Découvrez l’incroyable destin de Charles-Guillaume Castaing, un libre de couleur de Saint-Domingue devenu cousin par alliance de Napoléon, entre ascension sociale, amours interdites et exil politique.
Dans la tourmente de la Révolution française, l’histoire de Guillaume Castaing, libre de couleur originaire de Saint-Domingue, et de son union improbable avec Françoise de Beauharnais, cousine de l’impératrice Joséphine, révèle les contradictions profondes de la France post-révolutionnaire. Entre intégration sociale, ascension politique et racisme institutionnalisé, le destin de Castaing incarne le combat pour la reconnaissance des élites noires à une époque où l’égalité proclamée se heurtait aux préjugés raciaux. Cette histoire, mêlant passions, trahisons et ambitions, résonne comme un écho des luttes pour la justice et la dignité des descendants africains dans l’espace européen.
Une ascension contrariée
L’histoire de Charles-Guillaume Castaing est celle d’un homme au carrefour de deux mondes : Saint-Domingue, perle des Antilles, et la France, berceau des Lumières et des révolutions. À la fin du XVIIIe siècle, alors que les idéaux républicains proclament l’égalité de tous les citoyens, la réalité sociale demeure marquée par des hiérarchies raciales tenaces. Castaing, mulâtre libre et influent à la Convention, en fit l’amère expérience.
Son mariage avec Marie-Françoise de Beauharnais, cousine germaine et belle-sœur de Joséphine de Beauharnais, future impératrice des Français, incarne cet espoir de méritocratie républicaine. Pourtant, la montée au pouvoir de Napoléon Bonaparte réduit à néant ces aspirations. Castaing devient « le nègre » honni par l’Empereur, assigné à résidence dans la Meuse, loin des fastes de Paris.
Des « grands mulâtres »

Contrairement à la croyance populaire, Charles-Guillaume Castaing n’est pas né d’un colon blanc et d’une esclave noire. Issu d’une union entre mulâtres libres, il appartient à cette élite créole qui navigue entre les sphères dominantes de Saint-Domingue et la métropole. Son père, Guillaume Castaing, déjà mulâtre libre, avait su imposer sa présence à Paris, obtenant gain de cause contre un influent nantais lors d’un procès en 1780.
Cette ascension sociale repose sur des stratégies d’alliance et une capacité à naviguer les complexités juridiques et sociales de l’époque. Les Castaing ne se contentent pas de gérer des plantations ; ils s’insèrent dans les réseaux d’influence, à la fois en France et dans les colonies.
Le réseau Beauharnais
La révolution française bouleverse les hiérarchies. En 1794, alors que la Terreur fait rage, Castaing, influent à la Convention, sauve de l’échafaud Marie-Françoise de Beauharnais. Leur mariage, célébré en 1797 à Paris, scelle l’union de deux mondes : celui des libres de couleur de Saint-Domingue et celui de l’aristocratie française en pleine mutation.
Cette alliance place Castaing dans le cercle rapproché de Joséphine de Beauharnais. Pourtant, cette proximité deviendra un fardeau lorsque Napoléon, hostile à toute remise en cause de l’ordre racial, accède au pouvoir. La révolution, qui avait permis l’émancipation des libres de couleur, se retourne contre eux sous l’Empire.
L’exil intérieur à Sampigny

En 1801, Napoléon Bonaparte, qui ne réfère à Castaing que par le terme méprisant de « nègre », l’exile avec sa famille au château de Sampigny, dans la Meuse. Officiellement « gouverneur » du domaine, Castaing est en réalité assigné à résidence, interdit de paraître à Paris.
Ce bannissement illustre le retour en force des préjugés raciaux sous l’Empire. Alors que l’égalité avait été proclamée en 1792, la répression napoléonienne contre les anciens révolutionnaires de couleur est implacable. Castaing, autrefois acteur de la vie politique parisienne, est réduit au silence dans une province reculée.
Une famille entre intégration et ostracisme
Les Castaing, malgré leur proximité avec le pouvoir impérial, ne parviennent pas à s’intégrer pleinement aux élites françaises. Leurs alliances matrimoniales avec des familles blanches, comme les Beauharnais, n’empêchent pas leur marginalisation progressive.
La descendance de Charles-Guillaume, loin de briller dans les sphères du pouvoir, s’éteint discrètement à Sampigny et à Sézanne. Le mépris racial persiste, confinant ces « aristocrates de couleur » à une position ambiguë, ni tout à fait acceptés, ni complètement exclus.
L’ombre des Lumières
L’histoire de Charles-Guillaume Castaing est celle des espoirs déçus d’une époque qui proclamait l’égalité tout en perpétuant des hiérarchies raciales. Son parcours, de Saint-Domingue à la Convention, puis à l’exil intérieur, révèle les limites de l’idéal républicain face aux préjugés ancrés dans la société française.
Son expérience interroge la capacité des sociétés à intégrer réellement la diversité, au-delà des proclamations de principe. Plus de deux siècles plus tard, le destin de Castaing résonne comme un rappel des luttes inachevées pour l’égalité et la reconnaissance des contributions des Afro-descendants à l’histoire de France.
Sources
- Érick Noël, Les Castaing, des « aristocrates de couleur » entre la France et Saint-Domingue (fin XVIIIe siècle – début XIXe siècle), 2003.
- Jacques de Cauna, L’Eldorado des Aquitains, Atlantica, 1998.
- Dominique Rogers, Catherine Françoise Ardisson, Dictionnaire des gens de couleur dans la France moderne, Droz, 2013.
- Stewart R. King, Blue Coat or Powdered Wig: Free People of Colour in Pre-revolutionary Saint-Domingue, University of Georgia Press, 2001.