Okomfo Anokye, le magicien à l’origine de la confédération ashanti

Si la fondation de la confédération ashanti est associée à son premier roi Osei Tutu, elle l’est aussi au ‘prêtre’ (okomfo) Anokye, auquel la tradition attribue un grand nombre d’événements magiques à l’origine de l’émergence de cet état. Personnage historiquement obscur, il est aussi considéré comme le créateur de la Constitution de l’état ashanti.

Par Sandro CAPO CHICHI

Origines

Anokye est le plus souvent présenté comme étant né  dans les années 1600 dans la ville d’Awukugua, région de l’Akwapem, dans l’est de l’actuel Ghana d’un père appelé Ano et d’une mère appelée Manubea. Il serait d’origine Guan, un important groupe ethnique du Ghana, à côté, notamment, des Ga-Adangme, des Ewés, ou des Akans dont font partie les Ashantis. On en fait aussi et entre autres un Akan de l’Adansi, fils de Kyei Birie et d’une mère appelée Dwirawira Kwa. Anokye étant un personnage extrêmement populaire à l’heure actuelle, beaucoup de populations ont toutefois cherché à le rattacher à leurs cultures : il est ainsi aussi présenté comme étant né dans la localité d’Agona et comme étant, même partiellement, appartenant au clan Oyoko d’Osei Tutu, le premier roi de la confédération ashanti. Une légende supportant la première hypothèse veut qu’Anokye soit né avec le poing gauche fermé et difficile à ouvrir par ses parents. Quand l’enfant l’aurait finalement ouverte, ils y auraient découvert une amulette, ce qui aurait été considéré comme le signe de capacités surnaturelles chez lui. Sa mère se serait alors écriée à son mari « Ano kye » (Ano, regarde en langue guan), d’où l’origine de son nom. Anokye aurait été le frère de Yamua, futur chef de la localité d’Agona. Anokye aurait ensuite voyagé soit vers le Denkyira ou l’Akwamu, deux des plus puissants états de l’aire culturelle akan à ce moment. Il y aurait été élève dans un couvent, avant que ses capacités de prophétie et de guérison n’inquiètent le conseiller en chef de son roi. Menacé, il aurait du fuir vers un autre état.

La rencontre avec Osei Tutu

Selon différentes traditions, c’est soit à la cour du roi de l’Akwamu ou plus souvent à celle de Denkyira qu’Anokye aurait rencontré Osei Tutu. Selon une version, alors qu’Okomfo Anokye aurait été condamné pour traîtrise, Osei Tutu aurait obtenu sa libération. Puis remarquant son pouvoir et sa qualité de conseiller, il l’aurait convié à l’accompagner. Ce trait comportemental négatif n’est pas isolé dans les descriptions d’Anokye qui est souvent décrit comme arrogant, irrespectueux des règles de société et des anciens. Une autre version aurait vu le roi d’Agona, Yamua, conseiller son homologue chef de Kwaman et oncle d’Osei Tutu, Obiri Yeboah dans le cadre d’une guerre imminente. Sentant qu’Obiri Yeboah serait tué pour ne pas avoir écouté son frère, Anokye aurait prévenu Osei Tutu et l’aurait emmené en Akwamu. Lorsqu’ Osei Tutu aurait été cherché par les populations de Kwaman pour en faire leur roi à la mort d’Obiri Yeboah, il aurait été frappé de la variole. Osei Tutu l’aurait guéri de ce mal. Il s’agit des premiers actes de solidarité des deux hommes dont le lien allait contribuer à fonder la nation ashanti.

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La fondation de la confédération Ashanti

Après avoir couronné Osei Tutu, Anokye se serait distingué en étant à l’origine du nom de la ville de Kumasi, future capitale de la confédération ashanti. Pour désigner la capitale d’Osei Tutu, il aurait planté la graine de l’arbre kum dans les villes de Kwaman et de Kumawu disant que l’arbre poussant le plus vite correspondrait à son choix. Kwaman fut choisie et renommée Kumasi (sous l’arbre Kum). Il aurait ensuite aidé, grâce à ses prédictions et à ses potions à aider Osei Tutu à unifier les populations de la région de Kumasi. Lorsqu’Osei Tutu décida de réunir différents chefs en vue de leur union pour se libérer du joug de Denkyira, Okomfo Anokye aurait fait tomber du ciel le siège d’or qui renfermerait l’âme et l’unité de la nation ashanti sur les genoux d’Osei Tutu. Ce miracle aurait permis aux autres chefs présents de reconnaître l’autorité de ce dernier dans la confédération ashanti. Il aurait également planté dans le sol un sabre qui s’il devait être un jour déterré, la nation ashanti devrait s’effondrer. Il aurait aussi créé les 77 (nombre indéfini exprimant la totalité chez les Ashantis) lois de la confédération ashanti. Lors de la guerre contre le Denkyira, il aurait joué un rôle fondamental en empêchant Osei Tutu de diriger ses troupes lors de la guerre, sans quoi il se serait fait tuer selon sa propre prédiction. Il se serait aussi transformé en femme pour accéder à la cour de Ntim Gyakari, roi de Denkyira pour le piéger. Il serait aussi parvenu à ensorceler l’armée de Denkyira qu’il aurait conduit à la défaite malgré sa supériorité numérique. En récompense de son rôle dans la victoire de l’Ashantui contre le Denkyira, il aurait, selon certaines traditions, été nommé chef du territoire d’Agonahene. La fin de l’existence connue d’Okomfo Anokye serait la suivante. En quête du secret de l’immortalité, Okomfo Anokye aurait demandé à n’être dérangé en aucun cas pendant une longue période sans que des coups de feu ne soient tirés. Toutefois, un de ses neveux ou de ses nièces aurait déclaré sa mort et ouvert sa hutte d’où il aurait alors disparu à jamais.

Okomfo Anokye a-t-il réellement existé ?

Si Anokye est aujourd’hui omniprésent dans les récits historiques de l’Ashanti, il est en est notablement absent avant la deuxième moitié du 19ème siècle. Bien qu’il existe une mention européenne d’un personnage contemporain répondant à son ‘signalement’, son nom n’est pas mentionné et il pourrait ne pas s’agir du même personnage. Outre les miracles qu’il a pu accomplir qui font douter de son historicité, il semble qu’il s’agisse plutôt d’une personnification a posteriori de l’ordre et du désordre divins, de cette légitimité et de ces épreuves qui ont permis à Osei Tutu et à la nation ashanti de s’établir et de se maintenir. Et le cas de l’épée d’Okomfo Anokye, symbole de la survie de l’Ashanti, que personne, pas même l’homme le plus fort du monde des années 60, Cassius Clay, n’était arrivé à déterrer, semble le confirmer.

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Bibliographie

Gérard Pescheux, Le royaume asante, Ghana : parenté, pouvoir, histoire, XVIIe-XXe siècles, Paris : Éd. Karthala, 2003, 582 p.

Ivor Wilks, Asante in the nineteenth century [Texte imprimé] : the structure and evolution of a political order,  London ; New York : Cambridge University Press, cop. 1975: 1 vol. (XVII-800 p.)

T. C. McCaskie

The Journal of African History, Vol. 48, No. 1 (2007),

Londres : Cambridge University Press, pp. 1-25

Komfo Anokye of Asante: Meaning, History and Philosophy in an African Society

T. C. McCaskie

The Journal of African History, Vol. 27, No. 2,

 

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