des droits de l’homme, elle réglementait divers aspects de la société mandingue. ↩︎
  4. Ibn Battuta : Ibn Battuta (1304-1369) était un explorateur et érudit marocain. Ses voyages l’ont conduit à travers l’Afrique, l’Asie et l’Europe, et ses récits fournissent des descriptions précieuses de nombreuses cultures, y compris l’Empire du Mali. ↩︎
  5. Al-Umari : Al-Umari (1301-1349) était un géographe et historien arabe. Ses écrits, basés sur des entretiens avec des voyageurs comme Mansa Moussa, fournissent des informations importantes sur l’histoire et la culture de l’Empire du Mali. ↩︎
  6. Gaoussou Diawara : Gaoussou Diawara est un historien malien. Il est connu pour ses recherches sur les expéditions maritimes de l’Empire du Mali et ses théories sur les explorations transatlantiques avant l’arrivée des Européens. ↩︎
  7. Al-Sahili : Al-Sahili (1290-1346) était un architecte andalou invité par Kankou Moussa. Il a conçu plusieurs bâtiments emblématiques, dont la célèbre mosquée de Djinguereber à Tombouctou, influençant significativement l’architecture islamique en Afrique de l’Ouest. ↩︎
  8. Abd al Rahman al-Tamimi : Abd al Rahman al-Tamimi (1140-1207) était un érudit originaire de la région de la Mecque. Lors de sa visite à Tombouctou, il a été impressionné par le niveau de connaissance en droit islamique des savants locaux, témoignant de l’importance de l’enseignement dans l’Empire du Mali. ↩︎

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